Avis n° 120 (2022-2023) de M. Claude KERN , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022
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AVANT-PROPOS
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I. I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À
L'ÉTRANGER : UN RÉSEAU EN « CONVALESCENCE
ACTIVE », CONFRONTÉ AU DÉCLENCHEMENT DE NOUVELLES
CRISES ET AUX DÉFIS D'UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT TROP AMBITIEUX
DANS LE CALENDRIER IMPARTI
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A. APRÈS LE CHOC DE LA CRISE SANITAIRE, UNE
PÉRIODE DE TRANSITION POUR LE RÉSEAU
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B. UN CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE TROUBLÉ QUI AFFECTE DE NOUVEAU LES
ÉTABLISSEMENTS ET LES FAMILLES
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C. UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU
DONT L'AMBITION SE HEURTE AUX CRISES SUCCESSIVES ET DONT LA RÉUSSITE EST
CONDITIONNÉE À LA RÉSOLUTION DE PLUSIEURS ENJEUX
STRUCTURELS
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D. EN 2023, UNE LÉGÈRE AUGMENTATION
DE LA SUBVENTION À L'AEFE, FLÉCHÉE SUR DE NOUVELLES
DÉPENSES
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E. UN AJOUT INOPPORTUN À L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
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A. APRÈS LE CHOC DE LA CRISE SANITAIRE, UNE
PÉRIODE DE TRANSITION POUR LE RÉSEAU
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II. UN RÉSEAU CULTUREL ET DE
COOPÉRATION TRÈS SENSIBLE AUX ALÉAS GÉOPOLITIQUES
ET ÉCONOMIQUES, QUI NÉCESSITE UN SUIVI FIN POUR ÉVITER LA
MISE EN PÉRIL D'ÉTABLISSEMENTS
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A. UN RÉSEAU RÉSILIENT, INCITÉ
PAR L'ÉTAT À ACCÉLÉRER SA TRANSFORMATION
NUMÉRIQUE
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B. UN RÉTABLISSEMENT FINANCIER PROGRESSIF,
MAIS DE NOUVEAU MENACÉ PAR LE CONTEXTE INFLATIONNISTE MONDIAL
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C. UN RÉSEAU EN PREMIÈRE LIGNE DES
CRISES GÉOPOLITIQUES, MAIS QUI FAIT PREUVE D'UNE GRANDE CAPACITÉ
D'ADAPTATION
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D. L'INSTITUT FRANÇAIS DE PARIS : UN
OPÉRATEUR EN PLEINE ÉVOLUTION
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A. UN RÉSEAU RÉSILIENT, INCITÉ
PAR L'ÉTAT À ACCÉLÉRER SA TRANSFORMATION
NUMÉRIQUE
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I. I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À
L'ÉTRANGER : UN RÉSEAU EN « CONVALESCENCE
ACTIVE », CONFRONTÉ AU DÉCLENCHEMENT DE NOUVELLES
CRISES ET AUX DÉFIS D'UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT TROP AMBITIEUX
DANS LE CALENDRIER IMPARTI
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
SOMMAIRE
I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : UN RÉSEAU EN « CONVALESCENCE ACTIVE », CONFRONTÉ AU DÉCLENCHEMENT DE NOUVELLES CRISES ET AUX DÉFIS D'UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT TROP AMBITIEUX DANS LE CALENDRIER IMPARTI 7
A. APRÈS LE CHOC DE LA CRISE SANITAIRE, UNE PÉRIODE DE TRANSITION POUR LE RÉSEAU 7
B. UN CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET ÉCONOMIQUE TROUBLÉ QUI AFFECTE DE NOUVEAU LES ÉTABLISSEMENTS ET LES FAMILLES 8
C. UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU DONT L'AMBITION SE HEURTE AUX CRISES SUCCESSIVES ET DONT LA RÉUSSITE EST CONDITIONNÉE À LA RÉSOLUTION DE PLUSIEURS ENJEUX STRUCTURELS 9
D. EN 2023, UNE LÉGÈRE AUGMENTATION DE LA SUBVENTION À L'AEFE, FLÉCHÉE SUR DE NOUVELLES DÉPENSES 13
E. UN AJOUT INOPPORTUN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE 13
II. UN RÉSEAU CULTUREL ET DE COOPÉRATION TRÈS SENSIBLE AUX ALÉAS GÉOPOLITIQUES ET ÉCONOMIQUES, QUI NÉCESSITE UN SUIVI FIN POUR ÉVITER LA MISE EN PÉRIL D'ÉTABLISSEMENTS 14
A. UN RÉSEAU RÉSILIENT, INCITÉ PAR L'ÉTAT À ACCÉLÉRER SA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE 14
B. UN RÉTABLISSEMENT FINANCIER PROGRESSIF, MAIS DE NOUVEAU MENACÉ PAR LE CONTEXTE INFLATIONNISTE MONDIAL 15
C. UN RÉSEAU EN PREMIÈRE LIGNE DES
CRISES GÉOPOLITIQUES,
MAIS QUI FAIT PREUVE D'UNE GRANDE
CAPACITÉ D'ADAPTATION
16
D. L'INSTITUT FRANÇAIS DE PARIS : UN OPÉRATEUR EN PLEINE ÉVOLUTION 17
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 31
AVANT-PROPOS
Les réseaux d'enseignement français à l'étranger et d'action culturelle ont été très durement touchés par la pandémie mondiale, suscitant dès 2020 des craintes sur leur pérennité. Le soutien financier de l'État, associé à la mobilisation remarquable des acteurs locaux, a permis de les maintenir à flot et d'éviter toute fermeture définitive d'établissement.
Depuis 2021, la tendance générale est à la « convalescence active » , même si la situation est encore contrastée d'une zone géographique à l'autre.
L'année 2022, pourtant synonyme de sortie progressive de la pandémie, a vu l'irruption de nouvelles crises étroitement liées : crise géopolitique, avec l'éclatement de la guerre en Ukraine, crise macroéconomique, avec l'envolée de l'inflation. Cette nouvelle conjoncture, dont l'évolution en 2023 reste imprévisible, inquiète fortement les opérateurs culturels : le renchérissement de leurs coûts de fonctionnement, conjugué à la baisse de pouvoir d'achat de leurs publics, provoque un « effet ciseaux » qui pourrait de nouveau les mettre dans le rouge.
Dans ce contexte préoccupant, le budget consacré à la diplomatie culturelle et d'influence en 2023 augmente de 40 millions d'euros à périmètre constant 1 ( * ) , pour un montant total de 671,2 millions d'euros (hors dépenses de personnel). Les moyens de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sont renforcés à hauteur de 30 millions d'euros, tandis que ceux consacrés au réseau de coopération culturelle sont stables.
Si le rapporteur salue cette évolution à la hausse du budget, il émet plusieurs bémols et points de vigilance .
I. I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : UN RÉSEAU EN « CONVALESCENCE ACTIVE », CONFRONTÉ AU DÉCLENCHEMENT DE NOUVELLES CRISES ET AUX DÉFIS D'UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT TROP AMBITIEUX DANS LE CALENDRIER IMPARTI
A. APRÈS LE CHOC DE LA CRISE SANITAIRE, UNE PÉRIODE DE TRANSITION POUR LE RÉSEAU
Le réseau d'enseignement français à l'étranger a été très durement touché par la crise sanitaire qui a conduit, au printemps 2020, à la fermeture de la quasi-totalité des établissements. Sa pérennité financière s'est trouvée menacée par l'érosion des taux de recouvrement des droit de scolarité, consécutive aux difficultés financières rencontrées par certaines familles, et la baisse des effectifs enregistrée à la rentrée 2020.
