- AVANT-PROPOS
- I. I. LA CRÉATION À L'ÉPREUVE
DES CRISES SUCCESSIVES
- II. PAS DE CULTURE POUR TOUS SANS UNE ATTENTION
ACCRUE À LA SITUATION DES TERRITOIRES
- I. I. LA CRÉATION À L'ÉPREUVE
DES CRISES SUCCESSIVES
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- ANNEXE
N° 133 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, |
TOME II Fascicule 2 CULTURE Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
Par Mme Karine DANIEL, Sénatrice |
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178 Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) |
AVANT-PROPOS
Si la commission de la culture se félicite de la poursuite de l'effort en direction du secteur culturel compte tenu des difficultés croissantes auxquelles il fait face, elle estime qu'une attention particulière devrait être prêtée aux scènes de musiques actuelles et au secteur des arts visuels, particulièrement fragilisés.
Malgré la priorité budgétaire accordée à l'enseignement supérieur, la commission regrette que les écoles supérieures d'art territoriales, dans une situation inquiétante, n'aient pas fait l'objet d'un soutien accru.
Alors que la politique de démocratisation culturelle est de plus en plus dominée par le pass Culture, la commission reste convaincue qu'une véritable co-construction avec les collectivités territoriales est la clé pour parvenir à faciliter l'accès de tous à la culture.
I. I. LA CRÉATION À L'ÉPREUVE DES CRISES SUCCESSIVES
A. UNE NOUVELLE CROISSANCE DES CRÉDITS RENDUE NÉCESSAIRE PAR L'IMPACT DE L'INFLATION SUR LE SECTEUR
1. La poursuite de l'effort budgétaire face à la fragilisation
D'un montant de plus d'un milliard d'euros, les crédits du programme 131 devraient poursuivre leur progression en 2024 (+ 3,1 %), même si leur croissance est inférieure à celle des autres programmes de la mission « Culture ».
Cette revalorisation des crédits se justifie au regard des difficultés financières que rencontre le secteur de la création. Malgré son ampleur, la relance n'a pas permis aux établissements de reconstituer leurs marges artistiques1(*). Les comportements modifiés des publics suite à la crise sanitaire (réservations tardives, intérêt pour les têtes d'affiche au détriment des artistes émergents) génèrent de l'incertitude, malgré la réelle reprise du niveau de la fréquentation.
Les structures culturelles subissent désormais de plein fouet les effets de la crise énergétique et des demandes salariales qui en ont découlé. L'augmentation généralisée de leurs coûts fixes se traduit par une réduction de plus en plus inquiétante de leurs marges artistiques, qui compromet leur capacité à mener à bien leurs missions de soutien à la création et à la diversité artistique, mais aussi d'animation culturelle des territoires. Les structures labellisées ont, en principe, des obligations en matière d'actions de médiation et de diffusion « hors les murs » pour faciliter l'accès et la participation de tous les citoyens à la vie culturelle.
Cette situation nécessite une attention particulière compte tenu de la place centrale qu'occupent les structures de diffusion dans l'écosystème culturel. Les marges de manoeuvre des établissements afin d'accroitre leurs ressources propres sont limitées au regard de l'impact qu'aurait une augmentation significative du prix des billets sur la fréquentation et l'accès à l'offre culturelle. Leur fragilisation constitue une menace pour l'ensemble de la filière. Alors que beaucoup commencent à reconsidérer leur programmation faute de moyens suffisants, le risque pourrait être de voir progressivement se réduire l'offre culturelle et sa diversité et d'aboutir à un effondrement de l'activité et de l'emploi artistiques, dont les conséquences seraient terribles en termes d'irrigation culturelle des territoires et de démocratisation.
La moitié des nouveaux crédits inscrits en 2024 vise à accompagner le fonctionnement des opérateurs, labels et réseaux du spectacle vivant et des arts visuels.
Si ces revalorisations sont à saluer, elles restent proportionnellement modestes en comparaison du niveau de l'inflation. Les représentants des collectivités territoriales auditionnés n'ont pas caché qu'ils rencontraient des difficultés croissantes pour parvenir à assumer les coûts de fonctionnement des structures compte tenu de leurs propres contraintes, bien que le dernier baromètre de l'Observatoire des politiques culturelles sur les dépenses des collectivités territoriales montre qu'il n'y a pas eu jusqu'ici de repli des subventions de la part des collectivités.
Les collectivités s'inquiètent en particulier du sort des labels, dont elles assument une part majoritaire du financement. Si l'État prévoit une progression des crédits qu'il consacre aux labels de l'ordre de 4,6 % pour le spectacle vivant et de 12,5 % pour les arts visuels, les collectivités estiment qu'il serait profitable de récompenser parmi elles celles qui font des efforts sur leurs dépenses culturelles en modulant le niveau de leur dotation globale de fonctionnement.
2. Mieux produire, mieux diffuser : la nouvelle orientation politique du Gouvernement pour répondre aux difficultés du secteur de la création
Un cinquième des mesures nouvelles devrait financer en 2024 le déploiement du programme « Mieux produire, mieux diffuser » qui doit permettre d'aider les établissements à reconstituer leurs marges artistiques. Découlant du constat que le secteur de la création pâtit aujourd'hui d'un excès de productions, insuffisamment diffusées, ce programme vise à refonder le système de production et de diffusion en développant les coopérations et les mutualisations et en favorisant la diffusion sur des temps plus longs, y compris à l'international. Il doit permettre de contribuer à la vitalité des territoires, au développement des publics, et à la soutenabilité écologique du secteur. Sa mise en oeuvre devrait s'accompagner d'une rénovation des dispositifs d'aide, d'une actualisation des cahiers des missions et des charges et de l'élaboration d'un nouveau pacte de financements croisés avec les collectivités territoriales.
Le ministère de la culture attend un important effet de levier des crédits qu'il devrait consacrer à son déploiement. Il espère une contribution équivalente des collectivités territoriales et la réalisation d'environ 10 millions d'euros d'économies de la part des établissements culturels grâce à une rationalisation du nombre de productions. Si les collectivités territoriales et les structures culturelles partagent les objectifs du programme, ses premiers effets ne devraient se faire sentir qu'à compter de la saison culturelle 2024-2025. Il conviendra d'en mesurer rapidement l'efficacité concrète, compte tenu des tensions très fortes qui pèsent sur le fonctionnement des établissements et qui laissent peu la possibilité de tâtonner entre différentes solutions.
La qualité de la coopération entre l'État, les collectivités et les établissements jouera un rôle clé dans le succès de ce dispositif.
3. Un effort sur les questions d'emploi dans un contexte marqué par un risque d'hémorragie
Le budget comporte 9 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre du soutien à l'emploi artistique : 5 millions d'euros pour le financement des mesures du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), dont l'enveloppe est ainsi portée à 39 millions d'euros ; et 4 millions d'euros pour la poursuite de la mise en oeuvre du plan artistes-auteurs.
Alors que la crise sanitaire s'est déjà traduite par le départ d'une partie des professionnels du secteur de la création vers d'autres secteurs, les difficultés budgétaires croissantes que rencontrent les établissements culturelles mettent aujourd'hui à mal leur capacité à répondre aux revendications salariales qui leur sont soumises. On sent poindre une véritable inquiétude des établissements sur leur capacité à conserver l'expertise en leur sein et à endiguer le risque d'hémorragie dans un secteur où les rémunérations sont déjà en moyenne moins attractives.
Cet enjeu constitue un véritable défi pour le secteur de la création. Particulièrement palpable dans le secteur des arts visuels, qui ne bénéficie d'aucun instrument comparable au Fonpeps permettant de contribuer à la pérennisation de l'emploi, cet enjeu apparait également fort pour le spectacle vivant, comme l'ont révélé les inquiétudes qu'a suscitées la négociation du nouvel accord interprofessionnel sur le régime de l'assurance chômage. Si les conditions d'indemnisation du régime de l'intermittence ne devraient finalement pas être durcies, comme le souhaitaient les organisations patronales interprofessionnelles, les avancées qui figuraient dans l'accord sectoriel conclu le 27 octobre dernier par la Fesac et les syndicats du secteur n'ont pas été reprises.
La rapporteure estime que ces questions d'emploi constituent un enjeu majeur afin d'assurer la poursuite de l'activité culturelle et le bon déploiement de l'offre culturelle dans les zones les plus fragiles.
B. LES POINTS DE VIGILANCE DE LA COMMISSION
1. La situation alarmante des scènes de musiques actuelles (SMAC)
La commission est particulièrement préoccupée par la situation des SMAC, qui ne parviennent plus à remplir les missions fixées dans le cahier des charges du label faute de moyens suffisants. Plusieurs d'entre elles se trouvent dans un état financier alarmant. La reprise de la fréquentation, désormais repartie à la hausse, a été plus lente pour les salles de petite et moyenne jauges après la crise sanitaire et le remplissage des salles s'est révélé plus délicat pour les artistes émergents. D'après une enquête réalisée au printemps par le ministère de la culture auprès d'une trentaine de SMAC, leurs marges artistiques se réduiraient et seraient même négatives pour un certain nombre d'entre elles. Plusieurs SMAC envisagent de procéder à des licenciements ou d'annuler partiellement ou totalement leur saison artistique afin de faire face à la hausse des charges, évaluée aux alentours de 20 % sous l'effet de l'inflation.
La contribution de l'État au financement de ces structures demeure faible en comparaison d'autres labels : les SMAC l'évaluent en moyenne à 135 000 euros, le montant plancher de participation de l'État étant par ailleurs le plus bas de l'ensemble des labels, malgré le relèvement de 75 000 à 96 000 euros prévu en 2024. L'État finance aujourd'hui ces structures à hauteur de 11 % de leur budget, contre 40 % pour les collectivités territoriales.
Aide moyenne de l'État par typologie de label
Au regard de l'importance des 92 SMAC pour la vie culturelle des territoires, le dynamisme de la filière musicale et le soutien à l'émergence des jeunes artistes au niveau local, la commission a déposé, sur la proposition de sa rapporteure, un amendement visant à revaloriser la dotation globale de l'État aux SMAC de 3,68 millions d'euros par le biais d'un transfert de crédits prélevé sur le pass Culture, dans la mesure où la commission considère qu'une offre culturelle diversifiée sur les territoires est un préalable nécessaire pour permettre au pass Culture de remplir ses objectifs de démocratisation culturelle et de diversification des pratiques des jeunes. Cette somme permettrait de garantir un soutien minimal de l'État de 175 000 euros à chacune des SMAC dans le but de résorber une partie de leurs difficultés de financement.
La commission a bien noté que la ministre de la culture, lors de son audition le 24 octobre, estimait qu'il pourrait être plus opportun de différencier le niveau d'accompagnement par l'État des différentes SMAC au regard de l'hétérogénéité de leur situation budgétaire. Bien que l'ensemble des SMAC soit soumis au même cahier des missions et des charges, la commission est ouverte à ce que cette dotation supplémentaire puisse être répartie entre les SMAC d'une manière différente du relèvement du montant plancher à 175 000 euros, dès lors que la solution retenue permette à l'ensemble des lieux labellisés de disposer des moyens appropriés pour continuer à remplir leurs missions. La question du financement des SMAC constitue le point de préoccupation majeur dans le domaine du spectacle vivant, comme l'a reconnu le président de l'association des directeurs régionaux des affaires culturelles lors de son audition.
2. L'impact des Jeux olympiques sur l'édition 2024 des festivals
Si le projet de loi de finances pour 2024, tel qu'il a été considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49-3 de la Constitution, prévoit une revalorisation de 2 millions d'euros du fonds festivals, porté à 12 millions d'euros, des inquiétudes persistent autour de la situation des festivals en 2024 dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Si des solutions ont généralement été trouvées pour permettre le maintien des éditions, les organisateurs craignent toujours de se voir imposer une annulation de dernière minute pour des motifs de sécurité (réquisition des services d'ordre privé par les JOP, manque de sécurité civile). Par ailleurs, la programmation simultanée de nombreux festivals suite aux décisions de report, ainsi que la concurrence créée par les JOP, laissent planer des doutes sur le niveau de la fréquentation.
Face au renchérissement des coûts artistiques, sécuritaires et techniques, accru l'année prochaine par la concomitance des différentes manifestations, le ministère de la culture envisage la possibilité d'une indemnisation des acteurs culturels qui auront subi une perte de recettes liée aux JOP. Des crédits pourraient être ouverts à cet effet en loi de finances de fin de gestion.
La commission considère qu'il s'agit d'un enjeu d'autant plus crucial pour beaucoup de festivals que leur situation budgétaire est fragile et que plusieurs d'entre eux, soutenus par l'État depuis 2022 dans le cadre de sa nouvelle politique en direction des festivals, ne pourront plus prétendre à un soutien de sa part l'année prochaine, puisque les principes d'engagement de l'État définis en 2021 prévoient que l'aide ponctuelle ne peut intervenir au maximum qu'à deux reprises.
3. Les arts visuels, éternel « parent pauvre » de la politique du ministère
En dépit de la progression de 6,7 % des crédits de l'action 2 en 2024, pour un montant total de 150,9 millions d'euros, le secteur des arts visuels estime que le rééquilibrage des crédits en cours par rapport au spectacle vivant2(*) n'est toujours pas à la hauteur du public qu'il touche proportionnellement au spectacle vivant et des retombées qu'il génère en termes économiques ou de droits culturels.
Malgré les efforts budgétaires prévus en 2024, le niveau du soutien financier de l'État reste en deçà des besoins réels du secteur, compte tenu de la sous-dotation initiale dont pâtit l'action 2.
D'une part, les efforts se concentrent essentiellement sur les grands établissements publics, qui représentent les deux tiers des crédits, et les labels, pour un cinquième des crédits. L'aide aux professionnels du secteur est très résiduelle dans le budget total. Le nombre de bénéficiaires des aides est d'ailleurs réduit, passant de 1 335 en 2023 à 738 en 2024. Les aides à la structuration du secteur au travers des SODAVI demeurent très modestes (1,2 M€), alors que ces dispositifs nécessitent d'être inscrits dans la durée pour rendre possible une véritable structuration de l'écosystème des arts visuels dans les territoires. L'absence de convention collective et de dialogue social au sein du secteur a des répercussions directes sur les niveaux de rémunération des salariés et sur les conditions de travail.
D'autre part, les revalorisations de crédits sont insuffisantes pour compenser la hausse générale des coûts subie par les structures des arts visuels et les efforts grandissants qu'elles déploient pour garantir une juste rémunération des artistes dans le cadre du droit d'exposition. À titre d'exemple, les centres d'art ont évalué à 20 % le déficit de financement du budget de fonctionnement médian d'un centre d'art (450 000 euros). Cette situation contraint un nombre croissant de lieux à diminuer les activités qui font pourtant partie de leurs missions, en produisant moins et en organisant moins d'expositions. D'après les représentants du secteur des arts visuels auditionnés, les structures, mêmes labellisées, sont aujourd'hui en danger, en dépit du fait qu'elles soient perçues de l'extérieur comme des structures solides.
Les arts visuels ne bénéficient par ailleurs qu'à la marge ou de manière partielle des politiques mises en place dans le domaine de la création, comme l'a illustré le programme « Mondes nouveaux ». Alors que les arts visuels espéraient que ce programme richement doté de commandes publiques, initié en 2021 dans un objectif de relance, leur était destiné, seuls 29 % des projets sélectionnés dans le cadre du premier appel à manifestation d'intérêt (AMI) relevaient du domaine des arts plastiques (21 % du champ du spectacle vivant et 9 % de l'écriture).
Répartition des projets « Mondes nouveaux 1 » Source : Commission de la culture, de
l'éducation et de la communication |
Les structures déplorent les effets limités de ce programme sur l'économie du secteur. Il n'a concerné qu'un faible nombre de bénéficiaires (260 projets sélectionnés concernant 430 artistes) en comparaison des moyens déployés (30 M€). Les structures des arts visuels n'ont par ailleurs pas été associées à sa mise en oeuvre, l'AMI ayant privilégié les sites du Centre des monuments nationaux et du Conservatoire du littoral comme espaces d'exposition.
La sélection des projets n'a également pas permis de garantir une réelle équité territoriale, même rapportée à la population de chaque région. La visibilité du dispositif est insuffisante. Compte tenu des moyens financiers alloués à ce programme, il convient qu'il permette aussi de faciliter la diffusion au plus grand nombre en plus de soutenir la production. La commission avait exprimé le souhait l'an passé d'une meilleure médiation culturelle des projets sélectionnés.
La rapporteure estime que des correctifs doivent être apportés à ce programme pour justifier le lancement de sa deuxième édition, compte tenu de son coût pour les finances publiques.
De la même manière, les arts visuels ne devraient obtenir que 10 % des crédits alloués au nouveau programme « Mieux produire, mieux diffuser », soit une part inférieure à celle qui leur est échue dans le cadre de la répartition des crédits du programme 131. Ce faible niveau d'accompagnement constitue une source de déception pour le secteur des arts visuels, qui attendait beaucoup de ce programme pour soutenir la production, faciliter la diffusion qui est le volet de leur activité le plus difficile à financer par le biais d'apports extérieurs, et contribuer à la transition écologique. Or, le programme ne vise que les projets de circulation des expositions et la coproduction et il se révèle centré sur les lieux déjà subventionnés par ailleurs. Sur la proposition de sa rapporteure, la commission a déposé un amendement rehaussant d'un million d'euros les crédits destinés à la mise en oeuvre du programme « Mieux produire, mieux diffuser » dans le champ des arts visuels, par le biais d'un transfert de crédits prélevé sur le pass Culture. Cette revalorisation vise à élargir la nature des actions financées et le nombre de ses bénéficiaires. Elle lui parait d'autant plus légitime que le secteur des arts visuels profite jusqu'ici peu des dotations du pass Culture, dans la mesure où ses offres à destination des jeunes sont gratuites et guère valorisées sur l'application.
