TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de
M. Olivier Klein,
ministre délégué auprès
du ministre de la transition écologique
et de la cohésion des
territoires, chargé de la ville et du logement
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui Monsieur Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, qui vient nous présenter le projet de budget de son ministère pour 2023.
Je précise que cette audition est diffusée en vidéo en direct sur le site internet du Sénat et sera disponible ensuite en vidéo à la demande.
Monsieur le ministre, vous nous présentez ce soir un budget en progression nominale. Nous sommes entrés dans une période d'inflation, de l'ordre de 4,2 % l'année prochaine. C'est à l'aune de celle-ci qu'il nous faut aujourd'hui comprendre l'évolution des budgets en volume qui nous sont proposés.
Dans une mission « cohésion des territoires » qui s'accroît globalement de 3,9 %, les trois programmes dédiés au logement suivent la même dynamique, et celui dévolu à la ville augmente de 7,1 %.
La commission est particulièrement attachée à ces sujets, et nous ne cachons pas notre satisfaction que des demandes légitimes aient pu être entendues - je pense notamment aux Quartiers d'été. Mais dans un budget général en déficit de 5 %, et avec une dette dépassant les 110 % du PIB, la responsabilité collective, et particulièrement celle du Sénat, est d'aller au-delà de la facilité de considérer comme « bon » un budget en augmentation.
Celui que vous nous présentez ressemble fort à un budget de transition en matière de financement du logement social, de rénovation des habitations et de politique de la ville. Nous n'attendons pas de vous des solutions miracles, mais une stratégie de long terme, une hiérarchisation des objectifs et des orientations pluriannuelles.
En matière de financement du logement social, nous sommes entre la RLS, prolongée cette année, et le « pacte de confiance », qui j'espère portera bien son nom. Au regard de la construction du PLF 2023, c'est pourtant l'inquiétude qui domine.
Sous couvert de négociations en cours sur ce fameux pacte et sur la convention quinquennale, Action Logement a de nouveau été mis à contribution contre sa volonté. Parallèlement, la requalification par l'INSEE en administration publique de sa filiale Action Logement Service (ALS), qui prélève et distribue la Participation à des employeurs à l'effort de construction (PEEC), laisse augurer à nouveau un possible démembrement du groupe et une budgétisation de cette dernière.
Dans la lignée du travail de Valérie Létard, Dominique Estrosi-Sassione, Viviane Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann, notre commission porte deux convictions très fortes. D'abord, il est philosophiquement essentiel que le patronat et les syndicats soient investis pour le logement des salariés. Ensuite, il est budgétairement primordial pour le logement et la rénovation urbaine que cet acteur reste autonome pour être un partenaire de longue durée. Nous sommes ainsi convaincus que les bénéfices de court terme des attaques contre Action Logement se révèleront des handicaps de long terme contre le secteur. Au moment où votre collègue de Bercy pourrait demain prendre la décision juridique de classer ALS comme organisme d'administration centrale, avec de nombreuses conséquences notamment financières, nous attendons de votre part un engagement déterminé pour que, au-delà les nécessités d'un moment, les outils, les acteurs et les financements spécifiques du logement soient garantis dans la durée.
Ce budget est aussi un budget de transition en matière de rénovation des logements. Il vous revient de mettre en oeuvre la loi « Climat et résilience » et notamment les interdictions de louer frappant les logements classés E, F et G. Or, l'Institut Paris région a montré que 45 % des résidences principales d'Ile-de-France portaient ces étiquettes énergétiques. Comment comptez-vous relever ce défi technique et financier, alors que l'énergie pèse si lourd dans le pouvoir d'achat des Français ? Notre commission, avec notre rapporteur Dominique Estrosi-Sassione, avait émis des propositions pour desserrer le calendrier des étiquettes E et pour accompagner les propriétaires. Elles n'ont, pour l'essentiel, pas été retenues. Elles nous manquent aujourd'hui.
Enfin, c'est aussi un budget de transition en matière de politique de la ville. L'année 2023 sera déterminante pour le renouvellement des contrats de ville, la redéfinition de la géographie prioritaire et l'aménagement du cadre législatif et financier. Là aussi, notre commission a présenté des propositions constructives en lien étroit avec les maires concernés, en s'appuyant sur votre travail à l'institut Montaigne pour aller de l'avant et redonner une ambition claire à cette politique : être un tremplin pour les habitants. Nous attendons ainsi que vous présentiez vos intentions et votre agenda pour les prochains mois.
J'attire votre attention sur les quartiers ayant été déclassés de la politique de la ville en 2014, situés dans des communes très souvent socialement fragiles, et très proches d'autres villes toujours classées en politique de la ville. Ces quartiers ont subi les effets collatéraux des démolitions et reconstructions et sont aujourd'hui dans des situations bien dégradées, alors que les communes ont connu une raréfaction de l'argent public et de leur propre capacité à agir.
Je vous laisse répondre à ces premières interpellations, avant de laisser la parole à nos rapporteurs, puis à mes collègues qui souhaiteront s'exprimer.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement . - C'est pour moi un honneur d'être auditionné par votre commission. En tant qu'élu municipal depuis plus de 25 ans, vous imaginez mon attachement aux collectivités. La politique du logement englobe de nombreux sujets. La conjoncture nous impose d'agir vite, fort et de façon globale. Elle ne doit pas minimiser les difficultés du secteur, liées à la demande - avec l'enjeu de solvabilité des ménages et l'accès au crédit - et à l'offre, alors qu'existent de nombreux freins à la construction.
Ma mission vise à faire que le logement ne devienne pas la bombe sociale de demain. Pour cela, nous nous donnons les moyens de nos ambitions. Le budget en faveur du logement prévoit d'abord d'accompagner les Français tout au long de leur parcours résidentiel, puis d'accompagner les territoires pour une politique du logement en lien avec la transition écologique. Je souhaite également mettre en oeuvre une politique alliant l'urbain et l'humain.
Lier la politique de la ville et celle du logement permet d'obtenir des résultats forts dans nos quartiers. La participation citoyenne y est favorisée. Nous y permettons l'émancipation et le plein emploi. Nous y menons une politique exigeante contre les fractures, les vulnérabilités et les discriminations. Pour que leurs habitants se sentent pleinement citoyens de la République, nous leur devons l'accès aux droits, à des logements dignes, au service public et aux transports. Je souhaite mener et construire cette politique avec les élus locaux.
Notre priorité, dans le contexte actuel d'inflation, concerne le pouvoir d'achat. Contre la hausse des prix, le gouvernement a voté le paquet « pouvoir d'achat » en juillet. Le logement est le premier poste de dépense des ménages. Conformément aux engagements de la Première ministre, vous avez adopté un plafonnement de la hausse des loyers de 3,5 % - alors qu'elle aurait pu atteindre 6 % en 2023 - et une revalorisation des APL de 3,5 %. Elle concerne 5,8 millions de foyers, dont 2,6 millions en logement social, pour 300 millions d'euros de dépense.
Ensuite, un ministre du logement est selon moi un ministre du parcours résidentiel, à chaque étape de la vie. Nous accompagnons la famille qui s'agrandit et souhaite devenir propriétaire avec la possibilité d'obtenir un prêt à taux zéro. Ce dispositif a soutenu 75 000 ménages en 2021. Sa pertinence est renforcée par les taux actuels. Le PLF 2023 le maintient inchangé. Nous devons travailler aux suites à lui donner à partir de 2024.
Ensuite, avec MaPrimeRénov', nous aiderons nos aînés à mieux vieillir chez eux, dans un logement adapté. C'était une promesse de campagne du Président de la République. Les crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) sont renforcés de 35 millions d'euros dans le PLF pour enclencher cette dynamique dès 2023.
Ce parcours résidentiel doit également accompagner ceux qui n'ont pas de logement. Nous luttons quotidiennement contre le mal-logement et le sans-abrisme, avec des résultats. Le Président de la République avait initié dès 2027 la politique du logement d'abord. Cinq ans plus tard, près de 400 000 personnes ont pu accéder à un logement, et la production de logements adaptés a doublé. Nous poursuivrons cet effort avec un nouveau plan logement d'abord.
Je souhaite aussi que ce plan reste exemplaire en matière de territorialisation autour des Services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) et des élus. Je veux me nourrir des idées des 45 territoires qui continuent à accélérer le logement d'abord. Ensuite, la performance et le suivi des résultats sont primordiaux. Le Sénat a produit en 2018 un rapport sur l'hébergement d'urgence. Quatre ans plus tard, une bonne part des efforts de pilotage demandés ont été mis en oeuvre. Il reste toutefois beaucoup à faire. Le PLF 2023 reflète déjà les dynamiques que je souhaite porter. 44 millions d'euros supplémentaires sont alloués à la production de logements et à la prévention des expulsions locatives. Face aux besoins inédits, il maintient pour 2023 un très haut niveau de places d'hébergement d'urgence.
Pour permettre ce parcours résidentiel, il est indispensable de travailler étroitement avec l'ensemble des acteurs du logement, et notamment les bailleurs sociaux. C'est l'idée du pacte de confiance annoncé par la Première ministre, que je souhaite construire rapidement pour qu'il donne une vision de long terme à l'ensemble des acteurs.
Dès 2023, le budget vient stabiliser le modèle de financement en soutenant la production de 110 000 logements sociaux. Nous soutiendrons également la rénovation, notamment thermique, du parc social avec une enveloppe dédiée de 200 millions d'euros. Pour atteindre ce niveau de construction, l'État doit pouvoir s'appuyer sur les maires, qui ont une obligation à travers la loi SRU. Je veux aller au-delà de cet aspect contraignant, dans le dialogue. C'est aussi l'idée de ce pacte de confiance.
