Avis n° 120 (2022-2023) de Mme Sylvie ROBERT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022

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N° 120

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l' éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE

Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Par Mme Sylvie ROBERT,Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Encore en croissance en 2022, les crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ont enregistré une progression importante en l'espace de trois ans, supérieure à 20 % pour le programme 131 et à 40 % pour le programme 361. Cette nouvelle augmentation des crédits, qui intervient dans un contexte de forte inflation, ne parvient toutefois pas à dissiper les inquiétudes des acteurs culturels , qui subissent encore les effets de la crise sanitaire et voient désormais leur activité menacée par un effet ciseaux croissant.

Même si les priorités définies par le Gouvernement pour 2023 apparaissent en phase avec les besoins du secteur, celui-ci craint d'être une nouvelle fois la variable d'ajustement dans ce contexte économique perturbé et incertain. La commission de la culture alerte le Gouvernement sur la nécessité d'instaurer un dialogue régulier avec le secteur culturel et de davantage contractualiser avec les collectivités territoriales pour apporter aux acteurs culturels plus de reconnaissance et de visibilité . Elle l'enjoint également à accélérer les réformes nécessaires en matière de formation face aux tensions en matière d'emploi.

I. DE CHARYBDE EN SCYLLA : LA CRÉATION TOUJOURS EN EAUX TROUBLES MALGRÉ LE SOUTIEN ENCORE SUBSTANTIEL DE L'ÉTAT

A. UN EFFORT FINANCIER MAINTENU À LA SUITE DE LA CRISE SANITAIRE...

1. 2023 : l'esquisse d'une hausse pérenne des crédits ordinaires

Après un soutien sans précédent apporté au secteur culturel, l'année 2023 devrait signer la fin des aides d'urgence et des aides exceptionnelles mises en place dans le contexte de la crise sanitaire. À la différence du secteur du patrimoine, celui de la création ne disposera plus de crédits au titre du plan de relance en 2023.

Même si son niveau d'accompagnement sera moindre que pendant la crise sanitaire, l'État devrait maintenir un effort financier important en faveur du secteur de la création en 2023 (+ 7,8 % par rapport à la loi de finances initiale en 2022), compte tenu des tensions inflationnistes et du niveau encore instable de la fréquentation.

+22%

depuis le début

de la crise sanitaire

Le programme 131 devrait, pour la première fois, franchir le seuil symbolique du milliard d'euros en 2023.

Plusieurs des mesures de soutien adoptées pour faire face à la crise sanitaire y sont pérennisées. Une comparaison des montants pour 2023 et des montants votés en décembre 2019 dans le cadre de la loi de finances pour 2020 fait apparaître une augmentation de plus de 22 % des crédits du programme en l'espace de trois ans.

Malgré la fin des aides exceptionnelles, plusieurs mesures fiscales visant à favoriser la reprise d'activité dans le secteur de la création s'appliquent jusqu'en 2024 : le crédit d'impôt pour les représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, créé par la loi de finances pour 2021, ainsi que le crédit d'impôt pour le spectacle vivant (CISV). Lors de l'examen du présent projet de loi, les députés ont d'ailleurs adopté un article additionnel prolongeant jusqu'à la fin de l'année 2023 les mesures temporaires d'assouplissement mises en place en 2021 afin de faciliter l'éligibilité au CISV. Il faudra veiller à ce que ces crédits d'impôt ne soient pas remis en cause dès l'année prochaine, au risque de déstabiliser la filière. La rapporteure souhaiterait que ces crédits d'impôt soient évalués courant 2023 afin de disposer de données objectivées permettant d'apprécier leurs effets sur le secteur.

2. Une priorité budgétaire : consolider la reprise d'activité du secteur

Hors grands projets d'investissement, les mesures nouvelles ont pour principal objectif de consolider la reprise d'activité du secteur de la création en prolongeant les actions amorcées dans le cadre du plan de relance.

Sur un montant total de 71 millions d'euros, plus de 35 % de l'effort financier vise à soutenir les marges artistiques des opérateurs, labels et réseaux dans le domaine de la création artistique , afin de permettre aux établissements de maintenir une programmation ambitieuse pour retrouver progressivement leur niveau de fréquentation d'avant-crise.

Au-delà du soutien aux structures, une proportion similaire de crédits (36 %) vise à accompagner l'emploi dans le secteur de la création, ainsi que les artistes avec notamment la mise en place d'un second programme de commande artistique qui se prolongera jusqu'en 2025 et dont le bénéfice est partagé à parts égales entre le spectacle vivant et les arts visuels (Mondes nouveaux - acte II).

Ces priorités apparaissent adaptées à la nature des menaces qui pèsent aujourd'hui sur le secteur de la création.

La consolidation des marges artistiques constitue un enjeu crucial au regard des difficultés budgétaires exprimées par les établissements culturels dans le cadre des auditions. Qu'ils relèvent du spectacle vivant ou des arts visuels, tous se disent confrontés à un effet ciseaux (hausse importante de leurs différents coûts, baisse des recettes accentuée par la reprise encore timide de la fréquentation) qui pourrait les contraindre à revoir à la baisse leur programmation pour parvenir à équilibrer leurs budgets.

Les difficultés de recrutement observées dans le secteur de la création depuis un an appellent des mesures fortes de soutien à l'emploi. Les établissements culturels constatent une désaffection croissante pour leurs métiers. Au-delà du niveau des rémunérations et de la pénibilité des conditions de travail, la perte de sens provoquée par le déficit de reconnaissance du secteur culturel pendant la crise sanitaire a conduit une partie des effectifs à se réorienter vers d'autres secteurs.

Des dispositifs comme le Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle vivant ( Fonpeps ) sont indispensables pour mettre fin à l'hémorragie actuelle . La rapporteure regrette qu'aucun dispositif équivalent n'existe dans le secteur des arts visuels . Le niveau de consommation du Fonpeps en 2022 (56 millions d'euros sur 22,4 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale) laisse à penser que le montant de son enveloppe pour 2023 (30 M€) pourrait se révéler insuffisant pour répondre aux besoins du secteur en fonction de l'évolution de sa situation.

La mise en oeuvre du plan artistes-auteurs apparait, de son côté, essentielle pour enrayer la dégradation de la condition économique et sociale des créateurs. La rapporteure s'inquiète des conséquences que pourraient avoir sur les artistes les difficultés budgétaires des établissements culturels . Les artistes pourraient en être victimes si elles devaient se traduire par une baisse du nombre de projets ou par une baisse du niveau des rémunérations. Le ministère de la culture doit transmettre des consignes claires pour que la part des subventions de fonctionnement destinée aux projets artistiques ne soit pas consommée à d'autres finalités. Le risque de voir les établissements ayant le statut d'établissement public de coopération culturelle financer les surcoûts de fonctionnement sur leurs budgets artistiques apparait élevé, dans la mesure où leur statut ne leur autorise pas la possibilité d'exercices budgétaires déficitaires.

B. ... QUI NE DISSIPE PAS LES INQUIÉTUDES

1. L'inflation : une nouvelle donne douloureuse pour le secteur dans un contexte de reprise encore fragile

Alors que le secteur de la création subit encore les conséquences de la crise sanitaire, l'explosion de l'inflation ouvre déjà une nouvelle période d'incertitudes .

Les effets encore sensibles de la crise sanitaire sur les publics

-15%

de fréquentation
par rapport à 2019

À l'exception des publics scolaires, la fréquentation des lieux du spectacle vivant et des arts visuels reste en moyenne inférieure de 15 % à son niveau de 2019, même si elle se révèle très contrastée selon les lieux et selon les spectacles et les expositions. Le ministère de la culture n'anticipe pas de retour à la normale avant 2025 compte tenu des nouveaux effets de l'inflation.

Les modèles économiques des acteurs culturels sont par ailleurs bouleversés par les nouveaux comportements des publics (achats de dernière minute, désintérêt marqué pour les abonnements, stratégie d'optimisation des dépenses et de limitation des prises de risque).

Au-delà d'affecter le niveau de leurs dépenses, l'inflation a un impact sur les principales recettes des établissements. Ceux-ci anticipent une réduction du budget consacré par les Français aux loisirs préjudiciable au niveau de leur fréquentation. Ils constatent une stagnation voire une baisse des recettes tirées du mécénat. Les établissements à la charge ou subventionnés par les collectivités territoriales s'inquiètent également de l'évolution du soutien de celles-ci après la baisse des subventions culturelles accordées par plusieurs régions au cours de l'année 2022 et la décision de certaines communes d'adapter les périodes et les horaires d'ouverture de leurs établissements pour réduire la facture énergétique. Au-delà de l'impact sur la programmation de ces établissements, ces décisions freineront sans doute la possibilité de résidences d'artistes.

La situation actuelle appelle un dialogue régulier entre l'État,
les collectivités territoriales et les acteurs culturels, ainsi qu'un renforcement de la contractualisation entre l'État et les collectivités
.

Le directeur général de la création artistique, Christopher Miles, n'a pas caché que les montants octroyés aux opérateurs, labels et réseaux en compensation de l'inflation avaient été calculés sur la base de chiffres de fréquentation supérieurs à ceux actuellement constatés. Les effets de l'inflation ne seront donc que très partiellement compensés, même pour les établissements qui bénéficient d'une aide à ce titre . Dans ce contexte, il pourrait être opportun que le ministère transmette aux établissements sous sa tutelle des instructions pour les aider à prioriser temporairement leurs missions.

En effet, les marges de manoeuvre des établissements pour faire face à cette équation budgétaire apparaissent extrêmement réduites , dans la mesure où la réduction de la programmation ou l'augmentation du prix des places auraient des effets mécaniques sur la fréquentation. La rapporteure exhorte le ministère de la culture à la plus grande vigilance pour empêcher que des fermetures définitives d'établissement, évitées pendant la crise sanitaire, ne surviennent en 2023 . Elle veut voir dans le fait qu'une enveloppe de 10 millions d'euros ait été débloquée dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022 (LFR2) aux fins de compenser l'inflation subie par les opérateurs du programme au titre de 2022 le signe que le Gouvernement restera attentif à ces questions.

2. Festivals : des clarifications nécessaires

L'année 2022 a vu le retour à un format normal des festivals. Le bilan de cette saison apparait dans l'ensemble positif, même si les niveaux de fréquentation ont été contrastés, avec de fortes disparités entre les festivals de grande et de petite jauges ainsi qu'entre les festivals organisés dans les grandes villes et ceux situés en zones rurales.

L'avenir de ces manifestations est néanmoins terni par l'explosion de l'ensemble de leurs coûts (dépenses énergétiques, cachets des artistes, prestations extérieures), ainsi que par des pénuries de matériel et des difficultés de recrutement de personnels et de bénévoles.

Malgré les États généraux des festivals, le nouvel engagement de l'État en direction des festivals reste modeste et la coordination avec les collectivités territoriales demeure faible. La dotation du fonds festivals, créé pendant la crise sanitaire, n'est pas revalorisée en 2023 pour tenir compte de l'inflation. L'enveloppe de 10 millions d'euros est répartie à parts égales entre les festivals musicaux, dont les crédits sont gérés par le CNM, et les autres types de festivals, dont l'accompagnement est opéré par les DRAC. Ses modalités de mise en oeuvre restent floues. Les critères d'attribution des subventions, ainsi que les compétences respectives du CNM et des DRAC, mériteraient d'être précisés.

La commission souhaiterait disposer d'un bilan complet du fonds festivals avant l'examen du projet de loi de finances pour 2024 .

L'annonce par le ministre de l'intérieur, au détour d'une audition au Sénat le 25 octobre 2022, de possibles annulations et reports de festivals en 2024 en lien avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques , sans aucune concertation préalable avec les organisateurs de festivals, est venue assombrir encore davantage les perspectives de ces manifestations. La commission de la culture est extrêmement inquiète de cette décision , qui aurait pour effet d'opposer l'Ile-de-France aux autres territoires, le sport à la culture, à rebours de la mise en place des Olympiades culturelles dont la préparation est financée par le ministère de la culture à hauteur de 1 million d'euros dans le cadre du présent budget. Elle souhaite qu'un dialogue s'instaure avec les festivals pour les maintenir autant que faire se peut et leur offrir rapidement davantage de visibilité .

3. Arts visuels : un rééquilibrage progressif des crédits qui appelle à être complété sur le plan des politiques

La rapporteure salue les efforts réalisés pour revaloriser les crédits destinés aux arts visuels . Après avoir longtemps représenté moins de 10 % des crédits destinés au spectacle vivant, ils atteignent désormais près de 15 %.

Les nouveaux crédits sont principalement destinés à la mise en place d'un plan de soutien aux métiers d'art (5,5 M€), confié aux manufactures du Mobilier national et de la Cité de la céramique - Sèvres et Limoges, et à l'ouverture de la nouvelle phase du dispositif « Mondes nouveaux » (5 M€).

Si ces crédits sont évidemment bienvenus, la rapporteure regrette de ne pas disposer d'une réelle évaluation de la mise en oeuvre de la première phase de « Mondes nouveaux » ni d'informations précises relatives aux conditions de mise en oeuvre de la seconde phase afin de pouvoir apprécier le bien-fondé de l'affectation de ces nouveaux crédits à cette seconde phase plutôt qu'à d'autres dispositifs de soutien existants. Les représentants des FRAC ont ainsi alerté la rapporteure sur la stagnation des crédits d'acquisition alloués à leurs établissements depuis quinze ans, au risque de paralyser leur capacité à remplir l'une de leurs principales missions, celle de soutenir la création contemporaine et, en particulier les jeunes artistes.

Le programme « Mondes nouveaux » 2021-2022
financé par le plan de relance

Chiffres clés :

- 3 200 candidatures

- 264 projets sélectionnés, dont 80 émanant de collectifs

- 430 artistes soutenus avec une volonté de mettre en avant des jeunes artistes

- 92 % des 30 millions d'euros de crédits consacrés à la création (1,63 million d'euros au titre des allocations de recherche aux artistes et 26,8 millions au titre de la production des projets)

Malgré une répartition territoriale équilibrée des artistes sélectionnés, une part importante de la production des projets sélectionnés a été réalisée par des agences installées à Paris. Les représentants des arts visuels soulignent par ailleurs les effets limités de ce dispositif sur la relance du secteur du fait du faible nombre d'artistes bénéficiaires. Il s'agit, à leurs yeux, d'un dispositif de soutien à l'émergence.

Les règles de la nouvelle phase ne devraient être définies que d'ici la fin de l'année 2023. Dans un souci de meilleure valorisation de la création artistique, la rapporteure jugerait souhaitable la mise en place d'une médiation culturelle autour des projets sélectionnés .

Les progrès en matière de structuration du secteur des arts visuels restent minces . À l'exception d'un contrat de filière conclu en Nouvelle-Aquitaine, les schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (Sodavi) n'ont débouché sur aucune contractualisation formelle entre l'État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, malgré la croissance des crédits de cette ligne budgétaire depuis plusieurs années.

L'observation fait toujours défaut . Le Centre national des arts plastiques (CNAP), faisant office de centre de ressources pour les artistes et professionnels du secteur, serait sans doute la structure la plus pertinente pour développer un observatoire de la profession. Si ses crédits sont revalorisés en 2023 pour renforcer ses ressources professionnelles (+ 0,6 M€), ses moyens humains, stables, ne lui permettent pas aujourd'hui d'assurer cette mission.

II. EN AVANT LA JEUNESSE : DES MESURES EN MATIÈRE DE TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DE DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE ESSENTIELLEMENT DESTINÉES AUX JEUNES

Revalorisés dans des proportions légèrement inférieures au programme « Création », les crédits du programme 361 comportent plus de 50 millions d'euros de mesures nouvelles, essentiellement à destination de la jeunesse , grande priorité de la nouvelle ministre de la culture dans l'objectif de conforter l'avenir du secteur culturel et d'en préparer la relève.

A. FORMATION : UN SENTIMENT D'INACHEVÉ MALGRÉ L'EFFORT FINANCIER

1. +12%

Un accent mis sur l'enseignement supérieur qui ne répond pas intégralement aux enjeux de modernisation des établissements

Afin de contribuer à réduire les tensions sur le marché du travail dans le secteur culturel , l'enseignement supérieur concentre plus des deux tiers des nouveaux crédits (+ 36 M€ en AE et + 32 M€ en CP). Ces mesures nouvelles sont destinées à la fois aux étudiants, aux établissements et aux enseignants.

