EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023

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M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la presse. - Dans cette commission, nous croyons fermement à l'information, à son importance pour une démocratie dont le fondement est le débat, et au caractère indispensable et premier d'une presse libre et indépendante.

Benjamin Constant consacre un chapitre pénétrant à la liberté de la presse dans ses OEuvres politiques. Il y analyse en particulier l'importance pour la qualité du débat public de ce qui était déjà un média de masse sous le Directoire : « Ce ne fut point enfin la liberté de la presse qui entraîna les désordres et le délire d'une révolution malheureuse ; c'est la longue privation de la liberté de la presse qui avait rendu le vulgaire des Français ignorant et crédule, et par là même inquiet et souvent féroce. »

Dans le contexte de l'époque, Benjamin Constant s'en prend aux gouvernements qui limitaient la liberté de la presse, ce qui se traduit in fine par un appauvrissement du contrat social et une mise en danger de la société. Cette analyse conserve, hélas, aujourd'hui toute son actualité, alors que la presse est menacée non plus par les lois - je le crois, en tout cas dans notre pays -, mais par les effets conjugués de son affaissement économique et de la défiance dont elle est l'objet, comme le relève le dernier baromètre Kantar pour le journal La Croix. La perte de contact avec une information fiable, délivrée de manière professionnelle par des journalistes et non par des pseudo-experts plus avides de buzz que de fiabilité, est pour nous une menace existentielle, et certains événements vécus ces dernières années y trouvent probablement leur source.

Je fais le même constat année après année : la presse ne va pas bien. Elle a perdu depuis 2000 60 % de son chiffre d'affaires, et connaît une attrition de 10 % par an. Les titres en sont dorénavant réduits à tailler dans les coûts pour survivre, fragilisés encore plus par la crise énergétique.

Face à ce constat, les pouvoirs publics ne restent pas indifférents, et s'efforcent de trouver la parade. Néanmoins, la presse ne doit pas devenir une sorte d'espèce en voie de disparition, parquée dans son enclos et protégée des prédateurs du numérique par d'épaisses barrières budgétaires et réglementaires. Le sens du soutien public doit plutôt être d'accompagner le secteur vers un renouveau qui peine malheureusement à se dessiner.

J'en viens maintenant à la présentation du programme 180 et de ses défis pour cette année.

Je m'étendrai peu sur l'évolution des aides à la presse, qui demeurent remarquablement stables depuis plusieurs années, qu'il s'agisse des aides directes ou indirectes.

Cette stabilité appelle cependant deux remarques.

D'une part, elle pourrait sembler avantageuse en valeur absolue, puisqu'elle correspond à un nombre d'exemplaires en baisse constante. Cependant, les coûts dans la presse sont en grande partie fixes. Qu'un article soit publié mille fois ou un million de fois ne fait pas varier la rémunération du journaliste. De même, le coût de l'impression comme du transport d'un exemplaire supplémentaire est minime. En conséquence, même si le marché baisse, les frais engagés ne connaissent pas la même variation.

D'autre part, en période de forte inflation, les charges augmentent immédiatement. Je pense en particulier au portage, si important pour la presse quotidienne régionale (PQR), qui souffre des prix du carburant et de la difficulté à attirer des employés, avec une faible possibilité d'augmenter les prix.

En conséquence, la stabilité des aides traduit en réalité une baisse de pouvoir d'achat, qui se ressent dans le secteur. Pour autant, je crois pouvoir dire que les alertes portées par notre commission ont permis de limiter, en partie, les dégâts.

Ainsi, j'évoquais l'année dernière, notamment à la suite de mes travaux sur la PQR, deux préoccupations sérieuses : l'une relative à l'envolée des coûts du papier et de l'énergie et l'autre au financement de l'écocontribution auquel devait participer la presse. Petite satisfaction pour nous, nous avons été entendus, au moins partiellement.

Ainsi, le Gouvernement a finalement consenti à un geste de 30 millions d'euros en 2023 pour aider la presse face à la hausse vertigineuse de ses coûts ; grâce à une excellente collaboration avec notre collègue de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Marta de Cidrac, une solution a pu être trouvée pour l'écocontribution qui ne pénalise ni les collectivités ni la presse.