La loi SRU a fait l'objet de débats importants dans cette chambre l'an dernier. L'équilibre trouvé me semble être le bon. Vous avez pérennisé la loi et ses exigences, en laissant toute sa place au dialogue. Je veux un dialogue local exigeant pour que la loi SRU soit respectée par toujours plus de communes. C'est le sens des contrats de mixité sociale que je souhaite signer avec toutes les communes volontaires.
Favoriser le parcours résidentiel passe tout d'abord par une amélioration des logements existants. Nous pouvons pour cela nous saisir de quatre leviers. D'abord, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est aujourd'hui largement mobilisé. 450 projets sont validés. Des chantiers sont engagés dans près de 400 quartiers. 12 milliards d'euros seront bientôt alloués, mais pas intégralement dépensés. Je rappelle que l'investissement pour les quartiers en renouvellement urbain s'élèvera, tous leviers confondus, à 50 milliards d'euros à la fin du programme. Je salue à ce titre l'action de l'ANRU et de l'ensemble des maires et présidents d'intercommunalités des quartiers politiques de la ville (QPV), qui s'engagent pleinement dans ces opérations de reconstruction, de démolition, de construction d'équipements publics.
L'accélération de la rénovation énergétique est une priorité du gouvernement. Les résultats sont là. MaPrimeRénov', c'est la réussite de la massification des travaux de rénovation. 1,5 million de projets ont été soutenus depuis 2020, dont plus de 160 000 rénovations globales, contrairement aux 2 500 régulièrement citées. 2,1 milliards d'euros ont bénéficié en 2021 à plus de 80 % de ménages modestes ou très modestes, contre seulement 10 % avec le crédit d'impôt dans la version antérieure. Le gain énergétique moyen par logement est également en hausse de 30 % par rapport au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) antérieur. En un mot, MaPrimeRénov' fonctionne et est une réussite, mais nécessite maintenant une accélération. On reproche souvent au logement de représenter 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Je crois que nous devons en faire l'avant-garde éclairée de la transition écologique. Nous en avons les moyens. Le PLF 2023 prévoit 2,45 milliards d'euros sur le dispositif de MaPrimeRénov', un renforcement d'environ 130 millions d'euros des autres aides de l'ANAH en faveur de la rénovation énergétique pour consolider la dynamique inédite de la relance. Cette accélération se traduira par des évolutions des aides, pour plus de rénovations performantes et globales. Une attention accrue doit être portée aux passoires thermiques, notamment par un meilleur accompagnement des ménages. C'est l'enjeu du service public France Renov. Nous devons rendre accessibles aux Français une information et un conseil sous cette bannière unique. Un réseau d'accompagnateurs agréés, qui se déploiera tout au long de 2023, sera chargé d'emmener les ménages vers des projets ambitieux et de leur faire connaître les aides auxquelles ils ont droit.
Enfin, l'enjeu de la rénovation énergétique est celui de l'habitat collectif. L'aide MaPrimeRénov'Copropriétés sera prolongée pour accentuer l'effort de rénovation des logements collectifs, de sorte à diminuer les restes à charge des travaux, et aider à la décision en assemblée générale.
Nous ne pouvons continuer à voir des gens vivre dans des conditions insupportables dans des passoires thermiques. Depuis la fin du mois d'août, les loyers des logements classés F et G sont gelés. La prochaine échéance prévue par la loi « Climat et résilience » conduira progressivement à leur interdiction de remise en location. Pour tenir ce calendrier, nous travaillerons avec l'ensemble des acteurs. Cette interdiction s'appliquera à tous les logements, y compris aux biens destinés à la location en meublé touristique. Nous ne devrions pas créer un effet d'aubaine pour que ces logements, qui ne pourraient être conservés en location, soient transformés en logis touristiques.
Ensuite, nous devons réconcilier la France avec l'acte de construire pour que chacun puisse se loger en fonction de son parcours de vie. Il faut construire plus de logements, de tous types, là où sont les besoins les plus importants. D'abord, nous devrons rétablir collectivement un discours positif sur l'acte de construire avec les maires et l'ensemble des acteurs. Si vous me permettez l'expression, il faut construire plus pour loger plus. Plus de 2,2 millions de Français sont aujourd'hui en recherche d'un logement social. Nous ne pouvons donc penser que le besoin est couvert. Nous pourrons arriver à nos fins en étant exemplaires en matière environnementale. La dynamique est en cours. Les promoteurs, architectes, entreprises du bâtiment et des travaux publics transforment leur activité en profondeur pour répondre à cette ambition environnementale et à l'exigence de la nouvelle réglementation RE2020. Celle-ci pose un cadre ambitieux en donnant à la construction neuve plusieurs objectifs de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles ou de diminution des impacts carbone.
Enfin, la Première ministre a annoncé un fonds vert doté de 2 milliards d'euros pour les collectivités locales. Cet engagement fort vise à accélérer la transition écologique de nos villes et de nos territoires. L'été 2022 nous a montré que l'exceptionnel risquait de devenir la norme. Nous devons agir. Ce fonds accompagnera les collectivités dans leurs projets, pour adapter la ville aux changements climatiques, pour régénérer des friches urbaines, pour réaménager des surfaces commerciales et services devenus obsolètes, et pour rénover des équipements et bâtiments publics. C'est du concret. Ce fonds est destiné aux élus locaux, les plus à même de porter des projets de transition écologique adaptés à leur territoire.
Les sujets sont nombreux. Les urgences aussi. Je compte mettre toute mon énergie pour relever ces défis, sur lesquels j'aurais l'occasion d'échanger lors du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Ces discussions ne remplaceront en rien le travail parlementaire, mais permettront de créer du consensus, de bâtir des solutions et de remettre les citoyens au coeur des grands choix de notre pays.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Je voudrais d'abord vous interroger sur le budget dévolu à l'hébergement d'urgence et à l'accès au logement, car donner un toit à chacun est la première des exigences. Les moyens du programme 177 sont importants, et l'État est globalement au rendez-vous financier via des PLF croissants et des ajustements en cours d'année. Cependant, le secteur a besoin de stabilité, de lisibilité et de moyens pour assurer l'accompagnement social, clé de la réussite de la politique du logement d'abord.
Très récemment, vous avez annoncé 40 millions d'euros supplémentaires pour maintenir un parc de 197 000 places en renonçant aux baisses programmées initialement. Pour autant, beaucoup estiment une telle enveloppe insuffisante au regard des coûts effectifs. Prévoyez-vous d'aller plus loin ? En termes d'accompagnement, les associations me font part de graves difficultés de recrutement et d'un problème d'attractivité des métiers. Je suis par exemple interpellée sur le fait que les écoutants des SIAO ne bénéficient pas des revalorisations obtenues par d'autres catégories de travailleurs sociaux. Allez-vous apporter une réponse à cette injustice ?
J'attire également votre attention sur la situation de certains gestionnaires de logements foyers ou de logements accompagnés. Elle peut être très difficile, compte tenu de la hausse des coûts de l'énergie. En effet, lorsque la facturation au résident est forfaitaire, le gestionnaire doit supporter l'essentiel de la hausse sans pouvoir la répercuter, alors que les hébergés bénéficient du chèque énergie. ADOMA et l'UNAFO ont présenté plusieurs pistes de solutions, dont l'attribution du chèque énergie aux gestionnaires, une modification des conditions de révision des forfaits ou encore une refacturation partielle des consommations excessives. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Ensuite, certains commencent à dire qu'il faudrait choisir entre la rénovation et la construction neuve. C'est bien un domaine où le « en même temps », que je ne privilégie en aucun cas, aurait pourtant tout son sens. La crise actuelle du logement est particulièrement grave, et ne cessera de s'aggraver, à court terme tout du moins. Faire un choix entre la rénovation et la construction neuve équivaudrait à revenir sur les conclusions de la commission Rebsamen. Elle avait pu aboutir à un consensus sur le besoin en construction neuve. Ce serait également dangereux au regard des besoins urgents d'accès au logement. Les bailleurs sociaux, mais aussi les promoteurs, sont très préoccupés par l'accès au foncier. Certains opérateurs s'inquiètent que le nouveau « fonds vert » conserve tous les avantages et la simplicité du fonds friche, qui s'est révélé efficace pour débloquer des dossiers complexes. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
En matière de rénovation, je suis préoccupée par un discours uniquement punitif vis-à-vis des propriétaires, bien loin d'être tous des « marchands de sommeil louant des logements indignes ». Beaucoup sont confrontés aux difficultés techniques et financières de la rénovation et pourraient retirer leurs biens du marché.
J'ai constaté dans votre entretien pour Le Parisien que vous évoquiez le statut du bailleur privé. Sachez que vous trouverez au sein de cette commission une écoute plus qu'attentive. Je plaide depuis de nombreuses années la nécessité de le mettre en place. Nous devons aider ces bailleurs privés, et non prendre des mesures coercitives à leur encontre. Je reste convaincue qu'un geste tel que l'actualisation du déficit foncier sur l'inflation serait un signal efficace pour les embarquer dans cette volonté de rénovation énergétique de leur logement. Surtout, cette décision empêcherait bon nombre de biens de sortir du marché locatif. Dans le cadre de la loi « Climat et résilience », j'avais même proposé un certain nombre de mesures fiscales et financières à destination des propriétaires, dont un doublement du déficit foncier.
MaPrimeRénov'Copropriétés prend progressivement de l'ampleur. On pourrait accélérer et débloquer progressivement certains dossiers en permettant à l'ANAH de doubler la prime pour les propriétaires modestes. De même, sans doute faut-il bouger les curseurs pour que le soutien à la rénovation globale soit toujours plus avantageux que celui aux gestes uniques de travaux. Pensez-vous pouvoir agir en ce sens ?
