B. UN ENJEU FINANCIER SPÉCIFIQUE ENCORE PEU PRIS EN COMPTE
Malgré la priorité accordée à la rénovation énergétique dans le projet de loi de finances pour 2024 (+ 1,6 milliard d'euros d'engagement), aucune aide spécifique au bâti ancien n'est mise en place dans le but de s'assurer que les travaux de rénovation énergétique réalisés seront adaptés à cette typologie. Le ministère de la transition écologique considère que l'obligation d'accompagnement associée à l'aide MaPrimeRénov' à compter du 1er janvier 2024 est une garantie suffisante à la réalisation de travaux de rénovation respectueux des caractéristiques de chaque bâti.
Les deux ministères se seraient néanmoins engagés à travailler ensemble pour faire évoluer la liste des travaux de rénovation énergétique éligibles aux aides, primes et dispositifs fiscaux afin que soient mieux pris en compte les travaux respectueux du bâti ancien. Ces travaux, qui ont vocation à être menés en partenariat avec l'ADEME et le Centre scientifique et technique du bâtiment, n'ont pas encore été lancés. Il s'agit d'un enjeu fondamental et urgent afin d'éviter que le patrimoine ne se dégrade.
La commission de la culture avait identifié plusieurs leviers fiscaux susceptibles d'être adaptés dans le but de faciliter une rénovation énergétique du bâti ancien plus respectueuse de ses caractéristiques patrimoniales, en permettant une meilleure prise en charge des surcoûts : les dispositifs « Malraux » et « Denormandie dans l'ancien », d'une part, et le label de la Fondation du patrimoine, d'autre part.
Ø Une adaptation des dispositifs « Malraux » et « Denormandie » suspendue aux résultats de l'évaluation interministérielle en cours
Compte tenu de l'évaluation actuellement menée par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires culturelles sur ces deux dispositifs fiscaux, il apparait préférable d'en attendre les conclusions avant de déterminer les évolutions les plus appropriées de ces deux dispositifs.
Ø Une première réponse possible via le label de la Fondation du patrimoine
La Fondation du patrimoine peut délivrer depuis plusieurs années un label aux propriétaires d'immeubles qui ouvre droit à des avantages fiscaux en cas de travaux de restauration6(*). Ce label joue donc un rôle incitatif majeur dans la sauvegarde du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques. Mais l'avantage fiscal reste limité aux travaux extérieurs. Il ne peut donc pas être mobilisé pour des travaux de rénovation énergétique qui porteraient sur les parties intérieures de l'immeuble dans le but d'en préserver l'aspect extérieur.
Le rapporteur, avec le soutien de la commission, a souhaité déposer un amendement au présent projet de loi de finances dans le but d'étendre l'avantage fiscal du label aux travaux intérieurs réalisés à des fins de rénovation énergétique. Cet outil lui apparait d'autant plus pertinent pour favoriser des rénovations qui soient de qualité sans être exagérément dispendieuses que la loi impose à la Fondation du patrimoine de financer a minima 2 % du montant des travaux pour que l'avantage fiscal puisse s'appliquer : cette disposition l'incite à la plus grande vigilance dans l'attribution de son label.
Le rapporteur saisit cette occasion pour alerter sur les problèmes soulevés par la nouvelle rédaction de l'article 41 I bis de l'annexe III du code général des impôts, modifiée par le décret n° 2023-103 du 16 février dernier, qui impose désormais que l'ensemble des subventions accordées aux travaux portant sur des immeubles labellisés, quelle qu'en soit la personne à l'origine (État, collectivités territoriales, associations, fondations...), soit versé par la Fondation du patrimoine pour que le propriétaire soit autorisé à déduire 100 % de ses charges lorsque le montant des subventions dépasse 20 % du coût du projet. Il en découle une perte de visibilité du soutien des collectivités territoriales, qui pourrait les conduire à réduire le niveau de leur accompagnement, au détriment de la préservation du patrimoine. Le rapporteur demande la modification de ces dispositions réglementaires à brève échéance.
* 6 Le label permet au propriétaire de déduire de ses revenus imposables 50 % du montant des travaux, hors part subventionnée, sous réserve que la Fondation les ait co-financés à hauteur de 2 %. La déduction est portée à 100 % si les travaux ont obtenu des subventions atteignant au moins 20 % de leur montant de la part de collectivités publiques, d'organismes publics ou privés ou de la Fondation du patrimoine.