? Un renforcement des bourses, malheureusement réservé aux étudiants des écoles nationales

L'enveloppe des bourses sur critères sociaux est revalorisée à hauteur de 7,5 millions d'euros, pour un montant total de 37 millions d'euros.

La rapporteure déplore que ces nouveaux moyens ne bénéficient qu'aux étudiants des écoles nationales, dans la mesure où ils contribueront à creuser le déficit d'attractivité des écoles territoriales, dont l'État assure pourtant une partie du financement. Face à la précarisation croissante des étudiants sous l'effet de l'inflation, la commission a décidé de déposer un amendement visant à permettre aux collectivités territoriales d'appliquer le même niveau d'exonération pour les étudiants boursiers en compensant pour elles les effets de cette mesure à hauteur de 2,5 millions d'euros.

? Un appui complémentaire au fonctionnement et aux investissements des établissements qui ne couvre que partiellement la hausse de leurs dépenses

Le programme 361 comporte plusieurs mesures destinées à soutenir les établissements d'enseignement en fonctionnement et en investissement dans le contexte de la hausse des dépenses énergétiques : revalorisation des subventions de fonctionnement et d'investissement des écoles nationales (+ 8 M€ dont 5 M€ au titre de l'inflation), poursuite du programme de rénovation, en particulier sur le plan thermique, des bâtiments abritant les écoles nationales (+ 15,2 M€ en AE), participation au financement des projets de rénovation et de construction d'équipements en faveur des écoles territoriales, inscrits dans le cadre des contrats de plan État-région (+ 4,11 M€ en AE).

Malgré ces efforts complémentaires, la rapporteure a pu mesurer la grande inquiétude des établissements face à l'explosion des dépenses énergétiques et du coût de la masse salariale . Les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA), qui sont pourtant les principales bénéficiaires de ces augmentations de crédits (+ 20 % par rapport à 2022, hors crédits du plan de relance), alertent sur le risque de voir leurs capacités d'adaptation obérées si leurs fonds de roulement devaient être sollicités pour prendre en charge les surcoûts. Le délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, Noël Corbin, a reconnu que la revalorisation des dotations serait insuffisante pour couvrir le niveau de l'inflation, tout en mettant en avant les 13 millions d'euros également obtenus pour compenser l'inflation subie par les opérateurs du programme au titre de 2022 dans le cadre de la LFR2 précitée.

Les écoles d'art territoriales sont dans une situation similaire et soulignent l'important besoin de rénovation énergétique de leurs bâtiments, aujourd'hui insuffisamment pris en considération par les collectivités territoriales qui en sont propriétaires.

? Un effort partiel de revalorisation du statut des enseignants de ces établissements

Le programme 361 comporte une enveloppe de 1,2 million d'euros pour permettre à l'État de financer l'évolution du statut des enseignants des écoles d'art territoriales. Si la commission de la culture plaide, depuis plusieurs années, pour voir aboutir la réforme du statut des enseignants de ces écoles, la rapporteure s'étonne de cette budgétisation alors qu'aucun accord n'a encore été conclu entre l'État et les collectivités territoriales sur les contours de cette réforme et les modalités de sa prise en charge. Compte tenu des menaces de fermeture qui pèsent sur plusieurs écoles territoriales, il lui aurait semblé plus urgent, à ce stade, de revaloriser le niveau de la subvention de fonctionnement versée par l'État aux écoles d'art territoriales, en stagnation depuis plusieurs années, afin de compenser d'éventuels retraits de collectivités.

Le programme 224 comporte par ailleurs une mesure pour la mise en place d'un régime indemnitaire pour les enseignants contractuels des ENSA d'un montant de 1,65 million d'euros. Le chiffrage de cette réforme ayant été évalué à 4 millions d'euros, la commission de la culture a déposé un amendement revalorisant le montant de ces crédits de 2,35 millions d'euros. Elle estime que la compensation de la hausse des salaires des enseignants contractuels est indispensable pour permettre aux ENSA de retrouver des marges de manoeuvre financières garantissant le maintien d'un enseignement de qualité.

La rapporteure reste très préoccupée par le caractère inachevé de la réforme des ENSA. Elle est convaincue que la modernisation de ces établissements est indispensable pour éviter leur décrochage en Europe et répondre aux ambitions de l'État en matière de transition écologique .

2. Enseignements spécialisés : des ambitions revues à la baisse

Très attendue par les établissements d'enseignements spécialisés et les collectivités territoriales qui en assurent désormais l'essentiel du financement, la grande réforme du classement des conservatoires n'a toujours pas abouti. Un arrêté du 9 août 2022 s'est contenté de simplifier les modalités de renouvellement du classement actuel applicable aux conservatoires à rayonnement communal (CRC) ou intercommunal (CRI), départemental (CRD) et régional (CRR), sans pour autant modifier les critères de classement actuels. Des concertations autour de l'actualisation du schéma national d'orientation pédagogique sont prévues au début de l'année 2023 afin de déboucher sur la définition du nouveau diplôme national, mis en place par la loi du 23 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Ces avancées modestes constituent une déception pour les conservatoires. Ils craignent que les simplifications apportées au classement ne conduisent l'État à reporter la véritable réforme de plusieurs années, beaucoup d'établissements devant voir leur classement renouvelé pour une durée de sept ans en 2023.

En dépit de la priorité accordée à l'éducation artistique et culturelle (EAC), les dotations de l'État en direction des conservatoires n'ont pas évolué . L'enveloppe de 14,14 millions d'euros en faveur de l'apprentissage par les jeunes des pratiques artistiques au sein des conservatoires est reconduite en 2023, sans aucune mesure de compensation de l'inflation. Les représentants de Conservatoires de France se sont pourtant montrés très inquiets des conséquences de la hausse du prix de l'énergie sur leur niveau d'activité ainsi que sur leur budget d'acquisition d'instruments de musique.

B. LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE SOUS LE PRISME CROISSANT DU PASS CULTURE

1. Des moyens supplémentaires uniquement destinés à l'accès des jeunes à la culture

En matière de démocratisation et d'accès aux pratiques culturelles, les revalorisations des crédits concernent essentiellement les dispositifs destinés aux jeunes :

? Les crédits du Pass culture progressent de 9,5 millions d'euros pour s'établir à 208,5 millions d'euros en 2023 pour le volet financé par le ministère de la culture 1 ( * ) . Cette augmentation des moyens apparait néanmoins cohérente avec le niveau de consommation des crédits par la SAS en 2022. Son président a indiqué que l'intégralité des 199 millions d'euros de crédits alloués au titre de l'année 2022 seraient consommés et n'a pas exclu la possibilité d'un déficit de l'ordre de 6 à 8 millions d'euros. Les besoins de financement de la part individuelle des jeunes de 15 à 17 ans devraient par ailleurs s'accroître en 2023, dans la mesure où ce dispositif n'a été mis en place qu'au début de l'année 2022 et connaît depuis une montée en puissance progressive.

? Les crédits destinés au financement de l'éducation artistique et culturelle sont revalorisés à hauteur de 3,9 millions d'euros (dont 0,9 million en faveur du développement des contrats-territoire-lecture), pour un montant total de 104 millions d'euros en 2023.

À l'exception de l'enveloppe d'un million d'euros destinée à la préparation des Olympiades culturelles en 2024, les mesures destinées à réduire les fractures territoriales et sociales dans l'accès à la culture restent stables . Le programme ne comporte aucun crédit spécifique pour la mise en oeuvre de l'été culturel, même si le ministère de la culture indique son intention de poursuivre l'opération en 2023.

Le fonds d'innovation territoriale , créé en cours d'année 2022 par la nouvelle ministre de la culture afin de renforcer la coopération entre l'État et les collectivités territoriales autour de projets culturels, en réponse à une proposition formulée par la commission de la culture 2 ( * ) , conservera en 2023 une dotation de 3,5 millions d'euros . La rapporteure se félicite de la création de ce nouvel outil permettant de soutenir des initiatives culturelles décloisonnées et adaptées aux contextes locaux. Elle regrette que sa conception ne permette pas de répondre à un autre enjeu poursuivi par la proposition qu'elle avait initialement formulée avec Sonia de La Provôté : le renforcement de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le but de prévenir le désengagement de celles-ci.

Le fonds d'innovation territoriale

Inspiré du fonds d'intervention culturelle ayant existé entre 1971 et 1985, le fonds d'innovation territoriale vise à soutenir, si possible en partenariat avec une collectivité territoriale (mais pas nécessairement afin de ne pas pénaliser les territoires ruraux), des initiatives et des projets originaux dans le domaine de la culture associant à la fois un acteur culturel et un acteur non culturel (EHPAD, association de quartier...).

Chaque DRAC est libre dans la sélection des projets sur son territoire sur la base d'orientations très générales de l'administration centrale. Les crédits octroyés ne sont pas des subventions de fonctionnement, mais des aides à l'accompagnement de projets, susceptibles de se poursuivre sur une période de deux à trois ans.

En 2022, les crédits de ce fonds (3,2 millions d'euros) ont été complétés par une enveloppe d'un million d'euros destinée à soutenir des tiers lieux.

2. Pass culture : un moyen et non une fin

Dès l'annonce du lancement de l'expérimentation sur le Pass culture fin 2017, la commission avait exprimé le souhait que ce dispositif ne se résume pas à un simple « chèque en blanc », mais devienne un nouvel instrument au service des politiques culturelles et de l'EAC. Les évolutions intervenues depuis sa création, en particulier la mise en place de la part collective en 2022, ont profondément modifié la philosophie initiale du Pass culture. Le regard porté par les acteurs culturels sur le dispositif a, lui aussi, évolué favorablement au cours des deux dernières années.

La réouverture des lieux culturels et l'enrichissement de l'offre disponible ont conduit à faire évoluer la répartition des réservations des jeunes au titre de la part individuelle en 2022 .

Même si le livre reste en tête, sa part s'est légèrement tassée au profit de la musique « live », qui a enregistré la plus forte progression parmi les différents secteurs. La répartition des réservations des jeunes de 15 à 17 ans diffère légèrement en raison du montant très inférieur de crédits à leur disposition 3 ( * ) : le livre et le cinéma concentrent l'essentiel de leurs réservations. En dépit d'une certaine amélioration, l'objectif de diversification des pratiques ne semble pas encore atteint . La part du spectacle vivant, des musées et des bibliothèques n'est pas satisfaisante. Il apparait essentiel que la société du Pass culture agisse pour obtenir l'inscription d'un plus grand nombre d'offreurs de ces secteurs sur le Pass et pour mieux promouvoir leurs offres auprès des jeunes, afin que les crédits ne se traduisent pas par de simples effets d'aubaine .

En revanche, les réservations effectuées dans le cadre de la part collective portent majoritairement sur les catégories les moins réservées de la part individuelle.

La mise en place de la part collective se justifie donc pleinement dans un souci de meilleure diversification des pratiques culturelles des jeunes, les deux parts agissant en complémentarité.

Ces résultats démontrent une nouvelle fois l'importance de la médiation pour atteindre l'objectif d'une réelle diversification des pratiques. La rapporteure estime qu'il s'agit d'un axe d'amélioration dans les années à venir.

Si la création de la part collective a permis de mieux inscrire
le Pass culture dans le parcours d'EAC, la rapporteure demeure préoccupée par l'articulation entre ces deux dispositifs
.

Leur bonne articulation est cruciale, alors que le Pass culture absorbe désormais deux fois plus de crédits que l'EAC en tant que telle. La rapporteure identifie deux points de vigilance :

? l'effet d'éviction induit par la mise en place de la part collective sur les actions traditionnelles menées par les établissements au titre de l'EAC

Un certain nombre d'établissements culturels (conservatoires, structures publiques du spectacle vivant) ont observé en 2022 une réduction de leurs partenariats avec les collèges. Or, la réservation par une classe d'une offre du Pass culture ne saurait constituer à elle seule un projet d'EAC . Si la part collective est un moyen, pour un établissement scolaire, d'enrichir son projet d'EAC, elle ne le dispense pas d'élaborer un tel projet et de poursuivre les actions qu'ils menaient auparavant à ce titre. Les offres du Pass culture ne correspondent pas au même format que les actions traditionnelles d'EAC. Il est essentiel que les budgets de l'EAC doivent être, a minima, maintenus à leurs niveaux antérieurs.

La société du Pass culture a une action forte à mener en direction des collectivités territoriales pour garantir un bon usage de la part collective, au-delà du vademecum , et s'assurer que les partenaires traditionnels des établissements en matière d'EAC bénéficient rapidement de l'agrément pour proposer des offres dans le cadre de la part collective.

? le possible creusement des inégalités territoriales en matière d'EAC

Les offres proposées par le Pass culture dépendant de la présence d'acteurs culturels au niveau local, la mise en place de la part collective ne résout pas le problème de l'offre culturelle disponible en zones rurales. Le bilan de l'année 2022 montre qu'une moindre part de collèges l'a activé en zones rurales (39 %) qu'en zones urbaines (55 %) et que la nature des offres sélectionnées diffère (sorties en zones urbaines, accueil d'intervenants en zones rurales).

Devenue, en l'espace de cinq ans, le deuxième plus gros opérateur du ministère de la culture, il est indispensable que la société du Pass culture renforce désormais sa médiation au niveau territorial pour faire du Pass culture un outil véritablement efficace au service de l'éducation artistique et culturelle et de la diversité culturelle.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 23 novembre 2022, un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2023 .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2022

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M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons l'avis de Sylvie Robert sur les crédits relatifs à la « Création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture ».

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis sur les crédits des programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture . - Les crédits des deux programmes de la mission « Culture » dont j'ai la charge - le programme « Création » et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - progressent en 2023 : de l'ordre de 8 % pour le premier et de 7 % pour le second. Même si l'année 2023 devrait être marquée par la fin des aides exceptionnelles mises en place durant la crise sanitaire, ce budget prolonge de nombreuses actions amorcées dans le cadre du plan de relance. Cependant, la reprise du secteur est encore timide et la hausse des crédits ne parvient pas à dissiper les inquiétudes des établissements culturels compte tenu du haut niveau de l'inflation.

En ce qui concerne la création, les acteurs culturels sont dans une situation budgétaire difficile et voient leurs modèles économiques de plus en plus voler en éclat. Leurs coûts explosent avec la hausse de la facture énergétique, l'augmentation des cachets artistiques, la hausse du point d'indice dans la fonction publique et les revendications salariales, ainsi que l'inflation généralisée. Leurs recettes, elles, n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant-crise. Non seulement la fréquentation est moindre qu'en 2019, mais les habitudes des publics ont profondément évolué, les acteurs vont mettre du temps à s'y adapter. Les recettes tirées du mécénat sont en baisse sous l'effet de l'inflation. Et le soutien des collectivités territoriales est plus incertain, en témoignent la baisse des subventions culturelles accordées par plusieurs régions cette année et la décision de certaines communes d'adapter les périodes et les horaires d'ouverture de leurs établissements pour réduire la facture énergétique.

Dans ce contexte, les priorités sur lesquelles se porte l'effort financier de l'État en 2023 me paraissent globalement pertinentes.

Un tiers des nouveaux crédits vise à consolider les marges artistiques des opérateurs, labels et réseaux dans le domaine de la création artistique. Le Gouvernement espère que ce soutien permettra aux établissements de ne pas rogner sur la programmation pour équilibrer leurs budgets car il estime qu'une programmation ambitieuse constitue l'une des clés pour permettre aux établissements de retrouver progressivement leur niveau de fréquentation d'avant-crise.

Les établissements relevant du secteur privé sont, de leur côté, soutenus par le crédit d'impôt spectacle vivant et le crédit d'impôt théâtre. Vous avez peut-être observé, lors des discussions en séance publique ces derniers jours, que ces dispositifs étaient dans le viseur du rapporteur général de la commission des finances. Il me semblerait utile que le ministère de la culture procède à leur évaluation l'an prochain afin que nous puissions disposer de données fiables et objectives d'ici l'examen du prochain projet de loi de finances pour justifier, le cas échéant, l'intérêt de la prolongation de ces crédits d'impôt. Je vous demande, Monsieur le président, d'interpeller la ministre de la culture pour que nous soyons « armés » l'an prochain dans la discussion budgétaire.

Un autre tiers des nouveaux crédits vise à accompagner l'emploi dans le secteur de la création, ainsi que les artistes, avec notamment la mise en place d'un nouveau programme de commande publique, intitulé « Mondes nouveaux II ». Les difficultés de recrutement observées dans le secteur de la création depuis un an nécessitent des mesures fortes de soutien à l'emploi. Les établissements culturels constatent une désaffection croissante pour leurs métiers.