Enfin, les enjeux ne sont pas moins forts dans le parc social. Les bailleurs ont moins de marges de manoeuvre avec la RLS et la hausse des taux d'intérêt ou du livret A, qui pourraient à l'avenir peser davantage sur leur capacité d'autofinancement. L'USH a émis des propositions pour aller directement vers les meilleures étiquettes énergétiques, dans l'objectif de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), et pour financer la deuxième vie des logements. Qu'en pensez-vous ?
Nous avons bien compris que ce budget était un budget de transition. Nous souhaitons maintenant obtenir de la visibilité sur le budget du logement pour les quatre années à venir. Il s'inscrit sur un temps long, mais jusqu'à présent, nous n'avons eu qu'à déplorer une politique de stop & go . Les opérateurs, privés comme publics, ne savent où aller et sont contraints dans leurs capacités à agir.
Comment pensez-vous matérialiser votre annonce sur l'interdiction des passoires thermiques sur les meublés de tourisme ? Un véhicule législatif ad hoc concernera-t-il cette mesure ?
Enfin, la Première ministre a annoncé l'extension du bouclier tarifaire sur le gaz aux ménages résidant en copropriété et en logement social à chauffage collectif. Quelles seront ses modalités de mise en oeuvre ? À Nice, j'ai rencontré certaines copropriétés, qui ont pris la décision de ne pas se chauffer, parce que les charges sont beaucoup trop importantes. Elles sont contraintes à des avances de charges, qu'elles ne parviennent pas à faire au regard du bouclier tarifaire, perçu beaucoup trop tardivement. Elles souhaitent bénéficier du même dispositif que les copropriétés actuellement en chauffage individuel au gaz.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - En tant qu'ancien Président de l'ANRU, vous êtes bien placé pour savoir qu'elle a retrouvé toute sa dynamique. Nous sommes entrés dans la phase active du NPNRU avec de plus en plus de chantiers et de besoins de paiement. Dans ce contexte, je suis très préoccupée de voir que l'État n'apportera que 15 millions d'euros au programme l'année prochaine. Au cours des cinq dernières années, il n'a financé que la moitié environ des 200 millions d'euros promis. Qu'en sera-t-il à l'avenir, alors que l'État doit encore 1,1 milliard d'euros d'ici 2031 et qu'il devrait verser de l'ordre de 110 millions d'euros par an sur 10 ans ? Assurez-vous que l'État sera bien au rendez-vous et assumera sa part de financement de la rénovation urbaine ?
Vos prédécesseurs ont indiqué relancer le recrutement d'adultes relais pour appuyer les associations et développer la médiation sociale dans les quartiers. Le chiffre officiel est de 6 514 adultes relais. La réalité des effectifs sur le terrain est de l'ordre de 4 600, soit pas tellement plus qu'au début du quinquennat précédent. Comment expliquer cet échec ? Comment comptez-vous y remédier ? Certains évoquent le niveau des rémunérations et les problèmes de professionnalisation qui expliqueraient la faible attractivité des postes. Est-ce exact ?
Ensuite, la dynamique de la politique de la ville est une question centrale pour mesurer ses effets sur les habitants. Nous avons plaidé dans notre rapport pour beaucoup plus d'études de cohortes. Pourtant, nous avons constaté que l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), dépourvu de président depuis près d'un an, disposant de toujours moins de personnels et de liens avec la recherche, est devenu une coquille vide. Ce sujet peut sembler technocratique, mais il est très important. On ne peut, par exemple, pas concevoir de dépenser 40 milliards d'euros dans le NPNRU sans évaluation. Comment répondre aux critiques de la Cour des comptes et comment comprendre ce qui se joue dans ces quartiers sans évaluation ? Comment comptez-vous relancer l'ONPV et relever ce défi de l'évaluation et de la recherche sur la politique de la ville ?
Enfin, les villes abritant des QPV sont aujourd'hui particulièrement touchées par l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie car elles sont plus pauvres que les autres. Qu'est-il prévu pour les accompagner et les aider à passer le cap ? Le Gouvernement a accepté un coup de pouce complémentaire de 110 millions d'euros pour la DSR à l'Assemblée nationale. Étant élue d'un département rural, je m'en réjouis, mais un geste équivalent sur la DSU est-il envisagé au Sénat ? Ce n'est pas moins attendu et légitime.
Enfin, en dehors du budget, pouvez-vous nous faire part de vos projets et de votre agenda pour les prochains mois sur les contrats de ville ?
M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - Le PLF a été présenté avec un objectif d'abaisser le parc d'hébergement d'urgence de 14 000 places environ. Pourtant, vous avez récemment confirmé que le nombre de places resterait au nombre très élevé atteint pendant la crise sanitaire, puisque le gouvernement a obtenu une ouverture d'un crédit supplémentaire de 40 millions d'euros dans le texte du PLF adopté au moyen du 49.3. Comment est-il impossible de descendre sous ce plateau alors que les restrictions sanitaires n'ont plus cours ? Pourquoi la politique du logement, d'abord censée favoriser le passage direct des sans-abris vers le logement, n'empêche-t-elle pas un nombre toujours plus important d'entre eux de s'arrêter à la case hébergement ? Quel est le nombre de personnes sans-abris en France ? Une audition de la fondation Abbé Pierre laisse entendre que 2 000 enfants et 7 000 adultes dorment encore dehors chaque soir. La dernière enquête de l'INSEE sur le sujet remonte à dix ans. Quand une nouvelle étude vous permettra-t-elle de fonder réellement cette politique sur une connaissance de la population concernée ? Avez-vous une idée du nombre de personnes qui ne devraient pas relever de votre ministère, mais de celui de l'intérieur, au titre de la politique d'accueil des migrants et réfugiés ?
Ayant reçu les responsables d'Action Logement la semaine dernière, j'ai été surpris d'apprendre que les négociations de la nouvelle convention quinquennale n'avaient pas commencé. Pourront-elles être conclues d'ici la fin de l'année, au risque de causer des difficultés en début d'année prochaine, compte tenu de l'interdiction d'emprunt sur une durée supérieure à un an dont ALS devrait bientôt faire l'objet ? Avez-vous un plan B si l'organisme ne peut plus contribuer autant qu'aujourd'hui à tant de politiques publiques ?
Quant à la politique de la ville, que vous connaissez mieux que personne, je m'interroge sur l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont bénéficient les bailleurs sociaux. Ils doivent, en échange, réaliser des travaux d'amélioration dans les quartiers ANRU. Avez-vous un bilan de l'utilisation de cet abattement ? De nombreux maires indiquent qu'ils n'auraient pas apporté toutes les contreparties attendues par la loi.
Enfin, le PLF ne contient rien, ou presque, concernant le sujet du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Votre collègue Christophe Béchu a évoqué « une forme de fiscalité qui renchérisse le coût de l'artificialisation en fournissant des moyens de collectivité » devant la commission de l'aménagement du territoire la semaine dernière. Avez-vous une réflexion ou une position sur ce sujet, qui met tous les territoires en ébullition ?
M. Olivier Klein . - D'abord, tous les échanges menés depuis de nombreux mois avec Action Logement sont au coeur des réflexions sur ce que sera la nouvelle convention quinquennale. J'ai reçu son Président et sa directrice générale le 6 juillet, deux jours après ma nomination. Compte tenu de mes anciennes fonctions de président de l'ANRU, nos échanges ont été nombreux. Personne n'ignore mes prises de position de l'époque, lorsque j'indiquais que le rôle d'Action Logement était, à mes yeux, déterminant dans un certain nombre de politiques : le renouvellement urbain, Action coeur de ville, les logements sociaux. À ce stade, malgré les évolutions et le classement d'Action Logement en administration publique, je continue à penser que la structure actuelle est la meilleure pour faire vivre le monde du logement social.
Pour autant, nous devrons ensemble définir les responsabilités des uns et des autres sur la production, sur la réhabilitation. Un débat est toujours ouvert sur le Fonds national d'aide à la pierre (FNAP). Je ne sais pas comment nous aurions pu agir autrement s'agissant du maintien du prélèvement tel qu'il a existé à la suite des échanges sur le plan d'investissement volontaire, de 3 fois 300 millions d'euros - et, cette fois-ci, une quatrième fois 300 millions d'euros. Si nous n'avions pas choisi cette voie, Action Logement proposait que les bailleurs eux-mêmes contribuent à l'aide à la pierre, ou l'État.
Ce dernier pense encore qu'il est important de participer à la rénovation thermique. Ce sujet est sur la table dans le cadre du pacte de confiance que nous construisons avec les bailleurs sociaux, et de la convention quinquennale. Les deux débats sont liés et doivent être portés simultanément, dans un nouveau cadre. Lors de l'émergence des premières volontés de budgéter la PEEC, Action Logement n'était pas classée en administration publique. Le contexte a changé. Nous portons une responsabilité collective sur sa dette. Nous devons y travailler ensemble. Nous recevrons avec Christophe Béchu l'ensemble des partenaires sociaux d'Action Logement le 15 novembre pour lancer officiellement, peut-être, la négociation sur la prochaine convention quinquennale. Nous y travaillons depuis trois mois. Chacun doit se mobiliser sur la production neuve et sur la réhabilitation. Ces deux chantiers doivent être menés avec la même acuité, sans opposition.
Nous le savons, 80 % des logements dans lesquels nous vivrons en 2050 existent déjà. La question de la rénovation et de la réhabilitation est donc primordiale.
Ensuite, je crois en notre objectif de tenir les échéances fixées sur le plan de la rénovation énergétique, mais pas dans une logique culpabilisatrice. Les propriétaires occupants et bailleurs sont aussi bien aidés les uns que les autres par MaPrimeRénov'. L'ensemble des aides doivent être connues pour le logement individuel. Nous devons dépasser la massification par une rénovation plus performante, voire globale, là où elle est possible. Pour autant, aucun geste n'est gâché. Ils sont utiles au portefeuille des occupants de ces logements, mais aussi de la planète. Une rénovation performante et globale n'est qu'une somme de gestes. Avec les conseillers France Renov et les accompagnateurs agréés, nous devons lancer tous ces chantiers en toute connaissance de cause. Nous avons besoin d'éclairer chaque porteur de projet, individuel ou collectif, et de renforcer notre effort sur le logement collectif, et notamment les copropriétés dégradées, qui compose la part la plus importante du parc, notamment locatif.