Certes, dans ces deux cas, le succès n'est que partiel, la compensation est loin d'être intégrale et le nouveau mécanisme mis en oeuvre avec Citeo est complexe et long à se mettre en place.

Les faits sont donc là et illustrent notre capacité à peser sur les décisions du Gouvernement. Jusqu'où ira notre influence ? Telle est la question quand on aborde les deux sujets fondamentaux qui nous occupent année après année comme des marronniers : la réforme des aides à la presse et la distribution.

Les aides à la presse sont constamment décriées, et il existe un large consensus pour les réformer. Selon un schéma que nous connaissons bien avec la loi de 1986 à la suite à la commission d'enquête sur la concentration des médias, les voix s'élèvent fort pour critiquer, et se taisent pour proposer...

Ces aides directes, d'un montant de 238 millions d'euros, soit environ 20 % du chiffre d'affaires de la presse, sont concentrées sur la presse IPG (information politique et générale), et singulièrement sur la diffusion, qui représente les deux tiers de l'enveloppe. Cela pose problème, car l'évolution vers le numérique n'est que très peu prise en compte.

Les aides au pluralisme, d'un montant de 26 millions d'euros, sont pour leur part d'une grande complexité avec six enveloppes distinctes, créées au fil du temps pour répondre à telle ou telle situation particulière.

Enfin, les aides réellement disponibles pour la modernisation sont très faibles, avec 28 millions d'euros, le solde étant prélevé pour venir en aide à la distribution des quotidiens.

De tout cela, il ressort une grande opacité, qui donne lieu à des soupçons incessants, en dépit de notables efforts de transparence ces dernières années, car le montant de toutes les aides est public.

Je crois que la réforme de ces aides, sur laquelle la ministre s'est prudemment engagée lors de son audition devant la commission, doit suivre trois grands principes.

Tout d'abord, il faut respecter une logique de conditionnalité, comme cela avait été demandé par la commission d'enquête sur la concentration des médias en France. Je note d'ailleurs que le Conseil d'État a validé le 13 novembre dernier le décret, attaqué par plusieurs syndicats, sur la nouvelle obligation de présence de journalistes dans les rédactions comme condition pour percevoir des aides. Cela va incontestablement dans le bon sens.

Ensuite, il faut donner toute sa place à la presse numérique, en particulier en accompagnant fermement les titres dans la recherche d'un modèle économique viable, qui est pour l'heure incertain. Je rappelle qu'il faut entre trois et quatre abonnés numériques pour compenser la perte d'un abonné « papier ».

Enfin, il faut réfléchir à la place des aides à la distribution, qui représentent une part que j'estime bien trop élevée.

J'en viens à la question plus que jamais éternelle de la distribution.

Depuis des années, la distribution est enfermée dans un duopole mortifère. Vous avez suivi les différentes étapes, affligeantes au demeurant, et surtout coûteuses, de France Messagerie, ex-Presstalis, ex-NMPP. La nouvelle direction, avec un périmètre resserré, a fourni des efforts considérables, et me semble être sur le bon chemin. Son concurrent direct est les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Les deux entreprises se livrent à une guerre sans merci sur un marché en attrition constante, un phénomène auquel elles ne peuvent pas grand-chose.

Dès lors, la confrontation est inévitable, d'autant plus que France Messagerie bénéficie d'aides publiques massives et d'une péréquation des MLP, qui permettent à l'entreprise d'assurer un résultat positif - ce n'est pas un miracle avec ce niveau d'aide, mais il faut le souligner car cela n'a pas toujours été le cas.

L'année 2024 pourrait cependant être utilement mise à profit pour sortir de cet éternel recommencement. Elle correspond à la dernière année où 9 millions d'euros seront prélevés sur les crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) au profit de France Messagerie. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé une nouvelle mission confiée aux inspections des finances et des affaires culturelles, dont la ministre, lors de son audition, a indiqué attendre les conclusions.

