III. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR » PORTÉE L'EXPLOSION DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES
A. UNE STRATÉGIE IMMOBILIÈRE FONDÉE SUR L'INVESTISSEMENT DANS DES PROJETS STRUCTURANTS
La hausse du budget du programme 216 (+ 38,26 % en AE, - 2,88 % en CP) s'explique en majeure partie par l'explosion des crédits consacrés aux affaires immobilières (+ 345,24 % en AE, + 39,31 % en CP) qui représentent 43 % des crédits (AE) du programme.
Le ministère indique poursuivre ses « ambitions en matière de développement durable et de transition écologique » au travers du plan climat et biodiversité qui « vise à adapter le parc immobilier du ministère au changement climatique et à réduire l'empreinte écologique du numérique12(*) ».
Cependant, l'analyse des documents budgétaires montre que cette augmentation est majoritairement justifiée par la poursuite des deux projets d'ampleur en 2024 :
· la création d'un site unique du renseignement intérieur, dont les crédits d'investissement représentent 1,01 milliard d'euros en AE et 88,19 millions d'euros en CP, soit 91 % (en AE) et 49 % (en CP) du budget total dédié à l'action 5 « Affaires immobilières » du programme. Ce projet, lancé en 2020 pour un budget total d'1,29 milliard d'euros, entre dans sa phase critique puisque le marché de construction sera engagé au deuxième trimestre 2024 ;
· l'installation d'un pôle transversal des directions supports du ministère de l'intérieur et des outre-mer qui nécessite le transfert de près de 2 500 agents avant 2027 du site Lumière, situé dans le 12e arrondissement de Paris, vers le futur village olympique situé à Saint-Denis.
Eu égard à la nécessité de prendre en compte les enjeux climatiques, la rapporteure appelle donc le ministère à ne pas réduire sa stratégie immobilière au financement de projets structurants au détriment de l'entretien et de l'adaptation des sites existants.
B. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DE LA FONCTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER
La Lopmi prévoit le renforcement des effectifs du programme 216 par la création de 476 emplois entre 2023 et 2027, dont 310 consacrés au numérique. Mais les traductions budgétaires des ambitions de la Lopmi au sein programme 216 sont modestes, le projet de loi de finances pour 2024 ne prévoyant qu'une augmentation de 10 ETP pour la réinternalisation des compétences numériques au sein du ministère.
Pour 2024, la réforme de la filière numérique se traduit d'abord par des réorganisations administratives comme en témoigne la création de la direction de la transformation du numérique (DTNUM) en juillet 2023 en remplacement de la direction du numérique (DNUM). La Lopmi a par ailleurs prévu d'engager une réforme de la fonction numérique du ministère fondée sur la réattribution du portage des crédits dédiés au financement de leurs projets numériques par les différentes directions métiers. Le programme 216 est donc marqué par d'importants transferts sortants en crédits et en ETPT qui expliquent la baisse de 37,74 % en AE et de 38,72 % en CP des crédits dédiés à l'action « Numérique » du programme 216.
Cette nouvelle stratégie prend le contre-pied de la dernière réforme de la filière numérique engagée il y a seulement quatre ans par la création de la DNUM. Un bilan de cette réorganisation administrative devra donc être dressé dès l'année prochaine et au terme de la période de référence de la Lopmi pour mesurer son véritable impact sur la fonction numérique du ministère, au-delà des effets d'annonce du Gouvernement.
Réunie le 29 novembre 2023, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » du projet de loi de finances pour 2024.
* 12 Projet annuel de performances sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » du projet de loi de finances pour 2024 (p. 10).