LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Lundi 10 octobre 2022
• Table ronde des acteurs du milieu associatif :
- Haut conseil à la vie associative : M. Kaïs MARZAOUI , secrétaire général, Mmes Carole ORCHAMPT , vice-présidente, présidente de la commission engagement, et Chantal BRUNEAU , membre du bureau ;
- Le mouvement associatif : Mme Frédérique PFRUNDER , déléguée générale,
- France Bénévolat : M. Hubert PENICAUD , ancien vice-président,
• Agence du service civique : Mme Béatrice ANGRAND , présidente, M. Grégory CAZALET , directeur général.
Jeudi 13 octobre 2022
- Jeunesse au plein air : MM. Christian DOMINÉ , président, Quentin THIROT, chargé du plaidoyer, et Alexis TRICLIN , avocat.
- Unis-Cité : Mmes Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice, et Chloé VANTORRE , chargée du plaidoyer.
Lundi 17 octobre 2022
Ministère de l'Éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative : MM. Yves BOERO , directeur, Jean-Roger RIBAUD , sous-directeur du service national universel, Charles-Aymeric CAFFIN , chef du bureau du développement de la vie associative, et Gilles NEDELEC , sous-directeur de l'éducation populaire.
Lundi 24 octobre 2022
Ligue de l'Enseignement : Mme Ariane AZÉMA , déléguée générale, M. Yannick HERVÉ, secrétaire général en charge de la vie associative, de l'engagement et de la jeunesse.
ANNEXE
Audition de Mmes Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, et Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel
MERCREDI 15 NOVEMBRE 2022
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M. Laurent Lafon, président . - Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2023 en accueillant Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des Armées et du ministre de l'Éducation nationale chargée de la jeunesse et du Service national universel (SNU) et Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative.
Mesdames, je vous remercie de vous être rendues disponibles pour venir commenter à deux voix, devant notre commission, les crédits mis à votre disposition dans le projet de loi de finances pour 2023, en particulier ceux du programme 163 « jeunesse et vie associative ».
Avec un total de 837 millions d'euros répartis entre quatre actions - le développement de la vie associative, les actions en faveur de la jeunesse et l'éducation populaire, le développement du service civique et le financement du SNU -, ce programme voit ses moyens augmenter pour la cinquième année consécutive !
Au-delà de la progression de ces crédits, sans doute bienvenue, cette audition est aussi l'occasion pour nous de vous entendre présenter les grands axes des actions que vous souhaitez entreprendre en faveur de la jeunesse et de vie associative. Je pense à la montée en charge du service national universel, qui, après avoir été fortement perturbée par la crise sanitaire, peine encore à atteindre les objectifs quantitatifs fixés par le gouvernement. Je suis certain que notre rapporteur vous interrogera à ce sujet. Je pense aussi au financement des missions de service civique qui ne bénéficieront plus, comme en 2022, des 200 millions d'euros issus du programme Cohésion de la mission du Plan de relance Je pense, enfin, au secteur associatif, qui aurait perdu près de 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 selon une étude récemment publiée par France Bénévolat et Recherches & Solidarités. Les travaux réalisés par notre commission ont mis en évidence la fragilité des associations et le rôle essentiel qu'elles jouent dans la création et le maintien du lien social sur nos territoires. Que prévoit donc le budget 2023 pour leur rendre le dynamisme que certaines ont semble-t-il perdu au cours des deux années écoulées ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel . - Le programme « Jeunesse et vie associative » que je porte avec Marlène Schiappa, regroupe une partie des crédits alloués aux politiques en faveur des jeunes et du soutien associatif.
Je le rappelle chaque année, ce programme 163 n'est qu'une partie de l'effort budgétaire de la Nation en faveur de la jeunesse, les politiques en direction de la jeunesse passent par l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, la culture - et ce programme 163 vise une partie plus informelle, qui accompagne les jeunes et le secteur associatif. Les actions soutenues bénéficient concrètement aux jeunes parce qu'elles sont construites en lien avec les services déconcentrés, en articulation avec l'ensemble des échelons des collectivités territoriales, mais aussi en étroite collaboration avec le monde associatif.
Agir pour la jeunesse, c'est prendre en considération sa diversité, l'accompagner tout au long de son émancipation ; c'est apporter des réponses concrètes, adaptées, multiples, pour que chaque jeune puisse trouver sa place ; c'est l'accompagner vers l'autonomie, en facilitant et en optimisant l'accès à l'information pour lutter concrètement contre le non-recours aux droits ; c'est aussi aider les jeunes à se projeter dans l'avenir en leur donnant les moyens de penser et de construire leurs projets de vie.
Agir pour la jeunesse, c'est déployer les solutions afin de léguer aux générations futures un avenir aussi prometteur que soutenable ; c'est refuser et combattre les déterminismes en donnant à chaque jeune, quelle que soit son origine sociale ou géographique, les mêmes chances de réussir.
Agir pour la jeunesse, c'est développer une société de l'engagement, une société dans laquelle la jeunesse s'engage ; c'est concrétiser la promesse républicaine du vivre-ensemble, de la tolérance, de l'accès aux droits et à l'éducation.
Ces crédits liés aux politiques en faveur de la jeunesse, de l'engagement, de l'éducation populaire et de la vie associative, augmentent cette année de 65 millions d'euros, soit + 8,6 %, pour atteindre 837,1 millions d'euros pour 2023.
Ce budget renforcé est au service de deux grands axes : favoriser l'engagement de la jeunesse, en l'accompagnant vers plus d'autonomie et d'opportunités ; accompagner et soutenir le développement de la vie associative.
Le programme « Jeunesse et vie associative » ne retrace évidemment qu'une fraction de l'effort de la Nation, mais il permet à l'État de jouer un rôle essentiel d'impulsion et d'innovation, pour accompagner les jeunes face aux défis nombreux de notre époque, je pense au défi climatique et aux questions de mobilité par exemple.
