EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 novembre 2023, sous la présidence de Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport pour avis de Mme Florence Lassarade sur le projet de loi de finances pour 2024 (mission « Santé »).
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis - Rapporteure pour la première fois cette année de la mission « Santé », cet examen me conduit à formuler une appréciation d'ensemble qui s'inscrit dans la droite ligne des observations de la commission au cours de ces dernières années : un constat de manque de lisibilité des actions financées et une absence de vision stratégique pour la santé publique.
En 2024, le montant des crédits consacrés à cette mission s'élèvera à 2 343,28 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 30,3 % par rapport aux crédits votés loi de finances initiale (LFI) de 2023, mais une relative stabilité si l'on raisonne sur le périmètre antérieur à 2023.
En effet, le dernier exercice budgétaire a modifié le visage de la mission « Santé » par la création d'un troisième programme permettant d'enregistrer la compensation de coûts divers à la sécurité sociale via le budget de l'État. Désormais, la mission « Santé » se compose donc de trois programmes déséquilibrés : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui dispose d'un budget de 220 millions d'euros ; le programme 183 « Protection maladie », qui représente 1,216 milliard d'euros, soit plus de 50 % du coût total de la mission, et qui comporte le financement de l'aide médicale de l'État (AME) ; enfin, le programme 379 « Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) », dont le budget s'élève à 906,7 millions d'euros et qui permet de réceptionner des crédits européens devant être reversés à la sécurité sociale.
C'est la réduction importante du montant des crédits versés au titre de ce dernier programme - environ 1 milliard d'euros entre 2023 et 2024 - qui explique la baisse du budget global de la mission « Santé ».
Derrière des intitulés de programmes presque alléchants, je dois donc vous faire part de ma relative déception quant au contenu de cette mission : peu ou pas de propositions ambitieuses, un empilement de programmes et d'actions sans colonne vertébrale, qui fait malheureusement écho au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L'éparpillement des crédits ne comble pas le sous-investissement dans le champ de la prévention ; au mieux, il répartit la pénurie. C'est ce constat qui me conduira à vous proposer un amendement de crédits et qui me semble, par ailleurs, devoir appeler une réflexion sur l'identité et les objectifs de cette mission.
Le premier programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » se décompose en sept actions d'ampleur inégale. Plus de la moitié des crédits de ce programme est consacrée au financement de trois opérateurs de la politique de santé en France : l'Institut national du cancer (INCa), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), et l'agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna. Dans la continuité des années précédentes, un budget de plus de 100 millions d'euros leur est dédié. Si l'Anses et l'agence de Wallis-et-Futuna bénéficient d'une augmentation du montant de leur subvention, celle de l'INCa subit en revanche une coupe non négligeable.
En effet, celle-ci est amputée de 6 millions d'euros soit une baisse de 15 % des crédits. De nouvelles missions ont pourtant été attribuées à l'INCa par la loi du 8 mars 2019, en particulier celle de mettre en oeuvre la stratégie décennale 2021-2030 de lutte contre le cancer. Lors des auditions, l'INCa nous a alertés sur l'impact de cette coupe budgétaire en 2024, qui la conduira à prioriser ses actions annuelles et à réduire l'envergure de certaines d'entre elles. La direction générale de la santé a justifié cette réduction de dotation par l'augmentation notable de la trésorerie de l'institut, qui n'a pas consommé la totalité des crédits alloués en 2023. Des financements supplémentaires ont en effet été versés à l'INCa après que l'Assemblée nationale a voté, fin 2021, une enveloppe de 20 millions d'euros dédiée à la recherche sur les cancers pédiatriques.
Si l'on peut évidemment se réjouir que des moyens importants soient consacrés à la recherche, il faut garder à l'esprit qu'une stratégie de recherche médicale s'inscrit dans un temps long : les projets d'envergure ne peuvent pas se concrétiser dans des horizons de court terme. En l'espèce, les crédits non consommés ont été mis en réserve par l'INCa et ne peuvent servir au financement de ses autres actions. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de crédits tendant à un abondement de 6 millions d'euros de la dotation de l'INCa.
Au-delà de ces trois opérateurs, le programme 204 finance encore les dépenses juridiques et contentieuses qui engagent l'État au titre des décisions prises par les administrations centrales et déconcentrées, qui grèvent à hauteur de 41,58 millions d'euros son budget global. Dans cette somme, plus de 24 millions d'euros sont consacrés à l'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) des victimes de la Dépakine.
