N° 579

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif,

Par M. Jean-François HUSSON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet,
Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

1176, 1928 et T.A. 231

Sénat :

292 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Déposée le 28 avril 2023 par Annaïg Le Meur et plusieurs de ses collègues, la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif devait initialement ne concerner que les zones tendues. Le titre de la proposition de loi a ensuite été amendé pour tenir compte de l'évolution du texte, qui concerne désormais l'ensemble du territoire. Elle a été adoptée le 29 janvier 2024 par l'Assemblée nationale.

La commission des finances, réunie le 7 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, a examiné le rapport de M. Jean-François Husson sur les articles 3 et 4 de la proposition de loi n° 292 (2023-2024), délégués à la commission des finances par la commission des affaires économiques.

Alors que nos concitoyens rencontrent d'importantes difficultés pour accéder au logement, la présente proposition de loi apporte quelques éléments de réponse, afin de limiter l'essor des meublés de tourisme et l'effet d'éviction sur le parc de logements.

Outre les mesures de régulation et d'encadrement de l'activité, qui relèvent de la compétence de la commission des affaires économiques, les articles 3 et 4 prévoient des dispositifs fiscaux censés rendre le régime fiscal applicable aux meublés de tourisme moins attractif.

La commission a ainsi adopté deux amendements du rapporteur. Le premier amendement ( COM-37) vise à modifier l'article 3 afin :

- d'aligner le plafond du régime micro-BIC applicable aux locations meublées de tourisme non classés sur celui des loueurs de meublés non professionnels (LMNP), à savoir 23 000 euros ;

- d'aligner les revenus tirés de la location de meublés classés sur un régime micro-BIC existant, en les intégrant aux catégories d'activité qui bénéficient du régime jusqu'à 77 700 euros de chiffre d'affaires et de 50 % d'abattement. Cet alignement permet de conserver un caractère incitatif au classement et de prendre en compte le différentiel de charges existant entre un meublé classé et un meublé non classé ;

- de supprimer la référence à un abattement de 71 % pour certains meublés de tourisme classés, qui constitue, dans le droit actuellement en vigueur, un avantage fiscal excessif. Ainsi, est également supprimée la référence à un zonage, alors que l'ensemble des hébergements classés sont intégrés à une même catégorie.

Le second amendement ( COM-38) supprime l'article 4, qui modifie de manière substantielle le régime d'imposition des plus-values des loueurs de meublés touristiques non professionnels sans qu'aucune étude d'impact n'ait été réalisée en amont, ni qu'aucune évaluation précise n'ait pu être transmise ensuite.

I. LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME A TOURNÉ À L'IMBROGLIO LORS DE L'EXAMEN DU PLF 2024

A. LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT D'UNE FISCALITÉ FAVORABLE AU TITRE DU RÉGIME MICRO-BIC, QUE LE GOUVERNEMENT A VOULU RÉFORMER SANS S'Y ÊTRE VRAIMENT PRÉPARÉ

La classification d'un meublé de tourisme permet aux loueurs de bénéficier d'un régime fiscal favorable. Avant la loi de finances initiale pour 2024, alors que le droit commun du régime micro-BIC prévoyait, pour les meublés non classés, un abattement sur le chiffre d'affaires de 50 % jusqu'à un plafond de 77 700 euros, l'abattement sur le chiffre d'affaires était porté à 71 % et le plafond d'éligibilité à 188 700 euros pour les hébergements classés. Dans une interview au Parisien en date du 26 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait indiqué vouloir remettre en cause le niveau d'abattement applicable aux revenus issus de la location de meublés classés de tourisme.

Ainsi, le ministre a indiqué « nous allons également prendre une mesure sur les locations meublées classées, type Airbnb. Aujourd'hui, environ 100 000 logements loués en France bénéficient d'un abattement fiscal de 71 %. C'est énorme ! C'est une incitation à ne pas mettre son logement à la location, puisque vous pouvez gagner autant d'argent en trois mois qu'en une année ! Nous réduirons cet abattement fiscal à 50 % comme pour les autres logements meublés pour que ces Airbnb reviennent sur le marché. » Qu'il soit permis de rectifier ici les propos du ministre : l'abattement de 71 % concerne uniquement les meublés de tourisme classés, soit seulement un cinquième des logements mis en location sur Airbnb1(*).

Le projet de loi de finances pour 2024, présenté en conseil des ministres le lendemain, 27 septembre, ne comportait cependant aucune mesure concernant les meublés de tourisme. Le sujet a finalement été intégré au texte par la voie d'un amendement gouvernemental alors que le rapport recommandant cette évolution avait été produit près d'un an et demi auparavant. Ce procédé, auquel le Gouvernement a un recours abusif, a pour conséquence que le Parlement ne dispose d'aucune analyse précise des conséquences de sa mesure, faute d'évaluations préalables. L'article introduit par le Gouvernement supprimait donc le régime préférentiel des meublés classés, et les renvoyait au même régime que les meublés non classés, à savoir un abattement de 50 % jusqu'à 77 700 euros. Un abattement supplémentaire de 21 % du chiffre d'affaires était également prévu, portant l'abattement à 71 %, pour les logements s'ils n'étaient pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logement et si le chiffre d'affaires lié à cette activité n'excédait pas 50 000 euros.

Modifications du régime fiscal de la location meublée
proposées initialement par le Gouvernement

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat

B. LE GOUVERNEMENT A RETENU PAR INADVERTANCE, DANS LE TEXTE DÉFINITIF DE LA LOI DE FINANCES POUR 2024, LE DISPOSITIF VOTÉ PAR LE SÉNAT

Le Sénat a, sur la proposition conjointe de Nathalie Goulet, Max Brisson, Ian Brossat et Rémi Féraud, ainsi que plusieurs de leurs collègues, adopté un dispositif prévoyant l'application d'un abattement réduit à 30 % pour les locaux meublés de tourisme non classés, dans un plafond de revenus de 15 000 euros. Par ailleurs, un abattement supplémentaire de 21 % était prévu pour les abattements classés, soit un abattement total de 92 % pour les locaux classés meublés de tourisme situés hors des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, dans la limite d'un chiffre d'affaires hors taxes de 15 000 euros.

En nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a, dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, retenu cet article sans modification, reconnaissant par la suite une erreur. Postérieurement à la promulgation de la loi de finances pour 2024, la doctrine fiscale a indiqué que, « afin de limiter les conséquences d'une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, il est admis que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions de l'article 50-0 du code général des impôts, dans leur version antérieure à la loi de finances pour 2024 ».

II. LA PROPOSITION DE LOI PROPOSE DE NOUVEAUX PARAMÈTRES POUR L'IMPOSITION AU RÉGIME MICRO-BIC DES MEUBLÉS DE TOURISME

L'article 3 de la présente proposition de loi propose de modifier les seuils d'éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux des abattements applicables. Le dispositif prévoit que les meublés de tourisme classés seraient éligibles jusqu'à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu'à 15 000 euros de revenus. L'abattement applicable s'élèverait dans les deux cas à 30 %.