Je vous présenterai, parmi toutes les actions que nous soutenons, quelques mesures emblématiques et prioritaires l'an prochain.
Nous voulons, d'abord, structurer le secteur associatif. Pour mémoire, les assises de la vie associative qui ont eu lieu de novembre 2021 à février 2022 ont permis de mobiliser tous les acteurs sur les mesures nécessaires pour son devenir, voire son renouveau. C'est le sens du Plan composé de 25 mesures annoncées le 22 février 2022. Il comprend des mesures exceptionnelles pouvant être mises en oeuvre par le secrétariat d'État et des mesures qui relèvent du comité de filière, par exemple l'aide de 200 euros accordée aux jeunes ayant entamé leur formation au Bafa au 1 er janvier et l'achevant avant la fin de l'année - nous avions budgété 20 000 aides, il y a eu 25 000 demandes et nous les avons honorées. Il y a quelques jours, un décret a entériné l'abaissement à 16 ans de l'âge minimal d'entrée en formation au Bafa.
Ces mesures sont nécessaires, elles portent déjà leurs fruits. Cependant, nous avons besoin d'une transformation plus structurelle de l'animation, en s'appuyant d'abord sur la confiance des parents et en renforçant l'attractivité des métiers de l'animation, en particulier en luttant contre le temps partiel subi et en construisant de véritables parcours d'animation. J'ai souhaité également mettre l'accent sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, cela passe par une meilleure formation en particulier pour l'accueil de jeunes avec hébergement - j'ai mis autour de la table tous les acteurs concernés, pour mettre en lumière les meilleures pratiques pour répondre au besoin de sécurité et de confiance.
Deuxième action prioritaire que je souhaite souligner, le déploiement du SNU. Je vous en ai présenté les étapes chaque année, sans vous en dissimuler les difficultés, nous sommes à un momentum , nous avons essayé plusieurs modes d'organisation - la délégation, la centralisation -, nous sommes face à des défis climatiques plus criants, des catastrophes climatiques sont là, je pense aux feux de forêt de cet été, aux inondations, ou encore à la tornade qui s'est produite dans le Pas-de-Calais, nous sommes aussi face à des défis de cohésion nationale, une partie de la jeunesse ne fait plus commun avec le reste de la société - comment, dans ces conditions, peut-on recréer, susciter une culture de l'engagement autour de valeurs communes, mais aussi augmenter la résilience de notre pays ? Par résilience, je pense à l'éducation à la sécurité civile, je pense au retour à la guerre de haute intensité sur notre continent, mais aussi à la nécessité de comprendre comment fonctionne notre démocratie, je pense à la possibilité de rencontrer des élus locaux, pour rappeler combien la démocratie est une cause qui nous est chère, et que la citoyenneté et le civisme, cela s'apprend tout au long de la vie, et dès le plus jeune âge - alors que nous voyons que des jeunes s'abstiennent de voter et se tiennent loin de nos institutions démocratiques.
Le SNU comprend une phase de séjour collectif de cohésion de douze jours, puis une mission d'intérêt général d'une même durée, pour faire découvrir l'importance et le pouvoir d'agir de chacun dans une collectivité, au sein d'une association ou d'une équipe de sapeurs-pompiers ou d'une brigade de gendarmerie par exemple. Ensuite, les jeunes peuvent choisir de prolonger leur engagement dans le cadre des réserves militaires ou civiles, ou dans le cadre d'un service civique.
Le SNU poursuivra son développement pour faire face au grand défi du plein déploiement souhaité par le Président de la République avec, en 2023, une montée en puissance et une augmentation de 30 millions d'euros par rapport à l'an passé, pour atteindre 140 millions d'euros. Nous avons deux hypothèses pour le SNU de demain : soit l'intégration au temps scolaire, dans l'éducation civique et morale, donc l'intégration dans les référentiels de compétences scolaires en classe de Seconde ou de Première année de CAP ; soit on élargit le recrutement du SNU en levant les freins constatés pour les jeunes en lycées professionnels et agricoles, par exemple les problèmes de calendrier liés à ce que des séjours de cohésion soient concomitants aux stages professionnels. En tout état de cause, notre objectif pour l'an prochain, c'est d'aller jusqu'à 64 000 jeunes en SNU.
Troisième mesure, nous voulons amplifier le Plan mentorat. Annoncé par le président de la République le 1 er mars 2021 dans le cadre du plan #1jeune1solution, le dispositif « 1 jeune, 1 mentor », vise à accroître le nombre de jeunes qui bénéficient de l'accompagnement d'un mentor - étudiant, professionnel en exercice ou retraité -, pendant leur parcours scolaire, dans leurs choix d'orientation ou en phase d'insertion professionnelle. Ce plan sera doté de 27 millions euros en 2023. Le mentorat mobilise par le lien et le témoignage, je pense aux associations Chemin d'avenir qui accompagnent de jeunes ruraux vers les grandes écoles, ou encore à Télémaque - j'ai de très nombreux exemples, mais ce n'est pas le cadre ici de les présenter.
Notre ministère porte une attention toute particulière aux colonies de vacances, les séjours connaissaient une baisse de fréquentation depuis une dizaine d'années, le nombre de départs de mineurs s'est stabilisé depuis 2018-2019 autour de 900 000 enfants et adolescents, pris en charge dans 33 000 séjours avec hébergement. Les colonies sont des temps où l'on apprend à vivre en collectivité, c'est essentiel et nous soutenons en particulier les vacances apprenantes.