La commission reste convaincue que le secteur des arts visuels souffre d'un déficit d'observation, ce qui nuit à l'identification de l'ensemble des acteurs concourant à cet écosystème et à la définition de politiques publiques qui lui soient véritablement adaptées. L'organisation d'une véritable observation, comme il en existe dans d'autres secteurs (Centre national de la musique, Centre national du Cinéma), et le développement de centres de ressources constituent des enjeux clés pour permettre au secteur des arts visuels de gagner en visibilité.
De ce point de vue, le manque de moyens humains et financiers du Centre national des arts plastiques et du Conseil national des professions des arts visuels restent de réels obstacles qu'il conviendrait de lever.
II. PAS DE CULTURE POUR TOUS SANS UNE ATTENTION ACCRUE À LA SITUATION DES TERRITOIRES
A. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE POUR 2024 MAIS DES DISPARITÉS PERSISTANTES
1. Un effort budgétaire en faveur des établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la culture
L'action 1 consacrée au soutien aux établissements d'enseignement supérieur et à l'insertion professionnelle devrait bénéficier des plus fortes revalorisations du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Ses crédits de paiement progressent de 7,4 % et ses autorisations d'engagement de 8,3 %.
Source : Commission de la culture de
l'éducation et de la communication
(Chiffres du ministère de
la culture)
Un effort d'investissement
Le budget prévoit de nouveaux crédits pour financer un certain nombre de projets d'investissement dans les établissements nationaux de l'enseignement supérieur culture destinés, soit à assurer la réfection des locaux ou leur rénovation énergétique et leur adaptation au changement climatique, soit à améliorer les conditions de travail des étudiants.
L'État renforce par ailleurs son soutien aux projets d'investissement des écoles d'art territoriales conduits par les collectivités. Les crédits, d'un montant total de 14,2 millions d'euros, progressent de 3 millions d'euros (+ 27 %). Ils devraient prioritairement servir à financer des projets de rénovation et de construction d'équipements pour l'École des Beaux-Arts de Bordeaux et les écoles supérieures d'art d'Aix-en-Provence, de Bretagne, de Grenoble et de Reims.
2. Une meilleure prise en compte des besoins des écoles nationales supérieures d'architecture
Le projet de loi de finances tente de répondre aux besoins financiers et humains exprimés par les étudiants et le personnel des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) lors du mouvement de grève survenu dans plusieurs de ces écoles début 2023.
Alors que le ministère de la culture avait déjà débloqué une allocation de 3 millions d'euros en gestion courant 2023, fléchée sur des mesures consacrées prioritairement à la vie étudiante, les ENSA voient leurs moyens financiers renforcés en 2024 de près de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions d'euros en crédits de paiement.
Dix nouveaux postes devraient également être créés, conformément aux engagements pris par le ministère de la culture au moment de la réforme des ENSA en 2018.
La ministre de la culture a par ailleurs annoncé la création d'une 21e ENSA autonome à La Réunion, dont l'école était jusqu'ici rattachée à celle de Toulouse.
La répartition des nouvelles mesures en faveur des ENSA dans le PLF 2024
? 3,5M€ de revalorisation de des subventions pour charges de service public, destinées majoritairement au financement de mesures consacrées aux étudiants, afin de pérenniser la dotation dégagée en gestion en 2023 ;
? 0,5M€ de compensation des effets de l'inflation ;
? 0,9M€ au titre de l'augmentation du point d'indice ;
? 10M€ pour réaliser des travaux dans plusieurs écoles (Toulouse, Versailles, Bordeaux et Lille).
Ces mesures ont été bien accueillies par les ENSA. Même si elles ne devraient pas leur apporter de réelles marges de manoeuvre, au regard de l'inflation et des nouvelles mesures en faveur des étudiants, elles permettent de combler une partie de l'écart qui persiste vis-à-vis des établissements de l'enseignement supérieur qui ne relèvent pas du ministère de la culture. Compte tenu des efforts réalisés au cours des dernières années, la dépense publique par étudiant en ENSA, évaluée en 2023 par le ministère de la culture à 11 300 euros, se rapproche de plus en plus de la moyenne de l'enseignement supérieur (13 000 euros), même si les ENSA considèrent que les chiffres communiqués par le ministère de la culture sont sur-estimés.
Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de problèmes restent encore à traiter, comme l'a constaté la rapporteure lors de ses auditions, que ce soit, par exemple, sur le plan financier (produit de la contribution à la vie étudiante et de campus reversé aux ENSA, compensation de l'exonération des droits d'inscription accordée aux étudiants boursiers, critères présidant à la répartition des crédits de fonctionnement entre les ENSA...), comme sur le plan des ressources humaines, compte tenu du déficit de personnels, en particulier administratifs, dont souffrent les écoles. La définition d'un projet stratégique pour les ENSA doit également faire figure de priorité afin de donner un nouveau cap à ces écoles. D'après les informations communiquées à votre rapporteure, la stratégie nationale pour l'architecture devrait être révisée prochainement et comporterait un volet consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche en architecture.
3. Un accompagnement nécessaire face à la crise des écoles supérieures d'art
Déjà en proie à des difficultés financières depuis plusieurs années, les écoles supérieures d'art territoriales (ESAT) se retrouvent aujourd'hui dans une situation de fragilité inquiétante. Elles sont victimes d'un effet ciseau, sous l'effet d'une augmentation de leurs charges (augmentation du point d'indice et du glissement vieillesse technicité, hausse du coût de l'énergie, inflation, recrutements induits par les nouvelles missions et par l'alignement sur les exigences de l'enseignement supérieur) et d'une baisse des subventions des collectivités territoriales, ne serait-ce qu'à euros constants. La transformation au début des années 2010 de ces écoles, auparavant en régie directe, en établissements publics de coopération culturelle (EPCC), afin de les aligner sur les exigences du processus de Bologne en matière d'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, a eu pour effet de distendre les liens que les collectivités territoriales entretenaient avec elles.
S'ajoute par ailleurs un certain nombre de problèmes structurels relatifs, en particulier :
Ø au statut des enseignants des ESAT, à la fois incompatible avec les obligations du schéma Licence-Master-Doctorat, notamment en matière de recherche, et incohérent avec le caractère professionnalisant de ces écoles ;
Ø aux difficultés de gestion des ressources humaines rencontrées par ces établissements ;
Ø aux enjeux d'articulation de ces écoles avec l'écosystème professionnel ;
Ø à la non-exonération des droits d'inscription des étudiants boursiers, faute de moyens dédiés pour en assurer la prise en charge ;
Ø aux difficultés de gouvernance des ESAT, exacerbées dans le cas des écoles multi-sites.
Cette situation conduit à la dégradation des conditions d'études proposées aux étudiants de ces écoles (fermeture d'ateliers, réduction du nombre d'intervenants extérieurs, transfert sur les étudiants d'un certain nombre de coûts de scolarité jusqu'ici pris en charge...) et au risque d'un décrochage de ces établissements, préjudiciable à la fois au maillage territorial et à l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur dans le domaine artistique entre les territoires.
Après les alertes lancées en début d'année par les étudiants, les directeurs et le personnel des écoles supérieures d'art territoriales faisant état du risque qu'un tiers des écoles termine l'année 2023 en situation de déficit, corroboré par l'annonce de la fermeture de l'école de Valenciennes à compter de la rentrée 2025, le ministère de la culture a débloqué en mars 2023 une enveloppe d'urgence de 2 millions d'euros, répartie entre les écoles selon plusieurs critères (notamment gravité de la situation de l'établissement, convergence des dotations vers la moyenne de 1 700 euros par étudiant, prise en compte du niveau de soutien financier des collectivités territoriales). Parallèlement, la ministre a confié à Pierre Oudart, directeur général de l'Institut d'enseignement artistique Marseille Méditerranée, le soin de dresser un bilan de la situation des trente-trois écoles d'art territoriales afin de formuler des préconisations autour d'évolutions adaptées.
Source : Commission de la culture, de
l'éducation et de la communication |
Le financement des écoles d'art territoriales
Très majoritairement financées par les collectivités (à hauteur de plus de 80 %), à l'origine de leur création, les écoles d'art territoriales, qui délivrent le même diplôme national que les écoles nationales d'art, sont faiblement accompagnées par l'État, en dépit de la progression de ses dotations ces dernières années.
La part de l'État dans le financement des écoles territoriales s'établit en moyenne à 12 %, mais varie, selon les écoles, entre 2 % (école supérieure d'art Pays Basque) et 37 % (école européenne supérieure de l'image d'Angoulême Poitiers).
Pierre Oudart observe, dans son rapport, que ces écoles « n'ont jamais été, depuis près de quinze années, vraiment défendues sur le plan budgétaire au sein de l'appareil de l'État. »
Si les crédits inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2024 pérennisent cette enveloppe de 2 millions d'euros, ils n'évoluent pas davantage. La commission alerte depuis plusieurs années sur la nécessité de prêter une attention particulière à la situation de ces écoles afin d'éviter que ne se développe un enseignement à deux vitesses.
Dans le prolongement des amendements déposés les années antérieures, elle a présenté un amendement visant à accroître de 16 millions d'euros les crédits de l'État en faveur de ces écoles (7 millions d'euros au titre de la compensation du point d'indice ; 5 millions d'euros afin d'adapter la dotation de fonctionnement à l'accroissement des missions et à l'inflation ; 2 millions d'euros au titre de l'exonération des étudiants boursiers ; et 2 millions d'euros au titre de la réforme du statut des enseignants). Cette revalorisation constituerait un signal fort en direction des écoles supérieures d'art territoriales tout en offrant à l'État les moyens de mettre en oeuvre la feuille de route préconisée par le rapport de Pierre Oudart, remis à la ministre de la culture en octobre dernier. Elle serait par ailleurs plus cohérente avec la priorité budgétaire accordée à la jeunesse depuis quelques années, notamment au travers du pass Culture, en offrant aux jeunes sensibilisés à l'art au cours de leur parcours d'éducation artistique et culturelle des débouchés dans l'enseignement supérieur.
La rapporteure a pu constater qu'en dépit de leur situation plus favorable, les écoles nationales supérieures d'art sont également confrontées à d'importantes difficultés de fonctionnement.
La réalisation d'une cartographie de l'enseignement supérieur en art revêt, pour la rapporteure, un caractère d'urgence afin d'assurer un bon maillage territorial ou de préserver la singularité de certaines des écoles.
B. UNE POLITIQUE DE DÉMOCRATISATION CULTURELLE DOMINÉE PAR LE PASS CULTURE
1. Le pass Culture : un outil au service de la démocratisation culturelle et non une politique
Même si les évolutions qu'a connues le pass Culture (extension du volet individuel aux 15-17 ans en 2022, mise en place du volet collectif, étendu aux classes de 6e et 5e depuis la rentrée 2023) lui ont permis de gagner en efficacité, il reste des progrès à accomplir pour que ce dispositif, qui reste un simple outil de politique culturelle, puisse atteindre ses objectifs en matière de démocratisation culturelle. La rapporteure identifie plusieurs sujets de préoccupation sur lesquels le ministère de la culture, le ministère de l'éducation nationale et la SAS pass Culture ont encore à travailler
Ø La médiation culturelle
Malgré les efforts en matière d'éditorialisation, la médiation qui accompagne le déploiement du pass Culture apparait encore insuffisante pour permettre, d'une part, de garantir une réelle diversification des pratiques des jeunes, comme en témoigne la concentration des réservations autour du livre, du cinéma et de la musique, et, d'autre part, de toucher les jeunes sortis du système scolaire. Afin de ne pas réduire le volet individuel du pass Culture à une simple plateforme d'achat, la rapporteure demande qu'une priorité soit accordée à cet enjeu en 2024.
Ø L'articulation entre le pass Culture et l'éducation artistique et culturelle
La mise en place du volet collectif, dont le financement est intégralement assumé par le ministère de l'éducation nationale, confère à ce ministère un rôle désormais prépondérant dans la mise en oeuvre de la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC). Les directions régionales des affaires culturelles participent seulement aux comités territoriaux de pilotage mis en place pour son déploiement, présidés par les recteurs d'académie.
Alors que de nombreux artistes et structures culturelles, qui intervenaient dans les établissements scolaires au titre de l'EAC, ont fait part de difficultés pour se faire référencer sur l'application du pass Culture, un travail conjoint du ministère de l'éducation nationale et de la culture doit être engagé afin de s'assurer que le volet collectif ne se substitue pas progressivement aux autres actions d'EAC et qu'il ne se traduise pas par une réorientation du contenu de l'EAC vers une vision plus consumériste de la culture, au détriment des pratiques. Afin de veiller à ce que ce volet s'intègre correctement dans le parcours global d'EAC mis en place au sein des établissements scolaires, la rapporteure estime nécessaire de s'assurer que l'ensemble des établissements dispose effectivement d'un référent culture et qu'un accent soit mis sur la formation des différentes parties prenantes à la mise en oeuvre de la politique d'EAC (monde enseignant, secteur culturel, collectivités territoriale) aux enjeux qu'elle revêt.
Ø La coordination avec les collectivités territoriales
Une meilleure association des collectivités territoriales au bon déploiement du pass Culture et à la définition de ses éventuelles évolutions apparait aussi primordiale au regard du rôle qu'elle joue dans le financement de la culture en France et dans l'organisation de l'offre culturelle dans les territoires. Les collectivités regrettent toujours le manque d'articulation du pass Culture avec leurs propres dispositifs de soutien à l'accès à la culture des jeunes et souhaiteraient que leurs offres, y compris gratuites, soient davantage valorisées sur l'application. La rapporteure est convaincue que la coordination avec les collectivités est une condition de la réussite du volet individuel comme du volet collectif du pass Culture dans les zones plus éloignées de la culture, où elles ont un rôle clé pour identifier et renforcer l'offre culturelle de proximité. Leur pleine association aux réflexions autour du développement d'une offre de transport pour faciliter le déploiement du pass Culture apparait également évidente au regard des compétences qu'elles exercent dans ce domaine.
Ø Le problème posé par les jeunes qui ne se présentent pas au spectacle réservé (« no-show »)
Plusieurs offreurs ont signalé qu'une part des réservations effectuées par les jeunes sur l'application n'étaient pas honorées. La rapporteure s'inquiète du gaspillage d'argent public qui pourrait en résulter et demande qu'une étude soit conduite afin de mesurer l'ampleur de cette pratique et ses conséquences financières pour l'État et pour les offreurs, et d'identifier les mesures qui pourraient être prises dans le but de la juguler.
Ø Le statut de la SAS
Le statut de la structure porteuse du pass Culture interroge au regard des missions de service public qu'elle remplit et de son financement assumé finalement en intégralité par l'État. Son coût de fonctionnement, de 12 % de son budget total, dont 5 % du budget consacré aux charges de personnel, représente une somme non négligeable (plus de 30 M€). À tout le moins, l'intégration de la SAS sur la liste des opérateurs de l'État rendrait plus aisé le contrôle par la représentation nationale de l'évolution de son budget et de ses emplois.
2. Une vision peu stratégique de la politique d'accès à la culture dans les territoires
La rapporteure constate avec regret que la politique de démocratisation culturelle dans les territoires manque aujourd'hui de vision stratégique. Les mesures financées par des crédits en faveur de l'accès à la culture dans les territoires et de la cohésion sociale se caractérisent par une grande dispersion : outre des outils de contractualisation (conventions-cadre, conventions territoriales, conventions pluriannuelles d'objectifs, contrats de filière) et un soutien à un certain nombre d'acteurs (centres culturels de rencontre, tiers-lieux, acteurs de l'éducation prioritaire et de la solidarité), elles comprennent un certain nombre de dispositifs créés au fil des années pour répondre à des besoins ou des demandes spécifiques (été culturel, micro-folies, fonds d'innovation territoriale - FIT -, plan fanfare).
Alors que la dotation de ces dispositifs (3 M€ pour les micro-folies, 5 M€ pour le fonds d'innovation territoriale) ne parait pourtant pas de nature à résorber le déficit d'offre culturelle constaté dans les territoires, les crédits destinés à la participation de tous à la vie culturelle ont fait l'objet d'une sous-exécution sur les deux derniers exercices dont on dispose des chiffres d'exécution (- 5,5 M€ sur 62 M€ inscrits en 2021 ; -11,8 M€ sur 69 M€ en 2022), à la différence des crédits de l'EAC qui ont bénéficié de redéploiements (+ 20,9 M€ en 2021 et + 30,2 M€ en 2022).
Ces dispositifs doivent être rapidement évalués afin d'identifier ceux qui ont fait l'objet d'une sous-exécution et les raisons de celle-ci. Plusieurs difficultés pourraient en être à l'origine :
- la pertinence des critères d'octroi par rapport aux objectifs ;
- l'absence de co-construction de ces dispositifs avec les collectivités territoriales, alors que leur participation financière est exigée ;
- le fait qu'il s'agisse de dispositifs transversaux, qui relèvent des conseillers chargés de l'action culturelle et territoriale en DRAC, alors que les bénéficiaires potentiels sont en relation avec leurs conseillers sectoriels en DRAC, qui n'ont pas toujours le réflexe de les orienter vers ces dispositifs transversaux.
Le fonds d'initiative territoriale
Lancé en 2022, le FIT est le principal instrument du ministère de la culture pour soutenir des projets culturels menés dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Même si l'on manque encore de recul à son sujet, sa dotation et ses modalités de fonctionnement (multiplicité des objectifs assignés, manque de co-construction, caractère peu innovant des projets soutenus) ne semblent pas, de prime abord, à la hauteur du défi que constitue l'accès à la culture dans les territoires. La répartition territoriale de ses crédits est variable.
La rapporteure :
· demande que des efforts soient entrepris pour mieux valoriser les fonds étatiques transversaux ;
· souhaite que soit dressé un bilan du FIT, en concertation avec les collectivités, afin de s'assurer qu'il réponde véritablement à leurs besoins ;
· juge indispensable que les conseils locaux des territoires pour la culture deviennent de vrais outils de co-construction des politiques culturelles à l'échelle des territoires, et non de simples instances d'information.