Le plan exceptionnel de soutien, voté en loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 pour un montant de 150 millions d'euros, a permis de préserver l'équilibre budgétaire du réseau et d'éviter la fermeture définitive d'établissements en raison d'une situation financière dégradée. Ce soutien de l'État, sans comparaison au niveau international , a été accueilli avec soulagement par les familles, très inquiètes et critiques au début de la crise.
Après une année scolaire 2020-2021 particulièrement difficile, l'année 2021-2022 a été une année de transition , marquée par une sortie progressive de la crise sanitaire selon des temporalités diverses en fonction des zones géographiques. Au printemps 2022, certains établissements d'Asie (notamment à Shanghai et à Hong Kong) ont encore été contraints à des fermetures partielles.
Signe d'un réseau en voie de rétablissement, les effectifs sont repartis à la hausse dès la rentrée 2021 (+ 2,1 %), tendance qui s'est confirmée à la rentrée 2022 (+ 2,7 %, soit 10 000 élèves supplémentaires) . Toutes les zones ont dépassé le niveau de leurs effectifs d'avant-crise (2019 étant l'année de référence), sauf l'Asie et, dans une moindre mesure, l'Amérique latine.
À ce jour, le réseau compte 567 établissements (tous statuts confondus) scolarisant 490 000 élèves .
La croissance du réseau est variable selon les zones géographiques, comme le montre le diagramme ci-dessous :
Source : AEFE
Au niveau global, la croissance des effectifs continue d'être soutenue par les élèves nationaux (+ 2,9 %) et les étrangers tiers (+ 8,4 %) , ces derniers étant revenus plus vite que les ressortissants français dans leur pays d'expatriation.
B. UN CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET ÉCONOMIQUE TROUBLÉ QUI AFFECTE DE NOUVEAU LES ÉTABLISSEMENTS ET LES FAMILLES
Malgré un retour progressif à la normale, l'année 2022 a vu l'irruption de nouvelles crises dont le réseau subit les conséquences de plein fouet .
Sur le plan géopolitique d'abord, l'invasion de l'Ukraine par la Russie , le 24 février dernier, a fortement affecté les cinq établissements qui constituaient avant-guerre le réseau d'enseignement français dans la région.
En Ukraine , le lycée Anne de Kiev, établissement conventionné, qui comptait plus de 500 élèves avant la guerre et qui a fermé au déclenchement de celle-ci, a rouvert en septembre dernier avec une soixante d'élèves, dont une vingtaine suit les enseignements en distanciel. L'école française internationale de Kiev, établissement partenaire, a également repris les enseignements en présentiel à la rentrée 2022. Ces réouvertures sont en permanence réévaluées à l'aune de la situation sécuritaire. En revanche, l'école française privée d'Odessa, établissement partenaire, est toujours fermée.
En Russie , les deux établissements d'enseignement français ont vu passer leurs effectifs de 1 300 élèves à la rentrée 2021 à environ 700 aujourd'hui, sous l'effet des départs de nombreux expatriés, puis de familles russes fuyant la mobilisation. Le français de Moscou, en gestion directe, a perdu plus de 500 élèves, principalement français. Comptant désormais une très grande part d'élèves russes et/ou de nationalité tierce, l'établissement s'adapte en renforçant les cours de langue pour ce public peu ou pas francophone. À Saint-Pétersbourg, l'école partenaire privée comptait seulement une soixantaine d'élèves à la rentrée dernière.
Dans ce contexte extrêmement difficile, l'action du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et de son opérateur, l'AEFE, vise, d'une part, à assurer la sécurité des élèves et des personnels, d'autre part, à soutenir les établissements concernés pour préserver, dans la mesure du possible, ces précieux leviers de coopération et d'influence à l'étranger, même en temps de guerre.
Sur le plan macroéconomique ensuite, la crise inflationniste n'épargne aucune zone géographique et suscite de très vives inquiétudes pour 2023. L'envolée des prix des fluides (chauffage, électricité, connexion internet...) renchérit directement les coûts de fonctionnement des établissements , ce qui nourrit une spirale inflationniste : hausse des frais périscolaires (notamment de transport), demande de revalorisation salariale des personnels, augmentation des frais de scolarité, nouvelles demandes de bourses scolaires...
Les établissements en gestion directe EGD du réseau ont reçu pour consigne de ne pas répercuter l'entièreté des surcoûts sur les familles, mais de trouver un équilibre entre hausse des droits d'écolage et économie de dépenses (sous la forme de report d'investissements, par exemple). En 2023, les droits de scolarité devraient, en moyenne, augmenter de 8 % dans les EGD. Dans certains établissements, la hausse pourrait même atteindre + 10 % voire + 12 % . La communauté parentale se dit extrêmement inquiète de cette situation, rappelant que la modération des droits de scolarité représente l'un des atouts du système français par rapport aux modèles étrangers , anglo-saxon notamment. Si cette hausse venait à se confirmer voire à s'aggraver, l'attractivité du réseau pourrait en être affectée .
L'augmentation des droits de scolarité fait peser une tension particulière sur l'enveloppe des bourses scolaires du programme 151, dont le rapporteur appelle le Gouvernement à mieux calibrer la dotation au regard des besoins liés au contexte inflationniste .
C. UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU DONT L'AMBITION SE HEURTE AUX CRISES SUCCESSIVES ET DONT LA RÉUSSITE EST CONDITIONNÉE À LA RÉSOLUTION DE PLUSIEURS ENJEUX STRUCTURELS
En mars 2018, le Président de la République fixait pour objectif au réseau d'enseignement français à l'étranger le doublement de ses effectifs à l'horizon 2030, soit une cible de 700 000 élèves, impliquant une croissance moyenne de l'ordre de 7 % à 8 % par an.
Depuis cette annonce, et malgré la crise sanitaire qui a de facto ralenti le processus de développement, le réseau de l'AEFE a gagné 72 établissements (567 contre 495) et plus de 30 000 élèves (490 000 contre 455 000). Le rythme moyen de croissance annuelle des effectifs est cependant très en-deçà de celui nécessaire à l'atteinte de l'objectif présidentiel dans le calendrier imparti .
Le rapporteur constate que, pour la première fois, le MEAE reconnaît le décalage entre l'ambition affichée et la réalité de la mise en oeuvre : « la perspective du doublement des effectifs est un objectif maintenu, même si nous reconnaissons qu'il est ambitieux au regard des obstacles qui se sont dressés depuis 2020 » 2 ( * ) .
La mise en oeuvre du plan de développement du réseau
Le plan de développement du réseau, véritable ligne directrice de l'action de l'AEFE, inscrite dans son nouveau contrat d'objectifs et de moyens, repose à la fois sur un volet « interne » , consistant à accompagner la croissance des établissements déjà membres du réseau, et un volet « externe » , impliquant l'homologation de nouveaux établissements partenaires. Sa mise en oeuvre se traduit par :
• la mobilisation des postes diplomatiques au moyen de leur plan stratégique d'éducation, outil programmatique permettant d'identifier les marges de progression en matière d'enseignement du français en fonction du contexte local ; depuis 2020, 130 plans d'éducation ont été transmis par les postes, couvrant au total 148 pays ;
• l'association des familles avec la perspective prochaine de l'augmentation, en application de la loi n° 2022-272 dite « Cazebonne » du 28 février 2022, du nombre de sièges dévolus aux fédérations d'associations de parents d'élèves au conseil d'administration de l'AEFE (le travail est en cours) ;
• l'action du nouveau service d'accompagnement au développement du réseau (SADR) de l'AEFE , créé en janvier 2020 et chargé de conclure des conventions d'accompagnement avec les porteurs de projets privés (investisseurs, parents d'élèves...) : à ce jour, 71 conventions ont été signées pour un montant total de plus de 600 000 euros ;
• le contrôle de la qualité de l'offre d'enseignement , en amont et en aval de l'homologation des nouveaux établissements intégrant le réseau.