La revalorisation des crédits du Fonds national pour l'emploi dans le spectacle (Fonpeps) me parait une mesure importante pour mettre fin à l'hémorragie actuelle. Il est dommage qu'aucun dispositif équivalent n'existe dans le secteur des arts visuels.

De même, la mise en oeuvre du plan artistes-auteurs doit faire figure de priorité pour enrayer la dégradation de la condition économique et sociale des créateurs. J'espère que le ministère de la culture pourra transmettre des consignes claires pour que les établissements ne revoient pas à la baisse leurs budgets artistiques pour faire face aux surcoûts, car l'impact sur les artistes serait immédiat.

Je suis d'autant plus inquiète que le directeur général de la création artistique reconnait lui-même que les montants octroyés aux opérateurs, labels et réseaux en compensation de l'inflation avaient été calculés sur la base de chiffres de fréquentation supérieurs à ceux actuellement constatés. Malgré les hausses de crédit, la compensation de l'inflation ne concerne non seulement pas tous les acteurs, mais elle n'est aussi que partielle. J'espère que le Gouvernement sera prêt à intervenir l'an prochain comme il l'a fait cette année avec la seconde loi de finances rectificative pour venir au secours des établissements qui en auraient besoin. Il serait regrettable que des établissements, sauvés de la crise sanitaire, ferment définitivement leurs portes l'an prochain sous l'effet de l'inflation.

Côté festivals, le fonds créé pendant la crise sanitaire n'est pas revalorisé pour tenir compte de l'inflation. Sa dotation est maintenue à 10 millions d'euros en 2023. Je crois utile que nous demandions au ministère de la culture un bilan complet du fonctionnement de ce fonds d'ici l'année prochaine car sa mise en oeuvre, partagée entre les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et le Centre national de la musique (CNM), est floue - c'est ce que m'ont dit les représentants des festivals en audition. Malgré les États généraux des festivals, on a encore du mal à comprendre les orientations qui définissent le réengagement de l'État en direction des festivals. L'annonce, par le ministre de l'intérieur, de possibles annulations et reports de festivals en 2024 du fait de la mobilisation des forces de l'ordre par les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), en est une preuve supplémentaire. Il faut un dialogue plus régulier avec les festivals et les collectivités territoriales. Je déplore que le ministère de la culture n'ait pas renommé de référent festival depuis bientôt deux ans.

Côté arts visuels, on note une vraie progression des crédits (+14 %). Les artistes visuels devraient bénéficier de la moitié des crédits du nouveau programme de commande artistique « Mondes nouveaux », soit 5 millions d'euros. Il serait évidemment malvenu de critiquer cette mesure, mais je trouve dommage que le Gouvernement ait décidé de prolonger le programme « Mondes nouveaux » sans évaluation préalable des effets de la première phase conduite dans le cadre du plan de relance. Les lieux de diffusion des arts visuels que j'ai rencontrés estiment que ce programme a des effets limités sur la relance du secteur au regard du nombre total d'artistes soutenus - à peine 400 -, même s'ils lui reconnaissent un rôle en termes de découverte de nouveaux talents. J'espère qu'une évaluation sera conduite pour apprécier véritablement l'efficacité de ces nouveaux crédits. Les FRAC et les centres d'art ont aussi pour mission, dans leurs cahiers des charges, de soutenir la création et les jeunes artistes. Mais ils ont de plus en plus de mal à remplir cette mission compte tenu de la stagnation de leurs crédits d'acquisition depuis des années.

J'en viens au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Sa priorité pour 2023 est la jeunesse, pour conforter l'avenir du secteur culturel et d'en préparer la relève. Il comporte 50 millions d'euros de mesures nouvelles.

Les deux tiers de ces crédits sont affectés à l'enseignement supérieur.

Plus de la moitié des crédits vise à soutenir les établissements d'enseignement supérieur en fonctionnement et en investissement. Cette revalorisation des dotations est néanmoins insuffisante pour couvrir le niveau de l'inflation et les écoles d'architecture, comme les écoles d'art territoriales que j'ai rencontrées, sont très inquiètes d'avoir à puiser dans leurs fonds de roulement.

Une autre enveloppe, de 7,5 millions d'euros, est destinée à revaloriser les bourses sur critères sociaux. Malheureusement, elle n'est destinée qu'aux étudiants des écoles nationales. Je suis inquiète du sort des étudiants des écoles territoriales, eux aussi victimes de l'inflation. Je vous proposerai un amendement pour les accompagner.

Enfin, l'État débloque pour la première fois des crédits pour accompagner l'évolution du statut des enseignants des écoles d'art territoriales. Nous en parlons depuis longtemps, c'est un très bon signal, mais je suis assez surprise par cette budgétisation, dans la mesure où les collectivités territoriales n'ont conclu aucun accord sur ce sujet cette année. Imaginons que la réforme n'aboutisse pas l'an prochain et que ces crédits ne soient pas consommés. Ce serait d'autant plus dommage que plusieurs écoles territoriales ont d'énormes besoins financiers. Certaines sont menacées de fermeture à la suite du retrait de communes de leur financement - ces établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ont souvent plusieurs sites sur plusieurs communes. Dans ces conditions, je me demande si l'urgence n'aurait pas plutôt été de revaloriser la subvention de fonctionnement de l'État aux écoles d'art territoriales, en stagnation depuis plusieurs années, afin de compenser le désengagement de certaines collectivités.

Du côté des écoles d'architecture (ENSA), la réforme reste inachevée. La hausse des salaires des enseignants contractuels n'est que partiellement compensée dans le cadre du budget 2023. Dans la mesure où les ENSA subissent déjà de plein fouet les conséquences de l'inflation, il est dangereux de leur demander de prendre en charge en plus la majeure partie des hausses de salaire des enseignants contractuels. Je vous proposerai donc un amendement visant à ce que l'État prenne en charge la totalité de ces mesures indemnitaires ; le ministère de la culture avait demandé une enveloppe à cette fin qu'il n'a pas obtenu en totalité.

Sur les enseignements artistiques, la grande réforme du classement des conservatoires n'a toujours pas abouti. Les ambitions ont été revues à la baisse, il ne s'agit plus, à ce stade, que de simplifier les modalités de renouvellement du classement actuel. Les dotations de l'État en direction des conservatoires restent inchangées, sans aucune mesure de compensation de l'inflation. Les représentants de Conservatoires de France sont inquiets des conséquences de la hausse du prix de l'énergie sur leur niveau d'activité ainsi que sur leur budget d'acquisition d'instruments de musique.

Je terminerai en évoquant les crédits destinés aux actions en matière de démocratisation culturelle.

À l'exception d'une enveloppe d'un million d'euros pour la préparation des Olympiades culturelles en 2024, tout l'effort financier se porte l'an prochain sur l'éducation artistique et culturelle en général, et le Pass culture en particulier. Avec 9,5 millions d'euros supplémentaires, son budget devrait atteindre 208,5 millions d'euros en 2023, auxquels s'ajoutent 51 millions d'euros du ministère de l'éducation nationale pour le financement de la part collective.

En moins de cinq ans, la société par actions simplifiée (SAS) Pass culture est devenue le deuxième plus gros opérateur du ministère de la culture.

Le regard des acteurs culturels sur le Pass culture a beaucoup évolué depuis deux ans, la mise en place de la part collective en janvier dernier et la contribution du Pass à la relance du secteur y sont sans doute pour beaucoup.

Je conserve néanmoins deux points de vigilance.

Le premier concerne les résultats du Pass en matière de diversification des pratiques artistiques des jeunes. En dépit d'une certaine amélioration cette année, l'objectif de diversification des pratiques ne semble pas encore atteint. Si la part de la musique live a beaucoup progressé, la part du spectacle vivant, des musées et des bibliothèques reste insatisfaisante. La SAS doit travailler davantage pour obtenir l'inscription d'un plus grand nombre d'opérateurs sur le Pass et pour mieux promouvoir leurs offres auprès des jeunes, afin que les crédits ne se traduisent pas par de simples effets d'aubaine.

Il est vrai que la mise en place de la part collective a amélioré la diversité, puisque les réservations effectuées dans ce cadre portent majoritairement sur les catégories les moins réservées de la part individuelle. Ces résultats démontrent bien l'importance de la médiation pour atteindre l'objectif d'une réelle diversification des pratiques - la SAS doit encore y travailler.

Mon second point de préoccupation reste l'articulation du Pass culture avec l'éducation artistique et culturelle (EAC), surtout que le Pass représente désormais deux fois plus de crédits que l'EAC en tant que telle. La part collective a certes permis de mieux inscrire le Pass culture dans le parcours d'EAC, mais veillons à ce que celle-ci ne crée pas un effet d'éviction sur les actions traditionnellement menées par les établissements au titre de l'EAC. La part collective du Pass culture est un moyen d'enrichir le projet d'EAC de l'établissement : elle ne doit pas s'y substituer. La SAS doit renforcer son partenariat avec les collectivités territoriales et être très vigilante sur le bon usage de la part collective.

Cette question de la coordination avec les collectivités territoriales fait partie des points sur lesquels le ministère de la culture doit encore progresser. Je me réjouis de la création, depuis le milieu de cette année, du fonds d'innovation territoriale. Je pense que c'est une très bonne chose qu'il soit reconduit l'an prochain, car il donne aux Drac la possibilité de soutenir des initiatives culturelles décloisonnées et adaptées aux contextes des différents territoires.

Je sais que la création de ce fonds répond à une proposition que Sonia de la Provôté et moi-même avions formulée dans notre rapport consacré au bilan du plan de relance dans le domaine de la création. Cependant, le fonds que nous proposions s'inscrivait dans une logique de partenariat entre l'État et les collectivités territoriales : il avait vocation à financer des actions culturelles portées par des collectivités en contrepartie d'un engagement de celles-ci de maintenir le niveau de leur engagement financier en faveur de la création. Il n'en est rien avec le fonds d'innovation territoriale, puisqu'il ne concerne pas forcément des projets financés par des collectivités. Il n'apporte donc aucune garantie en termes de maintien du soutien des collectivités au secteur de la création.

Sous ces réserves, et compte tenu de l'augmentation substantielle des crédits prévue en 2023, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes.

Mme Else Joseph . - Je salue le rapport de notre collègue, ces sujets sont importants : l'enjeu en est la pérennisation de nos pratiques culturelles, la pérennisation de la culture elle-même.

Les festivals ont bien résisté malgré deux années rudes. Comme les représentants du spectacle vivant l'ont indiqué, ils ont été parmi les premiers à fermer et parmi les derniers à rouvrir. Les festivals ont été très largement soutenus par les collectivités publiques pendant cette période et, après deux ans, on ne peut que se réjouir de constater que les publics sont au rendez-vous. L'offre de festivals est même restée abondante, mais pour combien de temps encore ? Voilà que de nouvelles difficultés surviennent qui ne procèdent pas d'aléas malheureux, mais d'un évènement heureux pour notre pays, à savoir l'organisation des JOP de 2024 : quel manque de dialogue sur ce point entre tous les partenaires concernés !

Les festivals sont tributaires d'aléas et leur répétition interroge. L'idée a fait son chemin d'une assurance qui couvrirait non seulement les risques artistiques, mais aussi climatiques, c'est peut-être une piste pour donner des perspectives aux festivals et éviter qu'ils ne fassent les frais de la loi du marché... Faute de visibilité, comment mobiliser des bénévoles ? Quelles relations avec les collectivités territoriales ? Comment faire quand le personnel et le matériel manquent ? Qui plus est, il semble que les riverains des festivals se plaignent du bruit, davantage qu'ils ne le faisaient avant la crise sanitaire...

Permettez-moi de dire quelques mots également au sujet du Pass culture. Il constitue une aide appréciable, mais la médaille a son revers : nous sommes proches d'une politique du carnet de chèque, qui profite davantage à ceux qui savent déjà ce qu'ils vont faire. Le jeune qui aime les livres et les musées sait de quelle manière il va utiliser son Pass ; mais celui qui n'a pas d'idée ne saura pas comment recourir à cette aide. Comment donner cette « envie d'avoir envie » ? Le Pass culture se contente de confirmer des pratiques culturelles plutôt qu'il n'en crée. Qui plus est, je déplore la faible part des réservations en lien avec la découverte du patrimoine ou avec les bibliothèques. Comment mieux valoriser les offres vers ces secteurs ? Dans ce contexte, on peut s'interroger sur la disproportion des crédits du Pass culture par rapport à l'EAC en tant que telle.

Enfin, la hausse des coûts de l'énergie a des conséquences sur l'accès à la culture, en pénalisant les salles de spectacle et les musées. Pour les cinémas, c'est même une double peine, car cette contrainte s'ajoute à la baisse d'un tiers de la fréquentation constatée dans les salles par rapport à 2019. Comment aider ces secteurs à se relever, sans préjudice pour les usagers et sans diminuer l'offre existante ? Je me réjouis que la perspective de l'augmentation des tarifs ait été, par exemple, écartée par les musées.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis de la rapporteure et votera pour l'adoption de ces crédits.

Mme Sonia de La Provôté . - Il n'est pas aisé de critiquer des crédits qui augmentent substantiellement ! L'effort budgétaire est là mais il s'accompagne d'une forme de déception, voire d'une certaine amertume dès lors que certains problèmes évoqués depuis des années ne sont toujours pas traités. Le ministère de la culture paraît effacé dans le dialogue interministériel, il est en tout cas moins présent, en témoigne l'absence d'échange avec le ministère chargé de l'environnement sur le patrimoine et avec le ministère de l'intérieur sur les JOP. Le ministère arrive sur le tard, les acteurs se mobilisent - c'est aussi parce que les parlementaires veillent, sinon cette mobilisation pour les JOP aurait été plus tardive encore. Il y a donc un problème de place du ministère de la culture au sein du pouvoir exécutif, qui renvoie à l'organisation même du ministère et à la structuration des compétences.

Qu'en est-il, ensuite, de la culture dans les territoires ? Le fonds d'innovation territoriale, lancé à la suite du rapport que j'ai réalisée avec Sylvie Robert, est une bonne chose, mais nous en ignorons les règles du jeu. C'est comme pour le fonds incitatif et partenarial dans le domaine du patrimoine : il y a des crédits mais qui décide précisément de leur répartition ? Quels projets peuvent espérer en bénéficier ? Or, ces crédits doivent apporter de l'oxygène aux Drac pour accompagner l'innovation culturelle en lien avec les collectivités territoriales, car l'innovation se fait aussi dans les territoires et pas seulement dans les grandes villes. La question, ici, est aussi celle de l'accès à la culture.

Nous regardons de près, également, les évolutions du Pass culture : la part collective du Pass ne saurait tenir lieu d'EAC. Or, le fait même d'avoir créé la part collective du Pass culture lui donne une sorte d'onction de la part du ministère, laissant à penser qu'il y aurait une véritable équivalence entre cette part et les mesures d'éducation artistique et culturelle. Or, les deux ne sont pas comparables. L'EAC mobilise une diversité d'acteurs sur le terrain et nécessite de la médiation, elle ne consiste pas à « créer de l'offre pour voir ce qui se crée ensuite », logique qui est celle du Pass culture. Il faut signaler aussi que la gestion par la SAS est lourde et coûteuse, ce qui l'éloigne encore de l'EAC.

Enfin, sur les arts visuels, le programme « Mondes nouveaux » déçoit, car une partie seulement des fonds est destinée aux artistes. Les arts visuels ont besoin d'un effort supplémentaire de l'État, ils sont partie prenante de l'accès à la culture dans les territoires : les artistes visuels ont la portion maigre des budgets, alors qu'ils sont essentiels à l'accès à la culture dans les territoires.

M. Pierre Ouzoulias . - Je veux dire combien notre groupe partage le diagnostic de Sylvie Robert et je la remercie d'avoir donné une forme politique à ce consensus, c'est ce qui permet de peser dans l'hémicycle face aux collègues d'autres commissions qui n'ont pas la même vision que nous de l'importance de ces sujets.

L'empilement de la politique conduite par le ministère de la culture s'est amplifié avec les dispositifs liés à la crise sanitaire et à la crise énergétique : on s'y perd, et je crois que le ministère de la culture lui-même s'y perd.

Il me semble que la commission des finances regarde les crédits d'impôt qui relèvent de son domaine économique avec plus de mansuétude que les autres crédits d'impôt. Il faut rappeler que la culture représente 46 milliards d'euros, soit 2,2% du PIB. Or, si le PIB culturel a longtemps cru au même rythme que la moyenne, il y a eu un décrochage en 2020 - et c'est le spectacle vivant qui est le plus touché. Je crains qu'il le soit aussi par la crise de l'énergie : ce décalage est préoccupant.