Quatrième mesure, nous développons le service civique. C'est le Sénat qui, dans sa grande sagesse, l'a soutenu en 2010, plus de 600 000 jeunes ont fait le choix de s'engager dans le cadre d'une mission de service civique, 145 000 jeunes ont effectué un service civique en 2021. Le budget consacré au service civique gagne 20 millions d'euros l'an prochain, pour atteindre 518,8 millions d'euros. Je suis très vigilante à ce que le service civique ne se substitue pas à de l'emploi, c'est bien un temps d'engagement, certes rémunéré et dont nous avons augmenté la rémunération pour tenir compte de l'inflation, mais cela reste de l'engagement. Et je suis très vigilante également à ce que le service civique irrigue l'ensemble du territoire, y compris la ruralité, nous cherchons à ce qu'il puisse être porté par l'intercommunalité pour les plus petites communes.
De manière complémentaire, le ministère soutient les actions d'éducation populaire.
Voici de façon préliminaire à nos échanges quelques éléments structurants sur le budget Jeunesse et vie associative. Comme vous pouvez le constater, il relève surtout de la logique dans laquelle s'inscrit la politique du gouvernement : celle d'accompagner notre jeunesse vers l'émancipation, avec une ambition forte, celle de développer la force morale de chacun, la culture de l'engagement et de renforcer la cohésion nationale, tout en agissant sur le développement de nos territoires.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative . - Je suis ravie de vous présenter la partie « vie associative » de cette mission « Sports, Jeunesse et Vie associative », je salue la très bonne gestion financière de ma prédécesseure, j'ai trouvé des finances saines à mon arrivée.
La France compte 20 millions de bénévoles, soit près d'un Français sur trois et 1,5 million d'associations oeuvrant au quotidien pour des causes qui leurs sont chères. Toutes et tous ici, du fait de vos expériences d'élus locaux, vous connaissez les visages et les actions de ces femmes et de ces hommes dans vos territoires, qui donnent ce qu'ils ont de plus précieux, leur temps. Ce sont les poumons de notre vie démocratique et une formidable école de la citoyenneté par leur culture du dialogue et du compromis. Cependant, ce secteur connait depuis quelques années une crise de l'engagement. Le Gouvernement veut inverser ce lent délitement qui s'est accéléré à cause de la crise sanitaire, c'est le sens de ma feuille de route, dans la continuité des actions conduites par ma prédecesseure.
Notre action, dont nous avons défini les objectifs avec les acteurs, vise à simplifier et à valoriser l'action des associations.
Les crédits « Fonctionnement et numérique » de la vie associative doublent, passant à 1,5 million d'euros. Concrètement, nous facilitons la vie des associations et nous dotons l'État d'une meilleure lecture de la vie associative par territoire. Trois dispositifs complémentaires illustrent cet aspect.
D'abord, le « Compte asso » : en fonctionnement depuis 2018, cet outil numérique offre la possibilité aux associations de centraliser leurs informations, de nombreux renseignements du quotidien ainsi que les démarches administratives et les demandes de subventions. L'objectif est de limiter la perte de temps sur le principe du « dites-le-nous une fois ». C'est une simplification puisqu'en plus de la dématérialisation, on limite les doubles saisies et notre objectif est d'en faire le véritable guichet unique de la vie associative pour permettre de réduire le temps administratif et de le transformer en temps associatif.
Ensuite, DataAsso. Véritable banque de données de la vie associative, son but est d'obtenir des data pour renseigner la puissance publique sur la vitalité de la vie associative d'un territoire, mais aussi de faire connaître le tissu associatif local aux habitants, afin de pousser aux dynamiques d'engagement. Une carte interactive est disponible sur le site et un travail de déclinaison au niveau des organes publics territoriaux est à l'oeuvre pour qu'elles puissent valoriser les associations de leur territoire.
Enfin, Data subvention : si la simplification est un enjeu pour les associations, il l'est aussi pour l'État. Cette interface interministérielle développée par une startup d'État doit améliorer la lisibilité des subventions versées aux associations. Ainsi les services qui reçoivent des demandes et attribuent des subventions aux associations accèdent aux informations déjà disponibles sur ces associations - données administratives, subventions déjà versées, subventions en cours d'instruction - afin de faciliter leur analyse, éviter de multiplier les allers-retours en demandant plusieurs fois le même justificatif et ainsi éclairer la prise de décision. Je le sais par mon parcours, associatif aussi bien que ministériel : on a trop tendance à redemander aux associations les mêmes informations, il faut simplifier ces démarches.
Autre outil de la simplification, les crédits pour l'animation de la vie associative locale et les centres de ressources et d'information des bénévoles augmentent de 1,3 million d'euros, passant à près de 3 millions d'euros, principalement concentrés sur le financement de Guid'Asso. L'idée est d'aider les associations à frapper à la bonne porte lorsqu'elles cherchent une information. Le Guid'Asso, par l'intermédiaire du mouvement associatif et du délégué départemental à la vie associative, met en réseau l'ensemble des structures qui accompagnent les associations afin de les orienter dans leurs démarches et leurs projets dans une logique de parcours. Déjà présent dans trois régions - Centre-Val-de-Loire, Nouvelle-Aquitaine et Hauts de France -, il s'étendra l'an prochain à trois régions supplémentaires - Bretagne, Normandie et Pays de la Loire -, avec l'objectif de s'étendre à l'ensemble du territoire pour 2024.
Vous l'aurez compris, je souhaite nouer un pacte de confiance avec les associations et fluidifier leurs relations avec l'État, pour alléger la charge mentale des bénévoles et leur permettre de s'épanouir là où est leur vocation, la création de liens sur le terrain. C'est aussi une politique d'attractivité des bénévoles et des salariés dans les associations, beaucoup nous disent leur découragement face à la complexité administrative : la simplification administrative rend ces fonctions plus attractives.