Nous devrons être très attentifs au fait qu'un propriétaire bailleur ou occupant d'un logement classé F ou G risque de rencontrer des difficultés pour changer d'étiquette si celle-ci est liée à la structure du bâti. Nous devrons, le moment venu, prévoir un accompagnement adapté aux copropriétés pour que les travaux nécessaires puissent être votés par l'assemblée générale. Nous étudierons les différents cas. Je ne souhaite pas, à ce stade, faire d'exception possible en leur donnant du temps. Les occupants de passoires thermiques n'ont pas ce temps. Nous travaillons sur la qualification des diagnostiqueurs et la formation des artisans pour engager cette dynamique. L'ANAH et ses partenaires nous accompagnent sur une montée en charge pour trouver de nouvelles aides, afin de rendre MaPrimeRénov'Copropriétés la plus efficace possible.
Madame Estrosi Sassone, le projet de loi de finances prévoyait une baisse de l'hébergement d'urgence de 7 000 places en 2023, suivant une première baisse en 2022. Ceci dit, la réalité nous rattrape, et le besoin reste très important en sortie du Covid. Le plan logement d'abord a toutefois permis de sortir 390 000 personnes de la rue. Compte tenu des conditions politiques ou géopolitiques, de nombreuses personnes ont encore besoin d'un hébergement d'urgence. Le gouvernement a donc décidé d'ajouter ces 40 millions d'euros visant à maintenir 197 000 places environ, pour éviter une remise à la rue.
Le programme Logement d'abord sera relancé avec une vraie volonté. Le gouvernement ne peut agir seul. Nous devons convaincre les élus et habitants de la nécesssité de l'acte de construire, mais nous devons également les convaincre que l'installation d'une pension de famille ou d'une résidence sociale à côté de chez soi est loin d'être un drame, au contraire. Nous avons besoin que le regard sur ces lieux d'accueil évolue.
Ensuite, il est très difficile de disposer du nombre précis de sans-abris. Néanmoins, nous travaillons, sur proposition de l'association Aurore, à la mise en place d'un observatoire qui nous apportera une vision dynamique de la situation. L'ensemble des associations souhaitent sa création. J'ai demandé à la DIHAL et la DHUP de s'en charger. Cette question a également été évoquée récemment à l'occasion d'un Conseil de défense en présence du Président de la République. Nous savons qu'environ la moitié des 200 000 personnes aujourd'hui en hébergement d'urgence n'est pas en capacité d'accéder à un logement, en raison d'une situation irrégulière ou équivalente. Pour un hébergement d'urgence réussi, un accompagnement social des familles sera par ailleurs primordial.
Madame Estrosi Sassone, le travail des écoutants du SIAO est extrêmement difficile et frustrant, parfois. Tard dans la nuit, ils n'ont plus de places à proposer. La Première ministre nous a demandé de travailler sur une prime exceptionnelle pour ces professionnels. Nous la leur proposerons prochainement. Nous devons aussi les accompagner de manière plus structurelle.
Sur les résidences sociales, en effet, le bouclier tarifaire existant ne s'applique pas. Nous recherchons une aide exceptionnelle sur le sujet. La question du chèque énergie dépasse cette population, puisqu'il pourrait être utilisé au sein d'une copropriété. Nous devons toutefois éviter d'éventuelles dérives sur son utilisation.
Évidemment, il n'y a pas de choix entre rénovation et construction neuve. Notre ambition vise la production neuve d'environ 110 000 logements sociaux, et la rénovation annuelle de 120 à 140 000 autres. Nous affichons également une ambition très forte dans l'habitat privé.
Ensuite, nous travaillons sur un statut du bailleur privé. Dans le parcours résidentiel, nous avons besoin de tous types de logements, en accession, mais aussi en location, dans le patrimoine social mais aussi dans des copropriétés privées. Ces investisseurs, surtout petits, doivent disposer d'un statut et être protégés et aidés dans les rénovations thermiques. Des contreparties s'appliquent, telles qu'un plafonnement des loyers. Nous devons continuer à développer la protection des propriétaires à travers l'usage de Visale. Nous y travaillerons dans les mois à venir.
Ensuite, j'ai compris que le fonds vert serait à la main des préfets et qu'il devrait être partagé le plus équitablement possible, tant sur la renaturation des friches que sur les équipements publics dans nos villes, dans l'objectif d'adapter la ville au réchauffement climatique. Je ne doute pas que ses dispositifs de redistribution seront les plus efficaces et faciles possible.
Dans le cadre du fonds friche, 1 400 projets ont pu être accompagnés. C'est un résultat très encourageant. Je souhaite que nous puissions continuer à travailler avec la même dynamique.
Vous avez raison, nous devons mener une discussion sur le déficit foncier et son éventuelle adaptation à l'inflation dans le cadre du PLFR. Ce dispositif fonctionne bien pour les propriétaires bailleurs. D'autres aides sont également disponibles, telles que l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Je rencontrais ce matin la Caisse d'épargne, extrêmement volontariste en la matière. Tous ces dispositifs n'ont de sens que s'ils contribuent à la rénovation énergétique et en sont des leviers.
MaPrimeRénov' doit, à mon sens, poursuivre sa dynamique sur l'habitat individuel et continuer à se développer en direction de l'habitat collectif. Nous avons passé plusieurs heures à travailler sur le sujet cette semaine, notamment avec l'ANAH. Je crois beaucoup à l'accompagnement des copropriétés, qui répartiront ensuite le reste à charge à leurs copropriétaires. L'accompagnement de ces derniers est parfois plus difficile à cibler et à développer. Je ne doute pas que le prochain conseil d'administration de l'ANAH aura la même attention que nous sur la manière dont nous aiderons les propriétaires, notamment les plus modestes.
Je crois que le succès de MaPrimeRénov' et de France Rénov repose sur un engagement partagé. Les Français ne sont pas égaux devant la rénovation car les collectivités locales n'ont pas le même engagement. Plus celles-ci ont fait des efforts au préalable, plus nos concitoyens bénéficieront d'un reste à charge faible.
Ensuite, comme vous, je crois au dispositif seconde vie, dans lequel pourraient entrer 5 000 à 10 000 logements. Le pacte de confiance avec le monde HLM devrait permettre de recharger l'exonération de la TFPB et redonner un agrément au logement social. Cette rénovation profonde me paraît extrêmement vertueuse.
Pour ce qui est de la TFPB, les bilans sont insuffisants et extrêmement inégaux d'un bailleur à l'autre et d'un territoire à l'autre. On critique beaucoup les bailleurs en outre-mer, mais la mise en oeuvre de l'exonération que j'ai pu voir à La Réunion était extrêmement dynamique. Elle l'est moins sur certains territoires de l'hexagone. L'ONPV étudie d'ailleurs son utilisation dans ses indicateurs, à juste titre. Cette exonération doit perdurer, et doit être utilisée en sur-entretien, en présence de gardien ou autres actions sur le territoire. À Clichy, les bailleurs participent à la prévention par des patrouilles ou des médiateurs de nuit, mais aussi à des actions durant l'été, par exemple.
Nous ne sommes pas sur un stop & go, je l'espère. Je ne peux prévoir ma durée de vie, mais je peux vous assurer de mon engagement et de ma mobilisation. Le Conseil national de la refondation (CNR), qui se réunira fin novembre, définira un cadre autour d'Action Logement. J'ai demandé à Véronique Bédague et Christophe Robert d'y être présents à mes côtés. Ils me survivront. Il est important que le CNR s'occupe du logement et porte les racines de ce que je veux construire. Nous le savons, il n'y a pas d'un côté les bailleurs sociaux, et de l'autre les promoteurs. Tout le monde est dans le même bateau. La construction du pacte de confiance et de la convention quinquennale doit contribuer à la vision de ce que doit être le logement. Le pacte de confiance passe également par la mise en place d'une conférence des financeurs. Aucun sujet, ni actuel ni passé, ne sera tabou, pour ma part. Pour l`action de l'État, la rénovation et l'accompagnement des bailleurs en ce sens constitueront une réelle priorité. Ils ont besoin que nous leur redonnions des moyens et que nous les aidions à refaire leurs fonds propres, qui ne leur permettent pas aujourd'hui d'être aussi ambitieux qu'ils le souhaitent.
Concernant les meublés touristiques, ma volonté est telle que nous trouverons le vecteur législatif pour empêcher ceux qui le voudraient de s'infiltrer dans ce petit trou dans la raquette. Nous avons besoin de logements, et de logements classiques, même si l'offre d'accueil de notre beau pays touristique reste présente. Nous le savons, nous peinons déjà à loger les habitants de certaines zones ou leurs enfants. Nous devons d'abord trouver des moyens fiscaux pour que la location de meublés touristiques ne soit pas trop incitative.
Ensuite, la Première ministre ne veut oublier personne en termes de bouclier tarifaire. Le chauffage électrique collectif et les parties communes des logements sociaux étaient au départ hors des radars. Nous avons, je crois, trouvé les moyens de résoudre ces problèmes qui concernent un nombre important de copropriétés. Tous les chauffages collectifs, au gaz et à l'électricité, auront un bouclier tarifaire jusque la fin de cette année. La sortie de ces textes est imminente.