Le dispositif prévoit de porter l'abattement du régime micro-BIC à 71 % du chiffre d'affaires pour les hébergements classés lorsqu'ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou dans une commune classée station de sports d'hiver et d'alpinisme. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d'affaires n'excéderait pas 50 000 euros au cours de l'année.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC
adoptés par l'Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat

III. LA COMMISSION A MAINTENU L'OBJECTIF DE RÉÉQUILIBRER LA FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME ET TOUT EN MAINTENANT LA SIMPLICITÉ DU RÉGIME MICRO-BIC

L'amendement COM-37 adopté par la commission propose d'aligner le taux d'abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés sur le régime micro-foncier de la location nue, à savoir un abattement de 30 % du chiffre d'affaires.

Par ailleurs, dans un objectif de lisibilité et de simplicité, l'amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d'affaires.

Proposition de plafonds et d'abattements du régime micro-BIC

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat

Les meublés de tourisme classés doivent faire l'objet d'un traitement différencié par le législateur dans la mesure où le classement des hébergements meublés répond à un objectif de montée en gamme des capacités d'accueil touristique. Ainsi, l'amendement COM-37 adopté par la commission des finances prévoit que les meublés de tourisme classés bénéficient d'un abattement de 50 %. Ils seraient ainsi maintenus dans le droit commun du régime micro-BIC et ne feraient pas l'objet d'un traitement dérogatoire comme les meublés de tourisme non classés. L'amendement supprime la référence à un zonage, qui reviendrait, au regard des autres taux définis par l'amendement, à maintenir une dépense fiscale excessive au profit de certains hébergements et qui créerait des différences entre contribuables difficilement justifiables.

IV. UNE RÉFORME À L'AVEUGLE DU CALCUL DE LA PLUS-VALUE DES LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME NON PROFESSIONNELS

L'article 4 de la proposition de loi prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens. Ce dispositif ayant été introduit par amendement parlementaire lors de l'examen du texte par la commission des finances de l'Assemblée nationale, il n'est accompagné d'aucune étude d'impact et l'administration n'a été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dispositif. Alors que les régimes d'imposition des plus-values des particuliers et des professionnels diffèrent sensiblement, notamment en termes d'abattements et d'exonérations, il aurait pourtant été indispensable d'évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime, afin de s'assurer qu'il ne conduit pas à des différences de traitement injustifiées. L'amendement  COM-38, adopté par la commission, a supprimé cet article et renvoyé une éventuelle modification de ce dispositif fiscal à la loi de finances, sur la base d'une étude précise de son impact.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 3

Réforme du régime micro-BIC pour les loueurs de meublés touristiques

Le présent article prévoit de modifier les seuils d'éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux d'abattements applicables.

Il convient d'abord de noter une difficulté d'ordre rédactionnel : l'article modifie le texte de l'article 50-0 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances initiale pour 2024. Il est donc inopérant ce qui rend nécessaire de procéder à sa réécriture, ne serait-ce que pour corriger cette erreur.

Par ailleurs, le régime prévu au présent article prévoit que les meublés de tourisme classés soient éligibles jusqu'à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu'à 15 000 euros de revenus. L'abattement applicable s'élèverait dans les deux cas à 30 %. L'abattement serait néanmoins porté à 71 % du chiffre d'affaires pour les hébergements classés lorsqu'ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ou dans une commune classée station de sports d'hiver et d'alpinisme. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d'affaires n'excéderait pas 50 000 euros au cours de l'année.

Parce que le régime micro-BIC doit demeurer un régime simplifié et cohérent avec les autres dispositifs existants, la commission a adopté un amendement COM-37 visant à :

- aligner le plafond du régime micro-BIC applicable aux locations meublés de tourisme sur celui des loueurs de meublés non professionnels (LMNP), à savoir un plafond de 23 000 euros ;

- aligner les revenus tirés de la location de meublés classés sur un régime micro-BIC existant, en les intégrant aux catégories d'activité qui bénéficient du régime jusqu'à 77 700 euros de chiffre d'affaires et de 50 % d'abattement. Cet alignement permet de conserver un caractère incitatif au classement, et de prendre en compte le différentiel de charge existant entre un meublé classé et un meublé non classé ;

- supprimer la référence à un abattement de 71 % pour certains meublés de tourisme classés, qui constitue un avantage fiscal excessif. Ainsi, est également supprimée la référence à un zonage, alors que l'ensemble des hébergements classés sont intégrés à une même catégorie.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA RÉFORME MANQUÉE DE LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024

A. LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT HISTORIQUEMENT D'UNE FISCALITÉ FAVORABLE AU TITRE DU RÉGIME MICRO-BIC

La location meublée est soumise au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), tandis que les revenus de la location nue sont considérés comme des revenus fonciers.

La classification d'un meublé de tourisme permet aux loueurs de bénéficier d'un régime fiscal favorable. Avant la loi de finances initiale pour 2024, alors que le droit commun du régime micro-BIC prévoyait, pour les meublés non classés, un abattement sur le chiffre d'affaires de 50 % jusqu'à un plafond de 77 700 euros2(*), l'abattement sur le chiffre d'affaires était porté à 71 % et le plafond d'éligibilité à 188 700 euros pour les hébergements classés.

Il convient de préciser que, même en deçà de ces différents seuils, les loueurs de meublé peuvent toujours faire le choix du régime réel, qui leur permet de déduire de leurs revenus les charges réelles, les amortissements, ainsi que les intérêts d'emprunt.

La classification est attribuée aux meublés de tourisme sur la proposition d'un organisme accrédité ou agréé et comporte cinq catégories ou « étoiles », attribuées selon 133 critères relatifs aux équipements du logement, aux services apportés au client, à l'accessibilité et au développement durable3(*). Les chambres d'hôtes, pour leur part, sont définies comme des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations4(*).

Comparaison des modes de comptabilisation des charges
avant la loi de finances pour 2024

 

Location nue

Location meublée

BIC réel para-hôtelier

Micro-foncier

Foncier réel

Micro-BIC
- location d'habitation meublé

Micro-BIC
- meublé de tourisme classé et chambre d'hôte

BIC réel

Conditions

Revenus < 15 k€

Revenus > 15 k€ ou sur option ou imposés dans le cadre d'un régime particulier

Revenus < 77,7 k€

Revenus < 188,7 k€

Revenus supérieurs à 188,7 k€ ou sur option

Fourniture de trois prestations annexes

Calcul des charges déductibles des revenus

30 % des revenus (loyers hors charges acquittées par le locataire)

Charges réelles (hors amortissements) + intérêts d'emprunts

50 % des revenus (loyers
+ charges du locataire)

71 % des revenus (loyers + charges
du locataire)

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Source : commission des finances

B. LORS DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024, LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME A ÉTÉ MARQUÉE PAR L'IMPRÉPARATION INITIALE DU GOUVERNEMENT ET PAR SON ERREUR NAVRANTE LORS DE L'ÉLABORATION DU TEXTE FINAL

1. Une réforme annoncée, mais non préparée

Les corps d'inspection de l'État ont remis en juin 2022 au Gouvernement un rapport sur la lutte contre l'attrition des résidences principales, qui formulait des propositions en matière fiscale5(*).