Au final, le reste de crédits, à peine plus de 30 % de l'enveloppe, soit moins de 70 millions d'euros, vise à soutenir des actions de santé publique, notamment dans le champ de la prévention. Force est pourtant de constater que l'ambition affichée excède la faiblesse du budget qui lui est dédié. L'énumération de la liste des actions et des sommes allouées témoigne d'une incapacité à prioriser et à structurer une politique volontariste. Je n'en citerai que quelques exemples : 1 million d'euros pour la santé des populations, un intitulé regroupant des actions en direction des publics précaires et relatives à la santé de la mère et de l'enfant ; 4,1 millions d'euros pour le fonctionnement des comités de protection des personnes ; ou encore 4,26 millions d'euros pour la prévention des addictions liées au tabac, à l'alcool et aux drogues illicites.
J'en viens au deuxième programme « Protection maladie », d'un montant total de 1,216 milliard d'euros, presque exclusivement consacré aux dépenses de l'AME. Seuls 8 millions d'euros sont attribués au financement du fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante.
Les dépenses de l'AME connaissent une hausse continue et ininterrompue depuis la création du dispositif en 2000. Sur la période de 2012 à 2022, le nombre de bénéficiaires a augmenté de près de 63 %, pour s'établir à plus de 410 000 personnes. Environ les deux tiers des dépenses de l'AME se concentrent sur dix caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), dont 21 % à Paris, 10 % à Bobigny et 8 % à Cayenne. Les deux tiers des dépenses de l'AME relèvent également d'une prise en charge hospitalière. Pourtant, il faut rappeler qu'environ la moitié des personnes éligibles à l'AME n'y ont pas recours. Les raisons sont multiples.
Cela nous conduit quoi qu'il en soit à deux constats : d'une part, l'effectivité des droits des personnes n'est pas suffisamment garantie ; et, d'autre part, le coût des dépenses de l'AME pourrait être largement supérieur à celui que nous connaissons aujourd'hui si tous les éligibles y recouraient.
Les dépenses de l'AME sont d'abord conditionnées par les politiques d'immigration, qui déterminent le nombre de bénéficiaires potentiels. Or ce débat sur les politiques migratoires se déroule actuellement au Parlement ; il ne nous revient pas de le mener au sein de la commission des affaires sociales.
Pour autant, il est nécessaire de s'interroger sur la place que la solidarité nationale entend réserver à cette prestation non contributive, aux dépens d'autres choix. Il est légitime de questionner le panier de soins que la collectivité prend en charge, à titre gratuit et sans avance de frais, pour les personnes en situation irrégulière. En responsabilité, nous ne pouvons esquiver ces questions complexes et délicates. Ces choix politiques doivent s'inscrire dans un dialogue franc et apaisé, qui permette d'appréhender les multiples enjeux de l'AME : exigence humanitaire, protection de la santé publique pour tous, efficience de la dépense publique.
Toutes ces questions doivent être posées, sans frilosité ni pudeur. Celle de la fraude fait l'objet d'un traitement renforcé depuis quelques années. Les contrôles sont réalisés au moment de l'attribution des droits, notamment par la vérification de la condition de séjour irrégulier de trois mois, et ciblent des prestations présentant des montants particulièrement élevés. Leurs effets peuvent paraître limités, puisqu'ils ne permettent d'envisager que 20 millions d'euros de moindres dépenses en 2024. Ils n'en demeurent pas moins indispensables parce que tout abus peut faire peser un soupçon d'illégitimité sur les ayants droit.
L'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) ont également souligné sans ambiguïté l'existence d'une forme de tourisme médical dans leur rapport sur l'AME datant d'octobre 2019. Ces inspections décrivent diverses atypies dans la consommation de soins des bénéficiaires de l'AME, qui renforcent l'hypothèse d'une migration pour soins pour certaines pathologies telles que l'insuffisance rénale, les cancers et les maladies du sang.
Il ne faut pas non plus sous-estimer les effets de transfert d'un dispositif à un autre. Ainsi, des mesures entrées en vigueur en 2020 restreignant l'accès à la protection universelle maladie (PUMa) pourraient avoir pour effet d'augmenter corrélativement les dépenses de l'AME et de soins urgents. Ces mesures sont, d'une part, la réduction de la durée de maintien des droits de douze à six mois pour les personnes dont le titre de séjour a expiré, et, d'autre part, l'instauration d'un délai incompressible de trois mois pour que les demandeurs d'asile puissent être affiliés à la sécurité sociale.