Il est vrai que malgré le bouclier, un certain nombre de nos concitoyens vont voir une augmentation, parfois très importante, de leurs charges. Bon nombre de bailleurs avaient négocié des tarifs extrêmement bas. Nous ne pouvons le leur reprocher, mais lorsqu'on payait 20 euros du mégawattheure, le bouclier fixé à 65 euros du mégawattheure occasionnerait tout de même une augmentation de 200 ou 300 %. Ces prix seraient multipliés par cinq ou six sans ce bouclier. Nous devons être attentifs aux augmentations touchant nos concitoyens. Par ailleurs, certains abonnements de bailleurs ou copropriétés arrivent à échéance, et les tarifs proposés par les fournisseurs sont parfois inacceptables.
Pour résumer, nous essayons de boucher tous les trous dans la raquette, de trouver les textes adéquats et de les mettre en oeuvre au plus vite, le plus efficacement possible. La Première ministre y est très attentive.
Vous savez mon attachement aux programmes de l'ANRU, dotés de 12 milliards d'euros de subventions pour cette année. En 2022, la participation de l'État s'établit à 15 millions d'euros. 450 des 453 projets présentés ont été validés et passés en comité d'engagement, sur des programmes nationaux ou régionaux. C'est presque parfait. Pour ce qui est de la participation de l'État et des différents partenaires, la trésorerie actuelle permet aujourd'hui très largement d'absorber des décaissements. L'engagement du Gouvernement d'accompagner l'ANRU à hauteur de près de 1,2 milliards d'euros doit être tenu, sans quoi il ne pourra pas mener ses programmes à leur terme. Selon moi, l'État sera au rendez-vous. Le pic de décaissement est prévu pour 2026, compte tenu des retards pris à cause du covid. Nous devrons, dès l'année prochaine, commencer à y mettre plus d'argent.
Ensuite, le nombre de postes d'adultes relais ouverts avoisine les 6 500. Un certain nombre de difficultés liées au turnover nous empêchent d'atteindre la cible souhaitée. Ce n'est pas un problème d'argent ou de postes ouverts, mais de temps de recrutement. S'y ajoute peut-être un sujet concernant l'attractivité de ces postes, notamment dans une période où le plein emploi est plus présent qu'à d'autres. Ce point doit être discuté. Ces postes sont très importants, en particulier dans le monde associatif.
J'ai fait une proposition pour une nouvelle présidente de l'ONPV, car cette situation est inacceptable. La politique de la ville doit être évaluée scientifiquement. Je souhaite moi-même m'entourer d'un conseil scientifique. Nous ne comptons pas suffisamment de contrats CIFRE dans ce secteur. De nombreux doctorants pourraient accompagner nos sujets. Nous devons recréer du lien avec la recherche. Par moments, l'ONPV était très dotée. Sa fusion avec l'ANCT a un peu changé la donne.
L'année à venir sera structurante puisque nous réfléchirons à la refonte des contrats de ville. Cette démarche devra être participative, contributive. La politique de la ville a eu tendance à oublier les petites associations et les petits projets. Nous devons lui redonner les moyens d'accompagner les projets locaux et de réinventer la participation des habitants. Je ne dis pas que nous devons arrêter les conseils citoyens, mais là où ils ne fonctionnent pas, nous devons nous laisser la possibilité de revenir à des formats plus informels tels que des tables de quartier, déjà accompagnées par l'ANCT. Nous avons besoin d'une démarche ascendante, avec des débats dans chaque quartier en politique de la ville.
En 2014, nous avons inventé les quartiers de veille de la politique de la ville, qui bénéficiaient d'une veille, mais d'aucun fonds. Nous avons, je pense, besoin d'une cartographie. Les critères utilisés à l'époque peuvent rester pertinents, bien qu'il faille en ajouter d'autres. Je sais également qu'il peut toujours y avoir des effets de bords. Un quartier oublié peut plonger très vite. Au-delà du travail de l'INSEE, je souhaite avancer avec les préfets et les élus locaux. Le transfert de la compétence aux intercommunalités peut également nous permettre de mieux travailler cette cartographie, au plus près des besoins. Vous affirmer que nous le ferons avec plus d'argent serait mentir, mais nous aurons en tout cas la possibilité d'utiliser l'argent de la politique de la ville là où il est nécessaire.
Enfin, le ZAN est d'abord un objectif de long terme. Christophe Béchu a pris cette question à bras le corps. Il a annoncé, avec la Première ministre, reprendre le dialogue avec les collectivités locales sur ce que serait une politique de zéro artificialisation nette. Je crois que nous devons faire, le plus souvent possible et là où c'est possible, avec l'existant. Le gouvernement cherche, à juste titre, à étudier ce sujet en dialogue avec les élus et les associations, pour continuer à faire la ville et à faire du logement. Je disais plus tôt que nous devions construire plus pour loger plus. Nous avons besoin de créer de l'attractivité. Pour autant, dans un certain nombre de cas, l'imperméabilisation a été une facilité par le passé. Nous n'avons plus cette facilité dans le contexte actuel d'urgence climatique. Nous devons être plus vigilants à nos espaces verts et de nature, y compris en ville. La Première ministre a annoncé la notion d'une « France Nation verte ». J'essaierai de m'associer à cet objectif de valeur.
Mme Sophie Primas . - Nous faisons le voeu que le dialogue sur le ZAN entre l'État et les collectivités territoriales soit plus écoutant que celui que nous avons connu autour de la loi SRU.
Mme Florence Blatrix Contat . - L'accès au logement pour les locataires est aujourd'hui souvent limité par la nécessité de disposer de ressources et cautions. La garantie Visale est essentielle pour aider les jeunes et les salariés les plus modestes, mais elle exclut les apprentis et étudiants n'ayant pas encore 18 ans. De nombreux jeunes nés en fin d'année ne peuvent y accéder. Pensez-vous qu'il est possible de résoudre cette difficulté ? Par ailleurs, qu'en est-il de l'engagement du Président de la République d'élargir le dispositif de caution pour mieux lutter contre les discriminations dans l'accès au logement ?
Vous avez souligné la nécessité de porter un effort sans précédent en matière de rénovation thermique et d'être à l'avant-garde éclairée en termes de transition énergétique. Vous avez évoqué les moyens mis en place. J'aimerais toutefois vous entendre concernant la structuration de la filière qui doit être capable d'y répondre et d'opérer des rénovations de qualité. Quel plan avez-vous prévu d'initier en la matière ?
Enfin, si vous souhaitez construire plus pour loger plus, il faut à mon avis construire à prix abordable. Dans de nombreuses régions, le prix du foncier et de l'immobilier est de plus en plus élevé. Les jeunes ne peuvent plus acheter. Envisagez-vous des régulations pour limiter ces augmentations et permettre à tous de se loger ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Les Français établis hors de France possèdent souvent un bien en France, considéré comme une résidence secondaire. À ce titre, ils ne peuvent bénéficier d'exonérations, abattements, déductions ou crédits d'impôt accordés aux contribuables dont la résidence fiscale est située en France. Ils sont en outre redevables de surtaxes. Ceci leur rend toute possession d'un actif particulièrement difficile et onéreuse, alors qu'ils en ont besoin pour revenir en France ou loger leur famille. Le Président de la République s'était engagé au cours de la dernière campagne à étudier la possibilité de créer une résidence de repli, assimilable à une résidence principale, pour ne pas les pénaliser. Je n'ai pas trouvé de mesure en ce sens dans le PLF 2023. Avez-vous envisagé des propositions à leur égard ?
Mme Sylviane Noël . - Je me ferai ici l'interprète de nombreux élus locaux. Vous évoquiez plus tôt les territoires touristiques exposés à une très forte prolifération des résidences touristiques. C'est le cas dans mon département de Haute-Savoie où certaines communes comptent jusque 80 % de résidences secondaires. La cherté du foncier devient un obstacle à l'habitat permanent. Les élus sont démunis face à ces phénomènes. Ce n'est pas avec une surtaxe d'habitation que nous parviendrons à les freiner. Ainsi, envisagez-vous de donner aux maires des dispositifs plus coercitifs pour limiter la prolifération de ces résidences touristiques ?
Ensuite, le parcours résidentiel constitue un enjeu majeur. Force est de constater que les collectivités et bailleurs sociaux sont assez démunis pour faire respecter l'éligibilité au logement social dans le temps. Je citerai l'exemple typique d'une personne y ayant droit au début de sa vie, puis trouvant un emploi très bien payé en Suisse. La surtaxe appliquée sur son loyer est dérisoire par rapport aux prix dans le privé. Elle pourra rester dans son logement autant qu'elle le souhaitera. Sur mon territoire, les élus construisent de plus en plus. 70 % de la population permanente est éligible au logement social, mais un bon nombre de résidents en bénéficient alors qu'ils ne le devraient pas.
M. Daniel Salmon . - 80 % de la ville de 2050 est déjà construite. La réhabilitation doit jouer à plein. Vous avez annoncé 160 000 rénovations globales. Pourtant, la Cour des comptes estime que seules 2 500 passoires thermiques sont réellement sorties de cet état et ne sont plus classées dans les catégories E, F ou G. Vous évoquiez 30 % de gain d'énergie sur les 160 000 rénovations globales. Cela signifie que si nous consommions 400 kWh/m² par an, nous sommes passés à 180 kWh/m², équivalent un passage de la classe F à la classe E. C'est insuffisant. Dans ce cas, nous faisons un petit geste aujourd'hui et devrons en refaire un dans cinq ans. Tous les professionnels assurent que cette démarche ne nous mènera pas aux classes A et B. Qu'envisagez-vous pour booster cette prime Rénov', qui, de l'avis général, n'apporte pas les résultats attendus ? Pouvez-vous approfondir le rapport d'Olivier Sichel, et la question des tiers financeurs ?
Enfin, comment envisagez-vous la structuration de la filière ? À ce rythme, il nous faudra 2 500 ans pour venir à bout des passoires thermiques.
