B. PAR CONSÉQUENT, AUCUNE CESSION DE TITRES N'A EU LIEU, POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, CE QUI MODIFIE SENSIBLEMENT LE TYPE DE RECETTES ALIMENTANT LE COMPTE, À REBOURS DE SON « ESPRIT » INITIAL
Compte tenu de la situation des marchés financiers, l'État n'a quasiment plus procédé à des cessions de titres de son portefeuille côté depuis 2020 ; le cas inverse l'aurait en effet conduit à supporter des moins-values potentiellement lourdes, au détriment de ses intérêts financiers.
Source : commission des affaires économiques du Sénat.
Si ce choix est bienvenu compte tenu de la situation, la rapporteure note que cette absence de recettes issues des cessions de titres interroge quant au fonctionnement du compte d'affectation spéciale. Pour parer à l'urgence, en effet, le compte se voit doté d'importants crédits en provenance du budget général, ce qui l'éloigne chaque année davantage de la définition-même d'un CAS, à savoir de mettre en relation des dépenses et des recettes de même nature. In fine , il informe peu - voire pas du tout - quant à la stratégie de long-terme de l'État actionnaire 1 ( * ) , bien que l'action de l'État en matière de souveraineté économique de la France soit mise en avant dans le débat public depuis trois ans ; au contraire, il s'apparente de plus en plus à une simple pompe prélevant des crédits du budget général d'un côté, et les injectant dans des entreprises fragilisées de l'autre côté. Si le pur respect des formes comptables et budgétaires est respecté, l'« esprit » du compte a indéniablement changé. Le graphique ci-dessous retrace la mutation du compte intervenue depuis trois ans.
Source : commission des affaires économiques du Sénat.
Pour 2023, il est à noter que l'Agence des participations de l'État annonce 500 M€ de recettes issues des produits de cessions, dont l'origine ne peut être précisée dans un document public, afin de ne pas en informer les marchés financiers.
En outre, la compréhension de la
stratégie de l'État est perturbée par le flou
qui
entoure les programmes du budget général qui alimentent le
compte
Puisque le compte n'est plus alimenté par des recettes issues des cessions de titres de l'État, ce dernier fait quasi-intégralement appel au budget général pour financer ses opérations sur le compte. Celles-ci peuvent, schématiquement, être scindées en deux catégories : les soutiens aux entreprises touchées par les conséquences économiques de la crise sanitaire (programme n° 358 au sein de la mission « Plan d'urgence », créée par la LFR2 de 2020), et les opérations plus classiques (qu'est venu financer le programme n° 367 au sein de la mission « Économie »). Si le programme n° 358, devenu de moins en moins utile, est supprimé dans le PLF 2023, le programme n° 367 est bien maintenu (bien que non alimenté pour l'an prochain, compte tenu de ses crédits non-encore utilisés), ce qui laisse supposer qu'il sera sollicité par le Gouvernement dans l'hypothèse où des dépenses imprévues devaient apparaître en cours d'année. Or, ce programme « ne [répond] pas à un thème spécifique [et ne respecte] pas le principe de spécialité des crédits budgétaires », comme le notait la Cour des comptes encore récemment 2 ( * ) .
Si les marges de manoeuvre de l'État en la matière sont limitées, la rapporteure note qu'il s'agit là d'une conséquence directe d'un choix du Gouvernement, dénoncé à maintes reprises depuis plusieurs années : celui de laisser le solde du compte diminuer, ce qui le contraint à faire appel au budget général.
* 1 En 2017, par exemple, l'État actionnaire a vendu 100 millions d'actions ENGIE (pour 1,1 Md€) afin de dégager des recettes pour financer des investissements liés à la refondation de la filière nucléaire annoncée en juin 2015.
* 2 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de 2021, 4 juillet 2022.