Enfin, en tant que médecin, je suis particulièrement sensible aux difficultés que rencontrent régulièrement mes confrères pour obtenir le remboursement de leurs honoraires par l'assurance maladie. La solidarité doit s'accompagner des moyens nécessaires pour que les acteurs de terrain, qui sont en première ligne, en priorité les médecins, puissent soigner sans distinction sans être lésés individuellement dans leur pratique.
À l'occasion de l'examen de la présente mission, nos collègues de la commission des finances ont tiré les conséquences de l'adoption de l'aide médicale d'urgence (AMU) par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ils ont donc proposé un amendement tendant à réduire de 410 millions d'euros le montant des crédits alloués au programme 183, dont je vous proposerai de prendre acte.
Au-delà de l'AME, le programme 183 intègre une subvention de l'État versée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). La dégradation du résultat de ce fonds d'ici à fin 2023, qui présentera un déficit de plus de 86 millions d'euros, s'explique par des dépenses qui n'avaient pas été anticipées. Pour autant, l'État ne prévoit pas d'augmenter le montant de sa subvention, maintenue à 8 millions d'euros. Pour mémoire, les ressources publiques du Fiva sont constituées à plus de 95 % d'une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui passera de 220 millions d'euros à 353 millions d'euros en 2024.
Pour finir, le troisième programme, créé en 2023, constitue un simple canal budgétaire n'ayant d'autre vocation que de faire transiter des fonds européens vers la sécurité sociale via le budget de l'État. Sa durée de vie est programmée puisqu'il devrait disparaître en 2026, avec la fin des délégations de crédits prévues au titre du « Ségur investissement ». Ces crédits ont, semble-t-il, permis effectivement d'accélérer l'investissement en santé dans les établissements du secteur sanitaire et médico-social et l'on peut s'en réjouir.
Il concentre, pour 2024, 906,9 millions d'euros de crédits, contre 1,930 milliard d'euros en 2023, soit une diminution de 53 % du montant des fonds versés. On peut regretter que l'ampleur de ces variations annuelles ne contribue guère à la lisibilité de l'évolution générale du budget de la mission « Santé », d'autant que les crédits de l'action relative au don de vaccins à des pays tiers font manifestement l'objet de prévisions très fragiles, ce qui oblige à relativiser la présentation financière du programme.
Aucun crédit n'était ainsi affiché pour le don de vaccins en 2023 ; il en est de même pour l'année 2024. Toutefois, 190 millions d'euros ont finalement été intégrés dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023, à titre de régularisation. Pour 2024, malgré l'absence de crédits dédiés, la direction de la sécurité sociale nous a déjà indiqué que des dons de vaccins pourraient être réalisés, pour un montant estimé entre 39 et 78 millions d'euros.
Au terme de cette présentation, je partage à nouveau mon sentiment général d'une mission au format hétérogène, sans grande cohérence et sans vision politique. Il s'agit d'un outil budgétaire qui manque de corps et d'ambition.
Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à cette mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement tendant à transférer les crédits, à hauteur de 6 millions d'euros, de l'action n° 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183, à l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204.
M. Bernard Jomier. - Merci à Florence Lassarade pour son rapport. Étant donné le nombre important de transferts vers l'assurance maladie ces dernières années, il n'est pas surprenant de constater que les crédits de cette mission se réduisent encore au-delà des problèmes conjoncturels qui ont été rappelés.
Le programme 204 comprend les crédits de l'Anses, une agence essentielle en matière de santé environnementale, chargée notamment d'évaluer les produits phytopharmaceutiques pour leur autorisation de mise sur le marché. Or, l'Anses est rémunérée pour cette mission en deçà de ses coûts d'exercice ; c'est pourquoi je déposerai un amendement visant à modifier à la hausse la contribution qu'elle perçoit dans le cadre de ces missions d'expertise et d'évaluation.
Je veux rappeler quelques éléments sur l'aide médicale de l'État. J'ai suivi les débats récents dans l'hémicycle à propos de ce dispositif et visant notamment à transformer cette aide en une aide médicale d'urgence, une mesure que la majorité sénatoriale avait déjà adoptée l'an dernier. Or, quand une mesure suscite autant de protestations au sein de la société, auprès des soignants et bien au-delà des clivages politiques, c'est que l'on touche à des valeurs essentielles.