M. Daniel Gremillet . - Nous avons besoin de stabilité et de lisibilité sur MaPrimeRénov', et d'une trajectoire sur plusieurs années. Que pouvez-vous me dire à ce sujet ? Par ailleurs, je crois que nous sommes largement en dessous de nos espérances sur la copropriété. Nous devons être plus offensifs.
Je m'interroge par ailleurs sur les moyens budgétaires de l'ANAH.
Ensuite, les travaux menés par la commission économique du Sénat sur la RE2020 avaient démontré une trajectoire avec un accroissement des coûts. Ils sont vérifiés, voire amplifiés avec l'inflation et les taux d'intérêt.
Enfin, vous indiquez que vous veillerez à ce que les logements ne quittent pas le champ locatif pour rejoindre le champ touristique, mais comment accompagnons-nous efficacement les propriétaires ? Ils doivent être financièrement capables de réaliser des travaux.
M. Rémi Cardon . - En matière de rénovation thermique, nous avons pris l'habitude de nous fixer des objectifs ambitieux chaque décennie, sans nous en donner les moyens. Sur les 700 000 subventions de MaPrimeRénov' attribuées en 2021, seuls 2 500 logements seraient sortis du statut de passoires thermiques selon la Cour des comptes. À ce rythme, il nous faudra 2 000 ans pour toutes les rénover. À mes yeux, France Rénov et les accompagnateurs Rénov ne permettront pas de combler les lacunes. Seul un déploiement rapide et massif sur tout le territoire nous mènerait à notre objectif.
Par ailleurs, les guichets physiques sont implantés de manière inégale sur les territoires. Ils sont 3 dans la Somme, 17 dans le Nord. Il n'y en a qu'un dans l'Aisne. Comptez-vous en ouvrir de nouveaux ? Comment les accompagnateurs seront-ils répartis, le cas échéant ? Comptez-vous les intégrer aux maisons France services ?
M. Laurent Somon . - Je rejoins ce qu'ont dit certains de mes collègues concernant MaPrimeRénov' : c'est le processus qui importe. De nombreuses collectivités se sont engagées dans des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH), et se sont affiliées avec des mandataires pour accompagner la restructuration et la rénovation de bâtiments. Aujourd'hui, des difficultés se posent avec ces mêmes mandataires parce qu'ils ne sont pas maîtres d'oeuvre. Nous peinons à obtenir des devis et à solliciter des entreprises. Certains dossiers, qui semblaient être éligibles, sont maintenant transformés en aides à la rénovation de logements indignes et très dégradés. Quelles mesures proposez-vous ? L'accompagnateur Rénov sera-t-il plutôt un assistant à maîtrise d'ouvrage, avec des capacités de maîtrise d'oeuvre, pour engager plus vite les travaux ?
Ensuite, nous avons vu beaucoup d'escroqueries avec MaPrimeRénov'. L'État contrôle-t-il les entreprises travaillant au titre de l'ANAH ?
Enfin, pourquoi ne prend-on pas en compte les rénovations et réhabilitations, dans l'intégration d'un quartier, des écoles primaires ou collèges ? Aujourd'hui sortent les critères IPS. Nous constatons bien que les quartiers les plus difficiles ne disposent pas des établissements les plus attractifs. Ne pouvons-nous pas intégrer une participation des fonds ANRU dans leur rénovation ?
M. Yves Bouloux . - Dans un entretien accordé il y a quelques jours à Capital, vous avez indiqué réfléchir au statut des bailleurs privés. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Mme Martine Berthet . - Il semblerait que dans le PLF 2023, l'éligibilité à la TVA de 5,5 % pour les travaux induits lors de travaux de rénovation énergétique ne soit plus possible. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est précisément ? Les acteurs du bâtiment s'inquiètent.
Mme Viviane Artigalas . - Vous avez indiqué que chaque geste de rénovation était utile, mais j'ai été alertée sur le fait que MaPrimeRénov' favorisait l'installation de nouveaux systèmes de chauffage, au détriment des autres postes de la rénovation. Est-ce une réorientation de la politique de rénovation des logements, alors que le rapport Sichel favorisait des rénovations performantes et globales ?
Mme Amel Gacquerre . - Lancées en 2019, on dénombre aujourd'hui 200 cités éducatives. Elles ont pour objectif de renforcer la prise en charge pédagogique et éducative des jeunes de 0 à 25 ans dans et autour de l'école. De premiers bilans laissent entendre que les 16-25 sont trop peu ciblés par ces dispositifs, alors que les questions d'insertion, de formation et d'emploi sont essentielles dans ces quartiers.
Par ailleurs, il apparaît nécessaire de clarifier davantage le cadre, les attentes et priorités nationales des cités éducatives. Nous le savons, le propre de ces dispositifs porte sur l'adaptation territoriale, mais il n'en reste pas moins que les acteurs locaux soulèvent aujourd'hui un manque de lisibilité à long terme sur ces dispositifs.
M. Jean-Marc Boyer . - Vous avez dit à deux reprises qu'il fallait construire plus pour loger plus. Dans le même temps, le ZAN prévoit une diminution de 50 % de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031, puis une baisse de l'artificialisation jusqu'à zéro net en 2050. Cela me paraît très contradictoire. N'allons-nous pas arriver à un moment à moins de constructions pour loger plus ?
Mme Sophie Primas . - Vous avez évoqué à plusieurs reprises le CNR logement et les travaux que vous y mènerez. Il y a cinq ans, nous avons tenu au Sénat les états généraux du logement. Vous pourriez vous inspirer de nos réflexions de l'époque.
Par ailleurs, vous dites qu'il est nécessaire de convaincre les élus de construire. Pour autant, en supprimant la taxe d'habitation et en gelant ses compensations, la construction n'est plus un sujet pour les maires. Ils n'en veulent pas. Ils ne peuvent plus accueillir de nouvelles populations car ils ne peuvent plus construire d'écoles, par exemple. Les liens citoyens entre la commune et ses nouveaux habitants sont rompus. Vous ne ferez pas l'économie d'actions redonnant de la dynamique aux ressources liées au logement, mais aussi au développement économique.
M. Olivier Klein . - Je me renseignerai concernant la garantie Visale et si le seul fait d'être mineur représente un frein à ce dispositif. Par ailleurs, son extension fait partie des réflexions du Président de la République. Nous y travaillons dans le cadre de la convention quinquennale. Aujourd'hui, elle a aussi une vertu par le fait de son exception. Son extension ne devrait pas faire perdre aux plus modestes et à ceux qui en ont le plus besoin la capacité d'entrer dans le logement.
Ensuite, en effet, construire à un prix abordable est une obligation. Nous observons des difficultés structurelles liées à l'actualité et notamment au coût des matériaux. La question du foncier est déterminante. Nous devons étudier toutes les pistes : celles du foncier public, le bail réel solidaire ou les offices fonciers solidaires - qui fonctionnent de plus en plus, dans de nombreuses régions. Aujourd'hui, la fiscalité du foncier est d'une certaine manière inversée et n'est pas très vertueuse dans une volonté de production. Plus on garde un foncier, moins on paie d'impôts. Je travaille sur le sujet mais ne suis pas capable de vous apporter de réponse aujourd'hui.
Honnêtement, je ne pense pas que nous ayons travaillé sur le sujet de la résidence de repli. Je le découvre aujourd'hui. Je prends le point et vous transmettrai une réponse écrite.
Par ailleurs, une extension du nombre de villes dans lesquelles nous offrons aux maires la possibilité d'augmenter la taxe sur les résidences secondaires sera précisée par décret. Je pense que, sur ce sujet, il est opportun de donner le pouvoir aux élus, qui sont les mieux placés pour savoir s'il est nécessaire d'augmenter cette taxe, la résidence secondaire pouvant être un atout pour certains territoires.
La question de la perte de droit au logement social et de l'inefficacité du surloyer est importante. Des dérogations s'appliquent dans les quartiers ANRU, contribuant pendant un temps à la mixité. Nous devons nous pencher sur les cas particuliers de Français travaillant à l'étranger. Il me semble qu'on dispose de deux ans pour quitter le domicile lorsqu'on dépasse 150 % du plafond fixé. Le locataire reçoit tous les deux ans une enquête sur son niveau de ressources.
Mme Sylviane Noël . - La règle n'est pas très appliquée. Elle doit être dissuasive.
M. Olivier Klein . - Nous devons travailler sur l'automatisation du surloyer et sur le respect de la règle.
Ensuite, un travail de structuration de la filière est mené sur plusieurs fronts par plusieurs ministères. Les ministères de l'économie et des finances ont organisé les assises du bâtiment, au cours desquelles ces questions ont été largement abordées. Nous identifions plusieurs sujets, dont la qualification des entreprises et artisans dans leur capacité à réaliser les travaux et à rendre l'entreprise éligible aux primes. Les fédérations sont fortement mobilisées sur ces sujets. Elles travaillent à la formation des apprentis et à la création de CAP adéquats. Il a été demandé de prolonger l'expérimentation pour obtenir la qualification RGE aux chantiers. Si l'entreprise a mené plusieurs chantiers et a réussi ses rénovations, il est légitime de penser qu'elle les réussira encore. Ainsi, la simplification de l'obtention des qualifications est très importante. Sur ce sujet, ne nions pas le rôle des collectivités locales, et notamment des régions, véritables vecteurs de l'information.
En plus de la formation, nous travaillons sur l'attractivité des métiers. La fédération française des bâtiments est très active en termes de formation et d'attractivité de ses métiers, au travers d'outils numériques notamment. Je suis très favorable à la notion d'« aller vers ». Les entreprises du bâtiment doivent présenter leurs métiers dans les quartiers et les lycées. Nous devons également lutter contre les fraudes, et disposer d'entreprises de qualité. C'est un cercle vertueux. Plus l'écogeste et la rénovation thermique entreront dans les moeurs, plus le besoin sera présent et plus la filière s'alimentera.