La proposition n° 1 de ce rapport est de supprimer l'abattement complémentaire sur l'assiette de l'impôt sur le revenu associé aux meublés de tourisme classés et de ramener, dans le cadre du régime micro-BIC, le seuil de revenu généré des meublés classés au seuil classique. Cette mesure devait être applicable en zones tendues A bis, A et B1 au sens du zonage A/B/C des aides à l'investissement locatif6(*).

Dans une interview au Parisien en date du 26 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait indiqué vouloir remettre en cause le niveau d'abattement applicable aux revenus issus de la location de meublés classés de tourisme.

Ainsi, le ministre a indiqué « nous allons également prendre une mesure sur les locations meublées classées, type Airbnb. Aujourd'hui, environ 100 000 logements loués en France bénéficient d'un abattement fiscal de 71 %. C'est énorme ! C'est une incitation à ne pas mettre son logement à la location, puisque vous pouvez gagner autant d'argent en trois mois qu'en une année ! Nous réduirons cet abattement fiscal à 50 % comme pour les autres logements meublés pour que ces Airbnb reviennent sur le marché ».7(*) Qu'il soit permis de rectifier ici les propos du ministre : l'abattement de 71 % concerne uniquement les meublés de tourisme classé, et non les logements mis en location sur Airbnb8(*). Cette confusion démontre l'impréparation du Gouvernement voire une facilité politique induisant en erreur nos concitoyens sur la réalité de l'action gouvernementale.

Le projet de loi de finances pour 2024, présenté en conseil des ministres le lendemain, 27 septembre, ne comportait cependant aucune mesure concernant les meublés de tourisme. Le sujet a finalement été intégré au texte par la voie d'un amendement gouvernemental, alors que le rapport recommandant cette évolution avait été produit près d'un an et demi auparavant. Ce procédé, auquel le Gouvernement a un recours abusif, a pour conséquence que le Parlement ne dispose d'aucune analyse précise des conséquences de sa mesure dans le cadre des évaluations préalables. Autant dire que le démarrage était manqué.

2. L'imbroglio de l'examen du projet de loi de finances

a) L'amendement initial du Gouvernement

L'article 5 duodecies9(*) tel qu'issu de la première lecture du texte par l'Assemblée nationale visait à exclure les locaux classés meublés de tourisme du bénéfice du seuil haut de 188 700 euros, les soumettant automatiquement au seuil bas de 77 700 euros et ramenant le niveau de l'abattement à 50 %.

Toutefois, l'article introduit par le Gouvernement accordait un abattement supplémentaire de 21 % du chiffre d'affaires, c'est-à-dire qu'il maintenait l'abattement de 71 %, à deux conditions cumulatives :

- s'ils n'étaient pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, c'est-à-dire qu'ils devaient être situés dans les zones B2 et C des aides à l'investissement locatif ;

- si le chiffre d'affaires hors taxes lié à cette activité n'excédait 50 000 euros au cours de l'année civile précédente.

Modifications du régime fiscal de la location meublée
proposées par l'article 5 duodecies tel qu'il résultait de la première lecture du projet de loi de finances pour 2024 par l'Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

L'amendement du Gouvernement justifiait la mesure par la volonté de « mettre fin à une différence de traitement en fonction du classement des locaux qui ne correspond plus à la réalité économique de ces activités », tout en soutenant les contribuables qui exercent une activité accessoire de location meublée lorsqu'elle n'entre pas en concurrence avec l'offre locative de résidences principales.

Néanmoins, l'amendement ne présentait aucun chiffrage de l'impact attendu sur la conversion de meublés touristiques en locations à usage de résidence principale dans les territoires concernés, ni sur les recettes fiscales de l'État.

b) L'adoption d'amendements identiques au Sénat, restés dans le texte final par l'inadvertance du Gouvernement

Le Sénat a, sur la proposition conjointe de Nathalie Goulet, Max Brisson, Ian Brossat et Rémi Féraud, ainsi que plusieurs de leurs collègues, modifié le dispositif de l'article 5 duodecies. Tel qu'issu des travaux du Sénat, le dispositif prévoit l'application d'un abattement réduit à 30 % pour les locaux meublés de tourisme non classés, dans un plafond de revenus de 15 000 euros.

Un abattement supplémentaire de 21 % est prévu pour les abattements classés, soit un abattement total de 92 %, pour les locaux classés meublés de tourisme situés hors des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, dans la limite néanmoins d'un chiffre d'affaires hors taxes de 15 000 euros.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC adoptés
en première lecture du projet de loi de finances pour 2024

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

En deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a, dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, retenu cet article sans modification.

Postérieurement à cet engagement de responsabilité, le Gouvernement a toutefois indiqué qu'il s'agissait d'une erreur et qu'il avait l'intention de revenir sur les votes du Sénat, ce qu'il s'est engagé à faire dans un texte ultérieur. Cette pratique a démontré une fois de plus que l'utilisation extrême de la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 49, avec la multiplication de dispositifs non discutés et non évalués, résultant de la simple reprise d'amendements, n'a pas seulement pour effet un dessaisissement du Parlement : l'absence de débat aboutit à la production d'un texte sur lequel le Gouvernement lui-même finit par ne plus avoir aucune maîtrise.

Postérieurement à la promulgation de la loi de finances pour 2024, la doctrine fiscale a indiqué que, « afin de limiter les conséquences d'une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, il est admis que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions de l'article 50-0 du CGI, dans leur version antérieure à la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ».

Un recours a été déposé devant le Conseil d'État par deux des sénateurs à l'initiative de l'amendement10(*), ainsi que l'association pour un tourisme professionnel (AToP), le groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR) et l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) : ces derniers souhaitent que soit appliquée aux revenus 2023, le régime de l'article 45 de la loi de finances initiale pour 2024.

À ce stade, le Conseil d'État a rejeté la requête en référé déposée par les sénateurs estimant qu'il n'y avait pas de « situation d'urgence telle qu'elle justifie la suspension de son exécution sans attendre le jugement au fond », pour lequel l'audience se tiendra « dans les prochaines semaines ».

En tout état de cause, c'est bien le dispositif de l'article 45 de la LFI pour 2024 qui doit s'appliquer aux revenus perçus en 2024, contrairement à ce qui aurait été indiqué par l'exécutif à la presse, à savoir que « la disposition n'a pas vocation à s'appliquer dans l'intervalle » courant jusqu'à une nouvelle réforme du dispositif.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE NOUVELLE RÉFORME DU RÉGIME MICRO-BIC APPLICABLE AUX LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME, AVEC UN NOUVEL AJUSTEMENT DES PARAMÈTRES

A. LE RETOUR À UNE VERSION PROCHE DE CELLE PROPOSÉE INITIALEMENT PAR LE GOUVERNEMENT, MAIS QUI DURCIT LES PLAFONDS ET LE RÉGIME DES ABATTEMENTS

L'article 3 de la présente proposition de loi propose de modifier les seuils d'éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux d'abattements applicables.