Même si je me demande ce que cette mission pourra apporter à la compréhension d'une situation déjà très bien documentée, par nos travaux comme par ceux d'autres instances, je veux croire que, cette fois-ci, une solution pérenne sera enfin mise en place. En termes strictement industriels, cette solution est simple dans son principe : il faut mutualiser complètement le « dernier kilomètre » entre PQR, presse quotidienne nationale (PQN) et les parutions à périodicité plus longue et élargir les missions des dépositaires centraux pour leur permettre de trouver un meilleur équilibre économique. Cela n'en pose pas moins de redoutables questions logistiques et, plus encore, de mécano juridique entre les différents et trop nombreux intervenants.

Comme vous le voyez, il y a de bonnes chances que j'évoque de nouveau ce sujet devant vous l'année prochaine...

J'en viens à mon point final : les États généraux de l'information (EGI).

Annoncés par le Président de la République dans le courant de la campagne électorale au printemps 2022, les EGI ont été lancés le 13 juillet 2023, avec un an de retard, ce qui a pris le secteur de court. La lettre de mission du Président de la République a été transmise aux membres du comité de pilotage le 2 octobre 2023. Elle met en avant la nécessité de préserver les principes fondamentaux hérités des Lumières qui imposent l'accès à une information libre pour permettre aux citoyens de se forger une opinion éclairée. Elle souligne les défis tant économiques que technologiques qui mènent à « l'émergence d'un nouvel ordre mondial de l'information ».

Les EGI, dont le délégué général est Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), ont commencé leur travail, avec des objectifs ambitieux et des membres de haut niveau. Certains d'entre nous ont déjà été entendus, dont notre président, Monique de Marco, Jean-Raymond Hugonet et moi-même, car l'organisation a souhaité s'appuyer sur les travaux parlementaires déjà existants, ce qui est de bonne pratique. J'ai par ailleurs participé à l'une des innovations des EGI, avec un dialogue organisé - je remercie au passage Jérémy Bacchi - avec des lecteurs du quotidien La Marseillaise en octobre dernier.

Que peut-on donc attendre de ces États généraux ? Seront-ils un nouvel avatar de ces instances mises en place à grand renfort de communication et dont on perd rapidement la trace ? Seront-ils à l'origine d'un renouveau dans la réflexion autour de la presse dans les prochaines années ? Il est bien entendu encore trop tôt pour le dire, mais le champ d'intervention est si vaste que j'avoue avoir quelques criantes pour eux...

Pour ma part, je crois, comme je l'ai indiqué devant les EGI, que la meilleure garantie d'indépendance de la presse est sa prospérité économique. Cette perspective est pour l'instant éloignée, mais tous les efforts des pouvoirs publics devraient porter sur ce point pour en finir avec le paradoxe d'un monde où l'information est centrale et où ceux qui la produisent sont paupérisés. Je suivrai donc avec attention les travaux des EGI, et il nous faudra certainement les entendre pour évaluer le pragmatisme de leurs propositions - on sait que le sujet peut rapidement devenir inflammable.

Pour résumer cet avis, je serai d'un optimisme très prudent ou d'un pessimisme mesuré sur la capacité des pouvoirs publics à accompagner enfin la presse vers un retour à l'équilibre.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de crédits relatifs à la presse pour 2024.

Mme Else Joseph. - Merci pour ces éléments d'information très clairs. Si les crédits augmentent, on voit cependant mal quelles sont les priorités du gouvernement.

Média classique par excellence, la presse, confrontée à une crise structurelle antérieure à l'apparition d'internet, fait l'objet d'une attention constante des pouvoirs publics, dans le contexte d'une crise de confiance de son lectorat. Un soutien financier est apporté à ce secteur stratégique pour la vitalité de notre démocratie. Néanmoins, les inquiétudes sont nombreuses : les entreprises sont soumises à la loi du marché dans un environnement très concurrentiel et le modèle économique de la presse écrite ne semble plus fonctionner alors que les habitudes des Français changent. Comment permettre le pluralisme des médias ? Où en est-on de la transformation numérique, qui semble inachevée ? Les moyens prévus sont-ils suffisants pour moderniser la presse ?

