B. LES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL : DES RÉSULTATS TOUJOURS EN DEMI-TEINTES

1. Des progrès dans la maîtrise des dépenses de l'ADA qui doivent être analysés avec prudence et demandent une confirmation en 2024

Après une diminution de plus d'un tiers en loi de finances pour 2023 (-36 %), la dotation prévue pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) connaît une nouvelle baisse de 20 M€ au PLF pour 2024 pour se porter à 320 M€. Les premiers éléments d'exécution transmis par le ministère de l'intérieur tendent plutôt à conforter ces choix puisque 336,7 M€ de crédits ont été versés au titre de l'ADA du 1er janvier au 31 août 2023, dont 134,1 M€ pour les bénéficiaires de la protection temporaire, et la prévision actualisée sur l'année courante est de 275,1 M€. Le ministère de l'intérieur avance par ailleurs qu'une marge de sécurité a été prévue pour 2024, puisque l'enveloppe serait volontairement calculée sur une hypothèse maximaliste de 180 000 demandes d'asile enregistrées, alors que le scénario de référence retenu pour le reste de la programmation est de 160 000.

Si un tel scénario n'est pas irréaliste, il appelle néanmoins deux réserves. L'analyse de la dotation de l'ADA est, d'une part, toujours faussée par l'exclusion des crédits finançant l'accueil des réfugiés ukrainiens. D'autre part, cette prévision repose sur deux hypothèses résolument optimistes : la capacité de l'Ofpra à rendre 155 000 décisions et celle de la CNDA à traiter « en flux » les recours enregistrés. Les rapporteurs réservent donc leur jugement sur la pertinence de cette nouvelle diminution de la dotation de l'ADA.

Focus sur le dispositif de protection temporaire

Après avoir atteint un pic en septembre 2022, le nombre de ressortissants ukrainiens bénéficiant de la protection temporaire en France a décru d'environ 30 % depuis cette date. On décomptait ainsi 97 447 Ukrainiens qui bénéficiaient de l'ADA en fin d'été dernier contre 72 688 au mois d'août dernier.

Selon les données transmises par le ministère de l'intérieur, les coûts liés à l'accueil de ce public seront amenés à diminuer en conséquence en 2023, et ce contrairement aux prévisions établies l'année précédente. Ils resteront néanmoins importants:

- ils représentaient 481,9 M€ en CP en 2022 (pour une prévision initiale de 579 M€), répartis entre l'ADA (45 %), l'hébergement (52 %) ainsi que les accueils de jour et les transports (3 %). Le financement avait été opéré principalement en gestion par des ouvertures, dégels et redéploiement de crédits en cours année14(*) ;

l'enveloppe globale devrait être réduite de 133 M€ en 2023 pour se porter à 348,9 M€ (pour une prévision initiale de 706,3 M€), à raison de 174,7 M€ pour l'ADA, 157,4 M€ pour l'hébergement, 6,9 M€ pour l'accueil de jour et les frais de transport ainsi que 10 M€ pour les formations linguistiques. Un investissement humain considérable est également nécessaire, notamment de la part l'Ofii qui a déployé 31 ETP en renfort spécifiquement dédié au suivi et à l'accompagnement des Ukrainiens (33 ETP en 2022).

Les rapporteurs regrettent le choix gouvernemental de ne pas soumettre ces crédits au Parlement dans le cadre de l'examen du PLF au profit d'un financement intégralement en gestion des éventuels surcoûts. Si les dépenses liées à l'accueil des Ukrainiens semblent effectivement maîtrisées, ce choix qui amoindrit l'information des parlementaires sur des montants équivalents à 17 % des CP de la mission est toujours aussi contestable entre termes de sincérité budgétaire.

2. Un parc d'hébergement qui s'élargit mais une gestion qui manque de fluidité

L'agrandissement du parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés se poursuivra sur l'année 2024, pour laquelle la création de 1 500 places d'hébergement supplémentaires est programmée (réparties équitablement entre centres d'accueil des demandeurs d'asile - CADA -, centres d'accueil et d'examen des situations - CAES -, et centres provisoire d'hébergement - CPH). Ces créations de places s'ajoutent aux 4 900 réalisées l'année précédente et permettront de porter la capacité totale du parc à 122 582 places, soit une augmentation de 50 % depuis 2017 (82 362 places).

Si les rapporteurs reconnaissent que cet effort va dans le bon sens, ils relèvent néanmoins que le dimensionnement comme la gestion du parc d'hébergement sont encore perfectibles. L'offre est de fait encore largement inférieure à la demande avec un taux de demandeurs d'asile hébergés qui stagne à un niveau très insatisfaisant (58 %). Par ailleurs, on observe une hausse significative du taux de présence indue qui se porte à 19,6 % des places en août 2023 (contre 16 % en 2021). Elle pourrait paradoxalement s'expliquer par l'accélération des délais de traitement des demandes d'asile. En volume, cela représente 17 707 places occupées indûment, que ce soit par des bénéficiaires de la protection internationale (11 036) ou par des déboutés du droit d'asile (6 671).

Source : Commission des lois à partir des documents budgétaires

Les efforts doivent être intensifiés pour atteindre la cible d'un taux de présence indue de 7 % en 2024. Les rapporteurs suivront avec attention la mise en oeuvre de l'instruction du 19 avril 2023 relative au pilotage du parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés qui prévoit notamment la systématisation du recours par les préfets aux référés mesures-utiles et l'application de pénalités financières à l'encontre des opérateurs ne mettant pas à disposition les places financées par les pouvoirs publics15(*). Plusieurs dispositions introduites par le Sénat au projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration devraient par ailleurs contribuer à la rationalisation des conditions matérielles d'accueil, à l'instar de l'obligation faite à l'Ofii de les suspendre en cas d'abandon du lieu d'hébergement ou de l'extension du champ du référé « mesures utiles ».


* 14 Le décret d'avance du 7 avril 2022 a permis un abondement de 300 M€ et 19 M€ supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances rectificatives du 1er décembre 2022. En outre 22,3M€ de crédits ont été dégelés et 144,5 M€ redéployés (ministère de l'intérieur).

* 15 Aux termes de l'instruction, « l'administration détermine un montant de pénalité financière qui ne peut excéder le coût des places indisponibles au cours des douze derniers mois ».

Partager cette page