S'agissant du statut du bailleur privé, nous sommes encore en réflexion. Il n'y a pas de ministre magique. Je pense que ce sujet sera porté par un certain nombre de nos partenaires. Il s'accompagne, à mon sens, de l'avenir de la défiscalisation et des obligations que l'on se donne en matière sociale et environnementale lorsque l'on achète pour mettre en location. Comment simplifier et uniformiser les différents régimes fiscaux à travers ce statut ? Quelles incitations y associons-nous, liées à la rénovation énergétique ou aux zones tendues ? Enfin, le bailleur privé, tel que je l'entrevois, propose des loyers abordables. Une fois ces points statués, nous devons travailler sur ses droits et devoirs. Nous mènerons ce chantier avec l'ensemble des acteurs du logement.
Concernant MaPrimeRénov', la création de France Rénov n'est pas partie de rien. Un certain nombre d'actions étaient déjà menées par l'ANAH, ou territorialisées. Les territoires déjà vertueux à l'époque sont ceux qui, aujourd'hui, disposent d'un plus grand nombre de guichets physiques. La création du guichet unique et du numéro unique vise à uniformiser la situation, mais il nous faut maintenant trouver des solutions pour les territoires où ces questions étaient moins prises en compte. Nous comptons 475 espaces d'information, et 2 000 conseillers France Renov. Nous avons pour objectif de dénombrer 4 000 accompagnateurs Rénov d'ici la fin d'année 2023. L'accueil physique est nécessaire, j'en conviens. Pour autant, le premier accueil téléphonique permet aux appelants d'être adressés vers un accueil fixe. Ceux-ci ne sont pas encore répartis uniformément. Les maisons France services pourront jouer un rôle dans leur disposition. Des permanences y sont assurées.
Ensuite, j'ai tendance à croire au travail mené par l'ANAH et aux chiffres qu'elle me communique. Elle rapporte 160 000 rénovations globales depuis 2020, dont 40 000 par an via MaPrimeRénov'Sérénité, accompagnant les familles les plus fragiles. La baisse des dépenses énergétiques mesurées avoisine les 50 %. Nous devons poursuivre ces performances, bien que j'entende vos critiques. Les 2 500 rénovations que vous évoquez sont celles ayant donné lieu à un bonus, et donc à un niveau de réalisation supérieur à la performance exigée.
Je ne dis pas que les résultats sont parfaits. Aujourd'hui, la plupart des chantiers ont porté sur de l'habitat individuel. Le chemin qui nous attend est celui de l'habitat collectif, par le biais de MaPrimeRénov'Copropriétés. Nous devons ainsi accompagner et former les conseils syndicaux et les syndics, regarder les qualifications. L'accompagnateur Rénov doit aider à trouver l'assistance à maîtrise d'ouvrage, bien qu'un certain nombre d'architectes demandent à être agréés accompagnateurs Rénov, et disposeront donc des compétences pour accompagner une copropriété de bout en bout. Les tiers financeurs devront être développés. J'ai rencontré Ile-de-France Énergie, dont les moyens sont aujourd'hui insuffisants pour accompagner les chantiers. Ainsi, ne croyez pas que l'État est contre les collectivités locales, au contraire. Ils avancent ensemble pour préserver la massification des chantiers actuels et aller vers des performances plus importantes. Nous ne pourrons agir sans les collectivités à nos côtés.
L'ANRU permet aujourd'hui de financer des équipements publics, et notamment des écoles. En tant que président de cette agence, je n'ai cessé de poser les premières pierres d'écoles. Aujourd'hui, je les inaugure. C'est la preuve que les chantiers avancent. Pour les collèges, la situation diffère légèrement. Même si les collectivités rencontrent des difficultés financières, le contexte des départements n'est pas le même. À ce stade, l'ANRU se concentre sur l'accompagnement des collectivités locales. Il est arrivé qu'elle intervienne sur des collèges, mais surtout sur des écoles et équipements publics et sportifs, à l'exception des piscines. Nous ne pouvons refaire la ville en ne nous intéressant qu'à la question du logement.
Madame Berthet, n'ayez aucune inquiétude quant à la TVA à 5,5 % pour les travaux induits par la rénovation énergétique. Ils sont toujours couverts. Simplement, le code général des impôts a évolué et il n'est plus nécessaire de le préciser dans le texte.
Nous avons annoncé le prolongement de trois ans des cités éducatives. J'y suis fortement attaché. Je crois foncièrement à cette manière de travailler décloisonnée, dans un trio entre l'éducation, les collectivités locales et l'État. Selon Jean-Louis Borloo, il faut tout un village pour élever un enfant. Je pense qu'il a raison. En effet, les cités éducatives sont plutôt centrées sur la petite enfance, la maternelle, l'école élémentaire, le collège et un peu le lycée, notamment sur les questions d'orientation. Les plus âgés ne sont pas situés au coeur de ces dispositifs, ce qui ne signifie pas que l'action de l'État et la politique de la ville ne s'y intéressent pas. La Première ministre actuelle, lorsqu'elle était ministre du Travail, a lancé le dispositif « un jeune, une solution ». Il joue son rôle. Tous les chantiers et les aides menés auprès des missions locales et de Pôle Emploi pour aller vers les invisibles et accompagner les jeunes dans leur recherche d'emploi - et notamment les plus éloignés - fonctionnent. L'évolution de la garantie jeune en contrat d'engagement jeune également. Les relations entre les jeunes et leurs missions locales ou conseillers se sont profondément apaisées.
Les contrats aidés de demain prendront évidemment en compte les jeunes de 16 à 25 ans, mais pas nécessairement au sein des cités éducatives, dont ce n'est pas l'objet. Elles ont été créées pour les jeunes de 0 à 25 ans, c'est vrai. Pour les plus âgés, elles concernent surtout les questions d'orientation. Les cités sont ensuite librement administrées par les collectivités locales. À Clichy-sous-Bois, nous montons un projet de préparation aux rentrées universitaires, car nous savons que le passage d'un lycée présentant une réelle politique éducative à la vie universitaire est difficile, comme en témoigne le taux d'échec en première année. Cela doit à mon sens s'adosser au travail des missions locales.
Ensuite, le ZAN est un chantier en cours. N'oublions pas que le « N » pour « net » signifie que pour construire à un endroit, nous devons redonner de la perméabilité ailleurs.
Enfin, évidemment, les parlementaires seront invités au CNR logement, comme ils le sont au sein du CNR national. Nous consulterons les travaux déjà menés lors de vos états généraux, si ce n'est déjà fait. Nous avons lu avec attention le rapport de François Rebsamen, auquel bon nombre d'entre vous ont contribué, ainsi que le rapport Sichel sur les questions de rénovations thermiques. Je suis également très sensible au travail mené par certaines sénatrices présentes sur l'évaluation des contrats de ville. N'hésitez pas à continuer à alimenter nos réflexions.
Je partage votre ambition de convaincre les élus de l'acte de construire. Ils doivent y voir un intérêt, d'abord pour leurs populations. Cela veut dire qu'ils doivent être accompagnés et que nous devons leur donner les moyens de construire des écoles, accompagner les nécessaires besoins en équipements publics lorsque la population augmente. Je rappelle aux maires que ne pas construire ne permet pas d'atteindre le point de neutralité. En gardant le même nombre de logements, la population baisse mathématiquement, et les moyens s'amenuisent donc en conséquence. Ainsi, chaque élu a intérêt à reloger et à construire, pour la dynamique de son territoire.
Mme Sophie Primas . - Ce n'est pas tant un problème d'investissement, mais surtout de fonctionnement dans le temps. Puisque les moyens financiers des communes s'amenuisent fortement, le sujet est réel. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Nous reviendrons également sur le sujet de l'attribution des logements sociaux, que nous n'avons pas le temps de traiter aujourd'hui.
Examen en commission
Réunie le mercredi 16 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Viviane Artigalas sur les crédits « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2023.
Mme Sophie Primas , présidente - Nous passons à l'examen des crédits de la politique de la ville inscrits au programme 147 de la mission Cohésion des territoires. Je passe la parole à Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - Madame la présidente, mes chers collègues, le rapport que je vous présente ce matin s'inscrit à la suite du rapport budgétaire de l'an passé et du rapport d'information que nous vous avons présenté cet été avec Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur la politique de la ville. J'ai eu à coeur d'assurer le suivi des sujets d'une année sur l'autre mais aussi d'appliquer la même méthode en conjuguant les auditions d'acteurs nationaux avec des visites de terrain à la rencontre de ceux qui sont dans les quartiers prioritaires et font la politique de la ville. Dans cet esprit, je me suis rendue cet automne à La Courneuve pour voir la pépinière d'entreprises située à une encablure de la cité des 4 000, et à Reims pour rencontrer Catherine Vautrin, présidente de la métropole et de l'ANRU, et ses équipes. Reims est, contrairement à l'image véhiculée par le champagne, une ville de 186 000 habitants avec 48 % de logements sociaux et sept quartiers prioritaires rassemblant 19 % de la population.
Je voudrais vous présenter ce matin un rapide aperçu des crédits du programme 147 dédié à la politique de la ville, puis vous faire part de ce que je retire de ces visites en termes de développement de l'entrepreneuriat dans les quartiers et de déploiement concret de cette politique.
Concernant le budget tout d'abord, je souhaite vous donner les grands éléments de compréhension. En 2023, les crédits s'élèveront à 597,5 millions d'euros soit une augmentation de 7,1 % et de 39,6 millions d'euros. Le budget augmente donc plus vite que l'inflation anticipée qui est de l'ordre de 4,2 %. Depuis 2017, le budget de la politique de la ville poursuit son augmentation quasi constante. Rappelons qu'il s'élevait à 429 millions d'euros en 2017. Parallèlement, la Dotation de solidarité urbaine, la DSU, dépassera 2,5 milliards d'euros, en hausse de 3,85 %. Elle s'élevait à 2,1 milliards en 2017.