Outre la concurrence des plateformes numériques, on constate un effondrement des recettes publicitaires depuis quinze ans. La récente problématique de la hausse des coûts, entre autres du papier, aggrave la situation. La presse subit un cumul de difficultés.

La question de l'Agence France-Presse (AFP) n'a pas été évoquée. Elle est l'une des trois agences mondiales de presse et est contrôlée par l'État. On note des résultats positifs depuis 2019, notamment grâce à un effort de réduction des charges d'exploitation et d'augmentation des recettes commerciales. L'information fait l'objet de polémiques, comme on l'a vu récemment avec le traitement des sujets sur le Proche-Orient. Nous devons rester vigilants sur la situation de l'AFP, qui reste un atout stratégique de premier plan.

La question des aides à la diffusion de la presse, qui connaissent une faible hausse des crédits, reste d'actualité. Ces aides doivent permettre un accès à l'information de tous les citoyens sur tout le territoire. Pourriez-vous nous donner des précisions sur la nouvelle aide à l'exemplaire suite à la réforme du portage et du postage ?

Je suis également vigilante sur la situation de France Messagerie, avec la problématique particulière de l'outre-mer.

En ce qui concerne le pluralisme, on constate une très légère hausse des crédits. Les aides sont apportées à des titres, notamment de la PQR, qui disposent de faibles recettes publicitaires. La PQR est fragilisée par la hausse du prix du papier et par le fait qu'elle n'a pas achevé sa transition numérique. Je veux insister sur l'absence de concurrence, qui entraîne peut-être une moindre émulation. Dans mon territoire, il n'existe qu'un seul groupe de presse : on donne la parole à certains élus mais pas à d'autres, parce qu'ils ne sont pas du bon bord politique... C'est pourquoi nous devons toujours garder en vue l'objectif du pluralisme. Je n'oublie pas non plus la presse ultramarine, dont certains titres connaissent des difficultés.

Enfin, il faut évoquer l'accès à la presse de certains publics réputés rétifs - je pense aux jeunes : ce sont ceux qui lisent le moins la presse, à laquelle ils préfèrent les réseaux sociaux, qui sont des faux amis de la lecture et de l'information. Avons-nous des pistes pour encourager les jeunes à se tourner vers la presse ? L'extension du pass Culture aux abonnements en 2024 permettra-t-elle d'améliorer la situation ?

Notre groupe votera en faveur de l'adoption des crédits relatifs à la presse.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je voudrais tout d'abord féliciter Michel Laugier pour la qualité et la pertinence de son rapport. En ces temps où l'intégrité de l'information et la liberté de la presse sont cruciales pour le maintien de notre démocratie, notre rôle en tant que parlementaires est de soutenir les piliers fondamentaux de cette dernière.

Le programme 180 « Presse et médias » représente un engagement vital pour la préservation et la promotion d'un paysage médiatique diversifié et indépendant en France. Nous sommes conscients des critiques concernant les aides à la presse, souvent jugées opaques et complexes, et concentrées sur la presse papier au détriment du numérique. Il est impératif de lancer une réforme de ces aides pour garantir la transparence et leur adaptation aux réalités actuelles du secteur.

L'Agence France-Presse, dont nous avons auditionné le président il y a quelques jours, reste malgré les récentes polémiques un pilier essentiel de notre paysage médiatique. L'augmentation de son budget de 6 millions d'euros pour 2024 est un témoignage de notre engagement envers une presse de qualité indépendante. Dans un monde où la désinformation est omniprésente, soutenir l'AFP est un acte essentiel pour garantir autant que possible une source d'information fiable et objective.

Le plan de soutien à la filière presse en réponse à la crise structurelle du secteur est un autre élément clé. Il combine des crédits budgétaires et des dépenses fiscales pour soutenir la presse dans sa transition écologique et numérique. Les États généraux de l'information, lancés avec un an de retard, sont une étape cruciale. Nous attendons de cet exercice une profonde réflexion sur les défis actuels de la presse, en tirant les leçons des États généraux de la presse écrite de 2008 et en identifiant les problèmes à résoudre pour un paysage médiatique plus robuste et diversifié.

Le soutien aux médias de proximité, aux radios locales et associatives, est également essentiel.

L'aide à la distribution de presse est une démarche cruciale pour garantir un accès équitable à l'information. L'effondrement de Presstalis et la reprise par France Messagerie ont mis en lumière la nécessité d'un réseau de distribution efficace. En 2024, l'aide à la distribution de la PQN d'information politique et générale est maintenue à un niveau exceptionnel. Concernant l'avenir de France Messagerie après 2024, il est crucial de réfléchir à une refonte globale, éventuellement en spécialisant la société sur la PQN, tout en assurant la continuité de la distribution de la presse écrite sur tout le territoire.

L'intégration de la presse dans le pass Culture est une avancée notable qui favorise l'accès des jeunes à la diversité de médias. Cela renforce leur engagement culturel et leur compréhension du monde. Nous regrettons cependant que la presse papier soit exclue du dispositif et espérons voir cette lacune comblée dans l'avenir.

Le programme 180 ne se contente pas de répondre aux défis actuels : il anticipe les transformations futures et renforce les fondements de notre démocratie, en garantissant une presse libre, diversifiée et accessible à tous.

Le groupe Union Centriste émettra un avis favorable sur ce programme et votera le rapport de Michel Laugier.

Mme Sylvie Robert. - Je veux féliciter notre rapporteur, qui connaît bien le sujet. Pour avoir assisté à quelques auditions avec lui, j'ai constaté que nous allions vers une confrontation inéluctable entre les différents acteurs, dans un contexte de tensions assez fortes.

À la lecture du programme 180, je suis animée par un sentiment en demi-teinte. Certes, avec les États généraux de l'information, on se dit que ce budget est en quelque sorte un budget d'attente, avant la prise de décisions de fond, notamment sur la réforme des aides à la presse. L'année 2024 est en quelque sorte une étape, sans inflexion manifeste.

Je souhaiterais évoquer quelques points de vigilance.

L'AFP est confortée, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, nous ne connaissons pas encore le contenu du contrat d'objectifs et de moyens (COM), lequel aurait pu donner aux parlementaires que nous sommes des indications sur l'adéquation entre les missions et les moyens.

Les aides à la presse ne baissent pas beaucoup, de 0,3 %, mais le manque de réflexion sur leur contenu est regrettable.

Sur le volet « médias », je suis surprise que l'aide sélective aux autrices et auteurs de podcasts soit supprimée, alors même que les podcasts sont en plein développement et qu'ils constituent un moyen pour les jeunes non seulement de s'informer, mais aussi de s'approprier de grandes problématiques contemporaines.

Sur l'aide à la distribution, c'est un sujet important sur lequel la vigilance est de mise. On constate les difficultés du transfert du postage au portage, notamment pour la presse IPG. L'objectif de portage, qui était de 87 % en 2023, a baissé à 74 % en 2024. Les États généraux de l'information permettront peut-être d'aller plus loin ; le Sénat a fait beaucoup en la matière.

Le rapporteur a évoqué le débat que nous avons eu avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la question de l'écocontribution et de Citeo. Il serait intéressant que les deux commissions s'emparent, un an après, de l'évaluation de ce dispositif.

Enfin, s'agissant de la distribution, une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'inspection générale des finances (IGF) doit rendre ses conclusions d'ici à la fin de l'année. Nous pourrons évaluer le bien-fondé du système de distribution de la presse, notamment avec l'évolution des usages. Les questionnements sont nombreux dans nos territoires. Cette mission sera peut-être l'occasion de prévoir des dispositions plus pérennes et mieux adaptées aux usages de demain.

Ce budget ne nous satisfait donc pas pleinement.

M. Jérémy Bacchi. - Merci pour ce brillant rapport qui fait le tour des enjeux que rencontre la presse dans notre pays. Pendant cette année 2023, marquée par des événements internationaux, le rôle de la presse n'a cessé de faire débat, signe d'un attachement de nos concitoyens à une information la plus objective, documentée et juste possible. Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les pays du monde ; de ce point de vue, nous pouvons donc nous en réjouir.

La presse connaît un certain nombre de difficultés, notamment liées à la baisse des recettes issues de la publicité - près de 60 % de recettes en moins en une vingtaine d'années. Cela s'explique par la concurrence du numérique, même s'il faut nuancer ce fait, les recettes liées au numérique étant trois ou quatre fois moindres que celles liées au papier. La transition numérique que vous appeliez de vos voeux, monsieur le rapporteur, et que je partage doit s'accompagner d'un soutien de la puissance publique encore plus fort à la presse, notamment à la PQR.

Vous avez évoqué à juste titre la hausse des coûts du papier, qui est passé de 400 à 800 euros la tonne en deux ans, et du carburant. L'augmentation du tarif unitaire d'un quotidien n'est pas totalement extensible.

Par conséquent, toute la filière associée à la diffusion et à la vente de la presse traverse une grave crise, voire menace de s'effondrer. Les acteurs l'ont bien compris et ont multiplié les initiatives pour reconquérir un plus large lectorat. Dans un tel contexte, l'appui de la puissance publique à la presse est essentiel, car au-delà de l'aspect économique se posent évidemment des enjeux de démocratie. La question de la pluralité et de la diversité de la presse, y compris de la presse d'opinion, encore plus touchée que la PQR, doit nous alerter en tant que législateur.

D'autres canaux de diffusion tendent à supplanter la presse depuis quelques années, ce qui fait peser des risques relativement graves sur la vérification de l'information et sur le débat démocratique : il s'agit des réseaux sociaux qui, pour une part croissante de la population, font office de nouveaux médias d'information. Journaliste, c'est un métier qui ne s'improvise pas. Nous avons donc intérêt à travailler au renforcement de la presse.

Nous accueillons favorablement l'augmentation de presque 12 % des aides au pluralisme et la reconduction des aides à la modernisation et à la distribution, notamment au portage de la presse. Dans un contexte national et international où se multiplient les fausses informations, qui peuvent être instrumentalisées - parfois de l'étranger - pour déstabiliser le débat démocratique, le renforcement des moyens alloués à l'AFP nous paraît essentiel pour garantir la fiabilité de l'information et des sources.

Il conviendra, tout au long de l'année à venir, de rester à l'écoute des acteurs du secteur, et d'être extrêmement attentif à ce qui sortira des États généraux de l'information. Comme ma collègue Sylvie Robert, j'ai le sentiment d'être dans un entre-deux, avec peut-être l'année prochaine - espérons-le ! - de grandes annonces pour conforter la presse.

Mme Monique de Marco. - Merci pour ce rapport très intéressant, et pour cette citation de Benjamin Constant : une presse libre et une information fiable sont effectivement indispensables. La baisse du chiffre d'affaires des titres de presse fragilise le système.

Une anecdote : quand je veux acheter un exemplaire du journal Le Canard enchaîné le mercredi matin avant de venir en commission, je constate que les kiosques parisiens sont fermés (Sourires.) Je me contente alors, comme beaucoup d'entre nous, de la presse en ligne.

En ce qui concerne les aides à la presse, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas eu de propositions de loi, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, notamment pour rendre ces aides conditionnelles. Quelques avancées ont été faites : il faut, par exemple, un nombre minimal de journalistes, mais on pourrait aller plus loin - nous verrons ce qui sortira des EGI.

Je ne comprends pas pourquoi le crédit d'impôt pour un premier abonnement à la presse a été abandonné - apparemment, il n'a pas rencontré de succès. Mais a-t-il bénéficié d'une publicité suffisante ?

Pour conclure, je ne sais pas s'il faut avoir beaucoup d'espoir dans les EGI, qui ont déjà pris du retard. Il ne faudrait pas qu'ils finissent comme la Convention citoyenne pour le climat, c'est-à-dire dans un oubli sidéral.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces crédits.

M. Bernard Fialaire. - À mon tour de féliciter le rapporteur.

Effectivement, dans le contexte des États généraux de l'information, on voit bien qu'il s'agit d'un budget intermédiaire, que je soutiendrai.

Je veux revenir sur une de mes préoccupations, la PQR, vue par un grand nombre de lecteurs comme une presse d'information. Les collectivités, parfois sous le prétexte vertueux de soutenir la presse locale, financent largement la PQR et en profitent pour exercer leur influence : certains titres sont des organes de propagande permanente des collectivités qui les financent. J'espère que les EGI nous permettront d'aborder ce sujet et de trouver des solutions.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis. - Mes chers collègues, je vous remercie pour vos interventions qui étaient davantage des observations que des questionnements.

Madame Joseph, la PQN passe au numérique plus rapidement que la PQR. Plusieurs titres ont déjà davantage d'abonnés numériques que d'abonnés « papier ». En province, on est encore attachés à lire son journal le matin - et les kiosques sont ouverts tôt le matin, madame de Marco ! Il faut noter que la crise du covid a accéléré le passage au numérique.

Si certains achètent leur journal en kiosque, d'autres le reçoivent à domicile. La réforme « Giannesini », qui a permis de mettre 42 millions d'euros sur la table pour le transport de la presse, est en train d'être appliquée : son efficacité ne peut pas encore être mesurée. D'autres problèmes ont dû être réglés : je pense aux prix du papier et des carburants, ou à la mise en place de zone à faibles émissions (ZFE) - la plupart des personnes qui livrent n'ayant pas de véhicule électrique.

En ce qui concerne la PQR et la concurrence, il est aujourd'hui très compliqué de lancer un nouveau titre, car il faut un modèle économique. Le seul nouveau titre mis sur le marché cette année a été La Tribune Dimanche. Rappelons-le, beaucoup de titres de la PQR tiennent encore la route économiquement parce qu'ils diversifient leurs activités : salons, foires, courses de bateaux, festivals...

La presse ultramarine bénéficie d'une aide spécifique. Le problème vient du périmètre forcément limité de leur diffusion. Le Quotidien de la Réunion connaît quelques difficultés; aux Antilles, il a fallu l'intervention des pouvoirs publics pour qu'un industriel investisse dans la presse.

En ce qui concerne les jeunes, outre le pass Culture, avait été ouverte la possibilité d'avoir un crédit d'impôt pour un premier abonnement. Madame de Marco, le Gouvernement n'a pas forcément fait de publicité sur ce dispositif, et les 150 millions d'euros prévus ont été très peu utilisés, ce qui a conduit à sa suppression. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage... Ce qui est important, et j'espère que les EGI aborderont cette question, c'est l'éducation aux médias et à l'information. Comment trouver la véritable information entre ce qu'on lit dans les journaux, ce qu'on regarde sur les réseaux sociaux et ce qu'on voit sur les chaînes d'information, où l'on confond journalistes, éditorialistes et invités ? Sans même parler de l'influence des pays étrangers au travers des réseaux sociaux, évoquée par Jérémy Bacchi...

Je n'ai pas parlé de l'AFP, car elle est sur la bonne voie. Elle a retrouvé un équilibre économique ; le COM devrait être signé dans les prochains jours : nous y verrons plus clair. Le développement des vidéos a été payant ces dernières années, et son PDG souhaite continuer dans cette voie.

Madame Robert, oui il est difficile aujourd'hui de maintenir à flot la presse. La réflexion est en cours, nous verrons les solutions proposées.

La distribution de la PQN est un vrai problème - la PQR organise elle-même sa distribution, et cela se passe bien. On a du mal à comprendre pourquoi elle coûte aujourd'hui plus cher alors qu'il y a de moins en moins de numéros à distribuer.

Monsieur Fialaire, les éditeurs de PQR sont en concurrence avec les magazines et journaux des collectivités territoriales. Certes, les collectivités peuvent intervenir mais leurs actions font aussi partie de l'actualité du territoire. Il ne faut pas oublier que la PQR vit aussi grâce aux annonces légales : si elles disparaissent un jour, l'équilibre économique serait difficile à trouver.

M. Laurent Lafon, président. - J'ai proposé à Christophe Deloire, le délégué général des États généraux de l'information, de venir devant notre commission lorsque les travaux seront assez avancés - pour l'instant, ils en sont encore aux auditions.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 « Presse et médias ».

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