La concrétisation de l'ambition présidentielle de croissance du réseau est confrontée, outre aux crises conjoncturelles, par définition non prévisibles, à trois enjeux structurels :
ð le premier est celui des effectifs des personnels enseignants et de leur formation , question centrale pour garantir la qualité de l'offre éducative.
Sans enseignants en nombre suffisant et bien formés, le plan ne pourra pas fonctionner . Or l'atteinte de la cible de 700 000 élèves suppose 25 000 enseignants supplémentaires , ce qui représente un besoin de recrutement conséquent. Une partie des enseignants travaillant pour le réseau sont des titulaires détachés du ministère de l'éducation nationale ; ce vivier est cependant fortement limité par le plafond d'emplois et les besoins propres du ministère. Certaines académies refusent ainsi de laisser partir leurs enseignants à l'étranger faute de pouvoir les remplacer. L'autre partie des recrutés sont des agents locaux ayant vocation à être formés dans les nouveaux instituts régionaux de formation (IRF). Pour ce vivier, le défi réside dans l'atteinte d'un niveau de formation permettant de préserver la qualité de l'enseignement « à la française », véritable atout du réseau .
Le rapporteur note que les représentants des parents d'élèves auditionnés , conscients que la problématique du recrutement ne peut être résolue qu'en actionnant ces deux leviers, local et national, estiment que la création des IRF est « une bonne évolution ».
La mise en place des instituts régionaux de formation (IRF)
Le développement du réseau suppose un effort important pour garantir aux établissements de trouver les ressources humaines indispensables à leur fonctionnement optimal . C'est dans cette optique qu'ont été créés, le 1 er janvier 2022 , 16 instituts régionaux de formation (IRF) . Basés dans les « zones de mutualisation » qui structurent ce réseau, les IRF sont situés à Abu Dhabi, Barcelone, Beyrouth, Bogota, Bruxelles, Buenos Aires, Dakar, Hanoï, Johannesburg, Lomé, Munich, Ottawa, Rome, Tananarive, Rabat et Tunis.
Ces instituts sont dotés d'une gouvernance inclusive , ouverte à tous les acteurs du monde éducatif dans chacune des zones :
- personnels de direction des trois catégories d'établissements (EGD, conventionnés et partenaires) ;
- représentants des comités de gestion des établissements conventionnés et partenaires ;
- représentants des parents d'élèves ;
- représentants des enseignants.
L'année 2022 marque une première étape, avec la mise en fonctionnement des IRF dans leur dimension pédagogique . L'année 2023 sera constitutive d'une seconde étape, à caractère administratif, les IRF devant devenir, en application de la loi « Cazebonne » du 28 février 2022, des EGD de l'AEFE , à vocation de formation.
Les plans de formation des personnels de l'enseignement français à l'étranger seront élaborés dans le cadre de ces nouvelles instances, en référence aux attendus pédagogiques fixés par l'Éducation nationale mais à partir des besoins identifiés dans chaque zone et exprimés par les personnels, les établissements et l'AEFE.
Pour soutenir le déploiement de cette nouvelle politique de formation , l'Agence a développé ATENA , une application dédiée permettant une meilleure gestion et un suivi plus fin de la formation par toutes les parties prenantes, partout dans le monde. L'Agence a également mis en place, depuis septembre dernier, en partenariat avec Canopé, un nouveau parcours de professionnalisation certifiant en trois ans , à l'intention de tous les nouveaux personnels recrutés localement. À ce jour, 1 000 néo-recrutés en ont bénéficié.
ð le deuxième enjeu est immobilier : pour se développer et faire face à la concurrence internationale, les établissements déjà membres du réseau ont besoin d'améliorer l'état de leur bâti voire de l'agrandir .
Si, pour les établissements conventionnés et partenaires, un outil d'accompagnement existe (dispositif de « la garantie de l'État français » 3 ( * ) ), tel n'est pas le cas pour les EGD qui éprouvent de grandes difficultés à financer leurs projets immobiliers. À l'heure de la définition du prochain schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2023-2027, l'AEFE évalue le besoin de financement de l'immobilier des EGD à 300 millions d'euros sur les cinq prochaines années . Or l'opérateur estime être dans « une impasse financière » pour faire face à ce besoin, d'une part, parce qu'il n'est plus autorisé à emprunter 4 ( * ) , d'autre part, parce que l'État ne lui attribue pas d'aide financière pour gérer ce patrimoine. La solution que lui a proposée Bercy, consistant à mutualiser les fonds de roulement excédentaires des établissements puis à prélever dans cette trésorerie pour financer l'immobilier, n'est pas envisageable car les familles, qui ont participé à la constitution de ces réserves via les droits de scolarité dont elles s'acquittent, ne sont pas enclines à financer les projets d'établissements autres que le leur.
Face à cette situation de blocage, le rapporteur demande au Gouvernement d'autoriser l'AEFE, opérateur de l'État dont la gestion saine est reconnue et régulièrement contrôlée, à pouvoir de nouveau recourir à l'emprunt auprès d'établissements bancaires privés pour effectuer des travaux sur ses EGD .
ð le troisième enjeu concerne la régulation de la croissance du réseau pour éviter les comportements de concurrence déloyale entre établissements anciennement membres et établissements nouvellement homologués.
En plus des acteurs privés historiques (comme la mission laïque française (MLF)), à l'origine de la création de nombreux établissements partenaires (qui sont des établissements privés homologués), des groupes scolaires privés sont apparus, avec lesquels l'AEFE a parfois signé une convention (Odyssée, International Education Group (IEG)...). D'autres porteurs de projets privés (parents d'élèves, investisseurs...) interviennent aussi sur ce « marché » de l'enseignement français à l'étranger. Dans certaines zones géographiques, voire à l'échelle de certaines villes, la coexistence de plusieurs établissements, aux statuts différents, peut donner lieu à des effets concurrentiels néfastes , comme l'ont indiqué les représentants des parents d'élèves au rapporteur. Un encadrement plus serré et une coordination plus poussée, au niveau de l'ensemble du réseau, de la part de l'AEFE et, localement, de la part des postes diplomatiques, s'avère donc nécessaire .
D. EN 2023, UNE LÉGÈRE AUGMENTATION DE LA SUBVENTION À L'AEFE, FLÉCHÉE SUR DE NOUVELLES DÉPENSES
Dans le contexte fortement concurrentiel de l'enseignement à l'étranger, le rapporteur tient à rappeler que l'un des principaux avantages comparatifs du modèle français, notamment par rapport au système anglo-saxon, est l'engagement de l'État sur le plan budgétaire, de l'ordre de 400 millions d'euros par an, et sa capacité de soutien en période exceptionnelle , comme ce fut le cas pendant la crise sanitaire avec le plan de sauvegarde.
En 2023, la subvention pour charges de service public (SCSP) attribuée à l'AEFE augmente de près de 30 millions d'euros , pour s'établir autour de 440 millions d'euros.
Cette augmentation tient compte :
ï de la compensation de l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, pour 13 millions d'euros ;
ï du financement de la moitié des surcoûts liés à la réforme des statuts des personnels détachés dans le réseau, pour 7 millions d'euros ;
ï des aides exceptionnelles pour les établissements du réseau libanais, toujours en grande difficulté, pour 10 millions d'euros.
Le rapporteur salue cette évolution dynamique de la dotation à l'AEFE, tout en soulignant que l'augmentation prévue vient compenser de nouvelles dépenses contraintes et non donner des marges budgétaires supplémentaires à l'opérateur pour répondre aux défis posés par le plan de développement du réseau .
E. UN AJOUT INOPPORTUN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Un article 41 A, rattaché à la mission « Action extérieure de l'État », a été inséré en première lecture à l'Assemblée nationale par le Gouvernement 5 ( * ) et a pour objet de créer une structure parallèle à l'AEFE pour assurer la gestion et la direction des EGD .
Concrètement, l'article institue un « comité de gestion et de direction » des établissements placés sous la gestion directe de l'AEFE. Cette nouvelle instance, notamment chargée de fixer les règles d'inscription et les droits d'écolage des établissements, est indépendante juridiquement, financièrement et comptablement de l'AEFE, avec qui elle signe une « convention de collaboration ».
Pour le rapporteur, ce dispositif , outre qu'il n'a pas sa place dans une loi de finances, modifie profondément l'organisation du service public de l'enseignement français à l'étranger et son mode de gouvernance , sans avoir fait l'objet ni d'étude préparatoire, ni de concertation approfondie. Il souhaite donc sa suppression .
II. UN RÉSEAU CULTUREL ET DE COOPÉRATION TRÈS SENSIBLE AUX ALÉAS GÉOPOLITIQUES ET ÉCONOMIQUES, QUI NÉCESSITE UN SUIVI FIN POUR ÉVITER LA MISE EN PÉRIL D'ÉTABLISSEMENTS
A. UN RÉSEAU RÉSILIENT, INCITÉ PAR L'ÉTAT À ACCÉLÉRER SA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE
Le réseau de coopération culturelle a été fortement ébranlé par la crise sanitaire . Au premier semestre 2020, 83 instituts français sur 95 avaient dû fermer temporairement leurs portes au public et cesser leurs activités en présentiel, pour réorganiser autant que possible leurs activités à distance. Il en a été de même pour environ 650 alliances françaises sur près de 800 que compte le réseau.
À la faveur de l'amélioration de la situation épidémique, mi-2021, la moitié des instituts français avait repris l'ensemble de ses activités, un tiers ne les avait reprises que partiellement et 12 étaient encore fermés au public. S'agissant des alliances françaises, un tiers connaissait un retour à la normale, un tiers n'avais repris qu'une partie de ses activités et le dernier tiers était fermé au public.
La normalisation de la situation s'est poursuivie en 2022 , beaucoup d'établissements ayant renoué avec l'ensemble de leurs activités. La reprise est toutefois toujours ralentie dans certaines zones, en Asie notamment et dans plusieurs pays d'Afrique.
Pendant la crise sanitaire, la capacité des instituts et des alliances à faire preuve de réactivité et à développer une offre à distance a joué un rôle clé dans la résilience du réseau . De nombreuses initiatives ont en effet vu le jour pour permettre le maintien ou l'adaptation des activités au moyen des nouveaux outils numériques.
Depuis l'automne 2020, l'accélération de la transformation numérique du réseau constitue d'ailleurs le principal axe stratégique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en lien avec l'Institut français de Paris. « Une feuille de route pour la transformation numérique du réseau » a ainsi été établie, en dialogue étroit avec les instituts et les alliances (au moyen d'enquêtes qualitatives et quantitatives, d'entretiens ciblés, de webinaires) et selon un calendrier triennal (2021-2023). Dans le cadre d'un appel à projets, lancé à l'été 2021, 2,5 millions d'euros sont consacrés, sur la période 2021-2022, aux établissements culturels pour financer la montée en charge qualitative et quantitative de leurs équipements et logiciels informatiques.
Outre l'activation de ce levier numérique, le ministère a soutenu financièrement le réseau, sans ouverture de crédits supplémentaires, mais par redéploiement de crédits en cours de gestion . En 2020, les instituts français ont ainsi perçu 7 millions d'euros et les alliances françaises, 3 millions d'euros. En 2021, de nouveaux redéploiements ont permis d'attribuer 1 million d'euros aux établissements les plus en difficulté.
Sous l'effet de ces différentes mesures, aucune fermeture définitive d'instituts français n'est à déplorer : le rapporteur salue cette préservation de la structure du réseau . L'évaluation est plus délicate concernant les alliances françaises, réseau numériquement beaucoup plus important et par nature très mouvant - fermetures et ouvertures fréquentes de structures, même avant la crise sanitaire (cf. infra ).
B. UN RÉTABLISSEMENT FINANCIER PROGRESSIF, MAIS DE NOUVEAU MENACÉ PAR LE CONTEXTE INFLATIONNISTE MONDIAL
Sur le plan financier, les instituts français voient leur situation se rétablir progressivement . Leurs ressources propres, qui avaient enregistré une baisse notable pendant la crise, ont commencé à ré-augmenter, si bien que leur taux d'autofinancement se rapproche de celui d'avant-crise (autour de 75 %).
Ce constat doit cependant être nuancé en raison des disparités selon les zones géographiques et du report de nombreuses opérations d'investissement . En outre, certains établissements, confrontés à la fois aux conséquences de la situation sanitaire et à des crises politiques intérieures, sont l'objet d'une attention particulièrement soutenue du ministère (notamment au Liban, en Haïti, au Mali, au Venezuela, en République centrafricaine).
Malgré une tendance générale à l'amélioration, l'année 2022, marquée par la hausse de l'inflation au niveau mondial, a apporté son nouveau lot de difficultés pour les instituts et les alliances . À l'augmentation des charges fixes, induite par le doublement voire le triplement des factures énergétiques, se conjuguent le décrochage salarial des personnels et la réduction du pouvoir d'achat des publics. Au cours des premiers mois de 2023, une contraction voire une diminution des ressources propres pourrait donc être constatée , entraînant « un effet ciseaux » qui inquiète fortement les établissements.
Le rapporteur appelle le ministère à suivre attentivement l'évolution de la situation financière des instituts français et des alliances française et à procéder, si nécessaire, à des redéploiements de cr édits vers les structures les plus fragilisées, pour éviter toute fermeture.
C. UN RÉSEAU EN PREMIÈRE LIGNE DES CRISES GÉOPOLITIQUES, MAIS QUI FAIT PREUVE D'UNE GRANDE CAPACITÉ D'ADAPTATION
Les conséquences du conflit en Ukraine sur les établissements du réseau culturel
ï Jusqu'à l'éclatement du conflit, le dispositif de coopération et d'action culturelle en Ukraine reposait sur l'Institut français d'Ukraine, situé à Kiev et fusionné avec le service de coopération et d'action culturelle (SCAC), ainsi que sur 8 alliances françaises dont 6 étaient réellement en activité (les 2 alliances situées dans le Donbass ne sont plus en fonctionnement depuis 2014).
Après plusieurs mois de fermeture, l'Institut français a rouvert ses portes en septembre dernier . Les alliances (Kharkiv, Dnipro et Zaporijiia dans l'Est du pays, Odessa dans le Sud, Rivne et Lviv dans l'Ouest) continuent leurs activités d'enseignement, le plus souvent en distanciel ; seule l'Alliance de Lviv ouvre à nouveau progressivement ses portes . Une enveloppe de 113 400 euros a été débloquée par le ministère pour soutenir ces 6 alliances françaises.
La situation géopolitique a conduit à faire évoluer le dispositif :
- les missions assurées par le service culturel consistent désormais en du soutien à la société civile, de l'aide à la mobilité étudiante vers la France, du développement de projets de formation de cadres ukrainiens en France - c'est ainsi que des magistrats et des procureurs seront formés à l'École nationale de la magistrature (ENM) à Paris en décembre prochain, tandis que des conservateurs de musée le seront au Louvre à la même période ;
- l'Institut a, quant à lui, deux autres priorités : le maintien des cours de français, qui sont donnés en mode hybride dans les locaux de l'établissement et - à la demande des autorités ukrainiennes - un effort sur la promotion du cinéma français. Un projet de soutien à la reconstruction et à la sécurisation du patrimoine est également envisagé.
ï En Russie , le réseau a été également fortement touché avec l'arrêt de toutes les coopérations institutionnelles et le départ d'une grande partie des équipes à la demande des autorités russes. Les Instituts français de Saint-Pétersbourg et de Moscou sont restés ouverts, maintenant une activité de cours de langue et d'animation en médiathèque.