L'augmentation des moyens du programme 147 dans le PLF 2023 résulte principalement de quatre mouvements de crédits. Tout d'abord, elle va servir à financer le dispositif Quartiers d'été à hauteur de 30 millions d'euros. Elle va ensuite permettre d'ouvrir une enveloppe de 5 millions d'euros pour des postes d'adultes relais supplémentaires. Troisièmement, pour accompagner la montée en puissance de l'EPIDE, l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi, et pour rétablir la clef de répartition des charges entre les ministères de la ville pour un tiers et de l'emploi pour les deux tiers, le programme 147 va bénéficier d'un transfert de 7,7 millions d'euros en provenance du programme 102 consacré à l'accès et au retour à l'emploi. Enfin, quatrième mouvement, les crédits du programme 147 sont diminués de 2,6 millions d'euros en raison d'un transfert au profit du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » afin d'assurer la répartition de la subvention pour charge de service public de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, l'ANCT, entre le budget de la ville et celui du reste du ministère de la cohésion des territoires.
Au-delà de ces mouvements de crédits, le budget du programme conforte l'ensemble des actions préalablement lancées. C'est notamment le cas pour les 200 cités éducatives qui sont pérennisées jusqu'en 2027, ce qui représente 77,8 millions d'euros par an. Il en est de même du financement des bataillons de la prévention. Il sera assuré pour une année supplémentaire pour 16 millions d'euros. Autre point de continuité, l'État versera 15 millions d'euros à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, comme les années passées au titre du Nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU.
Ces données financières m'amènent à formuler cinq observations, elles aussi dans la continuité des travaux de notre commission.
Je me félicite tout d'abord que les Quartiers d'été voient leur place confortée et leurs moyens budgétés dès le début d'année. En effet, depuis leur création à l'issue du confinement en 2020, leur financement n'était assuré qu'en cours d'année et même parfois très tardivement mettant les collectivités et les associations dans une situation très délicate. Sur le fond, ce dispositif, qui s'insère dans les dispositifs estivaux de l'Éducation nationale et du ministère de la culture, est plébiscité par les maires. Il est très positif en termes de tranquillité publique et sur le plan éducatif en confortant les acquis, en rattrapant des retards ou en ouvrant l'horizon grâce à des pratiques sportives ou artistiques.
Concernant les cités éducatives, le choix a été fait à la fois de les pérenniser jusqu'en 2027, ce qui apporte de la prévisibilité, et de stabiliser l'existant, ce qui conduit à ne pas les généraliser ou lancer de nouveaux appels à projet. De fait, les retours que je peux avoir sont mélangés. Globalement, leur action est saluée en créant un cadre de coordination autour du parcours des jeunes de 0 à 25 ans, du berceau à leur insertion dans le monde professionnel. Mais il semble que la greffe ne fonctionne pas partout. Les cités ciblées avec des équipes motivées et des objectifs resserrés fonctionnent mieux. C'est souvent le cas des premières qui ont été labellisées. Gilles Leproust, maire d'Allonnes, vice-président de Le Mans Métropole et président de Ville et Banlieue, m'indiquait par exemple que celle d'Allonnes fonctionnait remarquablement bien alors que celle du Mans, trop vaste, restait une superstructure un peu creuse.
Concernant les adultes relais ensuite, je suis frappée par le décalage entre les annonces officielles qui ont porté le nombre des postes censés être ouverts de 4 000 à 6 514 au cours du quinquennat précédent et la réalité de 4 600 personnes réellement à l'oeuvre sur le terrain. Je suis également frappée que beaucoup puissent ainsi « se payer de mots », c'est le cas de le dire. Pourtant, le constat a clairement été fait que la présence humaine dans les quartiers pour l'accompagnement et la médiation avait un grand rôle à jouer. Le diagnostic technique est qu'en réalité, les 6 514 postes n'ont jamais vraiment été budgétés, que seuls 5 000 conventions avec des employeurs ont été signées et que le reste de la différence s'explique par des problèmes frictionnels liés aux délais de recrutement et aux mouvements d'entrée-sortie. Sur le fond, il me semble qu'il y a deux explications principales. Les employeurs, qui sont pour 80 % de petites associations, sont très prudents devant la précarité des financements et n'ont pas toujours les moyens du cofinancement attendu. Ensuite, ces postes sont peu qualifiés et qualifiants, et peu rémunérés. Ils manquent donc d'attractivité et ne permettent pas d'assurer une insertion dans la durée.
Concernant l'ANCT, je voudrais revenir une nouvelle fois sur la situation de l'Observatoire national de la politique de la ville, l'ONPV. Vous le savez, avec Valérie Létard et Dominique Estrosi Sassone, nous avons dénoncé le fait qu'il soit devenu une coquille vide, sans président depuis un an, sans personnel et sans moyen ou presque et dépourvu de lien avec la recherche, le ministre Olivier Klein relevant, lors de son audition, qu'il n'y avait qu'un seul contrat Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) permettant l'emploi d'un doctorant sur la politique de la ville à l'ANCT. Je vous proposerai donc un amendement à ce sujet pour à nouveau interpeller le ministre en séance pour relancer l'évaluation de la politique de la ville.
Enfin, j'en viens à l'ANRU et au NPNRU. Le programme est entré en phase active. La quasi-totalité des projets de quartiers ont été validés : 450 sur 453. 416 sont aujourd'hui en chantier et plus de 2 500 opérations ont déjà été livrées. L'ANRU va donc désormais avoir un rythme élevé de décaissement, de l'ordre d'un milliard par an au cours des cinq prochaines années. Or, dans ce contexte, si Action Logement et les bailleurs sociaux, pourtant fragilisés, sont au rendez-vous, l'État n'a, quant à lui, pas tenu ses engagements. Il doit financer 1,2 milliard d'euros sur les 12 milliards du programme d'ici 2031. De 2017 à 2022, malgré sa promesse d'apporter 200 millions d'euros, seuls 92 millions ont été versés à l'ANRU. Reste donc plus d'1,1 milliard d'euros à payer, soit normalement un rythme de 110 millions par an environ. Or, une nouvelle fois, en 2023, prétextant la trésorerie abondante de l'ANRU, l'État ne versera que 15 millions. Si, je le reconnais, verser plus en 2023 n'est pas indispensable, c'est néanmoins la crédibilité de l'État qui est en jeu. Il m'a été indiqué qu'un arbitrage aurait été obtenu pour garantir un versement de 300 millions d'euros sur le quinquennat, mais il n'a pas été officialisé. C'est la raison pour laquelle, je vous proposerai, comme les années passées, d'adopter un amendement de principe d'accroissement de la contribution de l'État.
Une fois ces éléments budgétaires évoqués, je voudrais aborder des éléments plus qualitatifs à la suite de mes récentes visites à La Courneuve et à Reims afin d'aborder l'entrepreneuriat dans les QPV et la conduite d'une stratégie en matière de politique de la ville.
Concernant l'entrepreneuriat, vous vous souvenez qu'avec Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard, nous nous y étions spécifiquement intéressées comme exemple de parcours de réussite, mais aussi parce qu'il a un vrai effet de levier et d'entraînement, l'entrepreneuriat correspondant aux aspirations d'un tiers des habitants des quartiers. Nous avions aussi souligné le rôle de l'entrepreneuriat féminin comme facteur d'émancipation. Aujourd'hui, une association comme Positive Planet, créée en 2006 par Jacques Attali et déployée dans cinq régions, accompagne 51 % de femmes vers la création d'entreprises. Je trouve cela très encourageant.
À La Courneuve, la pépinière d'entreprise a été créée en 2005. Elle est installée dans un bâtiment qui a remplacé une barre d'immeuble démolie dans le cadre du PNRU. Elle est gérée depuis l'origine par la Maison de l'innovation économique locale, la MIEL, qui est portée par Plaine Commune. C'est une structure légère de quatre personnes qui accueille 30 entreprises et propose des bureaux mais aussi des ateliers. La structure affiche « complet ». Les 30 entreprises accueillies génèrent 10 millions d'euros de chiffre d'affaires et 160 emplois. 10 % des entrepreneurs viennent du quartier, 50 % de Plaine Commune, 2/3 de Seine-Saint-Denis.
L'une des forces de la pépinière est son ouverture sur le territoire et le quartier d'implantation. Ce n'est pas un « éléphant blanc ». Les employés et les entrepreneurs en viennent. Elle est aussi co-localisée avec une école de la 2 e chance et accueille les jeunes en stage leur offrant insertion professionnelle et débouché.
L'atout maître de la pépinière, c'est aujourd'hui d'afficher de très belles success stories . On nous a donné l'exemple d'un entrepreneur qui résidait dans la barre démolie où est installée la pépinière et qui est revenu créer son entreprise dans le quartier plutôt qu'à la Station-F car il voulait rendre ce qu'il avait reçu. Je peux vous parler également de la société Madame la Présidente qui vend des compléments alimentaires pour les cheveux et qui fait aujourd'hui 3,3 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie 17 personnes. J'ai également rencontré plusieurs entrepreneurs qui m'ont impressionnée. VGain, créé par deux jeunes de Sevran, développe des compléments alimentaires protéinés végétaux pour sportifs qui sont exportés au Japon ! Le Beau Thé est une société créée par deux jeunes de Saint-Denis qui se positionne sur le créneau du sur-mesure et du luxe et qui a déjà pour client Dior, Chanel ou Bulgari... Je voudrais encore évoquer la jeune fondatrice d'origine marocaine de True, the argan company qui commercialise des produits alimentaires et cosmétiques à base d'huile d'argan. