B. DES CHANTIERS EN COURS DONT L'INSCRIPTION AU PROGRAMME NE CONTRIBUE GUÈRE À LA LISIBILITÉ DE LA POLITIQUE SANITAIRE
1. L'extinction du fonds de concours covid-19
L'action « veille et sécurité sanitaire » atteste d'abord d'un début de rebudgétisation des crédits portés jusqu'alors par le fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins », ce dont la commission se félicite.
Créé en mars 2020, rattaché au programme 204 et alimenté par Santé publique France, ce fonds de concours a financé des actions pour des montants dépassant rapidement les crédits budgétaires du programme 204. Au total, 980 millions d'euros ont été versés à ce fonds, dont 700 en 2020 et 280 en 2021 .
Le fonds de concours a financé pour près de la moitié des montants engagés des dépenses de matériel médical (masques, tests, respirateurs...). Il a également financé des dépenses de transport (transport de matériels et évacuations sanitaires), des commandes de vaccins, et les systèmes d'information Sidep, « TousAntiCovid » ou encore SI-VIC.
La commission 4 ( * ) , comme la Cour des comptes 5 ( * ) , a déjà eu l'occasion de dénoncer le recours à un tel montage. D'une part car il a favorisé la confusion des rôles entre Santé publique France et le ministère de la santé , ce dernier finissant par financer des dépenses relevant de son opérateur. D'autre part car un tel circuit est fortement contestable au regard des principes du droit budgétaire puisqu'il soustrayait des sommes considérables à l'autorisation parlementaire des dépenses de l'État.
Dans la perspective de l'extinction du fonds de concours, le programme 204 porte 2 millions d'euros de crédits supplémentaires, faisant passer les crédits de l'action à 3,6 millions d'euros, destinés à répondre à de possibles circonstances de crise, telles que d'éventuelles évacuations sanitaires.
2. Un effort maintenu au soutien des projets numériques
L'effort est poursuivi en matière de développement des systèmes d'information de santé publique, dont les crédits, à 11,5 millions d'euros, sont de 2 millions d'euros plus élevés que dans la LFI pour 2022 : 4,5 millions d'euros devront permettre de maintenir les systèmes existants en conditions opérationnelles et 7 millions seront consacrés aux refontes et aux nouveaux projets.
Cette enveloppe inclut également les projets confiés en maîtrise d'oeuvre et maîtrise d'ouvrage déléguées à l'Agence du numérique en santé (ANS) pour un total de 2,85 millions d'euros en 2023, tels que la gestion des évolutions du système des centres antipoison, le portail de signalement des événements indésirables graves en établissement de santé, ou encore l'exploitation de SI-VIC, initialement destiné à faciliter le recensement des victimes d'attentats ou d'évènements sanitaires graves, mais désormais également et largement utilisé dans le contexte de l'épidémie de la covid-19.
Les projets de nouveaux systèmes d'information de la direction générale de la santé pour 2023, de refontes ou d'évolutions majeures, à hauteur de 8,65 millions d'euros, consistent principalement en la finalisation du nouveau système d'information relatif aux demandes d'accès aux origines issu de la loi bioéthique, à assurer le lancement du système d'information de l'entrepôt national de données de biologie médicale (ENDB) ainsi que la poursuite des nombreuses refontes en cours et/ou l'assistance au déploiement des évolutions majeures associées à des impératifs réglementaires.
Parmi des derniers la pérennisation d'une base séquestre pour la conservation des données de vaccination lors de crises sanitaires, parachever la refonte et assurer le déploiement technique de la plateforme nationale de dématérialisation des certificats de décès CertDC, finaliser en 2023 la refonte du système d'information SIRIPH permettant de gérer l'évaluation des projets de recherche impliquant la personne humaine, etc .
Le système d'information SIRIPH relatif aux
projets de recherche
impliquant la personne humaine
La refonte du système d'information permettant de gérer l'évaluation des projets de recherche, et servant de plateforme d'échange entre les comités de protection des personnes (CPP) et les promoteurs, est l'une des principales mesures annoncées dans le cadre du Plan Santé innovation 2030 présenté en juin 2021 par le Président de la République, afin de soutenir l'activité des CPP face à l'augmentation du nombre de projets de recherche depuis 2016.
La version 1 du SI-RIPH2G a été mise en service en mai 2021 et a été complétée par plusieurs versions successives avec l'entrée en application de trois règlements européens 6 ( * ) et l'interfaçage rendu nécessaire avec le portail CTIS de l'agence européenne du médicament. Pour 2023, il est en outre prévu :
- d'adapter les caractéristiques fonctionnelles du système aux remontées des utilisateurs ;
- de finaliser l'intégration des dispositions règlementaires européennes, relatifs par exemple à la gestion des études mixtes de médicament et dispositifs médicaux et diagnostic in vitro , ou bien à la désignation des experts par partie sur les essais cliniques de médicament ;
- de lancer des travaux visant à adosser au SI-RIPH2G une plate-forme d'essais cliniques à vocation publique permettant d'informer les professionnels et les patients atteints de pathologie grave sans alternative thérapeutique des études actuellement en cours d'inclusion ;
- d'intégrer et centraliser d'autres outils de suivi, comme l'actuel fichier VRB, qui permet d'enregistrer certains volontaires participants aux recherches impliquant la personne humaine et qui a pour objet notamment de vérifier le respect des règles d'exclusion et d'indemnisation des volontaires.