Vous faites référence au rapport de l'Igas et de l'IGF de 2019 sur le tourisme médical, qui a déjà conduit à une modification du panier de soins de l'AME. Attendons le prochain rapport confié à Patrick Stefanini et Claude Evin, et voyons s'il faut modifier une nouvelle fois le panier de soins - il n'y a pas de tabou de notre côté à ce sujet -, car les phénomènes de fraude ou de détournement de l'AME sont extrêmement minoritaires : entre 2 % et 3 %. Certes, il faut lutter contre les fraudes, mais l'AME soigne 97 % des personnes en grande précarité porteuses de pathologies lourdes. Un bénéficiaire de l'AME consomme en moyenne moins de soins qu'un autre assuré social - 2 800 euros par an, contre 3 600 euros - et a besoin, en revanche, de soins pour le traitement de la tuberculose ou encore du VIH.
Le tourisme médical concerne plutôt l'Assistance publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui met en place des filières de dialyse et d'autres soins coûteux à destination de personnes fortunées. Je ne porte pas de jugement de valeur, et si ces réseaux sont mis en lumière, nous serons les premiers à dire qu'il faut mettre fin à ces réseaux mafieux, mais cela n'a rien à voir avec l'AME.
Au nom de quoi proposez-vous de réduire les crédits de l'AME ? Certes, le Sénat a voté la transformation de l'AME en AMU, mais ce dispositif n'a pas encore été adopté. Vous nous proposez donc de voter un montant insincère, pour un dispositif qui n'a pas encore été modifié à ce jour. Qui plus est, le député Les Républicains Philippe Juvin a proposé d'opter pour un montant de crédits supérieur à celui prévu au PLF, qu'il estime lui-même, pour en avoir discuté avec lui, inférieur à la réalité des besoins, quand le Gouvernement prévoit un maintien des crédits de l'AME, avec une diminution 0,33 %, qui relève surtout de l'affichage politique.
Je vous appelle donc à renoncer à cette insincérité budgétaire.
La discussion sur le panier de soins reste ouverte. Je rappelle tout de même qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Toutes les études européennes le prouvent, notamment en Allemagne ou en Suède, où la prise en charge tardive de l'hypertension artérielle et des soins prénataux a entraîné des coûts supérieurs pour les finances sociales de ces pays. À l'inverse, l'Espagne, qui avait restreint les soins en 2012, a fait marche arrière face à la hausse de mortalité de sa population.
Mme Céline Brulin. - La politique de prévention pâtit d' « une absence de vision stratégique », selon vos mots. Nous partageons ce constat, en parfait décalage avec les propos du ministre, qui a annoncé un grand virage en matière de prévention, mais dont on ne voit pas les prémices, ni en termes d'organisation ni en termes financiers.
Nous vous rejoignons concernant les difficultés que peut rencontrer l'INCa, au regard de la réduction des crédits que vous avez évoquée.
Je ne vous surprendrai pas en disant que nous ne sommes pas d'accord avec vous sur l'AME. Je constate que vous prenez acte de l'amendement de la commission des finances. Pour notre part, nous ne le soutiendrons pas. Les chiffres que vous avez présentés sur la fraude ne changent pas particulièrement la donne et prouvent que celle-ci est bien moindre que ce que certains veulent laisser croire.
Vous avez précisé à juste titre le taux très important de non-recours à l'AME, qui avoisine les 50 %. Ceux qui pensent réaliser des économies oublient qu'elles peuvent se traduire au final par des surcoûts considérables pour notre système de santé. Qui plus est, plus de 4 500 médecins s'opposent à la suppression de l'AME, un élément que nous devons prendre en compte.
Ayons également un peu de cohérence entre les missions. Nadia Sollogoub a présenté un amendement visant à augmenter des crédits en faveur de l'accueil des réfugiés ukrainiens présents sur notre territoire, que nous avons adopté. Pourquoi ne pas faire preuve du même pragmatisme sur cette mission ?