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Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 22 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2024.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2023
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits des programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. - Comme le programme « Patrimoines », les deux programmes de la mission « Culture » dont j'ai la charge, le programme « Création » et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » devraient enregistrer une progression de leurs crédits en 2024.
Dans le domaine de la création, cette poursuite de l'effort budgétaire de l'État - de l'ordre de 3 % en crédits de paiement -, est accueillie avec soulagement par les acteurs culturels, compte tenu des difficultés financières dans lesquels ils se trouvent plongés avec les crises successives qu'ils traversent depuis plusieurs années. Le niveau de leurs marges artistiques est aujourd'hui très dégradé, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la création et la diversité culturelle, mais aussi sur l'animation culturelle des territoires et l'accès à la culture de nos concitoyens.
Dans ce contexte, les nouveaux crédits s'orientent autour de plusieurs priorités.
La moitié des nouveaux crédits inscrits en 2024 est consacré au fonctionnement des opérateurs, labels et réseaux du spectacle vivant et des arts visuels, même si leur niveau n'est pas suffisant pour compenser les effets de l'inflation.
Un cinquième des mesures nouvelles devrait financer le déploiement du nouveau programme « Mieux produire, mieux diffuser ». Son but est de réduire le nombre de productions, d'encourager les coproductions et les mutualisations et d'allonger la durée de la diffusion des oeuvres. Sa mise en oeuvre devrait s'accompagner d'une rénovation des dispositifs d'aide, d'une actualisation des cahiers des missions et des charges et de l'élaboration d'un nouveau pacte de financements croisés avec les collectivités territoriales, puisque l'État espère les voir contribuer à sa mise en oeuvre pour une part équivalente à la sienne, soit 10 millions d'euros.
La dernière priorité du budget 2024 est l'emploi, avec près de 10 millions d'euros de nouveaux crédits destinés au financement du Fonpeps et du plan artistes-auteurs. J'ai pu néanmoins percevoir que les établissements culturels étaient très inquiets, au vu de la dégradation de leurs marges artistiques, de leur capacité à endiguer le risque d'hémorragie que l'on constate depuis la crise sanitaire, compte tenu du manque d'attractivité des rémunérations proposées par le secteur. Il s'agit là d'un vrai défi afin d'assurer la poursuite de l'activité culturelle et le bon déploiement de l'offre culturelle dans les zones les plus fragiles.
En ce qui concerne le budget de la création, trois sujets me paraissent appeler une vigilance particulière de notre part.
Le premier concerne les scènes de musiques actuelles, implantées dans beaucoup de nos départements. Elles rencontrent de plus en plus de difficultés pour remplir les missions fixées dans le cahier des charges du label, faute de moyens financiers suffisants. Un certain nombre d'entre elles présente des marges artistiques négatives et envisage de licencier ou d'annuler partiellement ou totalement leur saison artistique afin de faire face à la hausse de leurs charges. La solution consistant à relever le prix des billets à la hauteur des besoins de financement n'apparait pas possible. Elle exigerait une hausse d'une ampleur telle qu'elle porterait atteinte à la fréquentation des SMAC et à leur accessibilité par le plus grand nombre, en contradiction avec leurs cahiers des charges. Reste donc l'hypothèse de la revalorisation de leurs subventions. Les SMAC sont aujourd'hui le label du spectacle vivant qui bénéficie de l'aide moyenne la plus faible de la part de l'État. Au regard de leur importance pour la vie culturelle des territoires, le dynamisme de la filière musicale et le soutien à l'émergence des jeunes artistes au niveau local, je vous proposerai un amendement visant à relever le niveau de leur dotation.
Le deuxième point de vigilance concerne les festivals, comme évoqué la semaine dernière autour des crédits du Centre national de la musique. Sachez que le seul amendement de crédits retenu par le Gouvernement dans le cadre du 49-3 sur l'ensemble de la mission « Culture » a justement pour objet de revaloriser de 2 millions d'euros le fonds festivals en 2024, ainsi porté à 12 millions d'euros. J'ai pu néanmoins constater lors des auditions que de vraies inquiétudes persistent autour de la situation des festivals et de l'impact qu'auront sur eux les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). S'il est vrai que des solutions ont généralement été trouvées pour permettre le maintien des éditions, les organisateurs craignent toujours de se voir imposer une annulation de dernière minute pour des motifs de sécurité, dans le cas où il y aurait des réquisitions des moyens de la sécurité civile ou un recours à des opérateurs privés pour la bonne tenue des JOP. Par ailleurs, la programmation simultanée de nombreux festivals suite aux décisions de report, ainsi que la concurrence créée par les JOP, laissent planer des doutes sur le niveau de la fréquentation. Je sais que le ministère de la culture réfléchit à la possibilité de mettre en place un mécanisme d'indemnisation des acteurs culturels qui auront subi une perte de recettes liée aux JOP. Il n'y a rien dans le projet de loi de finances à cet effet, mais le véhicule envisagé est le projet de loi de finances de fin de gestion. C'est un sujet sur lequel il nous faudra rester très vigilants tout au long de l'année au regard de la fragilité budgétaire d'un grand nombre de festivals.
Mon troisième point de vigilance concerne les arts visuels. Malgré l'effort budgétaire en leur faveur en 2024, le niveau du soutien financier de l'État reste en deçà des besoins réels du secteur, compte tenu de la sous-dotation initiale dont pâtit l'action 2.
D'une part, les efforts se concentrent essentiellement sur les grands établissements publics et les labels, laissant de côté les autres structures de diffusion et les professionnels du secteur, qui n'ont qu'une part résiduelle du budget total. La structuration de l'écosystème des arts visuels est également peu accompagnée et nécessiterait de l'être davantage.
D'autre part, les revalorisations de crédits sont insuffisantes pour compenser la hausse générale des coûts subie par les structures des arts visuels. À titre d'exemple, les centres d'art ont évalué à 20 % le déficit de financement du budget de fonctionnement médian d'un centre d'art (450 000 euros). Cette situation contraint un nombre croissant de lieux à diminuer leurs activités, en produisant moins et en organisant moins d'expositions.
Les arts visuels ne bénéficient par ailleurs qu'à la marge ou de manière partielle des politiques mises en place dans le domaine de la création. Nous l'avions déjà constaté pour le programme « Mondes nouveaux », dont le bénéfice en termes de retombées territoriales interroge au regard du budget alloué. Les arts visuels sont une nouvelle fois périphériques dans le programme « Mieux produire, mieux diffuser » dont ils attendaient pourtant beaucoup. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à revaloriser les crédits des arts visuels dans le cadre de ce second programme.
Comme la commission l'avait déjà évoqué, il serait crucial de mettre en place une véritable observation du secteur des arts visuels afin de mieux identifier les acteurs concourant à cet écosystème et de définir des politiques publiques qui lui soient véritablement adaptées. Le manque de moyens humains et financiers du Centre national des arts plastiques et du Conseil national des professions des arts visuels restent de réels obstacles qu'il conviendrait au ministère de la culture de lever.
J'en viens maintenant au second programme, le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les crédits progressent, au global, de 3,6 %.
Ce sont surtout les crédits des établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la culture, qui font l'objet d'une attention particulière, avec des efforts relativement importants pour atténuer les effets de l'inflation et soutenir leur fonctionnement et leurs investissements.
Les écoles nationales supérieures d'architecture obtiennent un certain nombre de mesures en leur faveur qui permettent, au moins partiellement, de répondre aux besoins financiers et humains exprimés par les étudiants et le personnel de ces établissements lors des mouvements sociaux survenus début 2023. Même si elles ne devraient pas leur apporter beaucoup de marges de manoeuvre, elles permettent de combler une partie de l'écart qui persiste vis-à-vis des établissements de l'enseignement supérieur qui ne relèvent pas du ministère de la culture. C'est un réel progrès les concernant, même s'il doit encore être complété.
Tel n'est pas le cas, en revanche, des écoles supérieures d'art territoriales, aujourd'hui en situation de fragilité inquiétante du fait de l'augmentation de leurs charges et de la baisse, ne serait-ce qu'à euros constants, des subventions des collectivités territoriales. Ces difficultés financières se conjuguent avec des problèmes plus structurels, déjà évoqués par notre commission ces dernières années : le statut de leurs enseignants, les difficultés de gouvernance découlant de leur transformation en EPCC ou encore la non-exonération des droits d'inscription des étudiants boursiers. Ils se traduisent par une dégradation des conditions d'études proposées aux étudiants et un risque de décrochage de ces écoles, qui pourraient porter atteinte à la fois au maillage territorial et à l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur en art entre les territoires. L'école de Valenciennes a annoncé sa fermeture à compter de la rentrée 2025 et plusieurs écoles sont aujourd'hui dans l'incertitude quant à leur avenir - je pense, par exemple, à Besançon ou Angoulême-Poitiers.
La réaction de l'État n'a jusqu'ici pas été à la hauteur de la crise que connaissent ces écoles, qui octroient pourtant le même diplôme que les écoles nationales. Sa part dans leur financement s'établit en moyenne à 12 %, mais varie, selon les écoles entre 2 % à Biarritz et 37 % à Angoulême-Poitiers. Face à l'urgence de la situation, le ministère de la culture a débloqué en mars 2023 une enveloppe de 2 millions d'euros, pérennisé en 2024 sans aucune autre mesure complémentaire, malgré la publication en octobre du rapport de Pierre Oudart, commandé par la ministre de la culture qui formule un certain nombre de préconisations pour mieux accompagner ces écoles. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement destiné à revaloriser leurs crédits.
Je suis convaincue que cette situation mérite toute notre attention. Il me parait en effet incohérent de déployer autant de moyens en faveur de l'accès à la culture des jeunes, au travers du pass Culture, si nous ne pouvons pas ensuite leur proposer, ni une offre suffisamment développée où qu'ils se trouvent, ni de débouchés dans l'enseignement supérieur. J'observe d'ailleurs qu'en dépit de leur situation plus favorable, les écoles nationales supérieures d'art sont également confrontées à d'importantes difficultés de fonctionnement. La réalisation d'une cartographie de l'enseignement supérieur en art me paraît revêtir un caractère d'urgence afin que soient correctement préservés le maillage territorial et la singularité de l'enseignement dispensé par ces écoles.
Ces dernières remarques m'offrent une parfaite transition pour aborder les questions de démocratisation culturelle, aujourd'hui très largement dominées, en termes budgétaires, par le pass Culture.
Même si les évolutions qu'il a connues lui ont permis de gagner en efficacité, j'estime que des progrès restent à accomplir pour que ce dispositif puisse atteindre ses objectifs en matière de démocratisation culturelle. Il est important de rappeler qu'il ne s'agit que d'un outil, et non d'une politique. Des efforts en termes de médiation culturelle restent nécessaires afin de garantir une réelle diversification des pratiques des jeunes et de parvenir à toucher les jeunes sortis du système scolaire.
L'articulation entre le volet collectif du pass Culture et l'éducation artistique et culturelle (EAC) doit être améliorée, compte tenu du poids qu'occupe cet outil dans la politique d'EAC. On peut regretter, de ce point de vue, que les directions régionales des affaires culturelles ne co-président pas, avec les recteurs d'académie, les comités de pilotage mis en place pour le déploiement du volet collectif, au motif qu'il est financé par le ministère de l'éducation nationale. Alors que de nombreux artistes et structures culturelles qui intervenaient dans les établissements scolaires au titre de l'EAC ont fait part de difficultés pour se faire référencer sur l'application du pass Culture, un travail conjoint du ministère de l'éducation nationale et de la culture doit être engagé afin de s'assurer que le volet collectif ne se substitue pas progressivement aux autres actions d'EAC et qu'il ne se traduise pas par une réorientation du contenu de l'EAC vers une vision plus consumériste de la culture, au détriment des pratiques.
Une meilleure association des collectivités territoriales au bon déploiement du pass Culture et à la définition de ses éventuelles évolutions m'apparait tout aussi primordiale au regard du rôle qu'elle joue dans le financement de la culture en France et dans l'organisation de l'offre culturelle dans les territoires. Je suis persuadée que la coordination avec les collectivités est une condition de la réussite du volet individuel comme du volet collectif du pass Culture dans les zones plus éloignées de la culture, où elles ont un rôle clé pour identifier et renforcer l'offre culturelle de proximité.
Enfin, deux derniers sujets relatifs au pass Culture me préoccupent : d'une part, le gaspillage d'argent public qui résulte des réservations effectuées par les jeunes pour des spectacles auxquels ils ne se rendent finalement pas - on parle de « no-show -, qui nécessiterait des mesures permettant de juguler cet effet pervers ; d'autre part, le coût important de fonctionnement de la SAS, qui représente 12 % de son budget total, soit 30 millions d'euros, dont près de la moitié concerne les charges de personnel. Il me semble qu'il serait bénéfique d'intégrer la SAS sur la liste des opérateurs de l'État pour que nous puissions plus facilement contrôler l'évolution de son budget et de ses emplois.
Comparée à l'effort pour l'accès à la culture des jeunes, la politique de démocratisation culturelle dans les territoires me paraît manquer de vision stratégique. Elle est très dispersée et repose, pour beaucoup, sur un empilement de dispositifs créés au fil des années pour répondre à des besoins ou des demandes spécifiques, qu'il s'agisse, par exemple, des micro-folies, du fonds d'innovation territoriale (FIT), de l'été culturel ou du plan fanfare.
Alors que la dotation de la plupart des dispositifs précités ne me parait déjà pas de nature à résorber le déficit d'offre culturelle constaté dans certains de nos territoires, je m'étonne de constater que les crédits destinés à la participation de tous à la vie culturelle ont fait l'objet d'une sous-exécution sur les deux derniers exercices pour lesquels on dispose de chiffres, à savoir 2021 et 2022.
J'estime, dans ces conditions, que ces dispositifs doivent être évalués, à commencer par le fonds d'innovation territoriale, afin de s'assurer qu'ils répondent véritablement aux besoins des collectivités territoriales et que leurs modalités sont pertinentes. Leurs critères sont souvent flous et ils ne sont pas co-construits avec les collectivités territoriales, dont la participation financière est pourtant exigée. J'ajoute qu'ils souffrent sans doute d'être gérés par les conseillers chargés de l'action territoriale en DRAC, alors que leurs bénéficiaires potentiels sont en relation avec les conseillers sectoriels. C'est pourquoi nous devons une nouvelle fois plaider, me semble-t-il pour que les conseils locaux des territoires pour la culture deviennent de vrais outils de co-construction des politiques culturelles à l'échelle des territoires, et non de simples instances d'information. L'État ne peut pas attendre des collectivités qu'elles financent sans décider conjointement avec elles.
Il nous faudra rester très vigilants dans les années à venir sur la répartition territoriale des crédits et des actions en faveur de la culture dans les territoires prioritaires. En principe, le FIT lancé en 2022 est aujourd'hui le principal instrument à disposition du ministère pour soutenir les projets culturels menés dans les territoires jusqu'alors jugés trop modestes pour bénéficier d'aides. Nos collègues Sylvie Robert et Sonia de La Provôté ont inspiré la création de ce dispositif : l'outil est très récent et nous manquons encore de recul pour parvenir à une évaluation précise de son efficacité mais nous devrons y veiller dans les prochains mois. Je note cependant, qu'outre sa faible dotation de 5 millions d'euros, sa philosophie s'écarte de celle imaginée par nos collègues puisque cet outil au lieu d'être partagé avec les collectivités est aujourd'hui géré par les DRAC : les premiers éléments dont je dispose me laissent à penser que le FIT n'est pas à la hauteur du défi que nous souhaitions qu'il relève, c'est-à-dire l'accès à la culture dans les territoires ruraux ou les quartiers prioritaires. Je constate qu'une multiplicité d'objectifs lui ont été assignés : favoriser la participation des habitants, intégrer une dominante écologique ainsi qu'un lien avec l'artisanat ou les métiers d'art ou encore accompagner les projets dans les territoires impactés par les violences urbaines. Tout ceci risque de déboucher davantage sur un saupoudrage qu'une véritable action structurelle. Beaucoup de collectivités et d'acteurs culturels n'ont pas connaissance de ce dispositif et l'Assemblée des départements de France l'a même qualifié de « machin » : le moment venu, une évaluation nous permettra de déterminer s'il mérite ou non d'être maintenu, moyennant d'éventuelles adaptations et j'attire votre attention sur le fait que ce mécanisme ne doit pas exonérer la politique culturelle de réfléchir de façon structurelle à l'amplitude et la répartition territoriale de ses actions.
Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption des amendements que je vous présenterai dans quelques instants, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits des programmes 131 et 361 compte tenu des hausses de crédits qu'ils prévoient.
M. Laurent Lafon, président. - Merci Madame la rapporteure ; je laisse la place aux interventions.
Mme Sonia de La Provôté. - Bravo, tout d'abord, pour cet exposé particulièrement complet qui explore toutes les dimensions de ces deux programmes budgétaires en faveur de la culture. Je souscris intégralement à vos conclusions ainsi qu'à vos propositions en soulignant le fait, qu'à l'instar de ce qui a été évoqué pour les crédits consacrés au Patrimoine, le sujet essentiel est celui de la feuille de route que se donne la politique culturelle. Celle-ci ne saurait se résumer à des discours ou des messages d'un ministère qui aligne des outils dont certains se ramènent à des marottes : je mentionne ici le pass Culture, les Micro-Folies ainsi que d'autres inventions de ce type qui apparaissent un peu comme des petites graines semées en chemin sans constituer une véritable politique.