Il convient d'abord de noter une difficulté d'ordre rédactionnel : le texte tel qu'il est rédigé s'impute sur le texte de l'article 50-0 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances initiale pour 2024. Il est permis de s'étonner d'une telle situation, alors que l'article en question a été débattu par l'Assemblée nationale le lundi 29 janvier et qu'un amendement aurait pu utilement tirer les conséquences de la modification législative intervenue un mois auparavant.

Le dispositif prévoit que les meublés de tourisme classés seraient éligibles jusqu'à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu'à 15 000 euros de revenus. L'abattement applicable s'élèverait dans les deux cas à 30 %.

B. LE MAINTIEN D'UN ABATTEMENT MAJORÉ DANS CERTAINS TERRITOIRES

Le dispositif prévoit de porter l'abattement du régime micro-BIC à 71 % du chiffre d'affaires pour les hébergements classés lorsqu'ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques ou dans une commune classée station de sports d'hiver et d'alpinisme. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d'affaires n'excéderait pas 50 000 euros au cours de l'année.

Ce régime dérogatoire est néanmoins conditionné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC
adoptés par l'Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE SIMPLE, LISIBLE ET COHÉRENT AVEC L'OBJECTIF DE RÉÉQUILIBRAGE DE LA FISCALITÉ ENTRE LOCATION NUE ET LOCATION MEUBLÉE

A. LE RÉGIME MICRO-BIC DOIT DEMEURER SIMPLE ET LISIBLE POUR LE CONTRIBUABLE

Alors que les différentes initiatives de réforme intervenues ces derniers mois conduisent toutes à une complexification du régime micro-BIC, il convient de rappeler qu'il s'agit d'un régime simplifié, permettant aux contribuables de bénéficier d'un régime clair et simple à mettre en oeuvre. Il est donc nécessaire de maintenir ce qui est l'objectif de ce régime : la simplicité.

C'est pour cette raison qu'il est notamment proposé par l'amendement COM-37 la suppression du zonage prévu par le texte adopté par l'Assemblée nationale. Cette mesure permet d'éviter de créer de la complexité pour le contribuable, et des différences de traitement selon les communes. Par ailleurs, alors que des communes présentant des caractéristiques similaires peuvent avoir des positions très différentes sur la question des meublés de tourisme, il n'apparaissait pas réaliste de parvenir à un zonage consensuel, qui puissent répondre aux demandes de tous les acteurs. Les débats récents sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), ont bien montré la difficulté de l'exercice.

Par ailleurs, l'objectif de simplicité doit être concilié avec celui poursuivi par les auteurs de la proposition de loi, à savoir de rééquilibrer les régimes fiscaux applicables à la location nue et à la location meublée de tourisme. Ainsi, l'amendement COM-37 propose d'aligner le taux d'abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés sur le régime micro-foncier de la location nue, à savoir un abattement de 30 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs, dans un objectif de lisibilité et de simplicité, l'amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d'affaires.

B. LE MAINTIEN D'UNE INCITATION AU CLASSEMENT POUR LES LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME

Les meublés de tourisme classés doivent faire l'objet d'un traitement différencié. En effet, le classement des hébergements meublés répond à un objectif de montée en gamme des capacités d'accueil touristique, dont doit tenir compte le législateur. Les charges sont différentes entre les deux types d'hébergements, et le régime micro-BIC doit conserver ce différentiel.

Ainsi, l'amendement COM-37 propose que les meublés de tourisme classés bénéficient d'un abattement de 50 %. Ils seraient ainsi maintenus dans le doit commun du régime micro-BIC, et ne feraient pas l'objet d'un traitement dérogatoire comme les meublés de tourisme non classés.

L'amendement supprime toute référence à un zonage, qui reviendrait, au regard des autres taux définis par l'amendement, à maintenir une niche fiscale au profit de certains hébergements.

D'abord, comme l'ont relevé plusieurs auditionnés, et en particulier la direction générale des entreprises dans ses réponses au questionnaire, « il conviendrait de ne pas faire mention de la notion de « station classée de sport d'hiver », dès lors que la catégorie des stations classées de sport d'hiver et d'alpinisme a été supprimée dans le cadre de la réforme du classement des communes touristiques issue de la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 et de son décret d'application (décret n° 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme) ».11(*)

De plus, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, il est difficilement justifiable de mettre en place des régimes d'abattement différenciés qui seraient sans lien avec l'objet du régime micro-BIC. La différence de traitement entre les hébergements de montagne et les autres hébergements ne semble pas avoir été justifiée par les auteurs du texte.

Il convient donc de mettre en oeuvre un dispositif fiscal équilibré, qui ne constitue plus un avantage fiscal injustifié pour certaines catégories de contribuables.

Le dispositif ainsi proposé est juste, simple et équilibré : il supprime l'abattement de 71 % qui paraît excessif, il met en cohérence le dispositif fiscal applicable aux locations meublées de tourisme avec des seuils existants, il supprime un zonage inopérant et aussi difficile à justifier qu'à dessiner et, enfin, il maintient une incitation au classement.

Décision de la commission : la commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Réintégration au calcul de la plus-value de cession des amortissements pour les loueurs de meublés touristiques non professionnels

Le présent article prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens.

Néanmoins, ce dispositif ayant été introduit par amendement parlementaire lors de l'examen du texte par la commission des finances de l'Assemblée nationale, il n'est accompagné d'aucune étude d'impact, et l'administration n'a été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dispositif.

Alors que les régimes d'imposition des plus-values des particuliers et des professionnels diffèrent sensiblement, notamment en termes d'abattements et d'exonérations, il aurait pourtant été indispensable d'évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime, afin de s'assurer qu'il ne conduit pas à des différences de traitement injustifiées.

La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PLUS-VALUES DES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS SONT IMPOSÉES SUIVANT LE RÉGIME DE LA PLUS-VALUE DES PARTICULIERS, LES AMORTISSEMENTS DÉDUITS DES REVENUS N'ÉTANT PAS RÉINTÉGRÉS AU MOMENT DU CALCUL

A. LA POSSIBILITÉ DE DÉDUIRE LES AMORTISSEMENTS POUR LES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS

Au régime réel, le bénéfice net imposable des loueurs de meublés non professionnel (LMNP) est déterminé dans les conditions de droit commun par la différence des produits et des charges issues des opérations de toute nature de l'entreprise.

Le loueur peut donc déduire les amortissements de biens donnés en location meublée. En application de l'article 38 sexies du code général des impôts, annexe III, les immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible ne peuvent être comptabilisé en amortissement. Ainsi, par exemple, les terrains ne peuvent pas être considérés comme des éléments donnant lieu à amortissement. La quasi-totalité des autres composantes du logement peuvent faire l'objet d'amortissements (y compris le gros oeuvre, sur des durées pouvant aller jusqu'à 40 et 50 ans).

