B. ... QUI N'EST REMIS EN CAUSE NI PAR LES INSUFFISANCES DE L'ÉVALUATION DES CENTRES EXISTANTS NI PAR LES ÉVOLUTIONS INDUITES PAR L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU CODE DE LA JUSTICE PÉNALE DES MINEURS
Sans entendre remettre en cause le programme de construction de nouveaux CEF, la rapporteure rappelle qu'il se heurte à trois difficultés.
La première tient à la sous-utilisation des centres existants, dont le taux d'occupation s'établissait en 2022 à 68 % (le taux « cible » étant de 85 %). S'il existe un intérêt de principe à assurer une bonne répartition des centres sur l'ensemble du territoire national, il paraît toutefois paradoxal que la construction de 20 centres ait été engagée sans que les structures existantes paraissent exploitées au maximum de leurs capacités2(*). Les auditions menées par la rapporteure ont montré que cette sous-utilisation tenait notamment :
- au décalage entre, d'une part, les besoins des CEF, qui aspirent à accueillir des publics dont le profil est en cohérence avec le projet d'établissement et peuvent parfois « réserver » des places pour des jeunes dont la venue n'est pas acquise et, d'autre part, les modalités d'affectation en CEF, qui répondent le plus souvent à des situations d'urgence, qu'elles soient pré ou post-sentencielles ;
- aux difficultés rencontrées par les équipes, qui ne parviendraient plus à accueillir de nouveaux jeunes en dépit de places disponibles du fait d'un turnover trop important, voire du nombre important de postes vacants qui rendrait impossible l'utilisation normale des places.
La seconde découle des différences de coût entre les CEF publics et les CEF associatifs qui, pour être observées tant par le Gouvernement que par la Cour des comptes dans un récent rapport, ne sont pas expliquées. Comme le rappelle la Cour, « le coût des CEF du secteur associatif habilité se situe nettement en-deçà de celui des CEF publics », ce qui pourrait, pour partie, s'expliquer par un différentiel de taux d'occupation et par les revenus plus faibles des éducateurs dans le SAH3(*).
Il est étonnant que la répartition des nouveaux centres entre le secteur public et le secteur associatif ait été décidée sans que cette question, pourtant cruciale, ait pu être résolue.
La troisième - et peut-être la principale - difficulté tient à l'impact de l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs (CJPM). Mis en application depuis le 1er octobre 2021, le nouveau code a en effet induit une baisse très nette de la durée des placements4(*), la durée moyenne en CEF s'étant établie en 2022 à 4,1 mois et 82 % des placements ayant présenté une durée inférieure à six mois. Or, cette durée de six mois était précédemment la durée de référence du placement, à partir de laquelle était conçu un parcours décomposé en trois phases pour favoriser la réinsertion des mineurs et préparer leur sortie.
Face à cette évolution, la direction de la PJJ (DPJJ) a annoncé qu'elle engagerait, à la fin de l'année 2023, une actualisation du cahier des charges des CEF et intègrerait à son plan d'action pluriannuel 2023-2027 la prise en compte de « la nouvelle temporalité du code de la justice pénale des mineurs »5(*) en organisant la prise en charge des mineurs en deux phases au lieu de trois. Pour autant, la rapporteure doute que cette initiative suffise à résoudre les dysfonctionnements constatés dans un contexte où, de l'aveu général, les placements sont désormais orientés par les échéances judiciaires et non par le projet éducatif proposé au mineur ; où les séjours « de rupture » de plusieurs mois, dont l'efficacité a été unanimement saluée par les personnes auditionnées, deviennent de facto difficiles à mettre en oeuvre au vu du raccourcissement des placements ; et où l'évaluation même de l'impact du CJPM par la DPJJ n'a donné satisfaction ni aux organisations syndicales, ni aux représentants du SAH - qui n'y ont au demeurant pas été associés.
* 2 Paradoxalement, cette situation se double selon les organisations syndicales entendues par la rapporteure d'un phénomène de « dévoiement » des CEF qui, pensés pour recevoir des jeunes multi-réitérants, reçoivent aujourd'hui de plus en plus de primo-délinquants ; ce constat s'observerait notamment dans des territoires où les CEF sont majoritaires, à l'instar de la région judiciaire Sud-Ouest.
* 3 Consultable sur le site de la cour des comptes
* 4 Cette baisse résulte notamment de la limitation à trois mois des placements en amont de l'audience d'examen de la culpabilité.
* 5 Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire de la rapporteure.