On retrouve d'année en année plusieurs problématiques portant sur les arts visuels qui sont la portion congrue de ce budget, l'éducation artistique et culturelle dont il faudrait définir les objectifs plutôt que de se focaliser sur des outils et on retrouve également le sujet de la co-construction des politiques publiques. Je rappelle que plus de 60 % des politiques culturelles sont financées par les collectivités territoriales et plus on s'éloigne de Paris plus ce pourcentage augmente : la question de la territorialisation est donc même un vrai sujet de pilotage régalien et le ministère devrait s'emparer de cette question en prenant conscience que la culture dans les territoires ne doit pas dépendre uniquement de la motivation et de la mobilisation des élus locaux mais aussi de celles du ministère de la culture. En témoignent l'utilisation des crédits du FIT, qui reste pour l'instant une boîte noire, et la limitation à 5 millions d'euros de ses crédits, qui soulèvent la question de la co-construction des politiques culturelles dans nos territoires. Le ministère n'a pas assez pris en compte cette question à la hauteur qu'elle mérite. Le secteur des festivals en fournit un exemple symptomatique : ce sont des lieux d'effervescence et d'accès à la culture dans tous les territoires. Certes ils relèvent souvent d'initiatives privées, associatives ou de collectivités locales mais trop peu sont accompagnés par le ministère : ce dernier ne les considère pas comme des éléments essentiels de la politique culturelle et cela remet en question les droits culturels des territoires.
Mme Anne Ventalon. - Ma collègue Else Joseph, retenue par le Congrès des maires, m'a demandé de vous lire son intervention au nom de notre groupe. Nous vous remercions pour votre présentation très argumentée. Votre analyse comporte certaines bonnes nouvelles : le domaine culturel a été lourdement touché par la crise sanitaire et nous saluons l'augmentation des crédits, tout en faisant observer que celle-ci reste affectée par l'inflation et les différents coûts qu'elle entraîne.
Tout d'abord, il faut saluer l'augmentation des crédits du programme portant sur la création. Les perspectives actuelles au niveau du spectacle vivant sont positives. La reprise en 2022 est en effet confirmée cette année ; elle s'établit à 2,5 % pour la fréquentation des spectacles et par exemple 8 % pour l'Opéra de Paris : cela génère une hausse des ressources propres pour les établissements.
Concernant nos festivals, le soutien est affirmé mais dans un contexte difficile de hausse des coûts auxquels s'ajoutent les contraintes budgétaires et de billetterie. Ces difficultés cumulées font peser de véritables risques sur l'ambition artistique du spectacle vivant. Il faut se demander comment aider nos festivals alors que la réflexion sur leur modèle économique s'impose et comment articuler la sanctuarisation des crédits prévue à hauteur de 30 millions d'euros avec cette réflexion indispensable qui s'inscrit dans les états générauxdes festivals ? Ces derniers ne pourront pas éviter des réformes dans leur organisation et leur gestion qui doivent être repensées dans le contexte de digitalisation croissante.
Nous nous réjouissons de la revalorisation de la dotation globale de l'État aux Seines de musiques actuelles (SMAC) de 3,68 millions d'euros que notre commission souhaite apporter. Ce secteur rencontre effectivement des difficultés : les marges artistiques se réduisent, on constate des difficultés à recruter et même des arrêts de programmation pour réduire les risques artistiques. Or c'est notre diversité culturelle qui est compromise à travers cet affaiblissement et on peut craindre la disparition de musique notamment populaire. Ce sont essentiellement les petites salles qui seraient les plus touchées par ces baisses et ceci accroît bien sûr leur vulnérabilité financière.
Toujours dans le domaine de la création, on peut saluer le plan « Mieux produire, mieux diffuser » dont l'objectif est ambitieux mais nous nous interrogeons sur ses implications concrètes.
Nous approuvons également la hausse des crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Ces crédits financent notamment le pass Culture qui continue à susciter des interrogations : la question des angles morts de ce dispositif reste ainsi posée malgré sa notoriété. Comment faire en sorte que le pass Culture se développe sans se limiter aux seuls initiés qui savent déjà vers quoi ils vont se tourner ? Comment toucher des publics, comme les apprentis, en faveur desquels les efforts sont nécessaires mais limités ? La volonté de sensibiliser les jeunes Français résidant à l'étranger se manifeste et fera l'objet d'une expérimentation en 2024 mais quelles en seront les modalités concrètes et comment faire en sorte que ces jeunes bénéficient également de notre réseau culturel à l'étranger comme les Alliances françaises ? Dans le volet collectif du pass Culture, il faut aussi veiller à une meilleure implication du corps enseignant : comment l'encourager ?
Enfin, la situation de nos Écoles nationales supérieures d'art (ENSA) nous préoccupe également : elles doivent supporter des coûts de fonctionnement croissants et n'ont pas été soutenues par différents dispositifs mis en oeuvre depuis la crise sanitaire. L'État n'est qu'un financeur de second rang pour ces établissements et la hausse des allocations prévues par ce PLF 2024 mérite d'être renforcée. Parallèlement, comment accompagner ces établissements à se réformer en perfectionnant leur fonctionnement ainsi que leur capacité à augmenter leurs ressources propres car le seul soutien de l'État ne saurait, à lui seul, résoudre toutes leurs difficultés structurelles : il s'agit de prévenir le risque de devoir perpétuellement maintenir ces écoles sous perfusion.
En conclusion, notre groupe suivra l'avis de la rapporteure.
Mme Colombe Brossel. - Merci à la rapporteure pour cette présentation. Je m'associe aux propos des deux intervenantes qui ont repris et complété ce rapport. Comme l'a indiqué Sonia de La Provôté, un budget traduit une ambition et une politique publique : or le budget qui nous est proposé ne permet pas suffisamment de les percevoir. Je retiens aussi que Karine Daniel a opportunément rappelé la place des territoires ainsi que la façon dont se construit une politique publique en matière de culture et de démocratie culturelle. Je ne reviens pas sur ces éclairages que nous partageons et qui doivent nous guider.
Si la hausse affichée des crédits du programme « Création » est bien réelle, elle n'est pas à la hauteur des besoins et un certain nombre d'amendements nous sont proposés pour corriger des lacunes : je pense qu'il est raisonnable de les approuver et je crois percevoir que nous partageons cette préoccupation. À travers ces amendements nous pourrons exprimer notre volonté d'améliorer les moyens de mise en oeuvre de la politique culturelle française afin de lui donner le rôle et la place que nous souhaitons pour la culture dans notre pays car il s'agit d'un beau levier qu'il faut actionner pour créer du commun.
Sous réserve d'un petit sentiment d'inachevé et de l'adoption des trois amendements proposés par la rapporteure, il nous semble nécessaire de voter ce rapport et ces crédits.
Je souligne néanmoins que avons de vraies interrogations sur ce qui est mis en oeuvre dans le domaine de l'éducation artistique et culturelle. Je ne reviens pas sur l'analyse de Karine Daniel à propos du pass Culture et des moyens qui lui sont dédiés mais là aussi on est amenés à s'interroger sur les ambitions que se donne le Gouvernement. J'ajoute qu'on ne peut pas se satisfaire des réponses qui nous ont été apportées en commission par la ministre de la culture et par le ministre de l'éducation nationale sur l'EAC. Très honnêtement, on ne peut pas se satisfaire des 2 millions d'euros prévus pour généraliser les actions collectives du pass Culture à tous les élèves de sixième et de cinquièmes dans notre pays : ça n'est pas raisonnable et on ne sait pas ce que souhaitent finalement faire et pas seulement afficher les deux ministères dans ce domaine. C'est un sujet sur lequel nous nous réservons la possibilité de continuer à travailler, y compris par voie d'amendements.
Avis favorable, donc, sur le paquet budgétaire global mais sans pour autant considérer que notre travail d'initiative s'arrêtera à ce stade.
Mme Laure Darcos. - À mon tour de saluer notre rapporteure qui, dès la première année où elle remplit cette fonction, s'est immergée avec beaucoup d'efficacité dans ce sujet. Juste une remarque sur le pass Culture : après avoir assisté aux auditions sur cette thématique, j'avais beaucoup d'espoir sur la composante du pass Culture mutualisée pour les collèges et les lycées. Je rappelle que nous avions initialement été dubitatifs, il y a plusieurs années, sur ce chèque consommation destiné à des jeunes à 18 ans : d'une part, la somme prévue était importante et surtout, à 18 ans, les goûts des uns et des autres sont déjà ancrés - ou pas - en fonction du contexte familial dans lequel on a été bercé et en fonction des contacts que l'on a pu établir avec le monde de la culture. On peut très prosaïquement constater que ce dispositif a généré beaucoup de succès pour les mangas et les groupes de rap : je schématise mais la tendance est bien allée dans ce sens. La mutualisation était donc importante pour tous les jeunes qui peuvent bénéficier d'un élargissement du périmètre du pass Culture mais, à mon avis, les deux tiers des établissements scolaires ne connaissent pas en détail le dispositif. Nous avons interrogé les dirigeants du pass Culture en leur demandant quelles initiatives étaient prises pour faciliter la vie des établissements à travers l'application dédiée. Il en résulte qu'une fois de plus, on se heurte à un problème majeur qui est que l'éducation artistique et culturelle ne relève pas de facto d'une double tutelle entre le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale : tout est entre les mains de cette dernière et certains continuent de prendre un peu par-dessus la jambe l'éducation artistique et culturelle - cela dépend vraiment de la motivation des professeurs et des chefs d'établissement. Je suis donc très dubitative et il me parait nécessaire de réactiver une sorte d'alerte, autant côté culture qu'éducation nationale, sur ce sujet majeur.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci madame la rapporteure pour la qualité de votre rapport extrêmement détaillé mais je dois avouer que l'on sort de votre exposé un peu étourdi par le foisonnement des dispositifs : j'en connaissais beaucoup et j'en découvre d'autres sans en retirer, comme cela a été dit, le sentiment que tous ces outils s'articulent autour d'une politique nationale clairement établie et revendiquée. Le problème, que vous avez très justement pointé - et auquel le ministère de la culture nous a malheureusement habitués - est celui de l'articulation entre la politique nationale et les politiques territoriales alors même que les collectivités territoriales financent aujourd'hui 60 % des crédits publics de la culture - Sonia de La Provôté l'a rappelé avec force. On a le sentiment qu'au mieux, les relations sont épisodiques et que parfois l'État conduit des politiques culturelles en sens contraire à celles des collectivités. Il faut constater que les DRAC ne sont plus en mesure aujourd'hui d'organiser cette interaction et je pense qu'à un moment donné il faudra soulever la question d'une nouvelle étape de la décentralisation : on l'affirme systématiquement à chaque budget portant sur le Patrimoine mais je crois que la nécessité apparait encore plus criante s'agissant du pass Culture.
Vous ne serez pas surpris de mon opposition à ce dispositif : je la réaffirme chaque année et je regrette encore une fois cette forme d'individualisation de l'aide à la culture. Vous révélez que certains bénéficiaires de pass Culture réservent des spectacles auxquels ils n'assistent pas, ce qui revient à subventionner les scènes privées par ce dispositif, à ceci près que c'est le bénéficiaire lui-même qui choisit le spectacle qui va être financé : cela ne correspond pas tout à fait à ma conception de la politique culturelle.
J'estime important de remettre sur le chantier un thème que le ministère de la culture refuse de traiter, à savoir repenser ses relations avec les collectivités. Le Sénat s'est prononcé dans ce sens à plusieurs reprises à travers des rapports, des missions d'information et des prises de position lors de la discussion budgétaire et je me demande aujourd'hui comment on peut aller plus loin pour avancer sur ce sujet fondamental. Par ailleurs, je ne suis pas partisan d'une répartition des charges par laquelle le ministère de la culture se réserverait la gestion des grosses entreprises parisiennes et ne laisserait que le reste aux collectivités. Il y a donc là un grand chantier sur lequel il faut pousser le ministère de la culture à travailler avec nous car nous atteignons les limites de l'acceptable en termes de compréhension de ces politiques.
Mme Monique de Marco. - Merci pour ce rapport clair et précis. Mon intervention sera brève afin de remonter le niveau d'attention de mes collègues à son maximum. (Rires de protestation)
Je partage le constat et les points de vigilance qui ont été soulevés. En particulier, les SMAC sont en très grande difficulté et chacun a sans doute reçu des alertes. Je rappelle également que nous sommes intervenus à plusieurs reprises dans cette commission pour alerter sur les difficultés prévisibles des festivals pendant les JO 2024 : ce sera sans doute le cas et il faudra en faire le bilan. Concernant les arts visuels, je suis favorable à l'amendement que vous avez annoncé pour remédier à leur sous-dotation dans le PLF pour 2024. Quoiqu'en réel progrès, je ne suis pas certaine que les dotations prévues en faveur des écoles d'architecture vont permettre de satisfaire leurs besoins. Les écoles d'art nous signalent, pour leur part, leurs difficultés à couvrir leurs charges en nette augmentation. Relayant une formule tirée du rapport de notre commission des finances, la presse a indiqué que le pass Culture ne constitue pas un instrument de pluralité culturelle mais une plateforme d'achats de biens et de services. À mon sens une partie des moyens du pass Culture devrait être orientée vers le spectacle vivant dans le cadre d'un rééquilibrage permettant à certains jeunes de se familiariser avec ces secteurs de la culture qu'ils ne connaissent pas et ainsi diversifier leurs pratiques.
Sous réserve de l'adoption des amendements que vous avez annoncés, nous voterons ces crédits.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Je remercie les intervenants pour leurs remarques qui confortent l'analyse que je vous ai soumise.
S'agissant du pass Culture, je signale que des réflexions en cours visent à en élargir le dispositif et à favoriser son appropriation par les jeunes apprentis, les jeunes Français de l'étranger ainsi que les jeunes qui sont placés en institutions spécialisées : c'est une avancée qui reste à conforter. Sur son aspect consumériste, je partage vos observations et j'ajoute, à propos des places réservées mais inutilisées, qu'elles ne sont évidemment pas « vendues » au prix public à travers le pass Culture et que le barème de remboursement des offreurs sur le pass Culture est par ailleurs dégressif : le niveau de compensation financière n'est donc pas équivalent. J'ajoute que dans certains cas, avant le spectacle, il n'y a plus de place à vendre mais quand les spectateurs arrivent sur place, la salle n'est pas pleine ce qui engendre des situations inconfortables.
Sur la décentralisation, je rejoins les propos de notre collègue Pierre Ouzoulias car le système fonctionne un peu à l'envers de la logique décentralisatrice : en schématisant, plus on s'éloigne de de la capitale, moins les crédits culturels sont importants et plus on sollicite les collectivités territoriales.
Enfin, la diversité des dispositifs culturels est effectivement très excessive. Sur le terrain, les acteurs que j'ai interrogés témoignent de leur profusion et de l'illisibilité globale qui en résultent à travers les initiatives prises par les collectivités, régions, départements communes ou autres fondations : il y a là un vrai sujet d'accessibilité et de compréhension.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent les amendements présentés par la rapporteure.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - L'amendement CULT.1 concerne les SMAC. La subvention minimum qui leur est aujourd'hui allouée est d'environ de 96 000 euros. En deçà des demandes qui nous ont été adressées, et après concertation entre les rapporteurs ainsi qu'avec les membres de la commission, l'amendement propose néanmoins un abondement de leurs crédits de 3,68 millions d'euros qui, en pratique, pourrait bénéficier à 92 établissements. Cette dotation permettrait de garantir un soutien minimal avoisinant 175 000 euros de la part de l'État.
L'amendement envisage de compenser cette augmentation par un prélèvement sur les crédits du pass Culture. Les règles d'irrecevabilité financière imposant de compenser toute charge supplémentaire, ce transfert parait être le plus pertinent, dans la mesure où une offre culturelle diversifiée sur les territoires est un préalable nécessaire pour permettre au pass Culture de remplir ses objectifs de démocratisation culturelle et de diversification des pratiques des jeunes.
L'amendement CULT.1 est adopté.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - L'amendement CULT.2 vise à revaloriser d'un million d'euros le montant des crédits destinés à la mise en oeuvre du programme « Mieux produire, mieux diffuser » dans le champ des arts visuels.
Il s'agit de mieux intégrer le secteur des arts visuels dans ce programme budgétaire pour les inciter à mieux se structurer, à réaliser des économies et à mieux valoriser leur offre ainsi que de leur programmation.
Ici encore les crédits du pass Culture sont diminués en conséquence et je précise que les arts visuels ont été un secteur très peu bénéficiaire du pass Culture, parce que son offre est souvent gratuite. Or dans l'imaginaire collectif, ce qui est gratuit est parfois dévalorisé, si bien que les enseignants ainsi que les jeunes se sont plutôt portés vers des manifestations payantes.
L'amendement CULT.2 est adopté.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - L'amendement CULT.3 vise à revaloriser de 16 millions d'euros le montant des crédits alloués par l'État aux écoles supérieures d'art territoriales. Nous avons longuement travaillé sur ce sujet avec les acteurs concernés.
Cette revalorisation des crédits permettrait de financer plusieurs mesures : 7 millions d'euros au titre de la compensation du point d'indice ; 5 millions d'euros afin d'adapter la dotation de fonctionnement à l'accroissement des missions et à l'inflation ; 2 millions d'euros au titre de l'exonération des étudiants boursiers - lesquels ne sont pas favorisés par le système actuel ; et 2 millions d'euros au titre de la réforme du statut des enseignants.
Afin de compenser cette revalorisation, il est proposé de financer cette mesure via un transfert de crédits du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », vers l'action 1 du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
L'amendement CULT.3 est adopté.
M. Laurent Lafon, président. - Je vous informe également que nous organiserons une table ronde sur la question des écoles supérieures d'art d'ici la fin de l'année avec Pierre Oudart et des représentants des établissements dont on voit bien qu'ils ont du mal à se faire entendre.
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, au sein de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2024.
Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
Article 35 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Mme Karine DANIEL rapporteure |
CULT.1 |
Revalorisation des crédits des scènes de musiques actuelles |
Adopté |
Article 35 |
|||
Mme Karine DANIEL, rapporteure |
CULT.2 |
Revalorisation des crédits des arts visuels pour la mise en oeuvre du programme « Mieux produire, mieux diffuser » |
Adopté |
Article 35 |
|||
Mme Karine DANIEL, rapporteure |
CULT.3 |
Revalorisation des crédits des écoles supérieures d'art territoriales |
Adopté |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Lundi 30 octobre 2023
- Ministère de la culture - Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) : M. Noël CORBIN, délégué général, M. Nathan MARCEL-MILLET, chef de cabinet auprès du délégué général.