Les amortissements sont admis en déduction du résultat imposable, au titre d'un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis. Ils permettent donc de réduire fortement la part des revenus imposables.

B. L'ABSENCE DE RÉINTÉGRATION DES AMORTISSEMENTS LORS DU CALCUL DE LA PLUS-VALUE

Les plus-values réalisées lors de la cession de locaux relevant du régime LMNP sont soumises aux règles prévues à l'article 150 U du CGI et à l'article 150 VH du CGI, qui correspondent au régime des plus-values des particuliers.

Ainsi, quand bien même des amortissements auront pu être déduits des revenus issus de la location du bien, ces revenus ne sont pas réintégrés en application de ce régime. Il s'agit d'une différence notable avec le régime de la location de meublé professionnelle, qui donne lieu à la réintégration des amortissements déduits des revenus.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA RÉINTÉGRATION AU CALCUL DE LA PLUS-VALUE DES AMORTISSEMENTS DÉDUITS DES REVENUS DES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS

Le présent article prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens, lorsque ces biens ont été loués comme meublés de tourisme.

L'article ne modifie pas l'alignement sur le régime d'imposition des particuliers, mais prévoit de façon dérogatoire la réintégration des amortissements.

Le dispositif est gagé, alors qu'il devrait permettre un gain fiscal lors de l'imposition des plus-values.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉFORME À L'AVEUGLE, DONT LES CONSÉQUENCES DEVRAIENT FAIRE L'OBJET D'UNE ANALYSE ÉTAYÉE

Le présent article modifie de manière très substantielle les modalités de calcul des plus ou moins-value de cession des locaux meublés de tourisme, sans aucune information sur les conséquences de cette modification pour les contribuables concernés.

Le dispositif n'est en particulier accompagné d'aucune analyse et les services du ministère de l'économie et des finances, interrogés par le rapporteur général, n'ont été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value pour les particuliers.

Il convient de souligner que les régimes d'imposition des plus-values, tant pour les particuliers que pour les professionnels, relèvent de dispositifs complexes, intégrant des exonérations et des abattements pour durée de détention, qui doivent être pleinement intégrés à l'analyse pour s'assurer de l'efficacité du dispositif. Le changement de régime ne saurait être réalisé de cette façon, à l'aveugle, et alors que l'exécutif n'est pas en mesure d'apporter d'éléments étayés pour appuyer cette évolution.

Par ailleurs, l'évolution proposée au présent article viserait uniquement les meublés de tourisme, et non les autres types de location meublée. Cette distinction ne fait pas l'objet de justifications spécifiques, alors même que l'administration n'est pas en mesure, à ce jour, de distinguer les différents types de locations meublées sur la base des déclarations des contribuables.

La commission des finances du Sénat a par conséquent adopté un amendement COM-38, qui supprime le présent article et propose de renvoyer une éventuelle modification de ce dispositif fiscal à un débat en loi de finances, sur la base d'une étude chiffrée et précise de son impact. En effet, un rapport a été commandé à Mme Le Meur, auteure et rapporteure de la présente proposition de loi, sur la fiscalité locative. Ces travaux, dont la restitution a été plusieurs fois repoussée, pourraient utilement éclairer le sujet, alors qu'une réforme plus large du régime réel d'imposition des revenus de locations meublées est envisagée.

Décision de la commission : la commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 7 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport pour avis de M. Jean-François Husson sur la proposition de loi n° 292 (2023-2024), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif.

M. Claude Raynal, président. - Notre commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. La commission des affaires économiques nous a délégué les articles 3 et 4 pour examen sur le fond. Nous examinons donc ce matin le rapport pour avis de M. Jean-François Husson.

Je salue la présence de Mme Sylviane Noël, rapporteure sur la proposition de loi au nom de la commission des affaires économiques, saisie au fond.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - Le logement traverse aujourd'hui une triple crise : une crise de la demande, alors que les conditions de crédit se sont dégradées et que nombre de nos concitoyens n'ont plus les moyens d'emprunter ; une crise de l'offre, avec un secteur de la construction qui tourne au ralenti ; et une crise du logement social, avec des constructions de logements sociaux également au plus bas.

Face à cette situation exceptionnelle, le Gouvernement n'a pas apporté de solutions à la hauteur, même si un nouveau texte sur le logement a été présenté hier en conseil des ministres et que l'on nous annonce des mesures fiscales dans le prochain projet de loi de finances.

Le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui est d'une portée très limitée. Il prétend apporter une partie de la solution à la crise, en contribuant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. S'agissant des mesures fiscales, elles apportent des ajustements qui, selon moi, seront quasiment sans effet sur l'offre de logement à l'année.

Sur le plan fiscal, cette proposition de loi prévoit essentiellement, par son article 3, de rendre moins favorable fiscalement le régime micro-BIC applicable aux meublés de tourisme, un régime qui a déjà intéressé notre commission et notre assemblée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. Je ne pense pas qu'augmenter cette fiscalité soit la solution à tout. En revanche, on peut la rendre plus juste et plus équilibrée.

Je précise que le régime micro-BIC est un régime simplifié, et tous les loueurs au micro-BIC peuvent décider de basculer vers le régime réel. Ce régime réel étant également fiscalement avantageux, en permettant aux loueurs de déduire leurs charges réelles et d'amortir leurs biens, tout durcissement du régime micro-BIC risque d'avoir pour effet de faire basculer les contribuables vers le régime réel, sans grand impact global in fine. Nous sommes donc sur une ligne de crête.

Ces éléments de contextes ayant été rappelés, je propose une ligne de conduite claire pour l'article 3 : afin que le régime micro-BIC garde sa logique et pour éviter un déport vers le régime réel, il faut surtout maintenir un dispositif simple et cohérent avec les autres dispositifs existants.

Dans cette logique, l'amendement  COM-37 que je vous présente supprime notamment le zonage proposé dans le texte transmis, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il ne faut pas verser dans une excessive complexité. Tout a été envisagé en termes de zonage, même le croisement de plusieurs critères de zonage, entre ceux de l'Insee et ceux du logement : personne n'y comprendrait plus rien. Nous nous souvenons tous ici des échanges que nous avons eus dans le cadre du projet de loi de finances sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) et de la difficulté à trouver un zonage satisfaisant.

Surtout, preuve de cette complexité, nous ne sommes pas parvenus, à l'occasion de nos différents travaux, à trouver un zonage qui satisfasse tous les territoires. J'ai demandé aux différentes associations d'élus - élus de montagne, du littoral et des stations thermales - de me faire une proposition commune. Toutes se sont accordées sur un point, à savoir qu'il fallait changer le zonage ! Mais elles ne sont pas parvenues à en proposer un nouveau. Il est difficile, voire impossible, de traiter différemment les logements selon les objectifs poursuivis par telle ou telle commune.

Enfin, le zonage pose, à mon sens, une difficulté majeure au regard de l'égalité devant l'impôt. Maintenir un zonage, ce serait mettre en place des dérogations qui m'apparaissent sans lien avec le régime micro-BIC et accepter que le propriétaire dans une commune soit traité différemment de celui qui réside dans la commune voisine.