Sur le volet valorisation, je commencerai par le Fonds de développement à la vie associative (FDVA), vous en connaissez l'importance dans vos départements. Principale source de soutien à la vie associative locale, ce fonds a parfaitement joué son rôle cette année puisqu'il a co-financé 12 000 actions dont 80 % dans des petites associations. Son montant pour l'année à venir est stable, à 50 millions d'euros, sa ventilation également, avec 8 millions d'euros pour la formation des bénévoles - plus de 160 000 de nos concitoyens ont pu en bénéficier cette année -, 25 millions d'euros pour le fonctionnement et l'innovation, qui a permis d'accompagner 10 000 associations dans leur projet d'évolution et de croissance, et 17 millions d'euros par le fonds de concours « Participations financières privées ou publiques au financement d'actions en faveur de la vie associative » autrement appelé aussi la quote-part sur les comptes inactifs.
Ensuite, nous retrouvons le Compte d'engagement citoyen (CEC), qui participe à la formation tout au long de la vie et à l'objectif de plein emploi. Il s'agit de valoriser l'engagement en crédits sur le compte personnel de formation (CPF) en justifiant d'heures de bénévolat, elles-mêmes validées par un dirigeant de l'association. Le ministre de l'intérieur a signé le 3 novembre un décret permettant aux 200 000 sapeurs-pompiers volontaires de notre pays de faire valoir leur engagement via le CEC.
Dans ce champ de la reconnaissance et de la valorisation des bénévoles, je me réjouis de la réforme de la valorisation des acquis de l'expérience (VAE) portée par Olivier Dussopt et Carole Grandjean. Encore trop peu de bénévoles valorisent les savoir-faire et les savoir-être acquis. Je veux que l'on puisse obtenir des certifications quand on a exercé la délicate tâche de la trésorerie d'une association ou que l'on a organisé des évènements par exemple. Je souhaite renforcer le lien entre engagement bénévole et sphère professionnelle, cela répond à la quête de sens des salariés et à l'attrait des employeurs pour des compétences humaines.
Enfin, pour récolter les bonnes pratiques ainsi que les difficultés des bénévoles sur le terrain, j'ai lancé dans l'Orne, le 17 octobre dernier, le Tour de France du Bénévolat. Il s'agit de réunir sur une demi-journée, des associations agissant sur des champs très différents - culture, sport, environnement, égalité des chances et des droits... - au sein d'un même département et d'animer la discussion autour de quatre thématiques : la gouvernance, la valorisation de l'engagement, la formation des bénévoles et la coopération entre associations. Ces déplacements sont l'occasion de mettre en avant des bénévoles particulièrement impliqués depuis des années et de les en remercier via une médaille. Je tiens à votre disposition des médailles du bénévolat, si vous souhaitez en décerner dans vos circonscriptions à des bénévoles particulièrement engagés. Cette opération, qui aura lieu sur l'ensemble du territoire hexagonal comme ultra-marin, se terminera en juillet et je serai très heureuse de vous y rencontrer.
Vous l'aurez compris Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, l'État porte un regard attentif sur les difficultés que connait le monde associatif et mène pour cela les chantiers nécessaires aux côtés de ces acteurs structurants de nos territoires, vecteur de lien social afin de leur permettre d'exercer leur raison d'être, l'intérêt général.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur des crédits pour la jeunesse et la vie associative . - Merci pour la présentation de ce programme 163, mais les chiffres que vous nous donnez le disent : l'essentiel va au service civique et au SNU, très peu reste pour la vie associative.
J'entends votre volonté d'établir un pacte de confiance avec les associations, mais il ne me semble pas qu'il y ait de pacte de défiance actuellement, en tout cas pas du côté des associations, elles sont toujours prêtes à participer aux actions initiées par le Gouvernement et elles l'ont bien montré, quel que soit la majorité politique.
Les crédits du Compte d'engagement citoyen passent de 15 à 6 millions d'euros, est-ce parce que ce dispositif ne fonctionne pas ? Le fonds développement de la vie associative est un sujet d'autant plus important à nos yeux qu'il a été abondé par les 25 millions d'euros de la réserve parlementaire, dont nous nous servions non pas pour du clientélisme, mais pour aider de petites associations dans nos territoires. Il a bénéficié de 17,5 millions d'euros venus des comptes bancaires inactifs, pourrait-on aller plus loin, en augmentant la quote-part de ces fonds, aujourd'hui fixée à 20 % ?
Le SNU, ensuite, est un échec puisque vous prévoyiez 50 000 places cette année, et qu'il n'y a eu que 32 000 jeunes à se présenter : qu'en dites-vous ? Avez-vous consommé les 110 millions d'euros que nous avions prévus ? Si oui, le coût par jeune est plus élevé que prévu - et les 140 millions d'euros que vous nous demandez pour l'an prochain suffiront-ils aux 64 000 jeunes que vous comptez accueillir ? Je ne vous cache pas que les crédits du SNU font rêver les associations. Quant à la généralisation du SNU, vous savez que c'est très difficile, pour des raisons budgétaires aussi bien que pour des raisons d'adhésion. Ne pensez-vous pas que nous devons, à tout le moins, débattre de l'avenir du SNU au Parlement ?
Enfin, j'avais proposé l'an passé par amendement l'instauration d'un Pass'colonies de vacances, pour aider les classes moyennes à revenir, car les colonies font partie intégrante du parcours citoyen. Le colon peut devenir animateur, le Bafa peut faire partie d'un parcours, qui s'appellerait peut-être « service national universel » et qui se déploierait à un bien moindre coût que celui que l'on connait et qui serait bien plus universel.
Enfin, vous dites que les crédits du service civique progressent de 4 %, mais c'est moins que l'inflation, alors que c'est un outil très pertinent pour tous les jeunes.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . - Lorsque je parle d'un pacte de confiance avec les associations, ce n'est pas pour dire qu'il y aurait actuellement un pacte de défiance, mais parce que je sais, par mon expérience de présidente d'un réseau associatif pendant dix ans, puis comme ministre à plusieurs reprises, combien les associations sont noyées sous les tâches administratives. Il faut renouveler le rapport que l'administration entretient avec elles. Je suis patriote, j'adore mon pays, mais je connais aussi la passion française pour la paperasse, des associations me disent très régulièrement combien on leur demande des informations redondantes. Je suis donc tout à fait favorable à la prudence s'agissant de dépenses publiques, mais je crois qu'il serait utile de privilégier les subventions de fonctionnement, les engagements dans des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO), plutôt que multiplier les appels à projets qui placent les associations en position de mettre en oeuvre les politiques publiques décidées par le Gouvernement, avec l'obligation de déposer constamment des dossiers. Je suis bien sûr favorable à ce que les associations rendent des comptes, mais je ne confonds pas leur activité avec celle des cabinets de lobbying. Aussi je ne crois pas utile de les soumettre aux mêmes obligations de transparence, d'exiger qu'elles rendent compte de toute rencontre avec des élus locaux. Les associations sont dans leur rôle en défendant leur cause, leur activité devant des élus, elles défendent l'intérêt général, alors que des lobbyistes défendent des intérêts particuliers. Nous travaillons donc, avec les associations, pour trouver le point d'équilibre. Il faut simplifier et mettre la transparence au bon endroit, il faut sortir de l'ère du soupçon. Les associations nous demandent de leur faire confiance, elles en ont besoin sur le long terme, nous y travaillons.
Sur le compte engagement citoyen, les crédits n'ont pas tous été dépensés. Il faut faire connaitre ce dispositif. Il est possible de valoriser l'engagement inscrit sur le CPF à 240 euros par an avec plafond à 720 euros. Nous allons regarder, dans le Tour de France du bénévolat, si les trois conditions posées sont pertinentes - l'existence de l'association depuis trois ans, le bénévolat depuis un an, le seuil de 100 heures dans la même association, ce qui peut aller contre le fait que les jeunes participent à plusieurs associations. Nous avons simplifié les procédures avec le décret du 5 novembre dernier et nous débattrons de l'opportunité d'aller plus loin à l'occasion du tour de France du bénévolat. Le budget du CEC me semble cependant bien dimensionné pour l'an prochain.
Le FDVA se compose de trois parties : la partie « formation des bénévoles », qui compte 8 millions d'euros, la partie « fonctionnement innovation » des associations, qui compte 25 millions d'euros, et, depuis 2020, la quote-part sur les comptes bancaires inactifs, avec une partie discutée par département et une part variable. L'enveloppe du FDVA reste fixée à 33 millions d'euros l'an prochain. Cela correspond aux réalités, il se déploie correctement et touche ses cibles, en majorité de « petites » associations locales, territoriales, c'est dans cet esprit qu'a été créé le FVDA. J'observe, plus généralement, que beaucoup d'associations pourraient prétendre à des subventions, mais qu'elles ne le font pas parce que cela prend du temps, ou tout simplement parce qu'elles ne se savent pas éligibles, c'est aussi notre travail de les en informer.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Nous sommes à un momentum où il nous faut décider de l'avenir du SNU. Notre objectif quantitatif est ambitieux, comme chaque année du reste puisque nous le doublons chaque année depuis sa création. Le principal, ce n'est pas la course au chiffre, c'est l'objectif de fond qui est qualitatif. Comment faire pour que des jeunes de Trappes, de Nantes et d'Aurillac se rencontrent, fassent leur première mobilité, vivent une expérience en portant un uniforme et laissant de côté les vêtements des marques auxquelles ils s'identifient peut-être. Une expérience où chacun fasse un bilan de santé, découvre notre patrimoine culturel, apprenne les gestes qui sauvent ? Les jeunes ne l'apprennent pas à l'école, puisque ce n'est pas dans les missions de l'école, alors que ces apprentissages renforcent la cohésion nationale...
Cela dit, j'entends votre question sur l'aspect quantitatif, et je sais que vous serez heureux d'entendre, Monsieur le rapporteur, que nous n'avons pas dépensé plus que prévu et que, en collectif budgétaire, les crédits non consommés - soit 24 millions d'euros - ont été reversés aux colonies apprenantes, qui partagent avec le SNU l'objectif de mobilité. Nous avons besoin que notre jeunesse soit unie, qu'elle ait le goût de l'engagement, nous aidons à l'autonomie, au premier départ de la maison familiale, un jeune sur deux reçu au SNU n'avait jamais pris le train tout seul... Le nombre de jeunes issus de quartiers populaires est trop faible, il est passé de 4 % à 7 %, pour une représentativité de 9 %, la part des élèves en filière professionnelle est passée de 14 à 17 %, pour une moyenne nationale de 33 % - ma mission est d'aller plus loin et que ce temps passé au SNU s'inscrive dans un parcours de citoyenneté et de civisme, qui prépare à ce grand moment qu'est la majorité.
Nous avons besoin de conforter la culture de la protection civile, face au dérèglement climatique, nous devons lever des freins à l'accès à la formation professionnelle, comme l'accès au permis de conduire. Le Président de la République l'a dit à Toulon lors de la présentation de la revue stratégique, il y aura des arbitrages sur le SNU, mais il faut déjà retenir que 9 jeunes sur dix à y participer s'en disent satisfaits...
M. Laurent Lafon, président . - Nous avons entendu parler d'un projet de loi en préparation pour généraliser le SNU : qu'en est-il ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Très concrètement, il y a une hypothèse de généralisation par l'intégration au temps scolaire, via le renforcement de l'éducation civique et morale, et une autre hypothèse consistant à renforcer l'attractivité du SNU, par exemple en finançant le permis de conduire ou le Bafa. Les deux hypothèses sont à l'étude et nous les présenterons au Parlement.
Mme Elsa Schalck . - Je salue le travail de notre rapporteur, nous partageons la plupart de ses questions, en particulier sur la généralisation du SNU.
Ce premier budget « jeunesse » du mandat s'inscrit dans la droite ligne des années précédentes. Je déplore, une fois encore, le manque de lisibilité et de visibilité de la politique en direction de la jeunesse ; érigée au rang de priorité par le Président de la République, elle est éparpillée dans différentes missions budgétaires, sans que l'on perçoive la cohérence ni la vision d'ensemble que vous souhaitez pour les jeunes de France.
Vos crédits augmentent, avec le déploiement du SNU, qui mobilisera 140 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus que cette année, alors même que les objectifs fixés pour l'an dernier sont loin d'avoir été atteints. Vous attendiez 50 000 jeunes, 32 000 sont venus : comment l'expliquez-vous ? Et quel a été le coût effectif par jeune du séjour de cohésion cette année ? Comment avez-vous fixé ce nouvel objectif de 64 000 jeunes et comment comptez-vous le respecter ? Vous prévoyez de recruter 9 608 encadrants, mais en avez-vous les capacités ?
Vous comprendrez nos réserves face à la volonté du Gouvernement de généraliser le SNU, alors que le dispositif peine à se mettre en place et que nous n'en avons pas débattu au Parlement - sans compter que la généralisation représenterait un coût colossal évalué à 1,7 milliard d'euros...
Je salue le service civique, ainsi que le travail mené par l'Agence nationale du service civique : il rencontre un réel succès et ne cesse de faire ses preuves, douze ans après sa création. Le budget prévoit d'y consacrer 518,8 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus que l'an dernier - la moitié de cette hausse, cependant, correspond à l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires. D'après un sondage Odoxa réalisé cette année, si l'existence du service civique est connue et qu'il a une image plutôt positive, très peu de jeunes savent en définir les modalités et les contours : sa durée, sa réalisation dans le secteur public ou privé, la perception d'une indemnité, son caractère obligatoire...
Ce dispositif est utile pour l'avenir de la jeunesse, pour son parcours dans l'autonomie et il importe d'en faire mieux connaître les bénéfices notamment professionnels. Comment comptez-vous accroitre sa valorisation dans un parcours et ses bénéfices pour inciter davantage de jeunes à y avoir recours ? Enfin, nous sommes particulièrement sensibles au fait que tous les jeunes puissent y avoir accès et en bénéficier. Comment le service civique se développe-t-il dans le monde rural ?
M. Thomas Dossus . - Au-delà du quantitatif dont le bilan est plus que mitigé, il me semble que votre vision du SNU est un peu abstraite. Je vous citerai quelques exemples.
En juillet de cette année, une vidéo montre 130 jeunes épuisés, alignés dans la cour d'un centre SNU pour faire des pompes et du gainage. Plusieurs jeunes sont en pleurs, se plaignent de douleur. La vidéo a été filmée par les encadrants responsables de la punition.
Le 13 juillet, Le Canard enchaîné révèle que, lors des cérémonies du 18 juin, 31 jeunes participants au SNU ont fini aux urgences après avoir été laissés au garde-à-vous au soleil, en pleine canicule, pendant de longues minutes.
Le 2 août, le compte Twitter de la police nationale du Bas-Rhin vante l'organisation d'un stage de « menottage » avec des jeunes du SNU, atelier dans lequel ils sont invités à immobiliser leurs camarades, avec l'utilisation de menottes réservées normalement aux forces de l'ordre.
Ce ne sont pas des cas isolés, ils incarnent l'identité même du SNU : un moment qui se veut républicain, mais qui, vidé de toute substance, ne devient qu'un simulacre de service militaire - le maniement des armes en moins. Faux service, vraie caporalisation de la jeunesse.
Le SNU n'est pas le seul outil de caporalisation de la société déployé par le gouvernement.
Madame la ministre Schiappa, vous venez de parler de faciliter la vie des associations, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République - dite loi « séparatisme » - a pourtant instauré les contrats d'engagement républicain (CER) que les associations doivent signer pour espérer obtenir un agrément, des subventions ou des avantages fiscaux.
Le résultat est prévisible et le mouvement associatif avait déjà alerté au moment de l'étude du texte : en septembre dernier, le Préfet de la Vienne a appelé à retirer les subventions à l'association écologiste Alternatiba en raison de l'organisation d'un atelier de désobéissance civile. Les contrats d'engagement républicain deviennent des outils utilisés contre la liberté d'expression et pour mettre au pas les associations militantes qui s'opposent à votre politique, on est loin de la lutte contre le séparatisme islamiste.
La vitalité associative et l'émancipation de la jeunesse ne sont pas des menaces pour notre république.
Si nous sommes dans un momentum , profitons-en, finissons-en : les crédits alloués au SNU - 140 millions d'euros cette année, avec un objectif de 1,5 milliard d'euros - seraient mieux utilisés dans le soutien à l'éducation populaire, dont les crédits sont pour la deuxième année consécutive inférieurs à ceux du SNU. Ce serait un signal appréciable envoyé à toute la société.
M. Cédric Vial . - Nous avons un problème de visibilité et de lisibilité pour la vie associative. Je n'ai pas bien compris les avantages de votre organisation ministérielle et je ne vois guère le surplus d'interministérialité, puisque chaque ministère continue à abonder les associations de ses missions budgétaires. Et des fonds proviennent aux associations via les préfectures, qui ne sont pas toujours les meilleures connaisseuses des associations, sans que leur circuit budgétaire soit clair au regard de la Lolf puisqu'on ne sait pas bien leurs missions budgétaires de rattachement...
Nous sommes sur l'écume des choses. Le plus important, ce n'est pas ce que sont les associations, c'est ce qu'elles font. Le débat sur la reconnaissance de l'engagement civique est important, certes, mais il n'est pas nouveau et on voit mal en quoi vos outils vont changer les choses.