- Ministère de la culture - direction générale de la création artistique : M. Christopher MILES, directeur général de la création artistique, Mme Carole ROBIN, sous-directrice adjointe des affaires financières et générales.
- Table ronde consacrée aux collectivités territoriales :
. Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) : M. Frédéric HOCQUARD, président,
. Régions de France : Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission culture, sport, jeunesse et vie associative, Sénatrice de la Seine-Maritime.
- Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) : M. François BROUAT, président, et Mme Caroline LECOURTOIS, directrice de l'ENSA de Paris-La Villette, membre du bureau du Collège des directrices et directeurs d'ENSA.
Mardi 31 octobre 2023
Association nationale des écoles supérieures d'art : M. Cédric LOIRE, coprésident, Mme Amel NAFTI, coprésidente.
Mardi 7 novembre 2023
- SAS pass Culture : M. Sébastien CAVALIER, président, M. Maxence DANIEL, responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics.
- Haut Conseil à l'éducation artistique et culturelle (HCEAC) : M. Emmanuel ETHIS, vice-président, et Mme Gaëlle BEBIN, secrétaire générale.
Mercredi 8 novembre 2023
Association des DRAC de France : M. Laurent ROTURIER, président.
Jeudi 9 novembre 2023
- Table ronde consacrée à la question des arts visuels :
. Centre national des arts plastiques : Mme Béatrice SALMON, directrice,
. Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC) : Mme Catherine TEXIER, vice-présidente, M. Ludovic JULIÉ, secrétaire général,
. Association française de développement des centres d'art contemporain : Mmes Émilie RENARD, coprésidente, et Marie CHÊNEL, secrétaire générale,
. Réseau des fonds régionaux d'art contemporain (PLATFORM) : Mme Julie BINET, secrétaire générale,
. Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiennes et plasticiens (FRAAP) : Mme Julie DESMIDT, déléguée générale.
- Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV)°: M. Sébastien JUSTINE, directeur des Forces musicales, M. Sebastian RIVAS, vice-président du PROFEDIM et co-directeur du GRAME (Centre national de création musicale de Lyon), Mme Chloé CHATTÉ, déléguée générale adjointe du PROFEDIM, M. Vincent MOISSELIN, directeur du Syndeac, Mme Laurence RAOUL, directrice déléguée du Syndicat national des scènes publiques.
Lundi 13 novembre 2023
- Audition des Scènes de musiques actuelles (SMAC) : Mme Aurélie HANNEDOUCHE, directrice du Syndicat des musiques actuelles (SMA), et MM. Éric BOISTARD, directeur de Stereolux, Gérald CHABAUD, directeur du SMAC VIP / Festival les Escales et Frédéric ROY, directeur de Pannonica.
- Fédération des acteurs de la solidarité : Mme Tiphaine GUERIN, responsable des missions culture, du programme Respirations et Europe.
CONTRIBUTION ÉCRITE
- Assemblée des départements de France.
ANNEXE
Audition de Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture
MARDI 24 OCTOBRE 2023
___________
M. Max Brisson, président. - Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre président Laurent Lafon, retenu à l'extérieur du Sénat.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.
Nous nous réjouissons de vous retrouver, madame la ministre, pour évoquer ce « budget de transformation et d'inspiration » - ainsi que vous l'avez présenté devant la presse - et débattre avec vous de l'actualité culturelle.
Nous aimons profiter de ce rendez-vous pour vous rappeler que vous nous trouverez toujours à vos côtés, dans ces temps troublés, pour faire progresser les sujets nous tenant à coeur. Vous pouvez aussi compter sur nous pour vous alerter sur certaines problématiques, par le biais, en particulier, de nos nombreux travaux de contrôle.
Revenons-en aux multiples défis qu'il vous appartient de relever dans les mois à venir.
Dans le domaine de la culture, nous nous félicitons que vous ayez choisi de faire du soutien aux artistes et à l'emploi un axe fort de votre politique pour 2024, dans un contexte marqué par les difficultés de recrutement observées dans l'ensemble du secteur culturel depuis la pandémie.
En matière de patrimoine, nous nous réjouissons que vous fassiez de la transition écologique une priorité absolue.
En juin dernier, nous avons adopté le rapport de Sabine Drexler préconisant plusieurs mesures permettant de concilier les impératifs de rénovation énergétique et ceux de protection du patrimoine. Comment avez-vous reçu ce rapport ? Dans quelle mesure vous êtes-vous emparée de certaines de ses recommandations ?
S'agissant du patrimoine religieux, nous nous réjouissons évidemment des annonces du Président de la République : elles se situent dans le droit fil des conclusions du rapport établi par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon ! Mais, vous vous en doutez, nous aimerions en savoir plus sur la manière dont les choses vont s'organiser, que ce soit pour la campagne de protection qui devrait être lancée ou pour une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement de la collecte nationale et la pérennité de cette opération.
En matière de musées, après une année marquée par l'adoption du cadre législatif pour la restitution des biens spoliés et l'examen de la proposition de loi pour la restitution des restes humains dont nous sommes à l'initiative, derrière Catherine Morin-Desailly, nous constatons que vous prêtez une attention particulière aux questions de provenance. Néanmoins, comment expliquer la stagnation, cette année encore, des crédits destinés à l'enrichissement de nos collections ?
J'en viens maintenant aux industries culturelles, fortement marquées par la pandémie.
Le cinéma, tout d'abord, que l'on donnait pour mort, a retrouvé des couleurs, comme l'avait d'ailleurs prédit l'année dernière notre rapporteur Jérémy Bacchi. Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, il a conduit une ambitieuse mission d'information sur le secteur. Leurs conclusions ont été adoptées à l'unanimité en mai dernier et nos collègues ont souhaité poursuivre ce travail en déposant, le 27 septembre dernier, une proposition de loi que nous entendons bien inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat.
Si le cinéma a repris des couleurs, tel n'est pas, hélas, le cas de la presse, avec un modèle économique fragile et des incertitudes sur sa place dans un monde où les fausses informations circulent plus vite que les vraies nouvelles et où l'opinion surpasse la raison.
Le Gouvernement a lancé début octobre les États généraux de l'information, lointains héritiers des États généraux de la presse écrite de 2008, dont nous suivrons les développements avec attention. En l'absence de Michel Laugier, notre collègue Pierre-Antoine Levi vous interrogera sur les problématiques du secteur.
Enfin, les industries culturelles, vaste ensemble où sont regroupés à la fois la Bibliothèque nationale de France (BNF), le jeu vidéo, la musique et l'édition, bénéficient d'un effort important de la part des pouvoirs publics, avec des crédits en hausse de 7,6 % en 2024.
Reste cependant à traiter la question du financement du Centre national de la musique (CNM). En dépit des avancées et des espoirs suscités par les propos du Président de la République le 21 juin dernier, le montant du budget du centre pour 2024 demeure en suspens. On peut déplorer que cette question, identifiée depuis plusieurs années, ne soit toujours pas réglée. En l'absence de notre rapporteur Mikaele Kulimoetoke, c'est notre collègue Martin Lévrier qui vous interrogera sur le sujet.
J'en viens enfin à l'audiovisuel public, dont le budget représente 4 milliards d'euros. Je n'évoquerai pas ici la question de la gouvernance, sujet qui, vous le savez, nous tient particulièrement à coeur. Je m'en tiendrai à celles du mode de financement et de la redéfinition des missions et moyens. Sur tous ces sujets, les solutions provisoires semblent prolongées... Nous avons un peu l'impression de faire du surplace !
Le financement par une fraction de la TVA est reconduit par l'article 31 du projet de loi de finances (PLF). Le Gouvernement a-t-il arrêté un mode de financement pérenne pour la suite ? Une révision de la loi organique relative aux lois de finances est-elle envisagée ? Ces questions vous seront certainement posées par notre rapporteur Cédric Vial.
Nous sommes par ailleurs dans l'attente des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour faire suite aux avenants. Le projet de loi de finances comporte, en la matière, une nouveauté : il prévoit de possibles remboursements, dans l'hypothèse où les sociétés ne rempliraient pas leurs objectifs. Une enveloppe additionnelle de 200 millions d'euros sur trois ans est ainsi conditionnée à la mise en oeuvre des projets de modernisation et de transformation des sociétés. Ce choix inédit interpelle, et vous aurez sans doute à coeur de nous préciser l'objectif de cette disposition.
Madame la ministre, je vous laisse maintenant la parole. Chacun de nos rapporteurs vous interrogera ensuite sur les sujets relevant de sa compétence, puis chaque commissaire pourra bien évidemment vous poser ses questions à l'occasion de cette audition, diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture. - Merci pour cette introduction tonique, monsieur le président ; la joie dans votre voix fait du bien dans la période actuelle.
Permettez-moi tout d'abord de féliciter les sénateurs et sénatrices élus ou réélus. Nous avons très bien travaillé ensemble au cours des derniers mois, je me réjouis de retrouver votre commission et je ne doute pas que nous maintiendrons, dans les mois à venir, la même fluidité dans nos échanges.
Je vous avais présenté pour 2023 un budget en forte hausse : + 7 %. Le budget pour 2024 est tout aussi ambitieux : avec une nouvelle hausse de 6 %, les crédits budgétaires atteignent environ 4,4 milliards d'euros. S'ajoutent à ce montant une somme avoisinant 4 milliards d'euros pour l'audiovisuel public, 804 millions d'euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, environ 25 millions d'euros du loto du patrimoine, pérennisé pour cinq années supplémentaires, et 1,7 milliard d'euros de mesures fiscales pour la culture, soit un total de 11 milliards d'euros.
Au titre des crédits budgétaires dédiés à la culture au sein des autres ministères, on pourrait ajouter encore 5,3 milliards d'euros, pour atteindre 16 milliards d'euros... et c'est sans compter les crédits du plan d'investissement France 2030.
Notre politique se déploie, et je tiens à saluer leur engagement, grâce au travail de plus de 29 000 agents en administration centrale, en administration déconcentrée, dans les services à compétence nationale et chez nos opérateurs. Le ministère forme 37 000 étudiants dans près de 100 établissements d'enseignement supérieur culturel.
J'ai effectivement qualifié ce budget de « budget de transformation et d'inspiration », car, au-delà de la lutte contre l'inflation, l'objectif est d'accompagner des mutations en profondeur des secteurs de la culture, notamment travailler à la transition écologique, accélérer le chantier « Mieux produire, mieux diffuser », embrasser les nouvelles technologies, renouveler les publics, anticiper la relève des métiers et redynamiser les territoires. En outre, l'année 2024, année olympique, est exceptionnelle à plus d'un titre. Elle verra en particulier l'aboutissement de plusieurs projets importants, tels ceux de la Cité internationale de la langue française, du Grand Palais, qui rouvrira après un immense chantier, et de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ces grands projets ne doivent pas éclipser tout le travail de dentelle que nous réalisons au quotidien au coeur des territoires pour tisser des liens nouveaux entre artistes et habitants.
Le premier domaine que j'aborderai est celui de l'audiovisuel public, pour lequel je m'étais engagée à donner une visibilité à cinq ans, et non trois.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, la nouveauté tient dans le fait que nous cumulons une dotation de base pour les entreprises et une enveloppe complémentaire dédiée aux projets de transformation et aux coopérations renforcées, autour de quelques priorités : l'information, la proximité, la place de la culture et de la création, la jeunesse, l'éducation aux médias et un renforcement du déploiement de la stratégie numérique.
Le budget tient donc compte, non seulement de l'inflation et des effets fiscaux dus au changement du mode de financement, mais aussi de nouvelles mesures représentant près de 70 millions d'euros dès l'exercice 2024. Ces enveloppes sont par ailleurs définies sur trois années, avec ce système de conditionnement à la réalisation effective des coopérations et la mise en oeuvre des priorités définies. Cela nous permet de fixer un cap ambitieux de transformation de l'audiovisuel public à l'échéance de 2028.
Je voudrais également insister sur l'enjeu de la transition écologique, ayant mis l'accent, pour le budget 2024, sur les travaux et le soutien à l'innovation en la matière. Dans le cadre du plan d'investissement France 2030, nous déploierons 25 millions d'euros au titre du programme Alternatives vertes. Par ailleurs, nous avons obtenu 40 millions d'euros sur le fonds vert interministériel pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique de certains bâtiments appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales.
En dehors de l'audiovisuel, ce budget compte 241 millions d'euros de crédits en plus, destinés au renforcement des moyens des structures de la création et à l'accompagnement de leur mutation, au soutien des artistes, à la relève des métiers, aux écoles d'enseignement supérieur, au patrimoine, à la lecture et à l'accès à la culture. Nous renforçons également le soutien au pluralisme de la presse et des radios. Enfin, le ministère se voit accorder des budgets supplémentaires pour ses moyens immobiliers et informatiques.
Par ailleurs, nous avons obtenu 125 nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour accompagner un projet comme celui de Villers-Cotterêts, mais aussi nos écoles, le Centre national de la musique ou encore la sécurisation de la chaîne d'acquisition et de recherche de provenance de nos musées, etc. Nous disposons donc de moyens humains renforcés.
S'agissant des écoles de l'enseignement supérieur, elles bénéficieront cette année d'investissements structurants. Nous poursuivrons les travaux de rénovation, par exemple à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, mais aurons aussi des moyens supplémentaires à consacrer aux dotations d'investissement courant. Nous apporterons un soutien très renforcé aux écoles nationales supérieures d'architecture, dont les moyens seront rehaussés de 4,8 millions d'euros. Enfin, après un effort supérieur à 2 millions d'euros en 2023, nous allons accroître notre soutien aux écoles supérieures d'art territoriales en matière d'investissement, avec une hausse de 3 millions d'euros.
Je tiens en outre à insister sur l'attention que nous portons à la question du patrimoine, avec, encore une fois, une intensification du programme d'investissements. Ainsi, la progression sera de 55 millions d'euros pour les crédits destinés aux restaurations de sites patrimoniaux majeurs sur le territoire, avec la poursuite de la reconversion de l'abbaye-prison de Clairvaux, le projet du château de Gaillon, le plan concernant les cathédrales, etc. Nous renforçons aussi les moyens consacrés aux restaurations de patrimoine local, via, notamment, le Fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine, qui, pour près de 80 % des chantiers soutenus, intervient dans des communes de moins de 2 000 habitants.
Le Président de la République a par ailleurs annoncé de nouveaux efforts en faveur du patrimoine religieux des communes de moins de 10 000 habitants - 20 000 habitants en outre-mer. Une collecte va être lancée avec la Fondation du patrimoine, pour laquelle une déduction fiscale équivalente à celle qui a prévalu pour la cathédrale Notre-Dame de Paris sera accordée. Nous engageons également une campagne de protection en vue, notamment, d'un éventuel classement de certains édifices cultuels des XIXe et XXe siècles.
Bien que ne pouvant détailler l'ensemble de mes priorités, je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la lecture - une de mes obsessions. Nous continuons à renforcer notre stratégie en matière de lecture dans les territoires, avec une hausse des crédits de près de 5 millions d'euros en 2024. Il s'agit d'amplifier l'ensemble de nos actions - dispositif Premières pages, le Quart d'heure de lecture, action du Centre national du livre, Goncourt des détenus, etc. - afin que l'on puisse lire partout où c'est possible. Par ailleurs, nous continuons de soutenir nos grands opérateurs dans le domaine de la lecture, à savoir les bibliothèques nationales, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et la BNF, d'autant que les récentes violences urbaines ont ciblé une cinquantaine de bibliothèques. Il s'agira donc, pour nous, d'accompagner les reconstructions, mais aussi de travailler à l'extension des horaires d'ouverture ou l'animation de ces lieux.
La culture est traversée de secousses. Elle connaît la crise de l'énergie, le dérèglement climatique, les désordres géopolitiques, les menaces sur la liberté de création, le désengagement de certaines collectivités, les violences urbaines, les bouleversements induits par l'intelligence artificielle et, bien sûr, les risques terroristes qui nous mobilisent tous aujourd'hui. Mais, j'en reste persuadée, c'est elle qui nous rassemble, qui nous offre des émotions uniques et des imaginaires communs, qui nous aide à élargir la vie et à affirmer, encore et encore, notre attachement aux valeurs de la République.
Je termine, comme à mon habitude, avec un poème. Il s'agit, ici, d'un texte écrit par Abdellatif Laâbi, poète marocain, après les attentats de 2015.
« J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
« que Celui dont le coeur tremble d'amour
« pour tous ses frères en humanité
« Celui qui désire ardemment
« plus pour eux que pour lui-même
« liberté, paix, dignité
« Celui qui considère que la vie
« est encore plus sacrée
« que ses croyances et ses divinités
« J'atteste qu'il n'y a d'être humain
« que Celui qui combat sans relâche
« la Haine en lui et autour de lui
« Celui qui, dès qu'il ouvre les yeux le matin,
« se pose la question : que vais-je faire aujourd'hui
« pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté
« d'être homme ? »
Sans culture, pas d'humanité, pas de civilisation !
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Merci pour votre présentation très complète et ce très beau poème.
Je souhaite vous interroger sur les suites données au rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique que j'ai remis en juin dernier. Je me félicite que certaines de mes propositions, notamment concernant la formation des diagnostiqueurs aux spécificités du bâti ancien, aient été reprises. Mais je suis très déçue par le fait que rien n'a été fait, pour l'instant, pour permettre l'adaptation du diagnostic de performance énergétique (DPE), pourtant très attendue par les associations de préservation du patrimoine.
Mon rapport aborde également la question du soutien financier et fiscal. Il faudrait pouvoir réorienter ou conditionner les aides pour mieux accompagner les rénovations respectueuses du bâti ancien, lesquelles font souvent appel à des savoir-faire et techniques particulières plus coûteuses.
