N° 131 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires sociales (1)
sur le projet |
TOME IV SANTÉ |
Par Mme Florence LASSARADE, Sénatrice |
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178 Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) 4=4)3) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 29 novembre 2023 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission a adopté le rapport pour avis de Florence Lassarade sur les crédits de la mission « Santé ».
Dans la continuité de ses observations des années précédentes, la commission a regretté une nouvelle fois l'hétérogénéité du contenu de la mission « Santé » et l'absence de vision stratégique traduisant des choix politiques pour la santé publique.
La commission a adopté un amendement maintenant le montant de la dotation de l'INCa pour 2024. Elle a par ailleurs pris acte de l'amendement de la commission des finances diminuant les crédits du programme 183 « Protection maladie » à hauteur de 410 millions d'euros afin de tirer les conséquences du rebasage de l'AME opéré par le Sénat au sein du projet de loi Immigration.
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Depuis 2023, la mission « Santé » est composée de trois programmes. En 2024, le montant total des crédits qui lui sont consacrés s'élève à 2 343,28 millions d'euros1(*), soit une diminution de 30,3 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2023.
Alors que l'aide médicale d'État représente une part prépondérante du budget de cette mission - 51,5 % dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, 65 % au titre des prévisions pour 2025 et 63 % pour les prévisions 2026 -, les autres actions, notamment celles relevant du champ de la prévention en santé, ne bénéficient que d'un financement marginal et souffrent d'une fragmentation préjudiciable à l'efficacité des politiques conduites.
L'année 2024 marque la clôture définitive du fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins », créé en mars 2020 dans le cadre de la lutte contre la covid-19 et rattaché au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Toutefois, depuis le PLF pour 2023, l'arrimage à la mission « Santé » d'un nouveau programme 379 n'améliore pas la lisibilité des actions financées. Entre 2023 et 2024, les variations du montant des crédits de la mission sont en effet principalement dues à la compensation de coûts non lissés via ce troisième programme temporaire, qui correspond à un tunnel de financement portant des crédits européens dédiés à l'investissement en santé.
Évolution des dépenses de la
mission « Santé »
et proportion des
dépenses d'aide médicale d'État (en milliards
d'euros)
À l'exception de 2023, les dépenses d'AME représentent une part prépondérante du budget de la mission « Santé » : elles s'établissent à 51,5 % du total des dépenses de la mission dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, et respectivement à 65 % puis 63 % au titre des prévisions pour 2025 et 2026. En 2023, elles ne représentaient que 36 % du budget de la mission en raison d'un abondement exceptionnel du nouveau programme 379, qui enregistre des coûts temporaires.
I. LE PROGRAMME 204 : UN FINANCEMENT SAUPOUDRÉ POUR DES ACTIONS FRAGMENTÉES ET UN PÉRIMÈTRE QUI MANQUE TOUJOURS DE COHÉRENCE
L'intitulé du programme, qui pourrait prétendre à la présentation d'une politique structurée et ambitieuse en matière de santé publique, dissimule en réalité une absence de priorisation et une relative dispersion entre les sept actions du programme des 220,08 millions d'euros qui lui sont alloués. Ce format ne permet malheureusement pas d'y lire une vision politique volontariste et affirmée.
A. DES DÉPENSES LARGEMENT CONTRAINTES QUI NE LAISSENT QUE PEU DE PLACE À DES CHOIX POLITIQUES AFFIRMÉS
1. Le financement de trois opérateurs de santé
Si l'on s'intéresse aux principales masses financières de ce programme, on constate qu'il contribue en priorité à financer le fonctionnement de trois opérateurs :
- l'Institut national du cancer (INCa) à hauteur de 34,51 millions d'euros (action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades »),
- l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui reçoit une dotation de 25 millions d'euros (action 15 « Prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation »), en hausse de 2 millions d'euros par rapport à 2023, pour tenir compte des nouvelles missions qui lui sont confiées concernant les produits cosmétiques et de tatouage, et pour appuyer l'évolution du rôle de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur,
- l'agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, à laquelle 50,9 millions d'euros sont versés (action 19 « Modernisation de l'offre de soins »), soit une hausse de 1,5 million d'euros pour couvrir des dépenses de revalorisation salariale, conformément à la convention collective révisée mise en oeuvre à compter de 2023.
Au total, les crédits délégués à ces trois organismes représentent 110,41 millions d'euros soit près de 50 % du coût du programme.
Il convient ici de rappeler que d'autres agences sanitaires qui concourent à la politique de santé publique (par exemple, Santé Publique France ou l'ANSM) sont financées via le sixième sous-objectif de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) « autres prises en charge » et par des crédits des caisses de sécurité sociale (fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire).
La situation de l'INCa, qui subit une diminution de 6 millions d'euros de sa subvention, est abordée plus loin, en lien avec les politiques menées en matière de prévention en santé.
2. Des dépenses juridiques et contentieuses incompressibles
Les dépenses attachées à cette sous-action pèsent de façon non négligeable dans l'enveloppe globale du programme. Elles représentent 41,58 millions d'euros, soit un montant parfaitement stable par rapport à l'an dernier.
Ces crédits intègrent le montant de la subvention versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) au titre des dispositifs d'indemnisation de certains accidents vaccinaux et médicaux. Depuis 2021, les conséquences dommageables d'une vaccination contre la covid-19 font l'objet d'une indemnisation par l'Oniam pour le compte de l'État. L'indemnisation des victimes de la Dépakine représente à elle seule 24,379 millions d'euros.
Les actions juridiques et contentieuses qui engagent l'État au titre des décisions prises par les administrations centrales (DGS, DGOS) et les autorités déconcentrées (préfets, ARS2(*)) sont également financées dans ce cadre, pour un montant de 9,2 millions d'euros.
L'addition des dépenses consacrées aux trois opérateurs précités et des dépenses relatives aux actions juridiques et contentieuses de l'État représente 68% du total des crédits de paiement du programme 204.
* 1 Montant correspondant aux autorisations d'engagement pour 2024, contre 3 363,49 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2023.
* 2 Les contentieux relevant de la DGOS et des ARS concernent principalement des recours dirigés contre des décisions d'autorisation ou de refus d'autorisation relatives aux activités de soins, aux officines de pharmacie ou à l'exercice des professionnels de santé.