D. UNE DÉFINITION EXTENSIVE DES LOIS-CADRES POURRAIT DONNER AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL UN RÔLE DE « JUGE DES FINANCES PUBLIQUES »

La proposition de loi précise que, lors de son contrôle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel devrait se prononcer sur la conformité de ces textes à la loi portant cadre financier pluriannuel.

Un tel rôle constituerait une extension considérable de la portée du contrôle du Conseil constitutionnel, par ailleurs mal définie.

En examinant dans quelle mesure les dispositions de la loi de finances sont conformes aux dispositions de la loi-cadre s'imposant à elles, le Conseil constitutionnel devrait donc porter son regard sur les plafonds de charges des administrations, sur la trajectoire des prélèvements obligatoires, sur l'objectif de solde public, voire sur la stratégie d'investissements publics. Son contrôle, actuellement limité à un examen juridique de constitutionnalité et non à un contrôle d'opportunité, devrait nécessairement prendre une dimension économique ou financière et risquerait d'ériger le Conseil constitutionnel en juge financier, ce qui n'est pas sa compétence actuelle.

Il convient de ne pas faire du Conseil constitutionnel la chambre d'appel de la discussion budgétaire.

En outre l'étendue même de ce contrôle serait définie non pas dans la Constitution, comme c'est le cas de ses autres compétences, mais dans une loi organique, chargée de déterminer dans quels domaines la loi-cadre s'impose ou non aux lois de finances.

Il n'est donc pas possible, en examinant la présente proposition de loi constitutionnelle, de savoir quelle serait la portée exacte de ce contrôle.

E. L'INSERTION DES DISPOSITIONS FISCALES DANS LES SEULES LOIS DE FINANCES DOIT DEMEURER UNE BONNE PRATIQUE, MAIS DES EXCEPTIONS DOIVENT RESTER POSSIBLES

La présente proposition de loi, selon son exposé des motifs, établit le monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales.

Depuis le début des années 2010 et une circulaire du Premier ministre François Fillon11(*), les gouvernements successifs se sont efforcés de ne pas proposer de mesure fiscale dans les textes autres que des lois de finances. Depuis 2018, cette pratique a été renforcée par l'exclusion des mesures fiscales des lois de finances rectificative de fin d'année, conduisant même à la création, par la révision de la loi organique aux lois de finances en date du 28 décembre 2021, de lois de finances de fin de gestion dans lesquelles l'insertion de dispositions fiscales est interdite.

L'inscription dans la Constitution permettrait d'éviter une remise en cause de ce principe, qui garantit la cohérence et la visibilité de la discussion des dispositions fiscales.

Toutefois il paraît risqué de se priver totalement de la possibilité d'inclure des dispositions fiscales limitées dans des textes ordinaires. Déposer un projet de loi de finances rectificative pour une simple mesure fiscale liée à d'autres dispositions relevant de la loi ordinaire serait sans doute excessif et n'aurait qu'un intérêt limité.

En outre et surtout, un monopole fiscal strict des lois de finances constituerait une restriction forte à l'initiative parlementaire puisqu'elle ne permettrait plus aux membres du Parlement de proposer des mesures fiscales dans des propositions de loi. La proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, sur laquelle un accord vient d'être trouvé en commission mixte paritaire, illustre l'intérêt, dans un cas particulier, de discuter à la fois des aspects fiscaux et des aspects réglementaires d'un dispositif. Il en est de même de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations, dont le rapporteur pour avis de la présente proposition de loi constitutionnelle est également rapporteur pour avis au nom de la commission des finances.

Le cadre actuel donnant satisfaction, il paraît donc préférable de le maintenir et, en cas de nécessité, de le rappeler aux Gouvernements car il a d'abord pour objectif d'éviter des initiatives fiscales dispersées des ministres.


* 11 Circulaire du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale, parue au Journal officiel du 4 juin 2010.

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