La lisibilité de cette politique n'est toutefois pas évidente , puisque l'Agence du numérique en santé ne voit transiter qu'un peu plus de 2,8 millions d'euros au titre du programme 204, tandis que sa dotation pour 2022 au titre de la mise en oeuvre du volet numérique du Ségur atteignait 322 millions d'euros.
3. Des dépenses de prévention qui restent très fragmentées
Les dépenses de prévention en santé portées par le programme 204 sont fragmentées en une multitude de sous-actions dont les montants dépassent rarement le million d'euros. Les seules sous-actions envisagées pour un montant supérieur à un million d'euros sont :
- la santé sexuelle , dont les crédits s'élèvent à 4,84 millions d'euros, comme en 2022 et en 2021, afin notamment de soutenir les actions de la feuille de route santé sexuelle 2021-2024, dont la lutte contre le VIH/Sida, les autres IST et les hépatites virales B et C ;
- la prévention en matière d'environnement et santé est passée de 4,36 millions à 5,10 millions d'euros, finançant les diverses mesures du plan national santé environnement 4 (2021-2025), le plan chlordécone IV (2021-2027), le 4 e plan d'action pour la gestion du risque lié au radon, le plan d'action interministériel amiante, la 2 e stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens, etc . ;
- la prévention des addictions , dotée de 4,26 millions d'euros en 2023, contre 3 millions en 2022, pour soutenir les mesures issues du plan « Priorité prévention », du plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 et du programme national de lutte contre le tabac 2018-2022 (PNLT), dont le troisième volet (2023-2028) devrait être lancé en 2023 ;
- la prévention en matière de nutrition est dotée de 1,72 million d'euros, contre 1,06 million l'an dernier, aux fins de mise en oeuvre du Programme national nutrition santé 2019-2023 (PNNS4) ainsi que de la Stratégie nationale sport santé (SNSS) 2019-2024 et de diverses autres actions ;
- la santé mentale , dont les crédits s'élèvent à 1,05 million d'euros contre 1 million en 2022, pour financer des actions de promotion du bien-être mental, de prévention des troubles psychiques et du suicide et de repérage précoce ; d'autres mesures sont relatives au renforcement des compétences psychosociales, à la lutte contre la stigmatisation, et à la formation au secourisme en santé mentale ;
- la prévention des maladies chroniques , dotée de 1,1 million d'euros, comme l'an dernier et l'année précédente, pour le financement d'actions diverses.
Ces dépenses de prévention ne représentent ainsi qu'une part minime de l'effort total de la nation dans ce domaine et n'obéissent à aucune cohérence stratégique.
Le « jaune budgétaire » consacré à la prévention en santé annexé au PLF pour 2023 estime les dépenses de l'État en la matière à 2,92 milliards d'euros, dont seulement 27,3 millions d'euros au titre du programme 204 de la mission Santé, qui représente donc moins de 1 % de l'effort budgétaire consenti par l'État en matière de prévention sanitaire .
L'annexe 5 au PLFSS pour 2023 estime les dépenses de prévention institutionnelle de la sécurité sociale à 5 milliards d'euros en 2019, 8,6 milliards en 2020 et 16,9 milliards en 2021. Ces montants tiennent compte de la crise sanitaire et de la politique de dépistage systématique, mais non des actes préventifs réalisés lors de consultations médicales ordinaires.
Il est par ailleurs difficile, dans ces conditions, d'évaluer la contribution du programme 204 aux objectifs qu'il se fixe , tel celui d'« améliorer l'état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé », surtout lorsque les indicateurs permettant de l'apprécier sont aussi disparates que : le « taux de couverture vaccinale contre la grippe des plus de 65 ans », le « taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal », le « pourcentage d'unités de distribution d'eau potable présentant des dépassements des limites de qualité microbiologique » ou la « prévalence du tabagisme chez les adultes ».
* 4 Voir les rapports pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission Santé du PLF pour 2021 et 2022.
* 5 Voir les notes d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission Santé pour 2020 et 2021 publiées par la Cour des comptes.
* 6 Règlement européen (2017/745) applicable aux investigations cliniques de dispositifs médicaux, règlement européen (2014/536) applicables aux essais cliniques de médicament, et règlement européen (2017/746) applicable aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.