Sur le Pass culture, je constate que je suis moins seul à exprimer des réserves : on ne peut pas considérer que développer la consommation individuelle puisse tenir lieu d'une politique culturelle que, depuis André Malraux, nous fondons sur la médiation. Là aussi, il faut revoir les choses.

Enfin, nous ne pouvons taire le fait que les collectivités territoriales sont les institutions qui participent le plus à la politique culturelle - ce qui implique que nous devons réorganiser le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales.

Malraux a écrit que « l'homme ne naît pas de sa propre affirmation, mais de la mise en question de l'univers ». La médiation culturelle consiste donc à se doter de lois pour encourager la création artistique.

M. Julien Bargeton . - Ce projet de budget est en hausse : la création gagne 90,5 millions d'euros, la transmission des savoirs 51 millions d'euros, le soutien à l'emploi culturel progresse de 13 millions d'euros, le soutien aux acteurs de la création, de 12 millions d'euros, et ce budget ajoute 10 millions d'euros pour la commande publique. Il convient de souligner l'ampleur des efforts entrepris par le Gouvernement.

S'il est vrai qu'il faut de la médiation avec le Pass culture, c'est ce que fait le Gouvernement : le lien avec l'EAC a été renforcé grâce à la part collective. Les libraires reconnaissent volontiers qu'avec le Pass, de nouveaux publics franchissent le seuil de leurs boutiques. Ceux qui achètent un manga peuvent par la même occasion acquérir un autre livre. On estime que 60% des achats n'étaient pas prévus et qu'ils se font en complément d'un autre achat : c'est ce que permet le Pass culture. Nous voterons par conséquent en faveur de l'adoption de ces crédits.

Mme Monique de Marco . - Ce rapport équilibré souligne l'effort budgétaire, tout en formulant des réserves justifiées.

Les festivals ont besoin d'anticiper leur programmation de 2024. Ils jouent, tout comme les fêtes de villages, un rôle très important dans les territoires. Je crois que nous devrions alerter ensemble très rapidement la ministre de la culture sur les menaces qui pèsent sur les festivals et relayer au niveau médiatique le cri d'alarme poussé par les responsables de ces événements, lors de la table ronde organisée par le groupe d'études sur les arts de la scène, de la rue et des festivals en régions.

Malgré ces réserves, nous voterons ces crédits en augmentation.

M. Lucien Stanzione . - Les crédits augmentent : reconnaissons cet effort. Cependant, il faut que le Gouvernement considère que la culture n'est pas la dernière roue du carrosse. Le dialogue doit s'instaurer pour faire entendre les réalités du monde de la culture, traversé par une crise importante. Vous en avez souligné les enjeux importants, en particulier la réforme des ENSA, celle des conservatoires, la contractualisation avec les collectivités territoriales, l'avenir des festivals... Le tout, avec les menaces formulées par le ministre de l'intérieur de reporter les manifestations culturelles pendant les JOP, alors que la crise énergétique accentue encore les difficultés.

Notre groupe votera ces crédits ainsi que les deux amendements de notre rapporteure.

Mme Laure Darcos . - Je suis très inquiète sur les deux crédits d'impôt. J'étais bien seule samedi soir pour les défendre dans la discussion de la première partie du budget. Ce que ne comprend pas la commission des finances, c'est qu'un festival, un film, un spectacle s'organisent longtemps à l'avance, et quand on envisage de supprimer un crédit d'impôt, on laisse les acteurs culturels sans filet de sécurité. Nous en sommes convaincus, pas tous nos collègues des finances et je crois que les acteurs de la culture gagneraient à aller leur exposer leur situation...

M. David Assouline . - J'alerte à nouveau la commission sur le fait qu'il va falloir obtenir rapidement des clarifications sur ce qui va se passer pendant les JOP car les festivals se préparent à l'avance et que sans anticipation, on peut aller à la catastrophe. Les forces de l'ordre dont parle Gérald Darmanin, seront mobilisées par les JOP, mais l'armée a des fonctions de protection civile. Nous avons des ressources pour permettre à la culture de se montrer au monde entier lorsqu'il vient en France, et non d'être décalée. Décaler la culture au nom du sport, c'est tout un symbole, sans compter les conséquences financières importantes de cette décision

M. Michel Savin . - Attention à ne pas opposer JOP et culture, mais attention aussi à ne pas exprimer de regret à ce que la France ait obtenu l'organisation des jeux, tout cela parce que le Gouvernement manque d'anticipation...

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis . - Nous ne le disons pas.

M. Michel Savin . - Il est très important de ne pas opposer sport et culture. Il faut, au contraire, les associer.

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis . - C'est précisément pour les associer que nous demandons que le Gouvernement anticipe les choses.

L'amendement CULT.1 transfère 2,5 millions d'euros du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » vers l'action 1 du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », pour que les écoles territoriales puissent appliquer aux étudiants boursiers le même niveau d'exonération que dans les écoles nationales. Nos collègues députés avaient pris une telle disposition, elle a été retirée par le Gouvernement du texte considéré comme adopté au titre de l'article 49-3.

La commission adopte l'amendement CULT.1

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis . - L'amendement CULT.2 augmente de 2,35 millions d'euros les crédits destinés à compenser la hausse des salaires des enseignants contractuels des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA). Le coût en est estimé à 4 millions d'euros, mais seulement 1,6 millions d'euros sont crédités, ce qui obligerait les écoles à recourir à leur fonds de roulement, alors qu'elles n'en ont pas toujours les moyens : nous les protégeons.

La commission adopte l'amendement CULT.2

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, au sein de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 11 octobre 2022

Table ronde arts visuels

. Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) : Mme Julie DESMIDT , déléguée générale,

. Regroupement des fonds régionaux d'art contemporain (Platform) : M. Jean-Baptiste TIVOLLE , président, Mme Julie BINET , secrétaire générale,

. Fédération des professionnels de l'art contemporain (Cipac) : M. Xavier MONTAGNON , secrétaire général, Mme Catherine TEXIER , vice-présidente.

Lundi 17 octobre 2022

- Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) : M. Pascal GUILLAUME , président, directeur du théâtre de Paris, Mme Anne-Claire GOURBIER , déléguée générale.

- Conservatoires de France : Mme Florence PAUPERT , présidente, M. Maxime LESCHIERA, vice-président .

- Syndicat des musiques actuelles (SMA) : MM. Laurent DECÈS , président, Stéphane KRASNIEWSKI , vice-président, et Frédéric MAIGNE , élu au conseil national du SMA au titre de la musique enregistrée, Mme Aurélie HANNEDOUCHE , directrice,

et Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss) : M. Olivier DARBOIS , Président, Mme Malika SEGUINEAU , directrice générale.

- France Festivals - Fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant : Mme Maria-Carmela MINI , co-présidente, M. Paul RONDIN , co-président, Mme Alexandra BOBES , directrice.

- Association nationale des écoles supérieures d'art : Mme Amel NAFTI , coprésidente, M. Cédric LOIRE , coprésident, Mme Maud LE GARZIC , coordinatrice.

- Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) : MM. François BROUAT , président, directeur de l'ENSA de Paris-Belleville, et Philippe BACH , directeur de l'ENSA Paris-Val de Seine, Mmes Camille ZVENIGORODSKY , directrice de l'ENSA de Bordeaux, et Marie WOZNIAK , directrice de l'ENSA de Grenoble, M. Raphaël LABRUNYE , directeur de l'ENSA de Normandie, et Mme Amina SELLALI , directrice de l'ENSA de Paris-Est.

- Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV) :

. Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) : M. Vincent MOISSELIN , directeur,

. Les Forces musicales : Mme Aline SAM-GIAO , présidente, et M. Sébastien JUSTINE , directeur,

. Syndicat national des scènes publiques (SNSP) : M. Frédéric MAURIN , président, et Mme Laurence RAOUL , directrice déléguée,

. Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique (Profedim) : M. Nicolas BUCHER , président, et Mme Chloé CHATTÉ , déléguée générale adjointe.

Jeudi 10 novembre 2022

- SAS Pass culture : MM. Sébastien CAVALIER , président, et Maxence DANIEL , Responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics.

- Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) : MM. Noël CORBIN , délégué général, et Bertrand MUNIN , sous-directeur, adjoint au délégué général.

Lundi 14 novembre 2022

- Direction générale de la création artistique (DGCA) : M. Christopher MILES , directeur général de la création artistique.

ANNEXE

Audition de Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture

MARDI 25 OCTOBRE 2022

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M. Laurent Lafon , président . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.

Madame la ministre, votre été a certainement été très chargé, tant les défis que traverse le monde de la culture sont nombreux. Comme vous le savez, notre commission a toujours su nouer des relations de travail particulièrement productives avec vos prédécesseurs, et vos premiers pas en juin me paraissent s'inscrire dans cette atmosphère confiante, mais respectueuse de nos singularités et de nos rôles respectifs.

Je le redis donc, vous nous trouverez toujours à vos côtés pour avancer sur les sujets qui nous tiennent à coeur - et ils sont nombreux. Vous pouvez aussi compter sur nous pour vous alerter sur certaines problématiques, comme l'ont montré, je crois, les travaux de contrôle réalisés par nos rapporteurs au cours des mois écoulés.

Revenons-en aux multiples défis du monde de la culture et aux politiques engagées par votre ministère pour y répondre.

L'irrigation territoriale constitue l'un des axes forts de votre budget, que ce soit en matière de patrimoine ou de création. Le rapport de nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias sur le patrimoine religieux a mis en évidence les besoins importants des collectivités pour entretenir et restaurer ce patrimoine. Au-delà d'aides financières, elles attendent également de l'État un accompagnement technique. Vous nous direz dans quelle mesure le budget pour 2023 permet éventuellement de répondre à ces attentes.

Nous avons noté avec satisfaction la création d'un fonds d'innovation territoriale, très largement inspiré des propositions de Sonia de La Provôté et de Sylvie Robert, dans le cadre de leur rapport sur le plan de relance en matière de création. Elles appelaient de leurs voeux des outils offrant plus de place à la coconstruction avec les collectivités territoriales. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus sur le type et le nombre d'actions que ce fonds a vocation à financer, et pour quel montant.

Que ce soit en matière de création ou d'industries culturelles, au sens large, le soutien de l'État a permis à tous les secteurs d'être préservés durant la crise pandémique. Il faut saluer ici l'engagement des pouvoirs publics qui, très rapidement, ont mobilisé des moyens conséquents pour défendre la création, indemniser les cinémas, soutenir la musique et préserver la presse.

Je le dis d'autant plus que ce choix n'a pas été celui de tous les pays, certains ayant littéralement laissé « couler » leur création.

Vous avez en particulier mis en avant la reconquête de notre souveraineté culturelle, avec un milliard d'euros prévus pour les industries culturelles et créatives d'ici 2030, suivant des modalités que vous pourrez peut-être également nous préciser.

Je salue bien entendu ces ambitions, mais je note qu'elles ne répondent pas entièrement aux inquiétudes du moment : je parle bien entendu des conséquences du choc d'inflation actuel, qui plonge les acteurs dans un désarroi assez proche de celui qui était le leur pendant la crise pandémique.

À titre d'exemple, le rapport de Michel Laugier sur la presse quotidienne régionale, publié en juillet dernier, a démontré l'impact sur toute la filière de la hausse des prix du papier, aujourd'hui évaluée à près de 200 millions d'euros, à la charge d'un secteur en crise depuis plus de 10 ans.

Je n'oublie pas les établissements publics, comme la Bibliothèque nationale de France (BnF) ou l'Agence France-Presse (AFP), qui vont devoir composer avec ce contexte inflationniste, ce qui pèsera certainement sur leurs capacités à investir. Je pense aussi à tout notre réseau d'écoles - écoles d'architecture, écoles d'art, conservatoires -, qui sont en grave difficulté pour boucler leurs budgets.

Je veux également enfin mentionner le Centre national de la musique (CNM), auquel nous avons consacré une très riche table ronde la semaine dernière. Vous avez choisi de confier une mission au sénateur Julien Bargeton, ce qui est une reconnaissance de son travail, mais aussi de celui de l'ensemble de la commission sur ce sujet. Pour autant, des interrogations ont été émises sur la capacité du CNM à assurer ses missions en 2023 avec des moyens redevenus modestes.

En un mot, le secteur de la création et nos industries culturelles ont été préservés pendant la crise. Il serait dommage qu'elles succombent faute de soutien aujourd'hui.

S'agissant de l'audiovisuel public, la réforme de la gouvernance de ces entreprises figurait au programme de travail de vos prédécesseurs. Un projet de loi, largement inspiré des travaux de notre commission, a été abandonné en cours de route. Faute de réforme de la gouvernance, les mutualisations entre les différentes entreprises sont restées embryonnaires, tandis que la réduction des coûts qui aurait été permise par un regroupement se fait toujours attendre.

Un rapport rédigé au printemps par notre collègue Jean-Raymond Hugonet et notre collègue de la commission des finances Roger Karoutchi a réaffirmé la nécessité de reprendre ce processus de rapprochement qui, dans notre esprit, est inséparable de la question de la redéfinition des missions et des moyens.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'absence d'avancée sur la gouvernance s'accompagne de mesures transitoires sur le financement. Le projet de loi de finances prévoit une hausse d'un peu plus de 3 % des crédits à 3,81 milliards d'euros.

Cette hausse des crédits est inégalement répartie puisqu'elle bénéficie essentiellement à Radio France et France Médias Monde. J'observe que cette hausse des crédits est relative, puisqu'elle vise aussi à compenser les effets de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) en juillet dernier, qui a eu pour conséquence de soumettre ces entreprises à la taxe sur les salaires, ce qui n'avait pas été explicité lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative.

Nous examinerons prochainement les avenants aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) des différentes entreprises, qui ont pour objet de préciser la feuille de route telle que définie par l'actionnaire.

Le choix de prolonger les COM d'un an sans définir une véritable vision de long terme, comme les incertitudes qui entourent l'avenir du financement de l'audiovisuel public après 2024, crée un contexte particulier qui nous interpelle.

Alors que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doit renouveler les mandats des présidentes de Radio France et de France Médias Monde au début de l'année prochaine, sur la base des projets des candidats, force est de constater qu'une fois de plus ces projets ne pourront prendre en compte la trajectoire financière des entreprises pour les années à venir ni les priorités définies par l'État pour le reste du quinquennat.

Nous avons maintes fois regretté cette gouvernance déficiente de l'audiovisuel public, dont vous n'êtes pas responsable, madame la ministre. C'est la raison pour laquelle nous vous réitérons notre disponibilité pour y apporter des réponses, qui devront être d'autant plus ambitieuses que le temps pour les adopter aura été conséquent.

Madame la ministre, je vais donc vous donner la parole pour un propos liminaire. Nos rapporteurs, puis l'ensemble des sénateurs et des sénatrices qui le souhaiteront, vous interrogeront ensuite sur l'ensemble des crédits budgétaires dont vous avez la maîtrise.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture . - Je suis ravie d'être parmi vous ce soir pour parler de ce budget de la culture et des médias, un budget historique et au total en hausse de 7 %, soit 4,2 milliards d'euros pour la partie culture et 3,8 milliards d'euros pour l'audiovisuel public. Nous y reviendrons.

À cela s'ajoutent les taxes et les ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique, du théâtre privé, soit environ 770 millions d'euros. N'oublions pas les crédits d'impôt multiples, qui apportent au total 2 milliards d'euros de soutien à l'ensemble de l'écosystème de la culture. Quant au loto du patrimoine, qui permet d'injecter, en complément de notre budget, 20 millions d'euros par an environ pour soutenir des sites en partie protégés, non classés et non inscrits un peu partout sur le territoire. Ceci représente un total de 11 milliards d'euros dans le périmètre du ministère de la culture en 2023, soit 527 millions d'euros de plus qu'en 2022.

Ce budget nous permet de faire face aux défis du présent et de préparer l'avenir. Il reflète un certain nombre de priorités, pour beaucoup d'entre elles inspirées, comme vous l'avez dit, Monsieur le président, de vos travaux et de nos échanges. C'est en tout cas un budget qui, même si cela ne se voit pas dans toutes les lignes, permet l'irrigation territoriale à tous les niveaux, qu'il s'agisse de patrimoine, de création, de lecture publique, de soutien aux entreprises culturelles, ou de soutien aux radios associatives, qui sont partout sur le territoire. J'insiste particulièrement sur le déploiement territorial de notre action et du budget.

Ce budget prend à bras-le-corps l'enjeu de la transition écologique et le défi de très court terme du choc que représente la hausse des coûts de l'énergie pour les établissements les plus fragiles, les plus impactés, qui sont de réelles passoires thermiques - il en reste malheureusement beaucoup. Ce budget permet de disposer d'une enveloppe d'environ 56 millions d'euros pour soutenir ces établissements.

Je veux insister sur les investissements que nous déployons à plus long terme pour accompagner les acteurs culturels dans leur transition écologique. Notre budget d'investissement s'élèvera à 663 millions d'euros en 2023. 66 millions d'euros d'augmentation vont permettre en priorité de flécher des travaux de rénovation, d'isolation thermique et d'amélioration des performances énergétiques. Un budget supplémentaire également dédié au Centre national de la musique, à hauteur de 900 000 euros, est spécifiquement consacré à la transition écologique de la filière musicale.

Ce budget protège et valorise le patrimoine, avec 1,1 milliard d'euros, soit une hausse de 87 millions d'euros afin de maintenir la dynamique très forte qu'avait permise le plan de relance. Cette somme se répartit entre les cathédrales, leur sécurisation, le fonds incitatif pour le patrimoine, l'archéologie et les fouilles programmées, avec une série de rénovations prioritaires, comme l'abbaye de Clairvaux, la cité de Carcassonne, les tours de La Rochelle, etc.

Ce budget amplifie par ailleurs notre politique d'éducation artistique à l'école, via le pass Culture, qui se déploie au collège dès la 4 e . Une partie du budget relève d'ailleurs de l'éducation nationale. Nous sommes à 24 millions d'euros supplémentaires, avec un focus particulier sur la lecture auquel j'ai tenu, un soutien aux bibliothèques, aux livres accessibles pour les personnes en situation de handicap accompagné par la création d'une plateforme dédiée, un soutien aux librairies, à des manifestations littéraires, à la distribution des livres pour pallier les difficultés d'acheminement, notamment outre-mer.

Ce budget tient également ses promesses pour garantir le pluralisme des médias et l'accès à une information fiable, libre, indépendante. Je l'avais dit devant vous, dans l'hémicycle : la suppression de la redevance ne signifie pas la suppression du budget de l'audiovisuel public, loin de là. Nous avons compensé, comme nous l'avions dit, les effets fiscaux à l'euro près, mais aussi intégré une grande part de l'inflation estimée pour 2023 par la Banque de France, soit un total de 114,4 millions d'euros de budget supplémentaires pour l'audiovisuel public, qui atteint ainsi 3,8 milliards d'euros.

Un budget supplémentaire est prévu pour la presse. Nous avons travaillé avec cette filière sur la réforme de la distribution, prioritaire après le rapport Giannesini, afin d'aller vers plus de portage et moins de postage.

Cette réforme est accompagnée à hauteur de 17 millions d'euros. Notre fonds de soutien à l'expression radiophonique locale augmente par ailleurs d'environ 2 millions d'euros afin de soutenir toutes les radios qui oeuvrent sur l'ensemble du territoire.

Ce budget renforce aussi la création française et les métiers d'art. Il porte la voix de la France dans le monde numérique. Il existe, dans le cadre de France 2030, comme le président Lafon l'a indiqué, une prévision de budget d'un milliard d'euros qui va nous permettre de porter des projets de développement d'infrastructures de tournage, de postproduction, de formation des futurs talents créatifs ou techniques. Ceci va également nous permettre de déployer les nouvelles technologies de l'immersif au service de la culture et du lien entre la culture physique et la culture numérique.

C'est ainsi que 48 millions d'euros viennent en soutien à ce que j'ai appelé notre « souveraineté culturelle dans les mondes physique et numérique », avec le dispositif Mondes nouveaux, la création de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, ainsi qu'un plan dédié aux métiers d'art, qui permettra de donner à ce secteur une ambition nouvelle à partir de 2023.

Ce budget est aussi le reflet des compétences renforcées des 29 000 agents qui travaillent au sein du ministère. Ils font vivre ce ministère au quotidien, notamment en matière de moyens humains destinés au patrimoine et à l'archéologie. Les architectes des Bâtiments de France (ABF) sont tous les jours aux côtés des collectivités.

La masse salariale du ministère augmente de 38,5 millions d'euros, pour s'établir à 532 millions d'euros. Nous avons consacré 11 millions d'euros à la poursuite du plan de rattrapage indemnitaire, notamment en direction des architectes urbanistes de l'État et des conservateurs du patrimoine avec le financement d'une prime pour les enseignants-chercheurs des Écoles nationales supérieures d'architecture, et avons augmenté la rémunération des contractuels.

Grâce à ce budget, nous allons pouvoir poursuivre la réforme indemnitaire des agents de l'Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP).

Nous prenons évidemment en compte la hausse des 3,5 % de la valeur du point d'indice, qui représente environ 14 millions d'euros. Nous pourrons y revenir.

Il est également important de rappeler l'importance de nos établissements d'enseignement supérieur artistique, qui accueillent 37 000 étudiants en formation. Ils constituent la relève de la création artistique. Je pense notamment aux architectes. Nous comptons en effet près de 20 000 étudiants en école d'architecture et avons donc mis l'accent sur ces écoles dans le budget 2023, où les constats se révélaient assez alarmants depuis quelques années. Nous avons prévu d'attribuer plus de bourses et de revaloriser le cadre des enseignants, d'investir pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, avec une enveloppe supplémentaire de 13 millions d'euros.

Ce budget nous permet de consolider la résilience, qui a été possible pour notre secteur culturel après la crise sanitaire qui l'a impacté, et de se projeter dans l'avenir pour penser l'innovation, la création et former la jeunesse à devenir le public de demain.

Comme lors de ma dernière audition, je conclurai mon propos liminaire par un extrait d'un poème de Federico García Lorca intitulé Chants nouveaux .

« Le soir a dit : "Je suis altéré d'ombre !".

La lune a dit : "Moi, d'étoiles brillantes".

La source cristalline veut des lèvres

Et des soupirs le vent.

Mais moi, j'ai soif de parfums et de rires,

J'ai soif de chants nouveaux

Sans lune et sans lys

Et sans amours défuntes,

Soif d'un chant matinal

Qui troublerait les eaux dormantes

De l'avenir, emplissant d'espérance

Leurs ondes et leurs fanges. »

Ce chant qui va emplir l'avenir d'espérance, encore et toujours, c'est celui de la culture !

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public . - L'audiovisuel public voit ses crédits augmenter de 3 %. Cette hausse ne concerne pas l'ensemble des sociétés de la même façon : les crédits de France Télévisions sont stables à + 1 %, ceux de Radio France et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) augmentent modérément, tandis que ceux d'Arte France et de France Médias Monde connaissent une avancée significative de près de 10 %, ce qui est à souligner.

Quelles raisons expliquent cette distinction opérée entre les entreprises, et comment France Télévisions et l'INA, qui sont parmi les moins favorisés par ce budget, vont-ils faire face à la hausse de l'inflation et à l'assujettissement à la taxe sur les salaires ?

Vous avez par ailleurs choisi de reporter la définition de nouveaux COM à 2024, les avenants aux COM qui nous seront prochainement transmis ne portant que sur l'année 2023. Or l'Arcom devra désigner dès 2023 les présidents de Radio France et de France Médias Monde sur la base du projet stratégique établi par les différents candidats. Comment ces candidats peuvent-ils construire un projet stratégique sans connaître la trajectoire financière pluriannuelle des entreprises qu'ils dirigent ? Comment l'Arcom peut-elle choisir des candidats sur un projet si ce projet est en réalité virtuel ?

N'est-il pas temps, enfin, de réformer la gouvernance des entreprises de l'audiovisuel public, dont on voit une nouvelle fois qu'elle n'est pas cohérente ?

M. Michel Laugier , rapporteur pour avis sur les crédits de la presse . -J'ai publié en juillet un rapport complet, adopté d'ailleurs à l'unanimité par cette commission, sur la presse quotidienne régionale. Il souligne le formidable défi que constitue pour le secteur la hausse des prix du papier. Le projet de loi de finances ne contient cependant aucune mesure spécifique.

Dans le même temps, les 150 millions d'euros que devait coûter sur trois ans le crédit d'impôt premier abonnement, et sur lequel le Gouvernement avait amplement communiqué, a été plus ou moins noyé dans les sables, puis supprimé.

Ne pensez-vous pas qu'il y aurait une justice à réorienter au moins une partie de ces fonds pour aider le secteur à traverser cette crise, même si j'ai vu qu'un amendement a été déposé au sein de la commission de la culture de l'Assemblée nationale ? Je trouve que le montant n'est pas à la hauteur des enjeux, et je crains beaucoup que cet amendement ne survive pas à la navette parlementaire.

Dans mon rapport, je recommandais également de faire évoluer la législation sur CITEO, qui engendre un coût de 22 millions d'euros. Pouvez-vous me dire si la Commission européenne a bien été saisie ou s'il est envisagé de faire sortir la filière papier du régime très contraignant de responsabilité élargie du producteur ? Je rappelle que nous sommes le seul pays européen à avoir fait ce choix.

Comme chaque année, la loi de finances est la triste occasion de constater les difficultés toujours redoutables de la distribution de la presse. Je pense bien entendu à l'opérateur France Messagerie. Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de remettre à plat tout le système et de rebâtir un schéma réaliste, qui tiendrait compte de l'attrition inévitable de la vente papier des quotidiens nationaux ?

Enfin, permettez-moi de citer un auteur que vous aimez bien, Khalil Gibran : « Vous êtes bon lorsque vous marchez fermement vers votre but d'un pas intrépide. Pourtant vous n'êtes pas mauvais lorsque vous y allez en boitant. Même ceux qui boitent ne vont pas en arrière ».

M. Julien Bargeton , rapporteur pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles . - La crise du papier pèse beaucoup sur le budget des maisons d'édition indépendantes, qui ne possèdent pas de stock de papier. Comment les aider à faire face à cette hausse ?

Par ailleurs, les librairies indépendantes vont retrouver à peu près les mêmes ventes qu'avant la crise et à peu près la même part de marché, autour de 20 %. Quel bilan peut-on tirer du programme lancé par l'État sur l'aide à la modernisation des librairies et sur d'autres programmes en direction du livre ? Je pense au programme « Jeunes en librairie ».

Enfin, une question au nom de mon groupe : le rapport de la Cour des comptes du 6 octobre sur la cathédrale Notre-Dame de Paris indique que les conditions sont réunies pour rouvrir cet édifice dans les délais impartis, avec un budget maîtrisé. Partagez-vous cette appréciation de la Cour des comptes ?

M. Jérémy Bacchi , rapporteur pour avis sur les crédits du cinéma . - Madame la ministre, une partie de la profession a appelé, le 6 octobre dernier, lors d'un colloque à l'Institut du monde arabe (IMA), à des « Etats généraux du cinéma ». Quel accueil réservez-vous à cette demande et comment expliquez-vous la tonalité, parfois très alarmistes, d'une partie de la presse sur le cinéma, tonalité qui, je le précise, n'est pas unanimement partagée par la profession ?

Par ailleurs, le 4 octobre dernier, le Centre national du cinéma (CNC) a réuni les parties prenantes de la chronologie des médias pour un tour de table sur la dernière version, signée le 24 janvier. À cette occasion, il est apparu que plusieurs acteurs, dont Disney, contestent la chronologie des médias, en particulier concernant l'exclusivité accordée aux chaînes gratuites au bout de 22 mois. Ces chaînes se sont elles-mêmes exprimées sous forme d'une tribune, parue le 28 septembre dans le journal Le Monde , dont je citerai simplement le titre : « Nous sommes responsables de télévisions gratuites. Demandons aux pouvoirs publics de ne pas céder aux diktats des plateformes payantes ». Pensez-vous qu'il soit encore nécessaire de revenir sur cette chronologie ?

Enfin, une étude du CNC, rendue publique à l'occasion du Festival de Cannes, en mai 2022, a essayé de savoir pourquoi les Français vont moins souvent au cinéma. Deux points ont retenu mon attention. Le premier concerne le prix du billet, sachant qu'il est en réalité de 7 euros en moyenne. Le deuxième point touche au manque d'attractivité des films.

Ce deuxième sujet a été très largement débattu, de manière souvent passionnée, avec des propos définitifs, comme ceux du président de Pathé, Jérôme Seydoux, sur France Inter, le 13 octobre dernier : « Les gens ne veulent pas aller au cinéma pour se faire chier » ! On est très loin de la poésie, et je vous prie de m'en excuser. Comment vous situez-vous dans ce débat ?

Mme Sabine Drexler , rapporteur pour avis sur les crédits des patrimoines . - Les réglementations thermiques qui résultent de la loi Climat et résilience nécessitent d'identifier et de rénover les biens énergivores. Ces nouvelles règles, notamment le diagnostic de performance énergétique (DPE), s'avèrent dramatiques pour le patrimoine bâti, qu'il s'agisse de celui qui fait l'objet de protection ou du petit patrimoine de nos régions, comme nos maisons à pans de bois ou en pierres.

En effet, les modalités du DPE ne tiennent aucun compte de la valeur patrimoniale des biens. Les mêmes calculs et les mêmes préconisations s'appliquent aux bâtiments construits entre 1948 et le premier choc pétrolier - qui sont les plus énergivores - et à ceux construits auparavant, notamment les maisons anciennes, qui ont des qualités d'isolation propres, liées à leur orientation, aux matériaux utilisés pour leur construction et surtout à leur inertie, qui leur permet, globalement, d'obtenir des performances énergétiques tout à fait acceptables.

Ces normes d'isolation préconisées sans nuance sont une véritable aubaine pour les professionnels de l'isolation, qui n'hésitent pas à étouffer des architectures remarquables sous des plaques de polystyrène, sans tenir compte de leurs caractéristiques hygrothermiques.

C'est également une aubaine pour les constructeurs qui rachètent, au prix du terrain, des maisons inhabitées et dégradées qui, faute de pouvoir être louées, finiront démolies et remplacées par des constructions neuves, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Zéro artificialisation nette (ZAN). Alors que celui-ci pourrait être une opportunité pour la réhabilitation et la réaffectation du patrimoine bâti, on obtient l'effet inverse, et force est de constater que, dans la perspective de ces mesures, bon nombre de maisons ont déjà fait les frais de ce que certains qualifient de malentendu réglementaire.

Dans ce contexte, quelles sont les mesures envisagées par votre ministère pour contribuer à la préservation du bâti ancien, celui qui confère à notre pays l'identité qui est la sienne et qui contribue à l'attractivité touristique et au dynamisme économique de nos régions ? Compte tenu de l'urgence, comment allez-vous mettre fin à l'application de ces mesures et stopper cette hécatombe ?

Ma deuxième question concerne les services du patrimoine au niveau déconcentré. La meilleure manière de préserver et de sauvegarder le patrimoine, c'est de l'entretenir et de le restaurer. Or ce type de travaux nécessite une expertise dont nos collectivités, en particulier les plus petites, ne disposent pas, pas plus d'ailleurs que les propriétaires privés. L'absence d'aide à la maîtrise d'ouvrage est un handicap qui conduit certains à renoncer à leur projet et, paradoxalement, à la non-consommation des crédits affectés au patrimoine, alors même que l'urgence des travaux est avérée.

L'an dernier déjà, la Cour des comptes et le Sénat pointaient du doigt le manque de moyens humains des directions régionales de l'action culturelle (DRAC) et des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP). Les ABF, en nombre insuffisant, ne sont plus en mesure de remplir leur mission de conseil et sont, de ce fait, souvent mal perçus, notamment par les particuliers, qui ne comprennent pas toujours le sens de leurs préconisations.

Quelles sont les perspectives en termes d'effectifs des services déconcentrés de l'État ? Quels moyens envisagez-vous de mettre en oeuvre pour permettre à ces personnels de mieux remplir leur mission de conseil ?

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis sur les crédits de la création, de la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture . - Je tiens tout d'abord à me féliciter de la hausse du budget de la culture, même si des inquiétudes demeurent - et je voudrais en exprimer quelques-unes.

La première concerne les difficultés que pourraient rencontrer les évènements et manifestations culturelles pour se tenir à travers le territoire pendant la période des Jeux olympiques de Paris 2024. Je vous avoue que les propos du ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, que nous avons auditionné plus tôt dans l'après-midi, ne m'ont pas rassurée. Je voudrais que vous nous garantissiez une anticipation interministérielle afin que cette période ne se traduise pas par une saison blanche pour les festivals et qu'aucune décision ne soit prise sans concertation avec les élus et les porteurs de projets.

Je pense qu'il faut différencier Paris et l'Île-de-France du reste des territoires, où il serait dramatique que l'été reste silencieux du fait des JO, comme en 2020, en pleine crise sanitaire. Ma deuxième question a trait à l'augmentation des factures énergétiques. Les critères du bouclier énergétique vous paraissent-ils adaptés au secteur de la création ? Les intermittents du spectacle sont-ils comptabilisés dans le plafond du critère salarial de dix salariés ? La référence au niveau de consommation énergétique de 2021 ne pourrait-elle pas être adaptée, dans la mesure où elle n'apparait pas du tout adaptée aux lieux culturels, qui ont peu consommé cette année-là, ayant été maintenus fermés jusqu'au mois de mai ? Troisièmement, s'agissant du fonds d'innovation territoriale, avez-vous fixé des priorités aux DRAC ? Je pense ici au secteur rural, mais il peut y en avoir d'autres.

Pensez-vous par ailleurs contractualiser avec les collectivités territoriales afin d'éviter la baisse des subventions dans le contexte de crise actuelle ?

Enfin, concernant les arts visuels, disposez-vous d'un bilan chiffré de Mondes nouveaux ? J'ai entendu dire, lors de mes auditions, que la plupart des projets auraient été produits par les mêmes agences d'Île-de-France.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial des crédits de la culture . - Madame la ministre, la situation dans laquelle se trouvent les acteurs et les institutions de la culture, au lendemain d'une crise assez durable est très perturbante pour la conduite des activités culturelles. Beaucoup de compagnies, d'institutions ou de musées se sont trouvés précarisés et sont en grandes difficultés. Les moins soutenus par l'action publique, je veux parler des acteurs privés, doivent parfois réduire leur activité, voire l'interrompre.

L'année 2023 se place sous le triple signe de l'inflation, de la hausse du coût de l'énergie et du retour parfois très partiel du public dans les lieux d'art et de culture. La progression de 7 %, dont vous vous félicitez - il est vrai qu'on ne la trouve pas dans tous les segments de l'action publique -, est à peine supérieure à celle de l'inflation attendue. Ce n'est donc pas une perspective rassurante.

Par ailleurs, il me semble que votre parcours et votre identité font que vous vous intéressez à la question de la présence française à l'international. L'action culturelle internationale est une question déterminante, car si la France est évidemment influente par son économie et sa diplomatie, elle l'est aussi et ô combien par sa présence culturelle dans de très nombreuses régions du monde. De ce point de vue, les crédits portés par le secrétariat général de votre ministère augmentent de 0,7 million d'euros, sur un budget d'environ 7 millions d'euros. Ce n'est pas une fraction négligeable, mais cela ne va pas totalement bouleverser la donne. Quelles sont donc vos priorités en matière d'action culturelle internationale, et quelle est la philosophie de votre action dans ce domaine ?

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture . - Concernant l'audiovisuel public, je remercie M. Hugonet pour ses interventions récurrentes pour soutenir l'audiovisuel et les réformes destinées à s'adapter aux enjeux de demain.

Les COM ont été effectivement prolongés d'un an, sauf pour Arte, qui bénéficie de deux ans afin de s'aligner avec nos amis Allemands. Il s'agit d'un avenant technique pour le COM 2023. Je le dis toujours, ce sont d'abord les missions, les objectifs, les enjeux, la vision d'avenir dont on doit discuter avant de commencer à parler dans le détail de la trajectoire pour les années qui viennent. J'espère donc que les candidates et les candidats pour France Médias Monde et Radio France sont bien dans cet état d'esprit.

On le sait, dans la discussion avec l'État actionnaire, les entreprises demandent souvent des moyens supplémentaires. C'est ensuite en fonction des priorités qu'elles affichent, des réformes qu'elles souhaitent mener, des synergies qu'elles peuvent développer ensemble qu'on peut travailler avec elles sur le budget.

La répartition des dotations de cette hausse de 114 millions d'euros s'est faite en totale concertation avec les groupes de l'audiovisuel public, en partant de leur plan d'affaires. Nous avons également voulu tenir compte d'enjeux importants sur l'audiovisuel extérieur, et France Télévisions reçoit un supplément de 24 millions d'euros. On a tenu compte à chaque fois des effets fiscaux afin de les neutraliser et du glissement des dépenses en matière de masse salariale pour en prendre une grande partie. Un travail assez fin a été réalisé jusqu'à la dernière minute avec chacun. Il me semble que le résultat est assez consensuel.

Concernant la presse, je remercie le sénateur Laugier de nous rappeler cet enjeu vital pour notre démocratie. On peut se réjouir des 377 millions d'euros qui ont été distribués pendant le plan de relance afin d'accompagner la transition numérique de la presse et la transition écologique. Un fonds de résorption de la précarité pour les journalistes a également été créé. Ce plan de filière a été déterminant. On engage à présent une réforme de la distribution, bien que nous soyons percutés par la flambée du coût du papier. Les entreprises ont déjà accès au bouclier tarifaire « de droit commun », même si la flambée du coût du papier vient s'ajouter aux hausses du prix du gaz et de l'électricité. Énormément de secteurs sont impactés par l'inflation. Avec Bruno Le Maire, nous allons voir comment mieux accompagner ce secteur.

L'écocontribution est effectivement un enjeu crucial. Deux pistes sont possibles : soit monter à nouveau au créneau auprès de la Commission européenne, soit sortir la presse de ce régime de responsabilité élargie du producteur. Le ministère de la culture est en train d'avancer sur ces deux hypothèses. Nous pourrons vous en dire plus très bientôt.

Je rejoins aussi l'inquiétude du sénateur Bargeton concernant les maisons d'édition. Il n'y a pas que la presse à être impactée par le coût du papier. Les maisons d'édition sont amenées à faire des choix, à imprimer avec des polices plus petites, voire à renoncer à certains ouvrages, ce qui peut être préoccupant. Nous allons étudier les choses au cas par cas avec le Centre national du livre (CNL), qui soutient notamment les petits éditeurs.

Les grosses maisons d'édition sont, me semble-t-il, en bonne santé. Même si elles sont impactées par le coût du papier, elles ne vivent pas la même situation que la filière presse. Les années 2020 et 2021 ont été relativement exceptionnelles. L'année 2022 l'est moins, c'est vrai, depuis la guerre en Ukraine. On sent un fléchissement depuis le mois de mars, mais la rentrée littéraire a été très forte. Le prix Nobel reçu par Annie Ernaux, dont on peut être très fier, dope les ventes de Gallimard et vient aider nos libraires. C'est donc tout l'écosystème qui est ainsi soutenu.

Le plan de relance prévoit de nombreuses aides pour les librairies pour réaliser, en plus du pass Culture, comme l'opération Jeunes en librairie, entreprise en Nouvelle-Aquitaine sur le long terme, que nous avons étendue à plusieurs régions. Je n'ai pas le bilan précis sous les yeux, mais je vous le transmettrai dès que possible.

Merci d'avoir rappelé que la Cour des comptes s'est penchée avec précision sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris et a salué une gestion visiblement impeccable, les délais ayant pour l'instant été tenus par rapport aux prévisions. Je ne peux que me réjouir de ces conclusions de la Cour, et renouveler ma confiance au général Georgelin, qui mène ce chantier de main de maître.

Monsieur le sénateur Bacchi, merci de me donner l'occasion d'insister ici sur tout ce que nous mettons en oeuvre pour soutenir le secteur du cinéma, face à une baisse de fréquentation préoccupante. Il en va de même pour le spectacle vivant. Pour le cinéma, nous sommes en moyenne entre 25 % et 28 % de baisse. Un quart du public n'est pas revenu dans les salles depuis le Covid, mais la situation est quand même bien meilleure en France que dans les autres pays : - 60 % de fréquentation en Italie, - moins 40 % en Espagne, - 40 % en Allemagne pour ne citer que ces trois exemples.

Notre écosystème a mieux résisté. Les Français sont plus cinéphiles, et c'est une bonne nouvelle, même si ce n'est pas suffisant pour la vitalité de notre industrie. À court terme, nous avons décidé de soutenir une campagne de communication à hauteur d'un million d'euros. Le slogan d'une campagne d'affichage qui va débuter demain, affirme : « On a tous une bonne raison d'aller au cinéma. Et vous, quelle est la vôtre ? ». Il s'agit de faire rêver les Français et leur redonner envie de voir les films sur grand écran, ce qui est sans commune mesure avec le fait de regarder un film chez soi, sur tablette ou ordinateur.

Les raisons de cette baisse de fréquentation sont multiples. La première résulte de la perte d'habitude entraînée par le confinement et le couvre-feu, ce que j'appelle la « plateformisation » de nos vies. De nouvelles habitudes ont été prises. Le tarif moyen, en France, vous l'avez rappelé, est de 7 euros. En Allemagne, il est de 8,90 euros. Le prix n'est donc pas si élevé en France. Il existe énormément de tarifs réduits dans les salles de cinéma, mais la perception du coût persiste. Un effort reste à faire pour rappeler l'ensemble des tarifs réduits disponibles.

Par ailleurs, le changement d'habitude dû au télétravail explique peut-être aussi le fait qu'on ressorte moins facilement, notamment pour aller au cinéma. Le public est également plus exigeant - sans reprendre la formule de M. Seydoux. On demande aux oeuvres plus de qualité et d'originalité. Les films français sont d'une grande diversité, d'une grande originalité et d'une grande singularité. Novembre , Simone , L'innocent sont des films qui démarrent très bien. Nos concitoyens ont donc l'embarras du choix pour les vacances de la Toussaint.

Je préfère ce discours volontariste et optimiste - sans compter toutes les aides que nous continuons à déployer. Pendant la crise sanitaire, elles s'élevaient à 300 millions d'euros, dont 220 millions d'euros uniquement pour les salles, et nous poursuivons ces efforts.

Je me tourne vers la sénatrice Drexler s'agissant des sujets qu'elle a soulevés à propos de la conciliation nécessaire entre patrimoine, énergies renouvelables, transition écologique et isolation thermique. Il me faudrait plusieurs heures pour y travailler avec vous, mais je vois bien à quoi vous faites allusion.

Nous sommes en train de travailler par exemple sur le photovoltaïque avec le ministère de la transition énergétique, afin de rédiger une instruction ministérielle pour permettre aux ABF d'évaluer plus précisément dans quel cas installer des panneaux photovoltaïques. Des innovations portent sur les nouveaux types de panneaux qui peuvent être pris en compte.

Sur chaque sujet, qu'il s'agisse des fenêtres, des différentes formes d'isolation ou du photovoltaïque, on bénéficie d'une expertise des architectes des Bâtiments de France, l'enjeu étant de ne pas avoir d'installations trop disparates qui abîment le patrimoine. On doit pouvoir concilier les deux.

Merci à Sylvie Robert d'avoir évoqué le sujet des festivals et, plus globalement, l'inquiétude qui plane autour de l'inflation et de l'augmentation du coût de l'énergie.

Les jeux Olympiques constituent une formidable opportunité pour la France. C'est aussi l'occasion de construire un projet culturel ambitieux. Nous avons décidé, avec Amélie Oudéa-Castéra et le Comité des jeux Olympiques, de lancer les Olympiades culturelles. Elles ont déjà démarré et vont se poursuivre jusqu'à mi-2024. Le budget 2023 prévoit d'ailleurs 3 millions d'euros pour ce faire. Le Comité des jeux Olympiques prévoit lui-même, avec Dominique Hervieu comme directrice artistique, ancienne directrice de la Maison de la danse de Lyon, un programme assez ambitieux de concerts et d'événements, qui vont nécessiter des installations techniques, des forces de sécurité. S'ajoutent les festivals habituels qui font l'ADN de la France culturelle de l'été.

Il est très important de prendre en compte l'impact, en France, des Jeux sur les festivals, notamment en termes d'organisation technique. Certains m'alertent sur des pénuries de matériel et des locations déjà bloquées pour les jeux Olympiques et Paralympiques. Quelques sociétés de sécurité privées sont déjà réservées pour les jeux. Il y a là une pression sur nos festivals, et je vais tenter de trouver des solutions.

Concernant la hausse des factures énergétiques, nous disposons dans le budget 2023 d'une enveloppe de 56 millions d'euros, destinée à accompagner les cas les plus critiques, à savoir ceux dont les bâtiments sont des passoires thermiques absolues et, en priorité, les établissements nationaux, qui ne sont soutenus que par l'État. Nous maintenons néanmoins partout nos subventions, avec même des hausses au cas par cas, selon les régions, même là où on enregistre des baisses de certaines collectivités. Nous essayons de venir en aide à des structures comme la Villa Gillet, à Lyon, par exemple, dont nous avons augmenté la subvention qui a été drastiquement amputée par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Nous ne pouvons pas, toutefois, compenser partout les baisses des collectivités. C'est un vrai sujet.

Vous avez évoqué le bilan de Mondes nouveaux. Je crains qu'il existe une confusion. On dénombre trois catégories de projets, ceux qui ont lieu dans les monuments relevant du Centre des monuments nationaux, ceux qui ont lieu dans les sites naturels du Conservatoire du littoral et ceux situés dans d'autres types de lieux - un Ehpad, une cour d'école, une université, une place publique etc. Certains projets nécessitaient qu'une agence accompagne les artistes dans la production de leur projet. Certains sont très jeunes et n'ont pas la capacité à s'en charger. Ces agences de production sont basées à Paris, mais le budget de Mondes nouveaux s'adresse aux 264 projets qui ont été retenus partout en France et permet de soutenir 450 artistes.

En Bretagne, par exemple, 34 projets sont soutenus. Dans les Hauts-de-France, on en compte 21, 14 en Nouvelle-Aquitaine, 35 en Provence-Alpes-Côte d'Azur. On en trouve outremer également : 12 en Martinique, 6 à la Réunion, 6 en Guadeloupe, 4 en Guyane, etc. Il existe même un projet à Mayotte, alors qu'on avait du mal à en trouver. La répartition est assez équitable entre les disciplines artistiques.

Ce qui est intéressant, c'est la mobilisation de collectifs. 26 % des projets sont en fait pluridisciplinaires et portés par des collectifs. Beaucoup de jeunes artistes ont proposé des projets à cheval sur plusieurs disciplines : la danse et l'architecture, le design et la musique, etc., qui se répartissent de manière très équilibrée entre les arts visuels, le spectacle vivant, l'écriture, la littérature, etc.

Enfin, le sénateur Éblé, rapporteur spécial, a affirmé que la hausse du budget ne couvrait pas l'inflation. L'inflation sur laquelle nous nous sommes basés est celle estimée par la Banque de France, soit 4 2 % pour 2023. Avec un budget en hausse de 7 %, on est bien au-dessus.

L'enjeu de la langue française et de l'action française à l'international est très important pour moi. Nous le portons avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui chapeaute le réseau culturel français à l'étranger et partage avec nous la tutelle de l'Institut français, qui déploie cette action. Dans notre budget 2023, nous mettons l'accent sur plusieurs points : je tiens beaucoup au réseau des librairies francophones, qui sont absolument vitales pour continuer à diffuser le livre en langue française. J'ai ainsi débloqué une aide de 500 000 euros à quatre librairies qui allaient faire faillite au Liban, au Brésil et au Mali. Nous allons continuer notre soutien aux librairies francophones via le Centre national du livre. Le soutien à la distribution du livre se fait aussi via la Centrale de l'édition. On a ajouté un million d'euros pour l'international et pour l'outre-mer.

Le soutien à la traduction et aux projets littéraires passe notamment par un nouveau programme issu du sommet des Deux Rives, dénommé Livres des deux rives, qui relie la France et les pays du Maghreb en soutenant des projets littéraires, des éditions en langue française et des traductions.

Le projet de Villers-Cotterêts va évidemment nous mobiliser dans les prochains mois. Son ouverture au public est prévue au printemps 2023. Cette cité internationale de la langue française au coeur des Hauts-de-France, dans le département de l'Aisne, sera créée dans l'ancien château de François 1 er , dans la ville où Alexandre Dumas vit le jour. Cette terre de littérature va pouvoir accueillir des artistes, des écrivains du monde francophone et du monde entier. Des projets vont y être déployés avec des associations locales en matière d'apprentissage du français, avec l'aide d'entreprises françaises en pointe en matière de technologies de la langue et de la traduction. C'est un bien beau projet pour la langue française.

Mme Else Joseph . - Je constate que les festivals, à la suite à la crise sanitaire, ont fait preuve d'une incroyable vitalité dans le cadre de la reprise des activités culturelles. Ils figurent parmi les premiers diffuseurs de la culture dans les territoires et jouent un rôle essentiel dans l'écosystème culturel.

Le groupe d'études « art de la scène, de la rue et des festivals en régions », dont je suis membre, salue le travail amorcé avec les trois actes des états généraux des festivals pour réaffirmer le rôle de l'État et sa politique à destination des festivals. La mise en place d'un nouveau fonds festival est une bonne nouvelle, même si sa dotation de 10 millions d'euros par an, qui est annoncée jusqu'en 2024, reste insuffisante pour couvrir les besoins des 7 300 festivals cartographiés.

Quelle est la prochaine étape concernant l'évolution de cette politique publique ? De nouvelles priorités devraient-elles être définies à court et moyen termes ? L'État entend-il débloquer de nouveaux moyens budgétaires pour accompagner les festivals ?

Par ailleurs, s'agissant des crédits du plan de relance consacré au patrimoine, si le rapport que nous avions rédigé avec Olivier Paccaud avait donné acte au Gouvernement des efforts majoritairement tournés vers le patrimoine national, la France dispose néanmoins d'un autre patrimoine qui appartient à des acteurs qui consacrent de nombreux moyens à son entretien. Qu'est-il prévu pour les monuments n'appartenant pas à l'État, qu'il s'agisse de monuments relevant de propriétaires privés ou de collectivités locales ?

M. Pierre Ouzoulias . - Madame la ministre, plusieurs des questions que je souhaitais poser ont déjà été évoquées, notamment par Sabine Drexler, au sujet du rôle des DRAC dans l'accompagnement des collectivités. Le président Lafon a cité le rapport d'Anne Ventalon et de votre serviteur sur les édifices religieux, qui met en lumière un certain nombre de phénomènes et, surtout, le fait que les maires ne savent comment mobiliser les services de l'État et les financements nécessaires pour rénover leur patrimoine.

Ceci pose la question plus générale de l'action décentralisée de l'État. Avec Anne Ventalon, nous nous sommes aperçus qu'on trouve aujourd'hui autant de politiques d'inventaire que de régions, les compétences étant décentralisées. Toutefois, la somme de ces politiques régionales ne fait pas une politique nationale. Certains domaines, comme celui des synagogues alsaciennes, par exemple, que nous avons signalé dans notre rapport, mériteraient toute l'attention de l'État, faute de quoi ce patrimoine va disparaître. Il témoigne pourtant de ce qu'a été le judaïsme dans le Haut-Rhin, qui est constitutif de notre identité. C'est important de le répéter : si on ne fait rien, ces synagogues vont être vendues et transformées, et il n'existera plus aucune trace de cette culture en Alsace, notamment dans le Haut-Rhin. Il est donc nécessaire que le ministère de la culture définisse de grands axes.

S'agissant de l'archéologie, je ne peux presque rien ajouter, puisque c'est la première fois qu'elle est autant citée dans un discours ministériel. Toutefois, pour ce qui est de l'INRAP, l'effet ciseaux peut être redoutable. L'INRAP subit, comme tous les opérateurs, la hausse des prix de l'énergie et l'inflation, mais le plan de relance a par ailleurs amené une demande beaucoup plus forte de diagnostics, que l'INRAP ne peut réaliser avec ses moyens. L'Institut souhaiterait donc, de façon temporaire, notamment concernant ces demandes de diagnostics supplémentaires, pouvoir dépasser son plafond d'emplois, le risque étant qu'on se retrouve de nouveau face à un conflit entre les collectivités et l'Institut. Ce dernier, faute de moyens financiers, ne pourra en effet réaliser les diagnostics et les fouilles.

Vous avez cité Federico García Lorca. « Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue » a dit Aragon. J'en viens à l'Europe de la culture et à Giorgia Meloni. La filiation est malheureusement directe. Le parti Fratelli d'Italia a dit de façon très claire qu'il fallait une culture d'État, que la culture devait se mettre au service du récit national et qu'on pourrait remplacer des fonctionnaires qui ne respecteraient pas cette règle. Ce qui pourrait s'apparenter à un art officiel ou au réalisme soviétique est en train de se mettre en place en Europe. C'est une forme de totalitarisme culturel insupportable.

Vous me permettrez de citer Antonio Gramsci pour finir. Mme Meloni se réclame de Mussolini. Gramsci a payé de sa vie son indépendance d'esprit. Je le cite : « Se connaître soi-même signifie être maître de soi, se différencier, se dégager du chaos, être un élément d'ordre, mais un élément de son ordre propre et de sa propre discipline à l'égard d'un idéal. Et tout ceci ne peut s'obtenir sans connaître aussi les autres, leur histoire, la succession des efforts qu'ils ont faits pour être ce qu'ils sont, pour créer la civilisation qu'ils ont créée. »

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je tiens à vous féliciter car vous êtes l'un des rares ministres de la culture qui parle enfin, lors d'une audition budgétaire, de l'action extérieure de l'État et, en tout cas, de la politique culturelle à l'étranger.

Je trouve cela très important. Notre commission vote ces crédits, tout comme la commission des affaires étrangères, mais rares ont été les occasions de dialoguer en direct avec le ou la ministre de la culture sur cette politique, également liée à notre politique nationale. Les ensembles que nous accompagnons, à travers les compagnies ou l'Institut français, oeuvrent aussi sur le territoire national, et il y a forcément des connexions et des stratégies à développer. Les propos que vous avez tenus m'ont donc intéressée.

Ma question porte sur les enseignements artistiques. Je vous ai entendu à deux reprises parler devant notre commission de l'éducation artistique et culturelle. Je ne vous ai toutefois pas entendue au sujet de l'enseignement artistique. Quelle différence faites-vous entre les deux terminologies, et quelle réalité recouvrent-elles en termes de politique publique ?

Si j'évoque cette question, c'est pour vous alerter une nouvelle fois sur le devenir de nos écoles d'art et de nos conservatoires, préoccupation que partagent plusieurs collègues de cette commission. Il ne saurait y avoir d'éducation artistique sans enseignement artistique si l'on veut doter nombre de nos jeunes concitoyennes et concitoyens d'une formation technique. Ce sont en effet les enseignements artistiques qui permettront, par la suite, le déploiement de l'éducation artistique et culturelle et fournissent à la fois nos troupes, nos orchestres, nos scènes, nos salles, lieux de vie que nos jeunes concitoyennes et concitoyens sont amenés à fréquenter.

Ces établissements sont en très grande souffrance depuis pratiquement vingt ans. Rares sont les ministres de la culture qui se sont préoccupés de leur sort, je le dis comme je le pense - et je ne suis pas la seule ici. On a vu disparaître complètement les budgets dédiés aux conservatoires, puis être rétablis quelques années après, mais de façon incomplète. Ces établissements, pour lesquels agissent les collectivités - principalement les communes et les intercommunalités - se voient bloqués parce que les lois de décentralisation ne sont pas accompagnées par le ministère.

Si on doit reparler de décentralisation - j'ai entendu que Mme Borne était très allante sur ce sujet -, il va bien falloir reparler de la décentralisation des enseignements artistiques, et que le ministère de la culture soit partie prenante avec les collectivités territoriales.

Des directrices et des directeurs démissionnent ou abandonnent le métier. Ces établissements sont souvent considérés comme des établissements élitistes : on confond excellence et élitisme ! Ils ont su évoluer pour se doter de missions complémentaires et s'ouvrir sur la cité. Ce sont des pôles de ressources pour des territoires de référence. Ils méritent donc vraiment d'être accompagnés et de connaître une évolution si l'on veut assurer leur devenir.

Jette-t-on un regard sur ces établissements dans cette loi de finances, qui en ont bien besoin et qui comptent certainement sur vous, madame la ministre, alors que vous venez de prendre vos fonctions ?

M. Laurent Lafon , président . - Je souhaiterais vous poser deux questions en lieu et place de Sonia de La Provôté.

La première question concerne les écoles nationales d'architecture. Outre le contexte qui accroît la contrainte budgétaire des établissements, les politiques publiques en matière de développement durable, dont le défi thermique, ont un impact croissant sur le métier d'architecte. Ce métier est d'ailleurs vital dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Avez-vous prévu un plan de développement de l'enseignement supérieur et de la recherche en architecture ? L'échange au niveau interministériel entre les ministères chargés de l'écologie, du logement, des territoires et le vôtre fonctionne-t-il suffisamment pour co-construire ce plan ?

Par ailleurs, le déséquilibre dans la répartition des crédits consacrés au patrimoine entre Paris et l'Île-de-France et les autres villes et régions s'accentue cette année - je cite Sonia de La Provôté. Même si l'effet de levier des crédits de l'État en régions est sans commune mesure, dès lors que les collectivités participent également au financement, est-il légitime que l'approche et l'accompagnement du ministère soient si déséquilibrés ?

M. David Assouline . - Il est rare que j'aie à le faire - même si je vais ensuite pondérer mon propos -, mais je voudrais saluer, dans un contexte difficile, l'augmentation de 7 % que vous annoncez. On voit que vous savez négocier les budgets. Vous avez occupé des fonctions où vous arbitriez plutôt la baisse. Vous êtes maintenant obligée de monter au front pour obtenir plus, et vous savez le faire.

J'ai dû, sous un Gouvernement que je soutenais pourtant, m'insurger à propos du fait qu'on puisse baisser les crédits de ce secteur. Je suis donc plutôt satisfait, mais je veux vous mettre en garde à propos de la façon dont vous présentez les choses, car cela peut nous faire baisser la garde. Avec une inflation à 4,2 %, l'augmentation de 7 % revient à un peu plus de 2 %. En effet, l'inflation sera peut-être plus importante que prévu, et la hausse du coût de l'énergie va s'additionner. Or les factures sont énormes dans certains secteurs qui consomment beaucoup d'énergie. Au moins n'y aura-t-il pas de baisse.

En second lieu, on trouve malheureusement des secteurs qui augmentent et d'autres qui stagnent, sans qu'on comprenne pourquoi. Je suis d'accord avec le rapporteur des crédits de l'audiovisuel public - c'est rare ! -, qui a raison de dire que France Télévisions, qui a subi pendant plusieurs années des baisses budgétaires, stagne aujourd'hui, l'augmentation de 1 % se situant en dessous de l'inflation. Il s'agit d'une baisse dans les faits. Je passe sur les coûts de l'énergie supportés par France Télévisions, qui consomme beaucoup d'électricité pour réaliser ses programmes. Dans tous les secteurs, la ventilation est inégale.

Par ailleurs, si vous avez tenu parole sur le fait que la redevance est compensée à l'euro près - et même plus -, vous ne nous avez toujours pas rassurés sur la pérennité de ce financement.

Enfin, la commission d'enquête sur la concentration des médias en France, dont j'étais rapporteur, que M. Lafon présidait, a de manière consensuelle établi que la ventilation des aides à la presse ne convenait pas. Vous nous parlez de volumes, mais nous attendons une réforme pour faire en sorte que ceux qui ont les moyens et qui touchent le plus touchent moins, et que tous les petits et les nouveaux médias puissent recevoir l'aide qu'ils n'ont pas aujourd'hui. On aimerait donc une refonte plus juste, indépendamment du montant global, car c'est ce qui est aujourd'hui attendu.

M. Bernard Fialaire . - Je voudrais saluer à la fois l'augmentation du budget et les grandes priorités que vous avez fixées à votre ministère, mais j'aimerais néanmoins obtenir quelques éclaircissements sur deux points.

Je salue le fait que vous vouliez attirer de nouveaux publics dans les lieux culturels, et en particulier les jeunes. On sait toutefois que les jeunes ont une utilisation excessive des écrans - les réseaux sociaux, majoritairement TikTok, mais aussi les jeux vidéo -, qu'on nous présente comme une activité culturelle, mais qui ne peut être la seule et qui entraîne une addiction et une sédentarité grandissantes qui ont de vrais retentissements sur la santé physique et psychique des enfants.

Que souhaitez-vous faire concrètement pour que les jeunes puissent bouger un peu plus, aillent assister à des spectacles vivants, reviennent à la lecture et visitent des lieux de culture ? Vous avez évoqué des Olympiades de la culture. Comment comptez-vous associer les ministères des sports et de l'éducation pour sortir les jeunes de ces addictions ?

En second lieu, vous avez dit vouloir garantir la fiabilité de l'information. Selon un sondage du Cevipof, seuls 29 % des sondés déclarent avoir confiance dans les médias. Quelle piste envisagez-vous pour garantir que l'information dispensée par nos médias soit vérifiée, fiable et redonne confiance à nos concitoyens ? C'est un enjeu important de la démocratie et de la société dans laquelle nous vivons. Pensez-vous que des réflexions sur une déontologie des médias mais aussi des journalistes puissent être envisagées ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Madame la ministre, la stagnation des crédits en faveur des musées territoriaux se poursuit cette année. Elle s'inscrit dans un contexte de forte inflation qui interroge alors que, dans le même temps, les crédits destinés aux musées nationaux sont en hausse de 5 %. Merci de veiller à irriguer la culture dans nos territoires, au-delà des grands musées nationaux.

Le budget évoque une reprise de la fréquentation des institutions patrimoniales cette année, après deux ans de crise sanitaire. Cette reprise est-elle homogène sur l'ensemble du territoire français ?

Par ailleurs, on constate une stagnation des crédits prévus pour les études et travaux des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui sont reconduits à 8,9 millions d'euros depuis 2018. Pourquoi cette enveloppe n'a-t-elle pas évolué ?

L'année 2022 a connu une hausse budgétaire au profit des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et du réseau Villes et d'art et d'histoire, qui sont maintenus à 6,5 millions d'euros, comme en 2022, ce qui constitue une baisse réelle compte tenu de l'inflation. Nous sommes pourtant nombreux à être très attachés au rôle des CAUE, dont nous souhaiterions une présence dans tous les départements. Ils apportent une aide précieuse aux maires des petites communes, qui font régulièrement appel à eux pour leurs projets patrimoniaux.

Par ailleurs, lors d'une audition préparatoire à l'examen du projet de loi de finances, le président de l'association des DRAC de France nous a alertés sur le manque d'attractivité des professions en leur sein, qui conduit à laisser des postes vacants, notamment dans les territoires, entraînant en conséquence une surcharge de travail pour les personnels en place. Cette dynamique risque encore de s'aggraver au vu d'une démographie actuellement plutôt âgée. On nous a parlé de douze postes ouverts, dont seulement quatre sortis de Chaillot. Quelles sont les pistes envisagées par le ministère pour répondre à ce déficit d'attractivité ?

Enfin, depuis que la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments a été rendue aux propriétaires, il est prévu par le code du patrimoine que les DRAC puissent apporter une assistance à maîtrise d'ouvrage à titre onéreux ou gratuit. Or le récent rapport de la Cour des comptes, intitulé « La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental » établit que cette disposition a eu très peu d'effets. Seules trois DRAC - Bretagne, Hauts-de-France et Pays de Loire - ont mis en place une offre qui demeure marginale. Ce rapport souligne les limites d'initiatives portées par d'autres acteurs, à l'instar des départements. Au regard de ce tableau, une évolution du cadre et des effectifs associés aux DRAC est-elle envisagée ?

Mme Monique de Marco . - Madame la ministre, les salles de concerts, comme de nombreuses entreprises, sont frappées de plein fouet par la crise énergétique et la hausse des factures. Le syndicat des musiques actuelles a lancé une enquête auprès de ses adhérents sur le sujet. Les premiers résultats indiquent que les salles font face, par rapport à 2021, à une hausse de plus de 100 % de leurs factures énergétiques et de 87 % de leurs factures de gaz.

Le problème vient du fait que ces entreprises sont en dehors des dispositifs d'aide. Pour rappel, il en existe aujourd'hui deux. Le premier réside dans le bouclier tarifaire, qui limite à 15 % d'augmentation les factures des entreprises de moins dix salariés faisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Or les seuils, quand on compte les salariés à temps complet et les intérimaires, sont souvent inférieurs à dix salariés.

Le deuxième problème vient de l'aide spécifique pour les entreprises qui consomment plus de 3 % de leur chiffre d'affaires. On sait que le Gouvernement compte revoir ces dispositifs pour inclure plus d'entreprises, mais j'attire votre attention sur cette question, afin que les salles de concert ne soient pas oubliées.