Sur ce fondement, et en prenant en compte le fait que le dispositif s'appliquera à l'ensemble du territoire, je vous propose, par l'amendement  COM-37, un dispositif fiscal équilibré, dont voici le détail.

Tout d'abord, il maintient l'alignement proposé par le texte transmis entre le régime microfoncier et le régime micro-BIC des locations de meublés touristiques, avec un niveau d'abattement équivalent à 30 % du chiffre d'affaires dans les deux régimes. Ainsi, la location nue d'un bien immobilier ou la location de meublés touristiques non classés bénéficieront du même niveau d'abattement, sachant que les charges de la location touristique sont généralement supérieures à celles de la location nue.

Par ailleurs, l'amendement conserve un écart de 20 points d'abattement sur le chiffre d'affaires entre les hébergements touristiques classés et ceux qui ne le sont pas. Cet écart permet de favoriser la montée en gamme de l'offre touristique, sans pour autant constituer un avantage fiscal disproportionné.

De plus, il aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés non classés sur celui des loueurs de meublés non professionnels, à savoir un chiffre d'affaires de 23 000 euros, afin qu'un même contribuable soit soumis à un seul seuil et non pas à deux seuils distincts.

Pour les hébergements classés, le plafond du régime micro-BIC proposé est de 77 700 euros. Il s'agit d'appliquer ce seuil déjà existant aux hébergements classés, afin de ne pas créer une catégorie ad hoc supplémentaire.

Enfin, l'amendement maintient le traitement préférentiel des chambres d'hôtes qui, parce qu'elles ont des charges structurellement plus élevées, pourront continuer à bénéficier d'un abattement de 71 % sur leur chiffre d'affaires.

Je le redis, s'il n'est pas révolutionnaire, le dispositif que je propose me paraît juste, simple et équilibré : il met en cohérence le dispositif fiscal applicable aux locations meublées de tourisme avec des seuils existants ; il supprime un zonage complètement inopérant et aussi difficile à justifier qu'à dessiner ; il revient sur les niveaux d'abattement qui paraissent excessifs ; il maintient une incitation au classement avec 20 points d'écart entre les deux régimes.

L'article 4 réintègre au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens. Il est important de préciser que ce dispositif a été introduit par amendement parlementaire lors de l'examen du texte par la commission des finances de l'Assemblée nationale et qu'il n'est par conséquent accompagné d'aucune étude d'impact.

Lorsque j'ai auditionné l'administration fiscale, celle-ci n'a été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dispositif. J'attends toujours une réponse du ministère.

Cette absence totale d'évaluation est dommageable alors que les régimes d'imposition des plus-values des particuliers et des professionnels diffèrent sensiblement, notamment en matière d'abattements et d'exonérations.

Je ne peux donc pas soutenir cet article, car une telle réforme ne peut se faire à l'aveugle. Il est indispensable d'évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime avant de le mettre en oeuvre. Je propose par conséquent la suppression de cet article, par l'amendement COM-38.

J'espère que mes propositions seront de nature à faire converger les points de vue et contribueront à apaiser nos débats, qui ont été vifs lors de l'examen du projet de loi de finances. Au reste, des collectivités se sont d'ores et déjà approprié les outils juridiques qui sont à leur disposition - bien qu'ils ne soient pas toujours simples à manipuler - ce qui contribue à faire retomber la pression sur la question du traitement fiscal des meublés touristiques.

Mme Sylviane Noël, rapporteure de la commission des affaires économiques. - Pour les articles examinés au fond par la commission des affaires économiques, j'ai eu à coeur de préserver un équilibre, d'une part, en donnant des outils aux élus locaux pour réguler un phénomène qui est facteur de déséquilibres, et, d'autre part, en veillant à ne pas obérer le développement d'une activité dont dépend le tourisme dans beaucoup de territoires.

En effet, il n'a pas été aisé de concilier des points de vue aussi divergents que ceux des grandes villes, des communes touristiques, des stations de montagne ou encore des communes thermales, pour lesquelles la location de meublés touristiques a permis de réchauffer des lits froids. Compte tenu de ces réalités spécifiques, nous avons mené une consultation en ligne, qui a recueilli plus de 1 200 contributions.

Je tiens à remercier Jean-François Husson de la qualité des échanges que nous avons eus, qui nous ont permis d'aboutir à la proposition équilibrée qu'il vient de présenter sur les articles fiscaux consistant à réduire l'avantage fiscal de la location meublée touristique, tout en préservant une incitation au classement.

La qualité du modèle touristique de notre pays tient notamment à l'engagement des acteurs locaux qui encouragent le classement dans leur commune. Il est important de les soutenir au travers d'une incitation fiscale au classement des meublés de tourisme. En préservant l'effet incitatif au classement, nous maintenons les avantages économiques et financiers dont bénéficient nos territoires selon la politique publique de tourisme qu'ils mènent.

Permettez-moi de dire quelques mots sur les articles examinés au fond par la commission des affaires économiques.

L'objectif de l'article 1er est d'éviter tout effet d'éviction du logement permanent vers les meublés touristiques à proximité des échéances d'interdiction de location des passoires thermiques. Quelque 76 % des élus qui ont été consultés en ligne sont favorables à ce que ces locations soient soumises à des calendriers similaires à terme.

Néanmoins, j'ai déposé un amendement pour simplifier le dispositif par rapport à celui qui a été voté à l'Assemblée nationale, selon un calendrier plus réaliste. Je propose une barrière à l'entrée pour que les nouvelles autorisations de changement d'usage de meublés ne soient délivrées qu'aux logements classés de A à E. Pour le stock de meublés, je prévois d'allonger le délai d'alignement au calendrier prévu par la loi Climat et résilience : le délai de cinq ans étant jugé très peu réaliste par l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées, je souhaite le fixer à dix ans.

En ce qui concerne les autres articles, qui confèrent aux élus locaux une boîte à outils, j'ai été frappée par le fait que 38 % des élus que nous avons consultés estiment que les outils de régulation à leur disposition ne sont pas suffisants. Des villes comme Saint-Malo, Annecy, Nice, Strasbourg ou Marne-la-Vallée pour son secteur du Val D'Europe ont tenté d'instaurer de nouveaux outils de régulation dans le silence de la loi, ce qui leur a valu d'être attaquées devant le juge administratif. J'ai donc souhaité doter les élus locaux de moyens les sécurisant d'un point de vue juridique pour exercer efficacement leurs contrôles et prendre des décisions en rapport avec leurs besoins.

À l'article 1er A, je propose de rendre plus opérationnelle la déclaration avec enregistrement en donnant aux communes un accès systématique aux données, ce qui leur permettra d'exercer des contrôles. Je propose également un dispositif de suspension des numéros de déclaration, qui sera à la main de la commune lorsqu'elle constate une déclaration falsifiée, lorsque le meublé est visé par un arrêté de péril ou lorsqu'il s'agit d'un logement social. Il importe de donner aux élus locaux les moyens de faire appliquer la loi.