Toutefois, l'arrêt des mobilités entre la Russie et la France bouleverse la collaboration avec les professionnels russes et encore plus avec le départ de nombre de personnalités, d'artistes hors de Russie. Dès le début de la guerre et avec l'annonce de la mobilisation militaire, ces départs ont été également l'occasion pour le réseau en Russie d'adapter ses modes d'action pour maintenir le contact avec ses partenaires : d'une part, à travers la poursuite de l'action régionale existante en matière d''audiovisuel et de cinéma, d'autre part, avec une action inédite en matière artistique consistant à poursuivre des projets en territoire tiers (par exemple, des actions menées depuis l'Arménie en concertation avec les partenaires français).
Au-delà de sa constante adaptation au contexte géopolitique de son territoire d'implantation, le réseau culturel se réorganise aussi en permanence pour répondre aux priorités de la diplomatie française et suivre les évolutions des publics étrangers et des communautés françaises expatriées. Ainsi, un nouvel établissement, l'institut français d'Arménie , a été créé en janvier 2022 (son ouverture formelle interviendra en fin d'année), alors que le conflit avec l'Azerbaïdjan s'est gravement réactivé.
Le réseau des alliances françaises est lui aussi très évolutif : depuis 2018, 20 nouvelles alliances ont vu le jour, malgré les deux années de crise sanitaire. En 2022, 5 nouvelles structures ont été labellisées (Ouarzazate au Maroc, Jaipur en Inde, Makassar en Indonésie, Khoudjand au Tadjikistan et Paramaribo au Suriname).
Une autre dynamique tient particulièrement à coeur au rapporteur : la mise en place, dans le cadre du Traité de coopération d'Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019 entre la France et l'Allemagne, d' instituts culturels franco-allemands (ICFA). Ces instituts culturels innovants sont destinés à devenir de nouveaux relais d'influence pour les deux pays. Trois ICFA ont d'ores et déjà été inaugurés : à Palerme en 2021, à Ramallah et Atlanta en 2022.
D. L'INSTITUT FRANÇAIS DE PARIS : UN OPÉRATEUR EN PLEINE ÉVOLUTION
• L'Institut français de Paris se trouve à un moment charnière : sur le plan interne, il est engagé dans une vaste réorganisation administrative et immobilière ; sur le plan externe, il accompagne le réseau culturel dans sa phase de récupération post-crise sanitaire :
ð en interne , six nouvelles directions ont été créées en janvier 2022 pour mieux adapter l'organigramme de l'Institut à ses nouveaux défis. Il s'agit de la première réforme organisationnelle de l'établissement depuis sa création en 2010 . Un cadrage stratégique a également été élaboré autour de quatre grandes thématiques transversales : l'appui au réseau culturel, l'accompagnement des opérateurs à l'international, le portage de grands évènements culturels, la relation à l'Union européenne et le soutien aux pays du Sud. Ces grandes lignes stratégiques seront reprises dans le prochain COP, actuellement en préparation. L'Institut a également entrepris un déménagement de ses locaux historiques du 15 ème arrondissement de Paris vers un nouvel immeuble du 11 ème arrondissement (l'installation sera effective courant 2023), l'objectif étant de contenir ses dépenses de fonctionnement (cf. infra ). Si 2022 a été une année de transition, 2023 sera la première année complète de fonctionnement pour la nouvelle organisation ;
ð en externe , l'Institut a poursuivi, en 2022, ses actions d'appui au réseau culturel, désormais pilotées par une direction dédiée. La situation des opérateurs s'est globalement bien améliorée après le choc de la crise sanitaire mais certains, notamment en Amérique latine et en Asie, restent encore très éprouvés.
• Sur le plan budgétaire, l'Institut français de Paris mène, depuis plusieurs années, un processus de rationalisation, rendu nécessaire par l'attrition progressive des financements apportés par ses tutelles - une subvention pour charges de service public (SCSP), attribuée par le MEAE, et une subvention fléchée sur des programmes culturels, versée par le ministère de la culture. En audition, les représentants de l'Institut ont indiqué que ces deux subventionnements publics, de nature et de montant très différents, étaient source de complexité en gestion et insisté sur le besoin de coordination entre les tutelles.
Le rapporteur rappelle que la SCSP du MEAE a connu, par le passé, des révisions à la baisse cumulées importantes, de l'ordre de - 9 % depuis 2019 , exercice où elle s'élevait à plus de 30 millions d'euros. L'année dernière, le rapporteur avait dénoncé la diminution, en cours d'exercice 2021, de 500 000 euros de la SCSP par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2021, et la reconduction mécanique de cette perte en loi de finances initiale pour 2022, laquelle a fixé le montant de la SCSP à 27,4 millions d'euros.
En écriture, le projet de loi de finances pour 2023 stabilise la subvention à son niveau de l'année dernière, mais le relèvement du taux de mise en réserve va se traduire concrètement par une baisse de 150 000 euros pour l'Institut . À cela vient s'ajouter une subvention du ministère de la culture également revue à la baisse (- 127 000 euros). Ainsi, la part de subventionnement des tutelles est ramenée à 72,8 % dans le budget 2023, contre 78 % dans le budget 2022.
Dans ce contexte budgétairement contraint, l'Institut français a entrepris une démarche active de diversification de ses ressources , notamment celles en lien avec des projets bailleurs, remportés auprès de l'Union européenne ou de l'Agence française de développement (AFD). Ces ressources extérieures sont devenues essentielles à l'établissement et comptent aujourd'hui pour 22 % de ses recettes budgétaires , étant toutefois précisé que ces ressources financent dans des proportions très limitées les dépenses de structure et qu'elles sont par nature destinées à des projets précis, sans aucune possibilité de fongibilité.
ð Exemple caractéristique de cette diversification budgétaire, l'Institut français a récemment conclu un accord avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt dans le cadre de « France 2030 », qui prévoit l'attribution à l'Institut d'une subvention de 10 500 000 euros afin de soutenir, sur deux ans, des acteurs culturels français (des entreprises principalement) en vue de leur inscription dans des écosystèmes étrangers en pointe sur une thématique ou un secteur précis.
Une autre évolution budgétaire à souligner est la chute drastique des recettes de mécénat depuis l'irruption de la crise sanitaire (excepté pour certains grands évènements comme la « Saison Africa 2020 ») et dont il est difficile de prévoir une éventuelle reprise. À l'inverse, la participation financière des collectivités territoriales aux projets portés par l'Institut français , d'un montant global d'1 million d'euros, suit une tendance dynamique .
Compte tenu de la mutation profonde du modèle économique de l'Institut français de Paris, le rapporteur estime que l'élaboration du prochain COP 2023-2025 doit être l'occasion de reconsidérer le soutien financier de ses deux tutelles, au regard des missions de service public qu'elles confient à l'opérateur. Il déplore d'ores et déjà qu'un volet « moyens » ne soit pas à l'ordre du jour de ce nouveau contrat .
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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 23 novembre 2022, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'Action extérieure de l'État dans le projet de loi de finances pour 2023 .
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 23 NOVEMBRE 2022
M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons le rapport pour avis de Claude Kern sur le programme 185 de la mission « Action extérieure de l'État ».
M. Claude Kern , rapporteur pour avis sur les crédits de l'action extérieure de l'État . - L'analyse des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, portés par le programme 185, est rendue délicate cette année par un changement de périmètre budgétaire, qui peut donner lieu à des lectures différentes. Le transfert récent de la compétence « Tourisme » vers le ministère de l'économie et des finances se traduit en effet par le retrait de l'opérateur Atout France du périmètre du programme et donc par la déduction de sa subvention pour charges de service public.