Quel est le bilan de la charte de la laïcité : combien d'association l'ont signée, et quelles en sont les conséquences sur le soutien aux associations ? Quel bilan a-t-on, ensuite, de la défiscalisation des associations, qui dépasserait les 2 milliards d'euros ?
M. Julien Bargeton . - Je me réjouis que ce budget augmente. Je veux souligner l'effort réalisé en faveur des Centres de ressources et d'information pour les bénévoles, dont les crédits augmentent de 50 %. C'est important parce qu'ils forment, conseillent et accompagnent les bénévoles et soutiennent leurs projets. Que pensez-vous de l'application de la loi du 1 er juillet 2021 sur l'engagement associatif ?
Je partage l'idée de contrat avec les associations, avec des droits et des devoirs - et il me semble juste, responsable, qu'on demande des engagements précis aux associations.
Mme Céline Brulin . - Vous nous mettez dans l'embarras sur le SNU. Vous nous dites qu'il n'atteint pas ses objectifs de mixité sociale, de cohésion nationale, mais vous dites qu'il faudrait choisir entre une généralisation, avec le coût que l'on sait, ou bien une intégration dans le temps scolaire, via l'éducation civique et morale, que l'on charge déjà beaucoup puisqu'on y fait entrer toujours plus de choses. Vous nous en avez donc dit trop, ou pas assez. Est-il utile de doubler les crédits du SNU, pour que vous tranchiez dans quelques semaines le choix que vous nous présentez aujourd'hui ?
On ne peut pas évoquer la jeunesse, ensuite, sans parler des conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale des jeunes. Or, nous n'avons rien vu dans le PLFSS, ni dans le budget de l'Éducation nationale, ni encore aujourd'hui sur le sujet : c'est plus qu'inquiétant.
Face à l'inflation, le Gouvernement prend des mesures pour les particuliers, pour les entreprises, mais les associations ne voient rien pour elles, alors qu'elles ont elles aussi des charges.
Enfin, il y a beaucoup d'attentes sur la formation, la reconnaissance en VAE est très insuffisante. De même, il faudrait revoir l'aide aux postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), les niveaux actuels sont trop faibles : qu'en pensez-vous ?
Mme Sylvie Robert . - Je suis frappée de voir que notre discussion sur le SNU se répète et que rien ne change, les objectifs ne sont pas tenus, mais cela ne vous empêche pas de les doubler - alors que, dans le fond, agir à cette échelle n'a pas beaucoup de sens par rapport à ce qu'on visait initialement. Quand les crédits manquent partout, on se pose cette question : voulez-vous vraiment continuer le SNU, alors que son évaluation n'est pas claire ?
Sur la vie associative, il faut bien voir que toutes les associations n'ont pas repris leur rythme d'avant la pandémie. Elles rencontrent des difficultés et l'augmentation de crédits que vous nous annoncez, à + 4 %, ne compense pas l'inflation.
M. Claude Kern . - Le budget du programme dans son ensemble augmente, mais il baisse pour la vie associative, qui a subi la crise sanitaire et alors que les associations comptent tout de même 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, soit 10 % des emplois privés de notre pays. Le FDVA est reconduit, mais il est complexe : pourquoi ne pas le flécher vers les élus, qui connaissent mieux leur territoire ? Les instruments sont nombreux, mais ils sont mobilisés sans véritable stratégie, il faut simplifier les circuits.
Le compte d'engagement citoyen voit ses crédits sous consommés, la dotation diminue ; avez-vous évalué son impact sur le bénévolat ? La Cour des comptes suggère de s'en passer, qu'en pensez-vous ? Le moment n'est-il pas venu de mettre en oeuvre les propositions pour valoriser le bénévolat que nous avons faites dans la loi du 2 mars 2022 pour démocratiser le sport ? Comment comptez-vous promouvoir le bénévolat pendant les Jeux olympiques et paralympiques ?
Quel bilan faites-vous du mentorat, créé l'an passé et qui reçoit 27 millions d'euros de crédits ?
Mme Sonia de La Provôté . - Vous avez évoqué la start up d'État, DataAsso, qui récupère toutes les données des associations. Cette entreprise utilise des outils venus de la Silicon Valley : quelle est la protection des données associatives ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Le SNU a été imaginé pour répondre à trois enjeux. D'abord, améliorer la résilience de notre pays. Cela veut dire être capable de prendre l'ascendant sur l'extérieur, grâce à une culture de la défense, à la maîtrise des gestes qui sauvent, à une culture mémorielle et patrimoniale. Ensuite, faire vivre aux jeunes un temps de mixité sociale et territoriale, qui n'existe pas dans la vie ordinaire, un temps qui soit aussi l'occasion d'un bilan de santé. Enfin, développer la culture de l'engagement, le bénévolat, la volonté des jeunes à s'engager dans les sapeurs-pompiers, auprès des communes, des associations. À l'origine du SNU, il y a cette volonté de rétablir un grand creuset républicain, un temps d'égalité réelle d'accès à l'engagement, quel que soit son territoire ou sa situation d'origine, parce qu'on sait bien que les jeunes n'ont pas le même accès à l'offre culturelle, aux colonies de vacances, et ceci même si l'on rénove les classes nature à l'école. Le SNU, c'est la chance donnée à tout jeune de vivre son premier départ, c'est l'occasion de lui donner le goût de la mobilité, de parler de sujets difficiles comme la laïcité, le non-recours au droit, le cyberharcèlement, du consentement, des sujets qu'il est plus facile d'évoquer hors de sa classe, de son territoire. C'est cela, le projet social du SNU, en écho à ce qu'était le service national de sa famille, comme temps de mixité sociale où l'on faisait aussi un bilan de santé, où l'on pouvait lutter contre l'illettrisme...