À l'article 1er bis, je propose de préserver la possibilité d'abaisser à quatre-vingt-dix-jours le plafond maximal de location d'une résidence principale, comme le demandent 43 % des élus locaux, tout en augmentant les sanctions en cas de dépassement.

Enfin, à l'article 2, je propose de rendre facultative l'extension aux personnes morales de l'autorisation de changement d'usage et d'introduire de la flexibilité dans la délimitation de quotas d'autorisation. Quant aux zones à occupation exclusive de résidences principales, elles suscitent l'intérêt de 54 % des élus que nous avons consultés. Je propose donc de créer une clause de résiliation de droit du bail en cas de manquement pour rendre l'obligation d'occupation de résidence principale plus opérationnelle.

Si cette proposition de loi vise, selon son titre, à remédier au déséquilibre du marché locatif, elle ne traite que de la location meublée touristique. Or, comme l'a rappelé le rapporteur général, seule une réflexion globale sur la contribution économique et sociale du bailleur privé et les garanties à lui apporter sera de nature à renforcer l'attractivité de la location de longue durée. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement tendant à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour le rendre plus cohérent avec le contenu de celle-ci, qui porte sur la régulation des meublés touristiques.

Mme Nathalie Goulet. - Permettez-moi de rappeler ce qu'il s'est passé sur ce texte. Un amendement, qui a été adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances, a été maintenu par inadvertance par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en vertu du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution et figure donc désormais dans la loi. Or cette disposition législative parfaitement régulière a été sabordée par une mesure réglementaire appelant à ne pas l'appliquer. Cette méthode, utilisée pour contrer un texte voté régulièrement par le Sénat, est pour le moins contestable. Il s'agit d'une violation flagrante des droits du Parlement, qui ne doit pas faire jurisprudence.

Ainsi, le texte que nous examinons est bienvenu, bien que partiel. Nous avons constaté pendant les débats du projet de loi de finances la multiplicité des statuts fiscaux et des types de baux. Il convient de remettre à plat la procédure au travers d'un texte cohérent, plutôt que de saucissonner les dispositifs. En attendant, nous voterons ce texte.

M. Claude Raynal, président. - La confusion concernait non seulement cette procédure, mais l'ensemble du projet de loi de finances...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ce texte établit-il une différence de traitement entre les revenus issus de la location de sa résidence et celle des meublés de tourisme à proprement parler ? S'il convient évidemment de mettre fin à la transformation d'appartements qui étaient loués à l'année en meublés touristiques, un propriétaire ou un locataire qui loue occasionnellement son appartement ne déséquilibre pas le marché locatif.

M. Claude Raynal, président. - Les modifications que vous proposez ont-elles été élaborées en accord avec l'auteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - Madame Goulet, je suis d'accord avec notre président : le projet de loi de finances était pour le moins confus. Il est consternant que l'exécutif mette tout en oeuvre pour ne pas respecter ce que le Parlement a voté, quelles que soient les conditions dans lesquelles le vote est intervenu.

Madame Carrère-Gée, le traitement fiscal est le même, que vous louiez votre logement principal ou un meublé touristique, mais il dépend de l'option choisie entre régime réel et régime micro. Comme le régime réel est plus favorable, les professionnels y ont plus souvent recours.

Monsieur le président Raynal, nous avons pu échanger avec nos homologues de l'Assemblée nationale lors d'une visioconférence. Nous leur avons donné notre point de vue sur le zonage, dont l'équation me semble impossible à résoudre. En revanche, il nous semble logique et cohérent de simplifier les régimes.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, j'indique que le périmètre retenu par la commission comprend, pour les dispositions relevant des articles 3 et 4 de la proposition de loi, les mesures relatives à la fiscalité des meublés de tourisme.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 3 (délégué)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - J'ai présenté la philosophie de cet amendement lors de mon intervention liminaire. Nous proposons d'augmenter le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme classés, en fixant un plafond d'éligibilité à 77 700 euros. Par ailleurs, nous maintenons l'abattement de 71 % pour les chambres d'hôtes.

La rédaction de cet amendement me semble répondre aux attentes de mes collègues ayant déposé des amendements sur cet article, bien que certains d'entre eux souhaiteraient placer le plafond plus ou moins haut. Nous maintenons un écart de 20 points entre l'abattement octroyé aux locations non classées et celui qui est octroyé aux locations classées.

Je précise que si nous adoptons cet amendement, tous les autres amendements déposés sur l'article 3 tomberont.

M. Rémi Féraud. - L'objet de la modification du dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale que vous proposez est-il de le rendre plus clair et cohérent, ou de le rendre plus efficace en vue de remettre des meublés touristiques en location nue de longue durée ? Comment cela affecte-t-il l'effort fiscal demandé aux propriétaires qui louent des meublés touristiques ?

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - L'objet est d'apporter à la fois de la cohérence et de l'efficacité. Nous rééquilibrons les choses en mettant fin à un avantage exorbitant. Toutefois, la fiscalité ne suffira pas à changer les choses. Les outils juridiques qui sont mis à la disposition des collectivités m'apparaissent davantage efficaces, comme le démontre le cas de Paris notamment.

M. Max Brisson lui-même a reconnu que la tension était nettement retombée. Il était lui-même en accord avec la proposition de maintenir un écart de 20 points de l'abattement selon que les biens sont classés ou non.

Des intérêts contradictoires existent au sein d'un même territoire, par exemple dans les zones de montagne. Aussi nous a-t-il semblé nécessaire de supprimer le zonage, qui polluait le dispositif.

M. Claude Raynal, président. - Je partage avec vous l'idée que la fiscalité ne fait pas tout sur un tel sujet, tant les avantages à louer à des prix très élevés sur des périodes courtes plutôt qu'à l'année sont importants.

L'amendement  COM-37 est adopté. En conséquence, l'amendement  COM-43, les amendements identiques COM-29 rectifié, COM-33 et COM-61, les amendements identiques  COM-30, COM-32 et COM-34, les amendements identiques  COM-31 rectifié et COM-35, les amendements  COM-6 rectifié, COM-7, COM-14 et COM-16 deviennent sans objet.

La commission demandera à la commission des affaires économiques d'adopter l'amendement COM-37. La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 3 ainsi rédigé.

Après l'article 3 (délégué)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-44 vise à exonérer les propriétaires de logements soumis à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) du paiement de la cotisation foncière des entreprises (CFE) dès lors que les revenus locatifs sont inférieurs à 30 000 euros. Avis défavorable.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-44.

Article 4 (nouveau) (délégué)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-38 vise à supprimer l'article 4, qui modifie le calcul des plus-values, sans qu'aucune étude d'impact ait été réalisée. La direction de la législation fiscale (DLF), que nous avons reçue jeudi dernier, n'a pas été capable de nous fournir le moindre élément sur les conséquences d'une telle mesure.

L'amendement  COM-38 est adopté.