Enfin, attendons effectivement les conclusions du rapport Stefanini-Evin. Vous souhaitez un débat franc et apaisé, madame la rapporteure. Attendons là encore de voir ce qui ressortira du débat portant sur le projet de loi Immigration qui va se dérouler à l'Assemblée nationale. Devancer ainsi des décisions qui ne sont pas encore tranchées ne me paraît pas aller dans le sens d'un débat franc et apaisé que vous appelez de vos voeux.
En tant qu'élus de nombreux départements touchés par le drame de l'amiante, nous serons très vigilants sur la subvention accordée au Fiva. L'article 39 du PLFSS a suscité beaucoup de remous chez les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles - il convient là aussi d'apaiser les choses.
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à l'augmentation des crédits de l'INCa à hauteur de 6 millions d'euros prévus dans le cadre du programme 204.
En ce qui concerne l'AME, j'ai voté pour l'aide médicale d'urgence qui nous a été proposée lors de l'examen du projet de loi Immigration. Dans mon esprit, je pensais d'abord à écarter du dispositif les patients venant, pour certains, de pays du G20 et qui n'habitent pas en France depuis trois mois et ne souffrent pas d'une pathologie d'une extrême gravité. Les admissions sont censées se faire sur la base du « titre de séjour pour soins dont le défaut pourrait avoir une conséquence d'une exceptionnelle gravité », mais ce dispositif semble largement contourné.
En revanche, dans le cadre des politiques migratoires, le recours à l'AME n'est finalement pas massif. Il serait peut-être pertinent de revoir le panier de soins. En effet, quid du diabète, des problèmes cardiaques, de certaines maladies infectieuses ou même psychiatriques ? Aussi, je reviens sur mon vote initial sur l'AME.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - S'il est vrai que le champ de cette mission est de plus en plus restreint, réjouissons-nous de pouvoir discuter de chacun des organismes qu'elle soutient.
Mme la rapporteure a qualifié en introduction ces programmes de « déséquilibrés ». Je note en effet un manque d'ambition concernant le premier programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », un défaut d'analyse pour l'AME dans le deuxième programme, ainsi qu'un manque de financement en faveur du Fiva dans le cadre du troisième programme.
Je voterai contre les crédits de cette mission, car je suis persuadée que l'on ne saurait revenir sur l'AME, sinon pour la corriger là où des incohérences ou des excès seraient identifiés, comme l'a indiqué M. Jomier.
M. Philippe Mouiller, président. - Il est normal que nous ayons un débat sur l'AME, mais nous devons donner ce matin un avis sur la mission « Santé », sans préjuger des débats qui se dérouleront à l'Assemblée nationale.
Mme Frédérique Puissat. - Merci à notre rapporteure d'avoir pris la précaution de préciser qu'un débat est en cours à l'Assemblée nationale sur le projet de loi Immigration et qu'il ne faut pas confondre l'avis que nous devons émettre sur cette mission avec ce projet de loi, qui ne manquera pas de nous revenir.
Sur la mission « Travail et emploi » que je vais vous présenter dans quelques instants, un amendement a également été déposé par la commission des finances. Même si je n'étais pas tout à fait d'accord avec son contenu, j'ai néanmoins reconnu et respecté la logique budgétaire. Je me permets donc de vous dire qu'il convient ici de bien dissocier l'avis budgétaire du projet de loi visé.
Aussi suivrai-je l'avis de la rapporteure.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'amendement n° II-639 a pour objet d'assurer le maintien du montant de la subvention allouée annuellement à l'INCa.
En effet, la mission « Santé » prévoit une dotation en baisse de 6 millions d'euros par rapport à 2023 en raison de l'augmentation de la trésorerie de l'INCa. Cette augmentation de trésorerie n'en est pourtant pas une puisqu'il s'agit d'une mise en réserve de crédits dédiés à de projets de recherche qui n'ont pu être mis en place dès 2023.
Un budget de 20 millions d'euros au titre de la recherche contre les cancers pédiatriques a été voté par nos collègues députés ; or la recherche ne se fait pas en trois mois. Ces crédits étant fléchés, la baisse du montant des crédits alloués à l'INCa supposera de réaliser des arbitrages dans les actions menées par l'Institut, ce qui pourrait engendrer des retards dans la mise en oeuvre de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030.
C'est pourquoi nous proposons de verser 6 millions d'euros supplémentaires au programme 204 et plus précisément à l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades ». Ce versement est compensé par la réduction de 6 millions d'euros du montant des crédits alloués à l'action n° 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183 « Protection maladie ».
L'amendement est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.