Seriez-vous par ailleurs favorable, comme je l'ai proposé, à une réforme des dispositifs Denormandie et Malraux, mais aussi à l'extension du label de la Fondation du patrimoine aux travaux de rénovation énergétique à l'intérieur des bâtis dans le cas où des travaux extérieurs porteraient atteinte aux caractéristiques architecturales ou patrimoniales ?
Que comptez-vous faire pour mieux accompagner les collectivités territoriales dans l'identification de leur bâti ancien ? Les crédits inscrits pour la réalisation d'études ne devraient-ils pas être abondés en ce sens ?
Enfin, la revalorisation accordée à l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances de l'an dernier était bienvenue. Mais le compte n'y est toujours pas ! La compensation des frais engagés par les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales n'est pas assurée malgré la revalorisation de la valeur par mètre carré intervenue en 2022, alors même que le produit de la taxe d'archéologie préventive, perçue depuis 2016 au profit du budget général de l'État, est en forte croissance et permet à l'État de réaliser un excédent. Que comptez-vous faire pour rééquilibrer ces financements ?
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Nous ne pouvons que nous inquiéter de la situation financière critique de nombreuses écoles d'art territoriales, en dépit d'une nouvelle hausse budgétaire dans ce domaine. Le rapport de Pierre Oudart a été officiellement remis voilà quinze jours. À quoi l'État est-il prêt à s'engager pour l'avenir de ces écoles ?
Par ailleurs, la présence des services publics culturels dans les territoires les plus sensibles m'apparaît comme un enjeu primordial. Au-delà des appels à projets que vous avez lancés dans le cadre de l'Été culturel, que compte faire l'État pour développer ces services publics et accompagner les projets des acteurs associatifs et culturels oeuvrant en ce sens ? Quels projets, par exemple, sont soutenus par le Fonds d'innovation territoriale récemment créé ? Comment celui-ci s'articule-t-il avec les politiques territoriales déjà engagées ?
Sur cette même thématique, nos collègues de la commission des finances ont relevé une utilisation moins intensive du pass Culture par les jeunes ruraux, en particulier les jeunes âgés de 15 à 17 ans du fait de problèmes spécifiques de mobilité. Quelles consignes ont été données face à ce constat ?
Enfin, je souligne l'amélioration que constitue le volet collectif du pass Culture. Il faudra néanmoins veiller à la question de l'égalité d'accès entre les différents établissements et à l'articulation faite avec ce qui existait précédemment dans le champ de l'éducation artistique et culturelle. Cette nouvelle offre doit être lisible, à la fois pour les acteurs culturels, le corps enseignant et les collectivités territoriales. Quelles garanties peuvent être apportées dans ce domaine ?
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Je vous remercie également, madame la ministre, pour le choix du poème, qui résonne avec les discussions que nous aurons, notamment demain en commission, sur l'écriture dite inclusive...
J'ai trois questions à vous soumettre concernant le financement de l'audiovisuel public.
Premièrement, alors qu'il a fallu procéder par avenant l'an dernier, nous attendons les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens. Dans le cadre du projet de loi de finances, vous vous projetez sur les cinq prochaines années, mais nous n'avons toujours rien vu de ces contrats. Nous allons donc adopter des moyens sans objectifs ni convention. Pouvez-vous nous donner plus d'éléments sur le sujet ?
Deuxièmement, où en êtes-vous dans la réflexion sur le financement de l'audiovisuel public, suite à la suppression de la redevance ? La compensation provisoire par le biais d'une fraction de la TVA ne peut être pérennisée sans passer par le législateur. Quand pensez-vous pouvoir présenter une solution devant le Parlement ?
Troisièmement, vous attendiez des économies du rapprochement entre France Bleu et France 3. Qu'en est-il ? Enfin, vous souhaitez renforcer la chaîne de télévision France Info. Comment envisagez-vous le développement concomitant des deux chaînes d'information France info et France 24 dans un environnement très concurrentiel ?
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - À mon tour, madame la ministre, de vous remercier pour votre présentation liminaire et le poème, fort à propos, que vous nous avez lu.
Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, nous avons rendu public un rapport d'information sur le cinéma au printemps dernier, suivi par le dépôt d'une proposition de loi appelant à l'instauration d'une nouvelle obligation pour les distributeurs en matière d'engagements de diffusion. Quel devrait être le champ de cette obligation ? Êtes-vous prête à faire évoluer la classification Art et Essai ?
À l'initiative de notre collègue Catherine Conconne, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Ce texte n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. Pouvez-vous nous donner des éléments de calendrier ?
Enfin, pouvez-vous faire un point sur les négociations autour de la chronologie des médias ?
M. Pierre-Antoine Levi. - Je m'exprime ici au nom de Michel Laugier, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Le soutien à une presse garante de la qualité du débat démocratique constitue un axe fort des travaux de notre commission. Mais les sujets d'inquiétude sont nombreux dans un monde où l'opinion surpasse la raison. Il est donc primordial que notre assemblée se tienne aux côtés d'une presse dont le modèle économique est aujourd'hui bien fragile.
Les aides à la presse sont régulièrement critiquées pour leur opacité et leur complexité. Elles sont concentrées sur la presse papier. Comptez-vous lancer un chantier de réforme ?
Qu'attendez-vous des États généraux de l'information, lancés au début du mois d'octobre ? Quels problèmes avez-vous déjà identifiés ?
En théorie, l'année 2024 sera la dernière année du soutien exceptionnel apporté par l'État à France Messagerie, soutien ponctionné, rappelons-le, sur les crédits destinés à la modernisation de la presse. Comment voyez-vous l'année 2025 ? Ne serait-il pas temps de « renverser la table » pour parvenir à une solution à une seule messagerie, ou bien spécialisant France Messagerie à la seule presse quotidienne régionale ?
M. Martin Lévrier. - Je m'exprime ici au nom de Mikaele Kulimoetoke, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Merci, madame la ministre, pour vos propos liminaires et pour le poème que vous avez choisi.
À la suite du rapport de Julien Bargeton relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, l'idée d'une taxe sur le streaming pour le financement du CNM s'est imposée dans le débat public. Où en sont vos réflexions sur ce sujet ? Un arbitrage a-t-il été rendu sur cette question ?
Les relations entre les auteurs et les éditeurs sont marquées depuis plusieurs années par une grande méfiance. Les négociations ne semblent pas aboutir. Où en êtes-vous ? Des dispositions de nature législative pourraient-elles s'avérer nécessaires ?
Pourriez-vous faire un point sur les résultats concrets du « plan Bibliothèques », les moyens mis en oeuvre et les perspectives pour les années à venir ?
Pourriez-vous dresser un bilan des mesures spécifiques mises en oeuvre pour soutenir les artistes et les professionnels de la culture pendant la crise sanitaire ?
Les musées et les institutions culturelles ont été confrontés à des défis importants en matière de conservation et de numérisation du patrimoine culturel. Quels investissements ont-ils été réalisés dans ces domaines et quels sont les projets en cours pour préserver et promouvoir notre patrimoine culturel ?
Enfin, comment le ministère encourage-t-il la création artistique innovante et comment favorise-t-il l'émergence de nouveaux talents, en particulier dans le contexte de la révolution numérique ?
Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Madame Drexler, nous rejoignons la grande majorité des constats et des propositions de votre rapport sur le patrimoine et la transition écologique. Ces deux ambitions, transition énergétique et conservation du patrimoine bâti, peuvent être conciliées. Nous avons les ressources, les atouts, et les métiers pour le faire. Ce travail nécessite une grande concertation au niveau local, à l'image de celle qui avait été menée pour le développement de l'énergie photovoltaïque, en lien avec le ministère de la transition écologique, et qui avait abouti à la rédaction d'une circulaire commune et à la définition d'un cadre précis. Le même type de travail a été engagé pour l'élaboration d'un guide à destination des diagnostiqueurs. Une actualisation des textes réglementaires - référentiel de compétences, cycle de formation, etc. - est également en cours. Nous y travaillons avec le ministère de la transition écologique.
Nous soutenons votre initiative pour élargir l'attribution du label de la Fondation du patrimoine aux travaux intérieurs, ce qui ouvrirait la voie à des déductions fiscales ou au versement de subventions pour des travaux de rénovation thermique du bâti ancien. Les évolutions fiscales que vous mentionnez sont également importantes. La liste des travaux éligibles aux aides à la rénovation énergétique pourrait en outre évoluer, pour prendre en compte les travaux respectueux du patrimoine. Nous explorons cette piste, en lien avec Bercy. Soyez assurés de notre détermination sur ces questions, y compris au niveau européen.
Un effort particulier avait bien été fait l'an dernier en direction de l'archéologie préventive. Une soixantaine de collectivités sont habilitées par le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur pour réaliser des diagnostics archéologiques. Pour le budget 2024, nous avons accordé la priorité au financement urgent de revalorisations salariales au sein de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Nous restons néanmoins ouverts sur cette question. Nous devons parvenir à objectiver davantage les besoins pour mieux les défendre dans les prochaines discussions budgétaires. Si vous pouvez nous y aider, ce sera très utile.
Une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'inspection générale des finances (IGF) est en cours concernant les dispositifs Malraux et Denormandie, dont la conclusion est attendue pour la fin de l'année.
Les écoles territoriales d'art constituent un chantier prioritaire. Toutefois, n'oublions pas que ces écoles ont été créées par les collectivités et ont fonctionné longtemps en régie municipale avant de devenir des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) en 2011 ou 2012. Nous nous efforçons d'accompagner celles d'entre elles qui sont le plus en difficulté. Nous discutons des principales conclusions du rapport Oudart avec les directeurs et présidents de ces établissements. Nous continuerons à nous montrer attentifs, au cas par cas. Aucune mesure générale n'est prévue, chaque école ayant son histoire particulière, ses spécificités, et sa relation avec les collectivités. L'effort supplémentaire que nous avions engagé en 2023 a été maintenu pour 2024. Des aides à l'investissement peuvent aussi intervenir, afin de réduire les coûts de fonctionnement. Nous restons donc mobilisés sur le sujet.
Le bilan du fonds d'innovation territoriale, lancé en 2023, sera établi en début d'année prochaine. Pour qu'un projet soit financé, il doit être porté par au moins une collectivité locale. Les projets soutenus sont choisis avec les élus locaux, et non sur la seule décision des directions régionales des affaires culturelles (Drac). La priorité est accordée aux zones rurales isolées et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, et les projets soutenus doivent être innovants, l'idée étant de toucher des publics que l'on ne parvient pas à atteindre d'habitude.
La question de l'utilisation du pass Culture en zone rurale est effectivement importante. Plusieurs expérimentations sont en cours, notamment dans la région Grand Est, pour améliorer les parcours des jeunes, particulièrement sur le plan des transports. Des consignes ont été données à la société pass Culture pour travailler davantage en ce sens.
L'objectif de la part collective du pass Culture, de 25 euros par élève et par an, est d'amplifier l'éducation artistique au collège et au lycée. Si, en raison de son déploiement, des collectivités décident de retirer des budgets prévus initialement dans ce domaine, ou si cela vient pénaliser des actions existantes, il y a lieu de s'inquiéter. Je veux bien que vous nous communiquiez des exemples, pour que nous puissions y travailler au cas par cas.
Les problèmes techniques qui ont pu se présenter pour l'articulation entre l'application dédiée à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle (Adage) du ministère de l'éducation nationale, et le pass Culture, sont désormais résolus. Un regard de l'éducation nationale reste toutefois nécessaire sur les projets proposés, et les artistes amenés à intervenir en milieu scolaire. Cependant, si des compagnies habituées à intervenir dans certains établissements s'en trouvent subitement rejetées, cela pose problème. J'étudierai ce point plus précisément.
À la faveur du prolongement d'un an des contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public, nous avons pu redéfinir les objectifs, les principales missions de service public et les priorités de ce dernier. Parmi celles-ci, nous avons identifié celles qui nécessitaient une plus grande coopération entre les entreprises de l'audiovisuel public, à commencer par la fiabilité de l'information et l'investissement dans la lutte contre les fausses informations. En matière de stratégie digitale, nous avons constaté qu'il existait dans d'autres pays européens plusieurs plateformes numériques pour l'audio et la vidéo, ce qui n'empêche pas l'interopérabilité. Plusieurs sujets ont donc été étudiés.
Nous proposons une trajectoire pour cinq ans. Il revient évidemment au Parlement d'adopter le budget et de valider ces conventions. Ces discussions auront lieu. Le calendrier des contrats d'objectifs et de moyens sera précisé prochainement.
Je suis favorable par ailleurs à la pérennisation, au-delà des années 2024 et 2025, du fléchage d'une fraction de la TVA vers l'audiovisuel public, ce qui impliquera une modification ciblée de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Il n'y a pas encore d'arbitrage interministériel sur le sujet. Les discussions se poursuivent.
Concernant la réforme de la gouvernance, il m'était apparu qu'il était possible de parvenir plus rapidement aux objectifs souhaités, sans passer par la création d'une holding. Grâce au fléchage d'une enveloppe complémentaire dédiée aux chantiers prioritaires, aux transformations et aux coopérations, nous disposons de trois ans, à partir de 2024, pour accélérer les réformes. J'espère que cette nouvelle méthode portera ses fruits.
Les coopérations entre France 3 et France Bleu ne généreront pas d'économies dans l'immédiat. Leur but premier est de regrouper les forces du réseau de proximité de l'audiovisuel public pour porter un programme ambitieux autour de la vie locale, pour faire vivre une information locale forte et diversifiée et pour renforcer la connaissance de la vie culturelle et des services locaux. Différents rapprochements sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, sur lesquels les présidentes de Radio France et de France Télévisions ont eu l'occasion de s'exprimer. Nous leur faisons confiance pour avancer sur cette question, des budgets complémentaires étant réservés à ce chantier.
La question des coopérations entre France Info et France 24 est plus complexe, car ces deux chaînes ne s'adressent pas aux mêmes publics. Des complémentarités existent néanmoins, et des coopérations ont déjà lieu ; nous verrons sur quels segments il sera possible de les renforcer. Pour l'instant, notre objectif est de consolider l'information en général, et France Info en particulier, et d'oeuvrer au rapprochement entre France 3 et France Bleu.
Le rapport de Bruno Lasserre sur le cinéma ouvre des perspectives utiles pour clarifier les engagements de programmation ainsi que le classement Art et Essai , ou encore assouplir les politiques tarifaires. Toutes ces dispositions nécessitent une transposition législative. La proposition de loi mentionnée par M. Bacchi est donc bienvenue, et nous la soutiendrons.
La chronologie des médias reste un sujet de débat complexe. Des avancées ont eu lieu sur la question de l'étanchéité des fenêtres. Les discussions se poursuivent.
Les États généraux de l'information viennent de s'ouvrir, sous l'égide d'un comité de pilotage indépendant, que vous pourrez rencontrer autant que vous le souhaiterez. Plusieurs groupes de travail ont été formés, autour de sujets très vastes. J'attends de cet événement qu'il suscite, au-delà des experts, une mobilisation des citoyens et des jeunes pour créer un débat autour du droit à l'information et de la fiabilité de l'information. Il ne sera donc pas seulement question du modèle économique et de l'avenir de la presse. En effet, l'accès à l'information, dans notre société, passe aussi par le numérique ou par des relais de décryptage comme HugoDécrypte. Nous devons prendre en compte toutes ces modalités. Nous avons aussi tout un chantier d'éducation aux médias à renforcer pour lutter contre la désinformation. J'attends également des propositions à ce sujet. Certaines pourront mener à des évolutions législatives, concernant la lutte contre les ingérences étrangères, par exemple, ou les aides à la presse.
Je m'étais engagée à ouvrir ce dernier chantier. L'enjeu est de garantir le pluralisme de la presse. On ne peut néanmoins être ignorer la presse en ligne. Cela fera partie des travaux à mener.
L'aide de 9 millions d'euros versée à France Messagerie est en réalité une aide destinée aux éditeurs de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale (IPG) visant à alléger le coût des barèmes tarifés par la messagerie des quotidiens. Elle fait partie de l'aide à la distribution globale de 27 millions d'euros qui leur est versée. Sans cette aide, les éditeurs feraient face à des barèmes dont ils ne pourraient s'acquitter, sauf en augmentant fortement le prix de leurs titres. Ponctionnée à l'origine sur le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), cette aide a été reconduite par les lois de finances successives. Pour autant, il n'en a pas résulté un manque de financement de la modernisation, grâce à l'intervention des crédits du plan de relance entre 2020 et 2022.
Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des finances (IGF) pour réfléchir, au-delà de la situation économique de France Messagerie, à l'avenir de la distribution de la presse au numéro en France : financement, aide à la distribution, péréquation, gouvernance, etc. Ce chantier est considérable. Nous attendons leurs recommandations avant de nous prononcer.
J'en viens au CNM. La concertation que j'ai lancée avec tous les segments de la filière, à la demande du Président de la République à la suite de ses annonces fortes du 21 juin, a pris trois mois. À l'issue de ces échanges, trois hypothèses se sont dégagées. La première consisterait à instaurer une contribution obligatoire des plateformes de streaming, gratuites comme payantes, établie sur la base d'un taux modulé et de seuils variables - de 0,5 % à 1,75 % - selon leurs chiffres d'affaires réalisés en France. Cette contribution obligatoire permettrait de générer, la première année, entre 18 et 20 millions d'euros pour financer le Centre national de la musique, et une somme plus importante les années suivantes. Dans la deuxième hypothèse, nous étendrions la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) pour en faire bénéficier le CNM. Cependant, cela reviendrait à taxer la publicité, alors que certaines plateformes comme Amazon et Apple ne fonctionnent pas avec un modèle publicitaire. À ce stade, cette proposition a peu convaincu nos interlocuteurs. Enfin, la troisième hypothèse serait celle d'une contribution volontaire des plateformes. Certaines ont d'ailleurs proposé d'elles-mêmes d'abonder le budget du CNM, soit oralement, soit par écrit. Nous nous donnons du temps pour poursuivre cette négociation. Nous pourrons également étudier les amendements qui seront présentés au cours de l'examen du PLF pour voir si la solution de la contribution obligatoire n'est pas la meilleure.