L'opposition entre le SNU et l'éducation populaire est un faux débat. Jamais le budget de l'Éducation nationale n'a autant augmenté - il gagne 3,6 milliards d'euros - ni celui des Armées - il gagne 3 milliards d'euros. Le service civique gagne 20 millions d'euros, l'éducation populaire continue d'être soutenue : le SNU vient en plus et abonde l'éducation populaire puisque, dans les 2 100 euros dépensés par jeune en SNU, une part va aux associations d'éducation populaire pour l'encadrement des séjours de cohésion. Demandez ce qu'ils en pensent aux responsables de Léo-Lagrange.
Je reconnais donc les difficultés quantitatives du SNU, mais je crois que le sujet est d'abord qualitatif et qu'il faut voir que 9 jeunes sur 10 venus en SNU s'en disent satisfaits pour avoir rencontré des gens, découvert le champ des possibles, participé à une expérience qui alimente en réalité le patriotisme, qui donne des souvenirs d'être ensemble à l'échelle du pays, en particulier pour ceux qui ne partent pas en colonies de vacances - et je sais aussi que tout cela prend du temps.
Dans les exemples d'incidents que vous citez, Monsieur Dossus, les encadrants ont été renvoyés immédiatement. Comment prévenir de tels incidents ? Par plus de formation des encadrants, nous nous y employons. Plus de 150 centres ont été ouverts, ils ont accueilli 32 000 jeunes l'an passé : ce n'est pas un échec, mais une réussite ; pour vous en convaincre, je vous invite à écouter les jeunes qui ont participé, ils seront meilleurs ambassadeurs que moi pour le SNU. Face au défi climatique, nous avons besoin d'une culture de résilience, le SNU donne la possibilité de mieux réagir en s'inscrivant dans une chaîne de commandement de la sécurité civile. Ne vous arrêtez donc pas à l'aspect quantitatif, demandez ce qu'ils pensent du SNU aux gendarmes, aux pompiers, aux responsables du Souvenir français... Nous devons faire mieux, je l'ai dit, pour attirer plus de jeunes des classes populaires, nous adaptons les dates des séjours de cohésion. L'éducation populaire est partie prenante du SNU, les associations nous disent que c'est un premier départ, une étape du parcours de citoyenneté.
Nous avons besoin de construire le service civique nouvelle génération. Il s'agit d'une occasion de construire un nouveau pacte entre générations, de la cohésion sociale, avec l'ensemble des acteurs associatifs, mais aussi de tenir la promesse républicaine - qui est de proposer à chacun une place d'où s'épanouir, plutôt que figer des hiérarchies sociales sclérosantes.
Le tutorat et le mentorat touchent 100 000 jeunes, cet écosystème est présent en ville, mais aussi dans le tissu rural, notre objectif est de doubler le nombre de jeunes accompagnés, c'est très utile pour l'accès à la formation et à l'emploi.
Quelle est notre vision de la jeunesse ? Le débat est très large, et il faut, en réalité, parler des quelque 100 milliards d'euros, tous budgets confondus, que l'État consacre à la jeunesse, vous les retrouvez dans le jaune budgétaire. Le programme 163 cible plus précisément l'engagement, il ne représente qu'une fraction de l'action de l'État pour la jeunesse - sans parler de l'action des collectivités territoriales. Cela dit, la clause d'impact jeunesse sur les politiques publiques peut devenir plus ambitieuse, c'est une chance pour conforter nos politiques en direction de la jeunesse.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . - Le contrat d'engagement républicain, j'y crois, je l'ai porté dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La procédure en est légère, nous l'avons conçue pour ne pas alourdir le travail des associations et, en pratique, il n'y a qu'une case à cocher sur le Cerfa. Son objectif est d'assurer que les subventions n'aillent pas à des associations qui n'acceptent pas les valeurs de la République, nous visions alors des associations comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a été dissous depuis. Cela dit, certaines associations se plaignent qu'on leur en demande bien plus sur le contrat d'engagement républicain, c'est un dévoiement de la loi. Nous avons demandé à Sonia Backès, ministre en charge de ce contrat, de réunir les associations sur ce point. S'agissant de l'association Alternatiba, il n'y a eu aucun retrait de subvention par l'État, mais par une collectivité territoriale. Il est donc faux de dire que nous ferions du soutien au Gouvernement un critère de subvention. Je peux vous citer des dizaines d'exemples d'associations financées par l'État et qui critiquent vertement le Gouvernement, c'est dans notre conception de la démocratie...
Mon secrétariat d'État est rattaché à Matignon pour avoir une action interministérielle, mais les politiques publiques restent sectorielles, les ministères continuent donc de subventionner les associations de leur secteur et nous ne subventionnons que l'accompagnement à la vie associative, la structuration de la vie associative. Le FDVA sera attribué par les préfets, qui connaissent parfaitement la vie associative de leur territoire, les parlementaires participant quant à eux aux collèges départementaux et à la définition des orientations ; s'il arrivait que vous ne soyez pas conviés, n'hésitez pas à me le dire.
Les mécanismes déployés pour limiter les effets des hausses des prix de l'énergie, madame Brulin, s'appliquent pleinement aux associations, la Première ministre l'a précisé et elle en a été remerciée par les têtes de réseaux - il ne faut pas leur dire le contraire, ou bien on risque de les priver de ce recours très utile.
La loi du 1 er juillet 2021 sur l'engagement associatif a prévu une protection des dirigeants bénévoles en matière de responsabilité financière, c'est un élément d'attractivité pour le secteur associatif, et, d'une manière générale, cette loi porte déjà ses fruits.
Sur DataAsso, madame de La Provôté, je me tiens à votre disposition pour vous répondre plus techniquement que je ne peux le faire ici, les données regroupées sont publiques et cet outil est intéressant pour les associations elles-mêmes - mais je suis pleinement disposée à vous répondre plus en détail avec mes services.
M. Laurent Lafon, président . - Merci pour toutes ces réponses.