La commission demandera à la commission des affaires économiques d'adopter l'amendement COM-38.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 4.

Les avis sur les amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

TABLEAU DES AVIS

Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. HUSSON, rapporteur pour avis

COM-37

Fixation de l'abattement du régime micro-BIC pour les meublés de tourisme classés à 50 %, et à 30 % pour les non classés, adaptation des plafonds et suppression du zonage

Favorable

Mme GUHL

COM-43

Exclusion de la location de logements meublés du régime d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux

Demande de retrait

Mme ESPAGNAC

COM-29 rect.

Maintien d'un abattement de 71 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

M. BAZIN

COM-33 rect.

Maintien d'un abattement de 71 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

M. CANÉVET

COM-61

Maintien d'un abattement de 71 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

Mme ESPAGNAC

COM-30

Maintien d'un abattement de 50 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

Mme BERTHET

COM-32 rect.

Maintien d'un abattement de 50 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

M. BAZIN

COM-34 rect.

Maintien d'un abattement de 50 % pour les meublés classés jusqu'à 91 900 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

Mme ESPAGNAC

COM-31 rect.

Maintien d'un abattement de 50 % pour les meublés classés jusqu'à 50 000 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

M. BAZIN

COM-35 rect.

Maintien d'un abattement de 50 % pour les meublés classés jusqu'à 50 000 euros de chiffre d'affaires, en supprimant la référence à un zonage

Demande de retrait

Mme CHAIN-LARCHÉ

COM-6 rect.

Relèvement du plafond du régime micro-BIC de 15 000 euros à 23 000 euros, et extension du zonage aux zones tendues

Demande de retrait

Mme ARTIGALAS

COM-7

Remplacement de la référence aux zones très peu denses par celle des gîtes ruraux tels que définis par un décret en Conseil d'État

Demande de retrait

Mme BERTHET

COM-14 rect.

Extension du bénéfice d'un abattement majoré de 71 % aux hébergements situés dans des communes et stations classés de tourisme

Demande de retrait

Mme BERTHET

COM-16 rect.

Maintien d'un abattement de 71 % pour l'ensemble des hébergements classés

Demande de retrait

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Maryse CARRÈRE

COM-44

Exonération de cotisation foncière des entreprises des biens déjà soumis à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, dès lors que les revenus locatifs sont inférieurs à 30 000 euros

Défavorable

Article 4 (nouveau)

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. HUSSON, rapporteur pour avis

COM-38

Suppression de l'article

Favorable

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »12(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie13(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte14(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial15(*).

En application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 7 mai 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 292 (2023-2024) visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif.

Ce périmètre comprend, pour les dispositions relevant des articles 3 et 4 de la proposition de loi :

- les mesures relatives la fiscalité des meublés de tourisme.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Assemblée nationale

- M. Inaki ECHANIZ député et rapporteur de la proposition de loi ;

- Mme Annaïg LE MEUR, députée et rapporteure de la proposition de loi.

Direction de la législation fiscale (DLF)

- M. Abeille AULNE, sous-directeur de la fiscalité des entreprises.

Airbnb

- M. Clément EULRY, directeur France et Belgique ;

- Mme Diane PRÉBAY, responsable des affaires institutionnelles ;

- Mme Éloïse FOUCAULT, responsable affaires publiques France, Belgique et Luxembourg.

Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV)

- M. Dominique DEBUIRE, président ;

- M. Pierre SELLIN, conseil de l'UNPLV (Grayling).

Domaines skiables de France

- M. Alexandre MAULIN, président ;

- Mme Anne MARTY, présidente déléguée ;

- M. Laurent REYNAUD, délégué général.

Table-ronde des élus des communes littorales et touristiques :

Association nationale des élus du littoral (Anel)

- M. Yannick MOREAU, président ;

- M. Alain BLANCHARD, délégué général ;

- M. Walter SCHOEPFER, chargé de communication et de mobilisation.

Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett)

- M. Philippe SUEUR, président ;

- Mme Géraldine LEDUC, directrice générale ;

- M. Simon LEBEAU, chargé de mission.

Charentes Tourisme

- M. Olivier AMBLARD, directeur général.

Table-ronde sur le thermalisme :

Association nationale des maires de communes thermales (ANMCT)

- M. Paul AUDAN, président.

Fédération thermale et climatique française

- M. Jean-François BÉRAUD, président.

Fédération thermale d'Occitanie

- M. Guillaume DALERY, président et maire de Lamalou-les-Bains.

Office de tourisme de Gréoux

- M. Jean-Frédéric GONTHIER, directeur et Président du club des offices de tourisme des stations thermales.

Table-ronde des élus des grandes villes :

France Urbaine

- Mme Louise CORNILLÈRE, conseillère finances ;

- M. Lionel DELBOS, conseiller économie territoriale et tourisme ;

- M. Johann SANDLER, conseiller logement, politique de la ville et urbanisme ;

- Mme Sarah BOU SADER, chargée des relations avec le Parlement.

Ville de Marseille

- M. Patrick AMICO, adjoint au maire en charge de la politique du logement et de la lutte contre l'habitat indigne.

Ville de La Rochelle

- Mme Marie NEDELLEC, adjointe au maire.

Ville de Paris

- Mme Emmeline DE KERRET, cheffe du bureau de la protection des locaux d'habitation ;

- Mme Alice VEYRIÉ, sous-directrice de l'habitat à la direction du logement et de l'habitat.

Ville d'Annecy

- Mme Sophie GARCIA, conseillère déléguée en charge du logement abordable et de la mixité sociale.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-292.html


* 1 D'après les informations recueillies par le rapporteur auprès de l'entreprise, seuls 20 % des logements sur la plateforme seraient des logements classés de tourisme.

* 2 Avant la loi de finances initiale pour 2024, le régime micro-BIC dans son ensemble distinguait deux régimes :

- jusqu'à 188 700 euros, un abattement de 71 % du chiffre d'affaires pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place. Ce seuil vise également des micro-entreprises dont le commerce est de fournir un logement, à l'exception des locations de locaux d'habitation meublés non classés.

- 77 700 euros s'il s'agit d'autres entreprises, y compris les locations meublées ne relevant pas du seuil de 188 700 euros. L'abattement est alors de 50 %.

* 3 Article L. 324-1 du code du tourisme et Atout France, Le classement des meublés de tourisme.

* 4 Article L. 324-3 du code du tourisme.

* 5 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable et Inspection générale de l'administration, Lutte contre l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, juin 2022.

* 6 Le zonage A / B / C a été présenté dans le cadre de l'article 3 sexies supra.

* 7 Bruno Le Maire : « L'inflation, c'est mon premier combat », le 26 septembre 2023, Le Parisien.

* 8 D'après les informations recueillies par le rapporteur auprès de l'entreprise, seuls 20 % des logements sur la plateforme seraient des logements classés de tourisme.

* 9 Devenu article 45 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 10 Ian Brossat et Max Brisson.

* 11 Réponse de la direction générale des entreprises au questionnaire du rapporteur.

* 12 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 13 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 14 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 15 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

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