Par ailleurs, vous annoncez un plan d'investissement d'un milliard d'euros pour les industries culturelles et créatives, notamment les technologies du métavers. Il me semble que se pose une question d'intérêt public, et qu'il faut distinguer les expériences culturelles - réalité virtuelle, réalité augmentée - des opérations spéculatives, telles que l'arrivée des systèmes NFT et des cryptomonnaies sur le marché de l'art. Le plan d'investissement d'un milliard d'euros permettra-t-il de soutenir aussi le développement de ces NFT ?

M. Max Brisson . - Vous avez annoncé que le budget de la culture était en augmentation forte, et nous nous en sommes tous réjouis. Cette hausse, comme vous nous l'avez indiqué, concerne particulièrement le patrimoine culturel de l'État, qui compte plusieurs grands projets. Vous avez largement parlé du château de Villers-Cotterêts, au sujet duquel notre commission, vous le savez, a eu l'occasion d'émettre un certain nombre de réserves à propos du projet muséal, dont nous avons souligné le côté hors-sol quelque peu surprenant à l'heure de la sobriété. Qu'en est-il de la trajectoire financière du chantier, de ses éventuels dépassements et de l'état de son exécution ? Ne pensez-vous pas que ce projet est facteur de déséquilibre face au soutien que nécessiterait notre réseau de centres culturels et d'instituts à travers le monde, qui crient souvent misère ?

Par ailleurs, notre commission est très attentive à la circulation des biens culturels et à la préservation de l'intégrité des collections nationales. Avec Catherine Morin-Desailly et Pierre Ouzoulias, nous avons proposé à votre prédécesseur un cadre permettant de fonder cette politique, qui a souvent pris des tournures déplaisantes. Le Président de la République a annoncé lui-même une loi-cadre depuis le musée du Quai Branly - Jacques Chirac, lors du départ du trésor d'Abomey vers le Bénin : où en sommes-nous de ce projet de loi annoncé par le Président de la République ?

Mme Béatrice Gosselin . - Depuis son origine, le dispositif Malraux vise à contribuer à la conservation du petit patrimoine historique dans les quartiers anciens et dégradés des villes. C'est un outil très précieux dans le cadre des politiques de revitalisation des centres-bourgs et centres-villes, d'autant qu'il peut permettre à votre ministère de vous assurer que la préservation du patrimoine soit prise en compte lors de ces opérations de revitalisation.

L'Inspection générale des finances (IGF), ainsi que l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) avaient rendu en décembre 2018 un rapport préconisant l'adaptation du dispositif Malraux pour une contribution plus efficace à la restauration des centres-bourgs et des centres-villes. De nombreuses associations de sauvegarde du patrimoine ont fait des propositions, comme l'augmentation du crédit d'impôt pour les bâtiments dans lesquels les loyers ne peuvent être très élevés, ou encore une extension pour les propriétaires occupants. Des discussions ont-elles été engagées au niveau interministériel pour faire évoluer ce dispositif ? Enfin, quelle est la position du ministère de la culture à ce sujet ?

M. Lucien Stanzione . - Je souhaiterais que vous puissiez revenir sur la question de la hausse des coûts de l'énergie et des fluides. Qu'allez-vous entreprendre par rapport à la vague qui arrive ?

En second lieu, sans anticiper le travail que va faire notre collègue Bargeton sur le CNM, comment pensez-vous faire en sorte que les majors cotisent ce qu'elles devraient cotiser, ce qui n'est pas le cas en ce moment, semble-t-il ?

Concernant la sortie de la crise sanitaire, un nombre important de petits et moyens festivals sont en train de fermer parce qu'ils n'atteignent pas des niveaux de fréquentation suffisants pour couvrir la hausse de leurs dépenses. Avez-vous un plan dans ce cadre ?

Par ailleurs, certains opérateurs de spectacle se produisent dans des locaux mis à leur disposition par les collectivités territoriales. Or l'effet de l'augmentation du prix de l'énergie et des fluides va se répercuter sur les collectivités. Quelle est la position du ministère ? Y aura-t-il une aide au niveau des opérateurs de spectacles ou des collectivités pour éviter les fermetures de salles ? Face à l'évolution salutaire des salaires et de la masse salariale et au surcoût des prix de l'énergie et des fluides, comment souhaitez-vous venir en aide au secteur ?

Enfin, du fait des jeux Olympiques de 2024, une grande quantité de techniciens, d'éclairagistes, de manutentionnaires et de personnels de sécurité sont d'ores et déjà mobilisés partout en France. Quels dispositifs allez-vous pouvoir mettre au point pour l'ensemble des festivals, en particulier les plus gros ? En tant que régional de l'étape, je plaiderai bien sûr pour celui d'Avignon !

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture . - Mon premier bloc de réponses portera sur le patrimoine. Je sens une certaine confusion par rapport à vote perception centralisée de notre politique du patrimoine, alors que tel n'est pas le cas. Le montant des budgets alloués à la protection des monuments historiques concerne l'Île-de-France à seulement 9 %, contre 91 % partout ailleurs. Le plan relatif aux cathédrales consacre ainsi 4 % à l'Île-de-France et 96 % aux autres régions. Notre politique du patrimoine est donc totalement territoriale.

Je rappelle l'existence du fonds incitatif pour le patrimoine que nous avons créé avec les régions, qui permet de soutenir davantage, avec les collectivités, le patrimoine de proximité - sans compter le loto du patrimoine qui permet aussi d'aider les sites non protégés.

C'est depuis la loi de 2004 qu'existe la séparation entre la responsabilité de l'État sur le patrimoine protégé, inscrit, classé, et le patrimoine qui ne l'est pas. Ainsi, la majorité des églises relèvent des collectivités. C'est un partage qui a été fait dans la loi. On peut évidemment y déroger au cas par cas, ou via le loto du patrimoine, soutenir le patrimoine des communes et des propriétaires privés, mais refonder complètement la répartition entre l'État et les collectivités constituerait un énorme chantier, la France comptant 40 000 à 50 000 monuments historiques.

Je n'ai pas été très précise dans mes réponses concernant les effectifs, mais le budget 2023 offre un certain nombre de réponses. Les effectifs déconcentrés dans le domaine du patrimoine représentent 2 400 équivalents temps plein (ETP). C'est un énorme moteur pour les agents du ministère. Un effort est fait pour réduire les vacances de postes, avec plusieurs concours pour les services des DRAC. 101 postes de nouveaux agents, techniciens et ingénieurs vont pouvoir être ventilés entre les UDAP, en soutien aux architectes des Bâtiments de France, et auprès des conservateurs régionaux des monuments historiques (CRMH). Tout cela va permettre de soutenir l'activité de maîtrise d'ouvrage et d'assistance aux propriétaires.

Concernant le patrimoine religieux, je ne pourrai jamais être aussi éloquente que le rapport d'Anne Ventalon et de Pierre Ouzoulias. Une grande partie des restaurations des monuments historiques que nous soutenons est dédiée au patrimoine religieux. Cela représente environ 100 millions d'euros par an sur le budget des DRAC, soit 82 % des projets des années passées. 576 projets ont été menés à bien entre 2018 et 2021. Environ un quart des projets liés au loto du patrimoine concernent le patrimoine religieux.

Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de préserver les synagogues. Le loto du patrimoine permet régulièrement de soutenir toute la diversité du patrimoine religieux. Je pense ici à la synagogue de Verdun. Les synagogues d'Alsace constituent un sujet assez spécifique sur lequel nous devons nous pencher de manière prioritaire, vous avez raison. Nous sommes en train de recruter un nouveau ou une nouvelle responsable pour la DRAC Grand Est. Dès que cette personne sera arrivée, nous devrions entamer une campagne de protection spécifique pour protéger les synagogues les plus emblématiques. Nous vous associerons bien sûr à ces travaux.

Vous avez par ailleurs mentionné le dispositif Malraux. Il s'agit d'une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des dépenses effectuées en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti, pour lequel une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux a été déposée. Le taux de réduction d'impôt est compris entre 22 % et 30 %, sous certaines conditions. Le PLF 2023 ne comporte pas de modifications de ce dispositif. Nous cherchons simplement à le rendre plus efficient pour notre patrimoine - et plus lisible.

Quant à Villers-Cotterêts, je suis un peu surprise, monsieur le sénateur Brisson. On ne peut, d'une part, nous demander de mieux soutenir le patrimoine abandonné ou en déshérence dans les collectivités hors Île-de-France et, d'autre part, nous reprocher de sauver ce château magnifique de François 1 er , qui était dans un état désastreux et abandonné depuis des dizaines d'années.

M. Max Brisson . - Je n'ai pas dit cela !

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture . - Vous avez émis des réserves et avez trouvé surprenant que nous nous occupions de ce chantier à l'heure de la sobriété...

M. Max Brisson . - Je parlais du projet muséal. Ne me faites pas de procès d'intention !

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture . - Tant mieux ! Quoi qu'il en soit, le projet muséal avance bien. Quatre commissaires de grand talent travaillent sur le parcours permanent de visite, Barbara Cassin, académicienne, Xavier North, qui dirigeait le département de la langue française au ministère de la culture, Zeev Gourarier, qui dirigeait les collections du Mucem et Hassane Kouyaté, qui dirige le festival des Francophonies de Limoges. C'est ce quatuor qui pense le parcours de la partie muséale, mais le château de Villers-Cotterêts ne constitue pas un musée. Ce sera une cité, un lieu de résidence avec une douzaine de studios, un auditorium qui accueillera des concerts, des films. Ce sera un lieu vivant pour toutes les disciplines, où les activités associatives et éducatives vont pouvoir se déployer.

C'est en tout cas un projet qui n'a rien de hors-sol, qui est construit avec un grand réseau de partenaires de la francophonie, d'associations locales et d'établissements scolaires. À chaque journée du patrimoine, j'ai l'occasion de voir à quel point cela suscite l'engouement au niveau local. Une maison du chantier permet de faire vivre celui-ci auprès de la population. Un camion des langues de France s'est également déplacé dans les Hauts-de-France. Je serai ravie d'inviter la commission à visiter le chantier avant l'ouverture, si cela vous intéresse. Je pense qu'il est nécessaire de voir sur place. Je suis sûre que vous serez convaincus !

Concernant l'éducation artistique, l'enseignement artistique et tous les enjeux que nous partageons pour la jeunesse, vos interventions montrent à quel point vous avez raison et combien il est important que les jeunes pratiquent l'art et la culture. Il ne s'agit pas de faire d'eux des « consommateurs », entre guillemets, qui vont acheter des billets pour assister à des spectacles ou visiter des musées, mais les amener à être des protagonistes, des acteurs de la vie culturelle et leur permettre de s'essayer à la musique, à l'art, à la danse, au théâtre, voire d'en faire leur métier s'ils le souhaitent plus tard.

C'est ce que permet aujourd'hui de plus en plus le pass Culture, qu'on a voulu transformer afin de permettre aux jeunes d'acheter des instruments de musique ou de prendre des cours. Cette dimension sera très importante dans le pass collectif au collège et au lycée, afin que les enseignants puissent non seulement réaliser des sorties scolaires, invitent des auteurs, des musiciens, et permettent la pratique en classe de manière plus libre que dans certains cours de musique ou d'arts plastiques.

Quant aux établissements d'enseignement, il en existe de deux sortes, les conservatoires à rayonnement régional financés par l'État et tous ceux qui relèvent des collectivités. Vous le savez, madame Morin-Desailly, on compte 1 500 structures d'enseignement artistique spécialisé au total. C'est un réseau gigantesque. C'est une très bonne nouvelle pour notre pays, mais la répartition est assez subtile. J'ai moi-même travaillé en collectivité auprès de Bertrand Delanoë, qui était très attaché à l'enjeu du développement des conservatoires. Je connais donc bien le sujet. L'État ne peut totalement se substituer aux collectivités pour ce qui est des conservatoires municipaux de musique.

Reste la prise en compte du développement des autres établissements classés par l'État, qui sont environ 382. J'ai insisté, lors de la présentation du budget, sur les établissements supérieurs d'enseignement artistique, pour lesquels l'aide aux étudiants les plus en difficulté est prioritaire, afin de soutenir plus particulièrement les écoles d'architecture, où l'enjeu est particulier. Merci de les avoir présentés comme les laboratoires de la transition écologique du futur. Ces 20 000 étudiants, qui vont en effet être les bâtisseurs de demain, auront forcément une autre manière de construire, plus écoresponsable,

J'insiste sur la lecture : certaines actions coûtent de l'argent, comme le fait de soutenir une manifestation littéraire, des résidences d'auteurs dans les écoles que le Centre national du livre va déployer dans la continuité du programme consacrant la lecture comme grande cause nationale. D'autres actions ne coûtent pas très cher budgétairement, mais demandent beaucoup de mobilisation, d'énergie et de coordination, comme le quart d'heure de lecture, auquel je tiens beaucoup. J'en reparle régulièrement avec mon collègue Pap Ndiaye.

Dans les régions et les départements où cette action est mise en place, comme en Bretagne, les choses se passent très bien. Quand les élèves s'arrêtent 15 minutes pour lire pour le plaisir, que ce soit un livre, un magazine, une BD, cela fait une énorme différence au bout de quelques mois en termes de concentration, d'amélioration du vocabulaire, de relations entre élèves. Cet impact n'a pas de prix. Si on arrive un jour à faire en sorte que toute la France, tous les jours, s'arrête 15 minutes pour lire, on aura gagné ! On peut rêver, mais cela me semble atteignable. On peut également fournir plus de livres si ceux-ci manquent. On développe également la lecture à voix haute.

Concernant les aides à la presse, je vous rejoins, monsieur Assouline. Je pense qu'on a devant nous un gros chantier de réformes. Nous nous y attelons. J'attends avec impatience les états généraux du droit à l'information pour entendre toutes les recommandations et préconisations qui sortiront à ce moment-là. J'ai commencé à me plonger dans le détail des aides à la presse et aux radios. Je pense qu'il s'agit là d'une modernisation, d'un ajustement et d'une réforme de fond. Je suis d'accord avec votre diagnostic.

Les états généraux débuteront début décembre et dureront jusqu'au mois d'avril-mai. Nous pourrons vous en dire plus bientôt.

Concernant le Centre national de la musique, nous attendons le démarrage de la mission du sénateur Bargeton, qui va permettre de faire le point sur tous les enjeux de financement de la filière musicale et sur les positions des uns et des autres. Tous les acteurs de la filière ne sont pas d'accord.

Enfin, s'agissant du métavers, des NFT et des mondes numériques, avec leurs opportunités et leurs menaces, je vous invite à lire le rapport de trois experts, Camille François, Adrien Basdevant et Rémi Ronfard, qui ont tenté de définir et d'embrasser tous les enjeux liés au monde « métaversique ». Ce sera une excellente base pour nos discussions lors de nos prochains échanges.

Merci pour votre engagement en faveur de la culture !

M. Laurent Lafon , président . - Madame la ministre, vous avez terminé votre propos liminaire par des vers de García Lorca. Je conclurai cette réunion par une citation de Nietzsche : « Je connais ma destinée : un jour s'attachera à mon nom quelque chose de formidable. » Je ne sais si nous utiliserons ce qualificatif à l'issue du débat sur le PLF, mais je ne doute pas que, si vous reprenez à votre compte les amendements du Sénat, on s'en rapprochera !


* 1 Le ministère de la culture prend en charge les frais de fonctionnement et d'investissement de la SAS, ainsi que le financement de la part individuelle. Le ministère de l'éducation nationale finance, via la mission « Enseignement scolaire », à hauteur de 51 millions d'euros, la part collective qui sera étendue à compter de 2023 aux élèves de 6 e et de 5 e .

* 2 Dans leur rapport d'information n° 126 (2021-2022) consacré au plan de relance dans le domaine de la création, Sonia de La Provôté et Sylvie Robert avaient recommandé, au nom de la commission de la culture, la mise en place d'un fonds « 10 % territoires » pour favoriser la co-construction des politiques culturelles entre l'État et les collectivités territoriales. Elles proposaient que soient réservés chaque année 10 % des crédits d'intervention déconcentrés à des projets choisis avec les collectivités, sous réserve que ces dernières s'engagent à maintenir le niveau global de leurs subventions à la création.

* 3 Les crédits varient en fonction de l'âge : d'un montant de 20 euros à 15 ans, ils passent à 30 euros à 16 ans puis de nouveau à 17 ans. Les jeunes ont la possibilité de les cumuler sur les trois années.

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