Si l'on raisonne à périmètre constant, les crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d'influence augmentent de 40 millions d'euros, ces moyens supplémentaires étant fléchés sur trois axes : le renforcement des moyens de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à hauteur de 30 millions d'euros ; le financement, à hauteur de 8 millions d'euros, de dispositifs en faveur de la politique d'attractivité de la France, parmi lesquels l'Exposition universelle d'Osaka et le Partenariat mondial sur l'intelligence artificielle ; l'abondement, à hauteur de 2 millions d'euros, de « la Feuille de route de l'influence » pour permettre le développement de projets d'influence dans certaines zones géographiques ou certains domaines stratégiques.
Les moyens dédiés au réseau de coopération culturelle sont, quant à eux, reconduits quasiment à l'identique.
C'est donc un budget globalement en augmentation qui nous est proposé, mais sur lequel j'émettrai plusieurs bémols et points de vigilance.
Je commencerai par la situation du réseau d'enseignement français à l'étranger. Il a été touché très durement par la crise sanitaire : sa pérennité financière s'est trouvée menacée par l'érosion des taux de recouvrement des droits de scolarité, consécutive aux difficultés financières rencontrées par les familles, et la baisse des effectifs enregistrée à la rentrée 2020. Le plan exceptionnel de soutien, voté en 2020 pour un montant de 150 millions d'euros, a permis de préserver l'équilibre budgétaire du réseau et d'éviter la fermeture définitive d'établissements. Après une année scolaire 2020-2021 particulièrement difficile, l'année 2021-2022 a été une année de transition, marquée par une sortie progressive de la crise sanitaire, selon des temporalités diverses en fonction des zones géographiques. Certains établissements d'Asie ont encore été contraints, cette année, à des fermetures partielles. Signe d'un réseau en voie de rétablissement, les effectifs sont repartis à la hausse dès la rentrée 2021 (+ 2,1 %), évolution qui s'est confirmée à la rentrée 2022 (+ 2,7 %), avec 10 000 élèves supplémentaires. Autre tendance de fond, la croissance des effectifs continue d'être soutenue par les élèves nationaux et les élèves dits « étrangers tiers ». Au total, le réseau compte aujourd'hui 567 établissements scolarisant 490 000 élèves.
Malgré un retour progressif à la normale, l'année 2022 a vu l'irruption de nouvelles crises dont le réseau subit les conséquences de plein fouet.
Sur le plan géopolitique d'abord, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a fortement affecté les établissements qui constituaient avant-guerre le réseau d'enseignement français dans la région. Après avoir été fermés plusieurs mois, les deux établissements de Kiev ont rouverts en présentiel à la rentrée. C'est évidemment un signal très fort. En Russie, les établissements d'enseignement français enregistrent une forte baisse de leurs effectifs, sous l'effet des départs de nombreux expatriés, mais aussi de familles russes ayant fui la mobilisation.
Sur le plan macroéconomique ensuite, la crise inflationniste n'épargne aucune zone géographique et suscite de très vives inquiétudes pour l'an prochain. L'envolée des prix de l'énergie renchérit directement les coûts de fonctionnement des établissements, ce qui nourrit une spirale inflationniste : hausse des frais périscolaires, demande de revalorisation salariale des personnels, augmentation des frais de scolarité, nouvelles demandes de bourses scolaires...
Les établissements en gestion directe (EGD) du réseau ont reçu pour consigne de ne pas répercuter la totalité des surcoûts sur les familles, mais de trouver un équilibre entre hausse des droits d'écolage et économie de dépenses. Les droits de scolarité devraient néanmoins augmenter en moyenne de 8 % l'année prochaine. Dans certains EGD, la hausse pourrait même atteindre 10 % voire 12 %. La communauté parentale, que j'ai auditionnée, se dit extrêmement inquiète de cette situation et rappelle que la modération des droits de scolarité représente l'un des atouts du système français par rapport aux modèles étrangers, anglo-saxon notamment. Si cette hausse venait à se confirmer voire à s'aggraver, l'attractivité du réseau pourrait en être affectée.
J'émets donc ici un point d'alerte, d'autant que l'augmentation des droits de scolarité fait peser une tension particulière sur l'enveloppe des bourses scolaires du programme 151, dont le calibrage actuel n'est clairement pas à la hauteur des besoins.
Qu'en est-il de la mise en oeuvre du plan de développement du réseau ? En mars 2018, le Président de la République fixait un objectif de doublement des effectifs à l'horizon 2030, soit une cible de 700 000 élèves. Depuis cette annonce, et malgré la crise sanitaire qui a forcément ralenti le processus de développement, le réseau a gagné 72 établissements et plus de 30 000 élèves. Le rythme moyen de croissance annuelle des effectifs, de l'ordre de 2 % à 3 % par an, est cependant très en-deçà de celui nécessaire à l'objectif présidentiel dans le calendrier imparti soit 7 % à 8 % par an. Pour la première fois, le ministère reconnaît le décalage entre l'ambition affichée et la mise en oeuvre.
La concrétisation de l'ambition présidentielle est confrontée, outre aux crises conjoncturelles, à trois enjeux structurels.
Le premier est celui des effectifs des personnels enseignants et de leur formation, question centrale pour garantir la qualité de l'offre éducative. Sans enseignants en nombre suffisant et bien formés, le plan ne pourra pas fonctionner. Or, la cible de 700 000 élèves suppose 25 000 enseignants supplémentaires, ce qui représente un besoin de recrutement très conséquent. Le vivier constitué par les titulaires détachés du ministère de l'éducation nationale se tarit ; certaines académies refusent de laisser partir leurs enseignants à l'étranger, faute de pouvoir les remplacer. C'est donc sur l'autre vivier, composé des recrutés locaux, que les marges sont les plus importantes. Pour ces personnels, tout l'enjeu réside dans l'atteinte d'un niveau de formation permettant de préserver la qualité de l'enseignement « à la française ».
Telle est l'ambition des 16 instituts régionaux de formation (IRF), qui ont été mis en fonctionnement cette année. Les plans de formation des personnels de l'enseignement français à l'étranger seront élaborés dans le cadre de ces nouvelles instances, en référence aux attendus pédagogiques fixés par l'Éducation nationale mais à partir des besoins identifiés dans chaque zone. Les IRF vont poursuivre leur déploiement l'année prochaine en devenant des EGD du réseau, en application de la loi du 28 février 2022, dont notre collègue Samantha Cazebonne est à l'initiative. Les représentants des parents d'élèves, conscients que la problématique du recrutement ne peut être résolue qu'en actionnant ces deux leviers, local et national, estiment que la création des IRF est « une bonne évolution ».
Le deuxième enjeu est immobilier : pour se développer et faire face à la concurrence internationale, les établissements déjà membres du réseau ont besoin d'améliorer l'état de leur bâti voire de l'agrandir.
Si, pour les établissements conventionnés et partenaires, un outil d'accompagnement existe avec « la garantie de l'État français », tel n'est pas le cas pour les EGD qui éprouvent de grandes difficultés à financer leurs projets immobiliers. L'AEFE évalue leurs besoins de financement immobiliers à 300 millions d'euros sur les cinq prochaines années. Or l'opérateur estime être dans « une impasse financière » pour faire face à ce besoin, d'une part, parce qu'il n'est plus autorisé à emprunter, d'autre part, parce que l'État ne lui attribue pas d'aide financière pour gérer ce patrimoine. Face à cette situation de blocage, il faut que le Gouvernement autorise de nouveau l'AEFE, opérateur de l'État dont la gestion saine est reconnue et régulièrement contrôlée, à pouvoir de nouveau recourir à l'emprunt pour effectuer des travaux sur ses EGD. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
Le troisième enjeu concerne la régulation de la croissance du réseau pour éviter les comportements de concurrence déloyale entre établissements.