Le bilan de l'extension des horaires des bibliothèques est encourageant. Ce changement doit néanmoins être conforté, a fortiori au vu des difficultés que rencontrent certaines collectivités. Cette extension s'élève à 8 h 30 en moyenne, dans plus de 500 collectivités. Toutefois, le risque de recul est réel, du fait de l'importance des factures dont les petites communes ont à s'acquitter. La vigilance est de mise sur ce point. À titre d'exemple, la médiathèque de Rillieux-la-Pape est passée de 25 heures à 38 heures d'ouverture. Une telle extension est déterminante, notamment pour toucher les jeunes, d'autant que les bibliothèques sont de véritables lieux de vie, qui comportent des espaces de jeux vidéo, de musique, et proposent de nombreuses activités et animations. Notre rôle est de les soutenir.
L'encouragement de la création artistique passe par notre soutien aux écoles et à l'enseignement supérieur, et à la nouvelle génération d'artistes, d'architectes et de musiciens qui dessineront le monde de demain. Par ailleurs, le programme Mondes nouveaux, d'une manière inédite, s'est appuyé sur les désirs des artistes et leurs propositions de projets pour mettre des moyens, des équipes de production, des opérateurs comme le Centre des monuments nationaux (CMN) ou des partenaires comme le Conservatoire du littoral à leur service. Au total, 260 projets ont été soutenus dans toute la France, impliquant souvent des artistes peu connus, et dans tous les champs artistiques, non les seuls arts plastiques : compositeurs, danseurs, écrivains, vidéastes, etc. Le programme Mondes nouveaux continuera en 2024.
Le plan Mieux produire, mieux diffuser est en outre essentiel. Seule ne compte pas la création, il faut aussi oeuvrer pour sa diffusion vers le public. Un budget « levier » de 9 millions d'euros est donc prévu dans le budget 2024, pour favoriser les coopérations et les coproductions ainsi que l'organisation de tournées raisonnées.
M. Yan Chantrel. - Quand l'extension du pass Culture aux jeunes Français établis hors de France, décidée en conseil des ministres en février dernier, sera-t-elle effective ? Cette extension concernera-t-elle réellement tous ces jeunes ? Flécher le pass Culture à cette occasion vers notre réseau - Instituts français, Alliances françaises, théâtres, librairies, etc. - pourrait être un moyen de le faire vivre et rayonner.
La décision du Gouvernement de suspendre la délivrance des visas pour la France aux ressortissants nigériens, maliens et burkinabés a de profondes répercussions sur nos relations avec ces pays. Des artistes ne sont plus en mesure d'exercer leurs métiers. Des échanges culturels sont suspendus. Ce genre de mesure ne favorise pas non plus le rayonnement de la francophonie, alors que nous accueillerons le sommet de la francophonie en octobre prochain. Par de telles décisions, vous renforcez les putschistes, car vous privez des personnes qui participent au rayonnement culturel de notre pays de la possibilité de s'y rendre. Ce problème n'est pas réglé, les témoignages sont nombreux. La meilleure chose à faire serait de revenir sur cette décision.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le rôle de notre audiovisuel extérieur est essentiel, dans un monde où les crises et les conflits se multiplient. Que prévoyez-vous dans le cadre du PLF pour France Médias Monde ?
Qu'est devenue la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), taxe affectée censée compenser la suppression de la publicité après 20 heures et qui est finalement tombée dans l'escarcelle de Bercy ?
Le secteur du spectacle vivant a beaucoup souffert de la crise énergétique. Les aides exceptionnelles débloquées l'année dernière ont d'ailleurs été appréciées. Le plan « Mieux produire, mieux diffuser » tend cependant à revenir à un volume financier dédié à la production similaire à celui de 2019, à volume d'emplois équivalent. Cet objectif nous semble inatteignable compte tenu de l'augmentation constante des charges salariales, du taux de l'inflation et de la crise énergétique. Par ailleurs, comment renforcer la place de la musique dans les établissements publics du spectacle vivant ?
Je vous remercie, madame la ministre, de ne pas avoir suivi la proposition de M. Bargeton de taxer ces structures, financées à 80 % par les collectivités territoriales, pour financer le CNM.
Il existe enfin des inégalités entre les écoles territoriales d'art, comme entre les écoles d'architecture. Les collectivités territoriales voyant leurs ressources fiscales se réduire, ne pourrait-on réfléchir à une dotation globale de fonctionnement spécifique pour les collectivités qui portent un établissement de ce type ?
M. Max Brisson, président. - Je m'associe à cette dernière question.
Mme Sylvie Robert. - Entre une contribution obligatoire des plateformes de streaming au financement du CNM et une contribution volontaire, il y a une décision politique importante à prendre. La première hypothèse représenterait 20 millions d'euros, contre 5 millions d'euros pour la seconde, soit un manque à gagner de 15 millions d'euros. Or les recettes du CNM diminueront en 2024 du fait de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui entraînera l'arrêt de certains grands concerts, au Stade de France par exemple. Les pertes potentielles sont estimées à 8 millions d'euros. Il y a là une bataille à mener, c'est une question de justice fiscale. J'espère que, face à la puissance des plateformes, le Gouvernement choisira la contribution obligatoire.
Les États généraux de l'information ont été percutés par une double actualité : ce qui est arrivé à la journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux, et la position prise par la France dans le cadre du règlement européen sur la liberté des médias. Le Gouvernement a poussé pour introduire une exception sur l'interdiction de l'utilisation de logiciels espions à l'encontre de journalistes, au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale. Il y a là un besoin de cohérence. On ne peut tenir un discours protecteur des médias à l'échelle nationale, dans le cadre des États généraux de l'information, et oeuvrer en sens inverse au niveau européen. Madame la ministre, le Gouvernement entend-il revenir sur sa position d'ici l'adoption finale du texte pour protéger le secret des sources ?
Mme Monique de Marco. - Dans le prolongement de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), vous avez présenté cette année un budget comportant une fraction de TVA destinée à garantir son financement, fraction qui est certes en augmentation. Je vous rappelle néanmoins la décision rendue par le Conseil constitutionnel à ce sujet, à la suite de la loi de finances rectificative de 2022. En outre, deux députés membres de la majorité ont mis en avant le risque de non-conformité avec le traité franco-allemand qui a permis la création d'Arte. Plus globalement, quel est le cap fixé pour le financement de l'audiovisuel public après 2024 ? Vous pourrez consulter la proposition de loi organique que j'ai déposée avec plusieurs de mes collègues pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public français, et nous pourrons en débattre.
Par ailleurs, vous avez annoncé la tenue d'une Olympiade culturelle dotée d'un budget de 4 millions d'euros en 2024, avec pour objectif de poursuivre le dialogue entre le sport et la culture engagé depuis 2022. Or nous vous alertons, depuis janvier 2023, quant aux impacts des jeux Olympiques (JO) sur l'ensemble du tissu culturel français, notamment sur le spectacle vivant, qui dépend fortement de la vie festivalière. Certains projets culturels semblent menacés en 2024, par la mobilisation des forces de l'ordre comme des moyens humains et matériels de l'événementiel. Quels moyens avez-vous budgétisés pour compenser ces pertes ?
Mme Agnès Evren. - Je souhaite revenir sur le financement du CNM dans la mesure où une série d'amendements ont été déposés en vue d'instaurer une taxe sur le streaming. Une telle taxe alourdirait d'abord la fiscalité pesant sur des services qui font d'ores et déjà l'objet d'un taux de TVA de 20 %. Elle pénaliserait, ensuite, les leaders de l'abonnement, c'est-à-dire des acteurs européens dont les marges sont inexistantes. Enfin, son instauration reviendrait à passer sous silence les répercussions sur les acteurs les plus fragiles, sur les ayants droit et sur les consommateurs.
Vous avez confirmé explorer la piste d'une contribution volontaire des plateformes et des ayants droit. Cette solution présenterait le double avantage d'être opérationnelle dès 2024 et de maîtriser la répercussion des efforts consentis sur chaque maillon de la chaîne de valeur. Quel calendrier envisagez-vous afin de parvenir à un accord sur cette contribution volontaire ?
Mme Sonia de La Provôté. - J'appuie les propositions de mes collègues concernant la nécessité d'un schéma de financement complet et pérenne du CNM.
Je suis d'ailleurs plutôt favorable à une taxe proposée par des amendements déposés à l'Assemblée nationale, mais qui n'ont pas été retenus à la suite du recours à l'article 49-3 de la Constitution. Le combat continue, et menons-le ensemble ! Le CNM a fait preuve de son utilité, il s'avère être un outil essentiel pour la filière. La question de son financement, et donc de cette taxe, reste donc d'actualité.
Je souhaite évoquer la crise sans précédent que subissent les scènes de musiques actuelles (Smac) en raison de l'inflation ainsi que de la hausse des cachets des artistes et des coûts de production. Ainsi un grand nombre de ces salles se trouvent-elles dans une situation déficitaire : certains syndicats indiquent que 20 % à 30 % de leurs adhérents sont dans ce cas. Un effort a certes été fourni en leur faveur, mais ces salles doivent arbitrer entre de grosses productions et leur rôle essentiel en matière de soutien à la création.
Envisagez-vous apporter une aide à destination des Smac ? Dans ces moments difficiles, il est nécessaire de conforter leur mission de soutien aux productions fragiles et aux artistes émergents.
Concernant le pass Culture, nous avons déjà interrogé le ministre de l'éducation nationale, qui s'est réjoui de mener avec vous ce chantier. Si le montant alloué au pass est en hausse, la feuille de route de cet outil - au service d'une politique culturelle - manque de lisibilité, notamment sur l'éducation artistique et culturelle (EAC).
L'éditorialisation est certes intéressante, mais la médiation l'est encore davantage. D'une part, on ne comprend pas comment les jeunes utilisent le pass Culture hors milieu scolaire, et, d'autre part, cet outil ne crée pas de diversité dans l'offre culturelle, alors qu'il aurait pu l'accompagner.
Par ailleurs, quid du renforcement des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap) ? Celles-ci sont indispensables pour l'accompagnement des petites communes, en complémentarité avec l'accompagnement du petit patrimoine.
Enfin, votre position a-t-elle évolué quant à l'assistance à maîtrise d'ouvrage auprès des architectes des Bâtiments de France, un besoin exprimé par les collectivités et par les maires ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue l'augmentation des crédits alloués aux études et travaux des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui traduit un soutien à ce dispositif créé en 2016 et qui bénéficie à quelque 900 communes. Toutefois, ces dernières ont besoin d'être accompagnées par les personnels des Udap, en nombre insuffisant. Pourtant, l'importance des SPR est reconnue dans le cadre des politiques de revitalisation des centres historiques et de réhabilitation des logements, y compris dans les programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain. Il faudrait donc renforcer les effectifs des Udap, les besoins étant estimés entre 100 et 150 agents supplémentaires.
Le DPE n'est toujours pas adapté au bâti ancien. Les associations de sauvegarde du patrimoine que nous avons auditionnées ont indiqué que les fenêtres du XVIIIe siècle ont disparu, que les portes de la même époque sont en voie d'extinction et que les boiseries et lambris sont également menacés. Le Gouvernement doit revoir sa copie sur ce point.
Le fonds incitatif et partenarial connaît lui une hausse. Vous avez dit qu'il bénéficie à de nombreuses communes de moins de 2 000 habitants propriétaires de monuments historiques et dont les ressources sont faibles, mais il s'avère qu'il peut aussi bénéficier à des propriétaires privés de monuments historiques situés dans ces communes. Le soutien qui leur est apporté représenterait ainsi 18 % de la dotation du fonds.
Je ne remets aucunement en cause les besoins de soutien de ces propriétaires privés, mais je m'interroge sur les modalités et critères d'éligibilité à ce fonds, car la taille et les ressources de la commune d'implantation ne semblent pas être un critère pertinent pour évaluer les moyens financiers dont dispose un propriétaire privé. Par ailleurs, vos services ont-ils établi un bilan complet du FIP depuis sa création ?
Enfin, le plan en faveur des petites églises en péril, même s'il ne relève pas directement du budget du ministère de la culture pour 2024, devra être financé pour compenser les crédits d'impôt prévus à hauteur de 75 % pour les donateurs. Pouvez-vous préciser les modalités de ce financement et leurs impacts éventuels sur certaines lignes budgétaires du patrimoine ?
Mme Anne Ventalon. - Je souhaite revenir sur les annonces du Président de la République en faveur du patrimoine religieux et salue à cet égard le lancement de la collecte nationale via la Fondation du patrimoine, ainsi que la défiscalisation qui en découle.
Je m'interroge sur les mesures interministérielles annoncées dans ce domaine. Plus particulièrement, comment la valorisation des initiatives d'usages compatibles avec l'activité cultuelle au sein de ces lieux de culte se traduira-t-elle ?
M. Adel Ziane. - Je commencerai par un satisfecit concernant la hausse importante du budget alloué aux musées. Cependant, vous l'avez évoqué vous-même, il s'agit d'un budget de transformation, dont une part importante est liée à la rénovation du Centre Georges-Pompidou. La crise sanitaire et économique ainsi que la baisse de fréquentation liée au covid-19 ont malmené le modèle économique des musées. Le ministère de la culture avait alors été au rendez-vous avec le plan de relance, mais la question de son soutien se pose à nouveau alors que l'inflation sévit et que la fréquentation n'a pas retrouvé son niveau de 2019, malgré des chiffres encourageants en 2022. La billetterie étant essentielle pour les musées, cette question est déterminante dans le cadre du travail de prospective lié au budget de transformation : quelles sont les projections du ministère sur ces budgets de fonctionnement, une fois cette part allouée au centre Pompidou soustraite ?
Une autre question a trait aux établissements régionaux, alors que les dépenses d'intervention se stabilisent. Il me semble fondamental de garantir un accompagnement des musées par le ministère dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER), dans un contexte de diminution des capacités budgétaires des villes, des intercommunalités, des départements et des régions, comme le montre le rapport de la Cour des comptes publié ce jour. Quel soutien à ces territoires, désireux de développer leurs musées, mais confrontés à de sérieuses difficultés financières pouvez-vous proposez ?
En outre, je veux souligner la faiblesse du budget alloué à l'acquisition et à l'enrichissement des collections, qui restera en deçà du seuil de 10 millions d'euros. Compte tenu de l'état du marché de l'art et du montant faramineux des oeuvres anciennes, je souhaite savoir comment le ministère se positionne par rapport à cet enjeu.
Concernant la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts qui s'apprête à ouvrir ses portes, quel est le budget de fonctionnement attendu, ainsi que la programmation ? Il faudra faire vivre dignement ce site, dont le coût s'élève à 200 millions d'euros.
M. Jacques Grosperrin. - Nous pouvons tout d'abord nous réjouir de l'augmentation du budget du ministère de la culture à hauteur de 6 %, qui lui permet de retrouver une ambition à la hauteur de la place occupée par la culture dans la société française.
Quelque 15 000 communes, dont 55 % comptent moins de 2 000 habitants, comptent un monument historique sur leur sol. Les SPR revêtent une importance sociale, économique et culturelle dont chacun est conscient, aussi la revalorisation de 20 millions d'euros du FIP constitue-t-elle un signal fort.
Toutefois, à l'instar des édifices religieux, de nombreux édifices appartiennent aux collectivités, qui font peser de nombreux frais sur les mairies.
Vous avez évoqué un budget de transformation et d'inspiration : quelles conséquences en tirez-vous quant à la méthode à employer afin que les différents acteurs - ministères, autorités déconcentrées, élus locaux - travaillent de concert pour la maîtrise d'ouvrage, tant sur le plan financier que sur celui de la rénovation du patrimoine bâti, sachant que l'enveloppe risque d'être insuffisante ?
Mme Mathilde Ollivier. - Pour ce qui est du financement du CNM, l'option la plus ambitieuse, celle de la mise en place de la taxe sur le streaming, aurait dû être portée par les groupes de la majorité à l'Assemblée nationale, mais elle n'a finalement pas été retenue par le Gouvernement dans le PLF après l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont conduit à écarter cette solution alors que vous avez reconnu que l'option relative aux plateformes vidéo n'est pas véritablement satisfaisante, que l'importance du soutien au CMN n'est plus à démontrer et que l'option de la contribution volontaire sera largement insuffisante ?
Je souscris par ailleurs à l'interrogation de M. Chantrel quant à l'élargissement du pass Culture aux jeunes Français de l'étranger : où en est-il ?
Je partage enfin les inquiétudes exprimées par Mme de Marco au sujet des festivals et concerts dans la perspective des jeux Olympiques. D'habitude hébergés dans les stades et ayant d'importants besoins en termes de sécurité, ces événements sont exposés à des risques de baisse de revenus et à des difficultés d'organisation. Quel soutien prévoyez-vous pour ceux-ci ?
Mme Colombe Brossel. - Le budget alloué à l'EAC enregistre une hausse de 1,5 %, nettement en deçà de l'inflation. Il paraît malaisé d'atteindre les objectifs fixés avec un budget qui sera de fait en régression, alors que nous sommes persuadés que l'EAC constitue l'un des leviers pour créer du commun dans les périodes troublées que nous vivons. Il est impératif d'y consacrer le budget nécessaire.
Pour ce qui concerne le pass Culture, je rappelle d'abord qu'il ne s'agit pas d'une politique publique, mais au mieux d'un outil qui doit se déployer en cohérence avec les autres politiques mises en place.
Quels enseignements tirez-vous du rapport à charge, dirais-je, publié par la Cour des comptes à propos de la mise en oeuvre du pass Culture ? Nous voyons s'exprimer une volonté de renforcer les activités collectives, notamment pour les élèves de cinquième et de sixième, mais, là aussi, cet élargissement pose question compte tenu de la faible progression du budget correspondant.