L'arrivée de nouveaux établissements partenaires, notamment détenus par des porteurs de projets privés, est parfois source de tensions sur ce qui est devenu un « marché » de l'enseignement français à l'étranger. Dans certaines zones géographiques, voire à l'échelle de certaines villes, la coexistence de plusieurs établissements, aux statuts différents, peut donner lieu à des effets concurrentiels néfastes, dont certains m'ont été rapportés. J'en appelle donc à un encadrement plus serré et une coordination plus poussée, au niveau de l'ensemble du réseau, de la part de l'AEFE et, localement, de la part des postes diplomatiques.
Ce contexte posé, qu'en est-il du budget du réseau pour l'année prochaine ?
En 2023, la subvention pour charges de service public attribuée à l'AEFE augmente de près de 30 millions d'euros, pour s'établir autour de 440 millions d'euros. Cette augmentation est constituée de trois blocs : la compensation de l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, pour 13 millions d'euros ; le financement de la moitié des surcoûts liés à la réforme des statuts des personnels détachés dans le réseau, pour 7 millions d'euros ; les aides exceptionnelles pour les établissements du réseau libanais, toujours en grande difficulté, pour 10 millions d'euros.
Cette hausse des moyens est, certes, une évolution positive, mais je tiens à la nuancer : elle vient compenser de nouvelles dépenses contraintes et non donner des marges budgétaires supplémentaires à l'opérateur pour répondre aux défis posés par le plan de développement.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a inséré un article 41 A rattaché, qui crée une structure parallèle à l'AEFE pour assurer la gestion et la direction des EGD. Ce dispositif non concerté modifie profondément l'organisation du service public de l'enseignement français à l'étranger et son mode de gouvernance. Je vous proposerai donc un amendement de suppression, tout comme l'ont fait mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances et rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères.
J'en viens maintenant à notre réseau de coopération culturelle, qui voit ses crédits reconduits quasi à l'identique en 2023. Il a été durement touché par la crise sanitaire, mais il s'est montré résilient grâce à la très forte mobilisation des acteurs de terrain et au développement d'une offre à distance. La transformation numérique du réseau constitue le principal axe stratégique du ministère pour l'accompagner dans la sortie de crise : dans le cadre d'un appel à projets lancé en 2021, 2,5 millions d'euros sont consacrés à la montée en charge numérique des opérateurs culturels.
En complément, le ministère a soutenu financièrement les établissements par redéploiement de crédits. En 2020, les instituts français ont ainsi perçu 7 millions d'euros et les alliances françaises, 3 millions d'euros. En 2021, de nouveaux redéploiements ont permis d'attribuer 1 million d'euros aux établissements les plus en difficulté.
Sous l'effet de ces différentes mesures, aucune fermeture définitive d'institut français n'est à déplorer. L'évaluation est plus délicate s'agissant des alliances, le réseau étant numériquement plus important et par nature plus évolutif.
Sur le plan financier, les instituts français voient leur situation se rétablir progressivement. Leurs ressources propres, qui avaient enregistré une baisse notable pendant la crise, ont commencé à ré-augmenter, si bien que leur taux d'autofinancement se rapproche de celui d'avant-crise - autour de 75 %. Ce constat doit toutefois être nuancé en raison des disparités selon les zones géographiques et du report de nombreuses opérations d'investissement.
Malgré une tendance générale à l'amélioration, l'année 2022, marquée par la hausse de l'inflation au niveau mondial, a apporté son nouveau lot de difficultés pour les instituts et les alliances. À l'augmentation des charges fixes, induite par le doublement voire le triplement des factures énergétiques, se conjuguent le décrochage salarial des personnels et la réduction du pouvoir d'achat des publics. Dans les prochains mois, une contraction voire une diminution des ressources propres pourrait donc être constatée, entraînant « un effet ciseaux » qui inquiète fortement les établissements.
Alors que le budget consacré au réseau ne bénéficie pas de crédits supplémentaires en 2023, une grande vigilance devra être apportée à la situation financière des instituts français et des alliances françaises. Des redéploiements de crédits vers les structures les plus fragilisées devront sans doute être envisagés pour éviter toute fermeture.
Un dernier mot, enfin, sur l'Institut français de Paris, qui se trouve à un moment charnière : sur le plan interne, il est engagé dans une vaste réorganisation administrative et immobilière ; sur le plan externe, il accompagne le réseau culturel dans sa phase de récupération post-crise sanitaire. Sur le plan budgétaire, l'Institut s'est engagé dans un processus de rationalisation, rendu nécessaire par l'attrition progressive des financements apportés par ses tutelles - le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture. Sa subvention pour charges de service public a connu, par le passé, des révisions à la baisse cumulées importantes, de l'ordre de 9 % depuis 2019, exercice où elle s'élevait à plus de 30 millions d'euros. Le PLF pour 2023 stabilise la subvention à son niveau de l'année dernière - soit 27,4 millions d'euros -, mais le relèvement du taux de mise en réserve va se traduire concrètement par une baisse de 150 000 euros pour l'Institut.
Dans ce contexte, une démarche active de diversification des ressources a été entreprise, notamment via la candidature de plus en plus fréquente à des appels à projets de bailleurs. Les ressources ainsi collectées sont devenues essentielles à l'établissement et comptent aujourd'hui pour 22 % de ses recettes budgétaires. Par nature destinées à des projets précis, elles ne financent toutefois que dans des proportions très limitées les dépenses de structure. C'est donc une évolution profonde du modèle économique de l'Institut qui est à l'oeuvre.
Il me paraît essentiel que le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) 2023-2025, actuellement en préparation, soit l'occasion de remettre à plat le soutien financier de ses deux tutelles, au regard des missions de service public qu'elles lui confient. Je déplore d'ores et déjà qu'un volet « moyens » ne soit apparemment pas à l'ordre du jour de ce nouveau contrat.
Compte tenu du renforcement des crédits de l'AEFE et de la stabilisation des moyens du réseau de coopération culturelle, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 185 du projet de loi de finances pour 2023.
M. Lucien Stanzione . - Le tourisme a été écarté du programme 185, mais les crédits augmentent de 40 millions d'euros, c'est une hausse incontestable. L'aide exceptionnelle votée en 2020 a permis de sauver notre réseau d'enseignement à l'étranger. Malgré le contexte géopolitique et économique difficile, il se relève doucement, tout en restant fragile. Les besoins financiers pour remettre en état les bâtiments de l'AEFE sont considérables, et les problèmes sont accentués par la coexistence de plusieurs types d'écoles - c'est pourquoi nous sommes favorables à l'adoption d'un statut unique, de même qu'à un statut de droit public pour les enseignants, car les statuts précaires tirent vers le bas le niveau de qualification.
Concernant les instituts français, les moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions : ces établissements sont de véritables ambassadeurs culturels de la France, il faut davantage les soutenir !
Notre groupe votera ces crédits ainsi que les deux amendements de notre rapporteur.
M. Julien Bargeton . - Notre collègue Samantha Cazebonne m'a demandé de vous dire combien elle se félicitait du renforcement des moyens accordés à l'AEFE l'année prochaine.
M. Damien Regnard . - Je m'exprime comme sénateur des Français établis hors de France et mon regard n'est pas partisan ni dogmatique, ni celui d'un expert qui vous imposerait une litanie de chiffres. Ma voix, mon sentiment viennent du terrain, d'échanges avec les acteurs de l'action extérieure de l'État, que j'ai rencontrés au cours de la trentaine de déplacements que j'ai effectués depuis le début de l'année.
Le budget consacré à la diplomatie culturelle et d'influence augmente de 40 millions d'euros à périmètre constant pour atteindre 671,2 millions d'euros (hors dépenses de personnel), c'est positif.
Mais ce budget de rattrapage masque des réalités de terrain beaucoup moins enthousiasmantes. Les Français de l'étranger ont été les grands oubliés de la politique gouvernementale des dernières années et nous tirons la sonnette d'alarme chaque année, au moment de l'examen budgétaire. Grands oubliés par la France aussi lors de la crise sanitaire ; ces deux années ont été bien souvent plus difficiles pour nos compatriotes de l'étranger, soumis aux protocoles sanitaires du pays où ils résident, privés de leur famille, avec un enseignement majoritairement en distanciel pour leurs enfants.
Nous nous félicitons que le Gouvernement ait enfin entendu l'urgence concernant les moyens déployés pour les établissements d'enseignement français et les familles, alors que le budget avait stagné en 2022. Par une pirouette des plus subtiles dans l'exercice comptable, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères avait même retranché 10 millions d'euros au budget de l'aide à la scolarité, en les remplaçant sur le plan comptable par des crédits non consommés...
Pour nous, Français de l'étranger, ces millions d'euros supplémentaires sont un simple rattrapage après des années de « disette ».
Partout dans le monde, nos établissements scolaires sont confrontés aux mêmes difficultés de recrutement, d'obtention des visas pour les enseignants, difficultés matérielles pour faire face à la concurrence des autres établissements scolaires internationaux. Sans compter l'impossibilité pour l'AEFE de pouvoir emprunter pour effectuer des travaux sur ses EGD.
Le modèle déployé, à de rares exceptions près, peine aujourd'hui à jouer les premiers rôles face aux établissements anglo-saxons qui n'hésitent pas à diversifier les financements pour attirer les meilleurs profils, enseignants ou élèves. Les frais de scolarité de nos établissements pouvaient, jusqu'à présent, constituer un atout mais ce n'est plus le cas. Les frais augmentent, les demandes de bourses sont de plus en plus nombreuses et les familles ont du mal à suivre quand elles n'optent pas pour un retour en France.
Dans ce contexte, l'ambition du président de la République de doubler le nombre d'élèves à l'horizon 2030 semble illusoire et déconnectée.
De manière générale, le besoin de sécurisation de nos établissements français à l'étranger se fait de plus en plus urgent et les moyens déployés ne sont pas à la hauteur. Notre rapporteur a évoqué les spécificités de l'Ukraine et de la Russie, mais d'autres établissements scolaires français font face à des situations sécuritaires extrêmement préoccupantes. C'est notamment le cas en Haïti où aucune solution n'a pour l'instant été trouvée.
Nos alliances et nos instituts français, de leur côté, ont tout fait pour tenir bon face à la crise sanitaire, mais les effectifs ont considérablement chuté. Parfois, le développement des cours en visio a permis de maintenir une activité, voire de la développer - notamment en Amérique du Sud. Mais la grande majorité des instituts et des alliances, qui ne manquent ni de dynamisme, ni de bonne volonté, ont du mal à faire face à la dégradation de leur situation financière.
Je regrette donc, une fois encore, le décalage entre l'ambition du discours et la réalité du terrain. La France ne cesse de perdre du terrain en matière de rayonnement et d'influence au profit de ses concurrents qui se donnent, eux, les moyens de leurs ambitions.
Face à ce constat, et pour manifester notre mécontentement, tout en appréciant les analyses du rapporteur, les élus LR s'abstiendront sur le vote de ces crédits. Nous soutiendrons en revanche les deux amendements de notre rapporteur.
M. Jérémy Bacchi . - Je me réjouis que le plan de soutien ait sauvé le réseau des établissements, mais nous sommes très loin de l'objectif présidentiel d'un doublement des effectifs d'élèves d'ici 2030, nous sommes en train de perdre la bataille culturelle. Nous sommes en difficulté parce que nous peinons à recruter, à développer nos locaux, à emprunter, alors que le contexte instable rend nécessaire de faire entendre la voix de la France et notre tradition universaliste. Nous sommes aussi inquiets sur la situation des alliances françaises, les crédits sont stables, donc les difficultés aussi...
Mme Sonia de La Provôté . - Le groupe UC votera ces crédits. La reprise de fréquentation de l'enseignement du français à l'étranger est une bonne chose, même si l'objectif pour 2030 parait intenable. L'influence de la France repose moins sur des annonces que sur le travail de fond et la qualité de notre offre. Les crédits de la diplomatie culturelle sont maintenus, mais le soft power à la française peine dans la mise en oeuvre et nous perdons du terrain. Nous avons un problème de doctrine diplomatique et l'agitation autour du devenir de la diplomatie à la française joue contre nous : l'action extérieure de la France décroit en influence alors que la diplomatie d'influence est commode à utiliser, il faudrait la renforcer par des moyens supplémentaires, plutôt que simplement reconduits.
Enfin, nous gagnerions aussi à regrouper les lignes budgétaires de l'action extérieure de l'État, elles sont trop dispersées dans les missions ministérielles, cette « balkanisation » ne joue pas pour la cohérence.
M. Claude Kern , rapporteur pour avis . - Le recrutement d'enseignants locaux est, malheureusement, devenu une nécessité, étant donné nos besoins. Les parents d'élèves étaient d'abord réticents aux IRF, ils y sont désormais favorables. Il faut souligner aussi que la France a été le seul pays au monde à mettre en place un plan de sauvegarde de cette importance, avec 150 millions d'euros. Quant à la sécurisation des établissements, elle requiert effectivement des moyens importants, en Haïti comme dans d'autres pays - en Afrique notamment, c'est un dosser à suivre de près.
L'amendement CULT.1 supprime l'article 41A, qui crée une structure parallèle à l'AEFE pour gérer et diriger les EGD.
La commission adopte l'amendement CULT.1.
M. Claude Kern , rapporteur pour avis . - L'amendement CULT.2 autorise l'AEFE à emprunter auprès d'établissements bancaires privés.
La commission adopte l'amendement CULT.2.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'adoption de ses amendements .
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 8 novembre 2022
- Agence pour l'enseignement français à l'étranger : M. Olivier BROCHET , directeur général, Mme Raphaëlle DUTERTRE , conseillère aux relations institutionnelles.
- Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE) : M. Hugo CATHERINE , président, Mme Isabelle TARDÉ , déléguée générale.
- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : M. Matthieu PEYRAUD , directeur de la diplomatie d'influence, direction de la diplomatie d'influence, Mmes Lucia DASILVA , cheffe de pôle à la sous-direction de la langue française et de l'éducation, et Fanny RASKIN , chargée de mission auprès du directeur.
Mercredi 9 novembre 2022
Institut français : MM. Erol OK , directeur général, et Thomas HANNEBIQUE , secrétaire général.
* 1 L'analyse des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, portée par le programme 185, est rendue délicate cette année par un changement de périmètre budgétaire, qui peut donner lieu à des lectures différentes. Le transfert récent de la compétence « Tourisme » vers le ministère de l'économie et des finances se traduit en effet par le retrait de l'opérateur Atout France du périmètre du programme et donc par la déduction de sa subvention pour charges de service public. Après transfert de celle-ci, le programme 185 verra ses crédits augmenter de 11 millions d'euros.
* 2 Extrait des réponses écrites au questionnaire budgétaire du rapporteur.
* 3 Depuis 2021, la garantie de l'État peut être octroyée aux établissements financiers pour les prêts accordés au bénéfice des établissements conventionnés et partenaires de l'AEFE et visant à financer l'acquisition, la construction, l'extension, l'aménagement ou la réparation des locaux d'enseignement, ainsi que l'achat de terrains ou d'immeubles à usage scolaire.
* 4 En application de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014, l'AEFE fait partie des organismes qui ne peuvent plus emprunter.
* 5 Reprenant le dispositif d'un amendement déposé par le député Frédéric Petit et plusieurs de ses collègues, le Gouvernement a introduit le présent article dans le texte de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.