Enfin, la mise en place de l'application Adage crée une dynamique délétère qui prive des compagnies de théâtre et de spectacle vivant d'interventions qu'elles effectuaient auparavant auprès des élèves, ce qui fragilise le tissu culturel. Ce constat est d'ailleurs partagé par l'ensemble des sénateurs.
M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à vous alerter, madame la ministre, sur la situation de nombreuses églises qui ne sont ni inscrites ni classées, notamment en milieu rural, et qui nécessitent des travaux urgents et/ou de sécurité. Très attachées à ce patrimoine, les communes éprouvent des difficultés à financer leur entretien. Les Drac, qui peinent déjà à tenir leurs engagements financiers pour les églises classées ou inscrites, ne peuvent pas intervenir. Aussi, je sollicite une intervention de votre part auprès des préfets et des départements. L'échelon départemental semble en effet être le niveau adéquat pour prendre en charge ces travaux. Lorsque j'étais président du département d'Indre-et-Loire, qui possède un patrimoine important, nous avions ainsi, en lien avec le préfet, alloué 200 000 euros à ces travaux urgents, financés à 30 % au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et à 30 % par le département.
La DETR avait produit un effet de levier intéressant en permettant à de petites communes de financer ces travaux urgents, indispensables pour prévenir une dégradation des édifices et des coûts qui s'alourdissent par la suite si la rénovation n'est pas réalisée à temps.
M. Aymeric Durox. - Alors que notre pays s'apprête à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, je m'interroge sur l'héritage lié à cet événement. Depuis 2006, il existe un réseau des musées olympiques qui fédère 32 établissements à travers le monde et dont la France ne fait pas partie. Elle compte pourtant des musées dédiés au sport, dont le musée national du sport à Nice et des musées des fédérations, celui du basket par exemple. S'y ajoutent des espaces mémoriaux olympiques installés dans les villes hautes olympiques, à Albertville et Grenoble.
Paris, qui aura accueilli trois fois les JO d'été avec les éditions de 1900, 1924 et bientôt 2024, et vu naître une grande partie du système sportif international, reste dépourvue d'un lieu de valorisation de cet héritage unique.
En 2021, Stéphane Fiévet, alors président de la commission « Histoire » du comité d'organisation des JO de Paris 2024, avait initié un projet de musée olympique dans la gare de Saint-Denis Pleyel, mais l'État comme les collectivités n'ont pas soutenu l'initiative. Le projet n'a pas survécu à la démission de Stéphane Fiévet.
Madame la ministre, la France doit, dans la perspective de sa candidature aux JO d'hiver de 2030, combler son retard et créer un musée olympique qui serait tout à la fois un outil de culture, un lieu de mémoire et une attraction touristique. Un tel espace muséal honorerait la France, berceau de la rénovation de l'olympisme, et repositionnerait notre pays au sein du réseau de la culture olympique.
Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Dans le cadre de l'Olympiade culturelle, nous engagerons 4 millions d'euros en 2024 - qui viennent s'ajouter aux 3 millions d'euros déjà alloués en 2023 - pour monter des projets culturels et sportifs sur l'ensemble du territoire. Cette mobilisation inédite des forces vives de la culture et du sport permettra de constituer un héritage important, qui s'appuie déjà sur des spectacles organisés dans des piscines et des gymnases à l'occasion des Journées du patrimoine.
Ces collaborations se poursuivront sur la durée, l'Olympiade culturelle ne se déroulant pas sur quelques mois, mais sur deux ans et demi. La France dispose déjà d'un tissu culturel extrêmement riche et d'un très beau musée à Nice, je ne suis donc pas persuadée qu'il faille créer d'autres établissements.
En revanche, je suis favorable à un resserrement des liens entre la culture et le sport : l'Olympiade culturelle a permis cette collaboration et l'appuiera encore plus dans les prochains mois. Je pense que cette collaboration de long terme entre les deux champs de la culture et du sport, qui partagent de nombreuses valeurs et ambitions, sera un héritage puissant.
Concernant le pass Culture, le rapport de la Cour des comptes n'est pas tant à charge : il revient certes sur les balbutiements de l'outil lors de son lancement par Mme Nyssen, mais souligne sa pertinence en tant que moyen d'accès à la culture, en levant notamment les barrières pour les jeunes. Ces dernières ne sont pas uniquement financières puisqu'il peut s'agir de la connaissance de la librairie du coin ou de l'envie de s'y rendre, sans oublier les dispositifs déployés en termes de médiation, de parcours et de découverte des métiers. Le pass Culture n'est pas à mes yeux un simple outil de consommation de livres ou de places, mais un vecteur d'engagement des jeunes, afin qu'ils deviennent acteurs de notre vie culturelle, en étant, par exemple, reporters dans des festivals.
J'ajoute que 700 actions ont été mises en oeuvre dans le cadre du plan en faveur des métiers d'art, afin que les jeunes les découvrent. Le pass Culture évolue, en se nourrissant des propositions des jeunes eux-mêmes. Nous avons créé un réseau d'ambassadeurs fort de 400 jeunes sur l'ensemble du territoire : ces derniers relaient les actions menées dans le cadre du pass Culture, inspirent l'équipe dédiée et contribuent à développer ce dispositif.
Je connais l'engagement de Mme Brossel sur l'enjeu de permettre à chaque jeune d'avoir accès à une expérience d'EAC au cours de sa scolarité. D'ailleurs, malgré les ralentissements entraînés par la crise sanitaire, l'objectif « 100 % EAC à l'école » a été atteint à hauteur de 80 %.
Je précise, en outre, que l'effort de l'État ne se résume pas aux budgets du ministère de la culture dédiés à l'EAC et au pass Culture. Il faut en effet y ajouter les 50 millions d'euros consacrés au pass Culture par le ministère de l'éducation, mais aussi le budget des opérateurs et des structures labellisées par le ministère de la culture, qui mènent des actions tournées vers l'EAC.
Par exemple, le dispositif Démos créé par la Philharmonie de Paris figure au budget de cet établissement et n'apparaît pas dans le budget EAC du ministère. Il en va de même pour l'opération annuelle « C'est mon patrimoine ! », qui permet d'emmener des jeunes notamment issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à la découverte du patrimoine, ou encore du Musée Mobile (Mumo) du Centre Pompidou, qui fait escale en priorité dans les QPV et les petits villages.
Pour ce qui concerne l'élargissement du pass Culture aux Français de l'étranger, nous travaillons d'arrache-pied à tenir cet engagement, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Il est toutefois complexe de mettre en oeuvre cette application dans plusieurs dizaines de pays. Nous nous appuierons sur notre réseau culturel en mobilisant les Instituts français et les Alliances, ainsi que les consulats qui connaissent nos compatriotes vivant dans une situation sociale difficile. Nous tâcherons de mettre au point des propositions impliquant ce réseau, tout comme les librairies francophones, qui jouent un rôle essentiel à l'étranger et que nous soutenons d'ailleurs via le CNL. Nous envisageons dans un premier temps de débloquer le pass Culture dans l'Hexagone lorsque les Français de l'étranger s'y rendent. Plusieurs hypothèses sont envisagées : il pourrait s'agir d'un bon à retirer dans un Institut français ou un consulat, nous continuons à consulter l'ensemble des acteurs afin d'identifier la meilleure solution.
S'agissant des visas, je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle nous aurions suspendu les coopérations. Nous avons été confrontés en août dernier à une situation d'incapacité à travailler avec les pays africains en proie à des troubles, pour des raisons matérielles, mais aussi en raison d'attaques qui ont ciblé les équipes françaises, entraînant une restriction, voire une fermeture de nos services délivrant des visas.
Si vous connaissez des artistes qui seraient encore bloqués en raison d'un problème de visa, n'hésitez pas à m'en faire part directement afin que nous en discutions. Nous avons pu, avec le Quai d'Orsay, trouver des solutions, en délivrant, par exemple, des visas à des basketteuses maliennes qui devaient participer à l'Olympiade culturelle.
Les projets de coopération sont rendus difficiles dans un pays tel que le Niger, dans lequel notre ambassade a fermé. La coopération doit fonctionner dans les deux sens : il est évidemment hors de question de dire que les artistes nigériens ne sont plus les bienvenus en France, terre d'accueil, d'échange et d'ouverture ; mais les artistes français devraient pouvoir se rendre au Niger si une véritable coopération, qui se construit à deux, était de mise. Or, à ce stade, ce n'est pas envisageable au vu des dangers que pourraient encourir des associations culturelles et des artistes qui se rendraient dans des pays dans lesquels la France est directement menacée. L'Institut français de Ouagadougou a été incendié, souvenons-nous-en ! La situation géopolitique est désormais très difficile au Burkina Faso et au Mali, pays avec lesquels nous avons - plus encore qu'avec le Niger - toujours mené des actions de coopération.
Je citerai un dernier exemple pour démontrer que nous continuons à délivrer des visas : nous avons organisé, du 6 au 8 octobre, un grand forum des industries culturelles et créatives africaines à la Gaîté lyrique, au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et au Centre Pompidou, auquel près de 300 artistes venus d'une trentaine de pays ont participé. Cet événement a été l'occasion de porter l'ambition de cette coopération renforcée avec l'Afrique, au coeur de notre politique depuis le discours prononcé par le Président de la République à Ouagadougou. Une ambition que l'on retrouvera d'ailleurs à la Cité internationale de la langue française, qui accueillera en résidence des artistes venant de l'ensemble du monde francophone.
Je le répète, je vous assure qu'il n'existe aucune instruction de suspension ou de refus de visas, mais nous rencontrons simplement des difficultés logistiques face à une situation sécuritaire particulièrement dégradée dans ces pays.
Dans ce contexte, l'audiovisuel extérieur revêt, Madame Morin-Desailly, une importance absolue. Dans certains pays africains, la milice Wagner et la Russie organisent, financent et mènent une véritable guerre informationnelle. C'est pourquoi nous proposons une hausse de 40 millions d'euros sur cinq ans des crédits alloués à France Médias Monde. Nous devons mieux nous armer face aux campagnes de désinformation et porter la voix de la France, tout en respectant bien sûr l'indépendance des journalistes. Nous continuerons également d'innover en matière numérique, de décliner la stratégie régionalisée et de promouvoir la francophonie dans un monde multilingue.
Je veux vous rassurer sur un point : si la Toce a bien été réinjectée dans le budget général de l'État, l'audiovisuel extérieur bénéficie toujours d'un canal de financement, grâce à la fraction de TVA et au compte de concours financier pour l'audiovisuel public. En tout état de cause, son budget n'est pas en baisse.
En ce qui concerne le spectacle vivant, les structures les plus fragilisées pourront bénéficier de nouvelles aides anti-inflation, 75 millions d'euros étant consacrés, au sein du budget général du ministère de la culture, à la lutte contre l'inflation.
Au-delà, nous souhaitons amorcer une transformation structurelle grâce au plan « Mieux produire et mieux diffuser ». Notre but est, non pas de soutenir moins d'artistes, mais de réduire le rythme des créations. Il s'agit de mieux produire, avec des coproducteurs engagés, et de favoriser des diffusions plus longues. En d'autres termes, nous voulons étaler le même nombre de productions dans la durée, afin de toucher un public plus large et de rationaliser les tournées d'un point de vue écologique.
Nous sommes bien conscients des inégalités qui frappent les écoles d'art et d'architecture. Nous devons concentrer nos efforts sur les écoles les plus fragiles, sans pour autant abandonner les plus dynamiques. Nous avons prévu un phasage en trois ans pour résoudre ces difficultés.
Le calendrier du ministère sera naturellement marqué par celui du Sénat. Pour ma part, j'ai noté la date du 15 novembre ; nous verrons alors si la contribution volontaire atteint des niveaux satisfaisants par rapport à l'objectif qui a été fixé. Le débat reste ouvert à ce stade.
Sylvie Robert a raison : l'année 2024 sera particulière, en raison notamment de la mise à disposition de salles pour les jeux Olympiques. Cela réduira mécaniquement le produit de la taxe billetterie.
En matière de patrimoine, les préfets ont, à l'évidence, un rôle à jouer. J'ai pu le constater dans la Somme, où des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont été mobilisés à hauteur de 4 millions d'euros en une année seulement pour soutenir près de 100 opérations de restauration d'églises. Avec Gérald Darmanin, nous avons décidé de mobiliser les préfets sur ces crédits, qui peuvent être fléchés également vers des restaurations d'églises non protégées. Naturellement, les églises inscrites ou classées pourront bénéficier des subventions du ministère. Par ailleurs, la collecte nationale de la Fondation du patrimoine est lancée et je vous rappelle que le Loto du patrimoine permet également de soutenir la restauration d'édifices cultuels non protégés.
Je voudrais vous remercier de votre plaidoyer en faveur des Udap, dont le rôle est en effet essentiel. Afin de pourvoir en urgence les postes vacants, nous avons programmé de nouveaux concours. Il est aussi possible, pour épauler nos architectes des Bâtiments de France, de recourir à des architectes contractuels. Parallèlement, nous travaillons au renforcement de l'expertise technique des Udap, au redéploiement d'emplois administratifs vers des emplois scientifiques et techniques ou encore à l'amélioration de la dématérialisation des procédures.
Vous m'avez interrogé sur le FIP. Les propriétaires privés peuvent en bénéficier, mais par propriétaire privé, il ne faut pas entendre nécessairement châtelain richissime ! Le château de Vaux-le-Vicomte, par exemple, a pu bénéficier du FIP. Les critères de sélection sont notamment l'apport du conseil régional - à hauteur de 15 % minimum -, l'intérêt patrimonial du chantier ou encore l'ouverture au public. Il s'agit de s'assurer que le site est bien porteur d'un projet d'attractivité et de développement du territoire.
J'en viens au très beau sujet des usages compatibles. Restaurer les églises au coeur du village ne vise pas seulement à faire tenir les pierres debout, il s'agit aussi de les faire vivre. L'activité cultuelle peut donc être complétée par une activité mixte, lorsque ces activités sont compatibles et qu'elles recueillent l'accord du diocèse. Dans le cadre de sa collecte, la Fondation du patrimoine sera particulièrement attentive à ce critère de sélection. Elle a d'ailleurs lancé un prix, le prix Sésame, qui récompense les initiatives d'usage mixte. Bibliothèque, épicerie solidaire, activités de découverte de métiers d'arts ou encore restauration de vitraux sont autant d'usages nouveaux qui peuvent rendre ces lieux de culte de nouveau attractifs et revitaliser les édifices comme les territoires.
Je précise que 10 % des sommes issues de la collecte seront fléchées vers l'ingénierie, notamment en faveur des plus petites communes, qui connaissent souvent des difficultés pour assurer la maîtrise d'ouvrage.
La Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts a été citée. Je vous invite à la visiter dès son ouverture, prévue le 30 octobre. Vous pourrez y apprécier la qualité de la restauration effectuée, en quatre ans, par le Centre des monuments nationaux. Ce chantier colossal - alors conseillère culture à l'Élysée, j'ai pu voir les lieux, à la fin de 2019, dans un état de délabrement total consécutif à des dizaines d'années d'abandon - a pu être accéléré grâce aux crédits du plan de relance. Nous avons même pu prendre en charge le clos et le couvert d'une partie du château que nous n'avions pas l'intention de restaurer initialement. Cela facilitera l'arrivée de partenaires privés, et notamment l'ouverture d'un hôtel et d'un restaurant à proximité du château.
Le système de péréquation entre les monuments, propre au CMN, permettra de sécuriser financièrement le développement de la Cité internationale de la langue française. Le projet a également bénéficié de l'aide d'autres partenaires, parmi lesquels l'Organisation de la francophonie ou le Québec, dont je salue l'engagement à hauteur de 2 millions d'euros. D'une manière générale, les équipes de Villers-Cotterêts pourront s'appuyer sur les fonctions support et sur la magnifique expertise des agents du CMN.
Enfin, Mme Sylvie Robert a soulevé les questions de la liberté de la presse et de la sécurité des sources. En la matière, nous devons concilier deux exigences constitutionnelles : la préservation de la sécurité nationale d'une part - certains dossiers sont classés secret-défense - et la liberté de la presse, garantie par la loi de 1881, d'autre part.
À cet égard, nous restons particulièrement vigilants. En tant que ministre de la culture, je ne peux que saluer l'engagement des journalistes, parfois au péril de leur vie, pour nous apporter les informations les plus fiables et les plus objectives possible. Les États généraux de l'information permettront de débattre de ces sujets.
M. Adel Ziane. - Qu'en est-il des crédits d'acquisition ?
Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Je vous confirme qu'ils sont stables. Heureusement, nous bénéficions de l'aide de mécènes généreux. Favoriser le mécénat - au travers du dispositif « Trésor national » par exemple - est une autre manière, pour l'État, d'apporter son soutien. Nous avons pu ainsi empêcher le départ à l'étranger du magnifique Caillebotte, La Partie de bateau, actuellement exposé en itinérance au Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Les crédits d'acquisition sont un enjeu important, mais nous avons dû faire des arbitrages et avons privilégié notamment les revalorisations salariales, la lutte contre l'inflation ou encore les travaux pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments.
Mme Monique de Marco. - Je voudrais revenir sur le traité franco-allemand et sur la situation d'Arte.
Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Vous trouverez à la fin du dossier de presse du ministère le détail, année par année, de la trajectoire financière de l'audiovisuel public, y compris de la chaîne Arte.
J'étais à Hambourg récemment et, avec mon homologue allemande, nous avons réaffirmé nos engagements en faveur d'Arte et de la plateforme européenne multilingue que cette chaîne entend développer.
M. Max Brisson, président. - Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses.
* 1 Moyens restant disponibles pour les activités de création et de diffusion après imputation des charges fixes.
* 2 La part des arts visuels dans les crédits du programme « Création » est passée de 9,2 % en 2020 à 14,6 % en 2024.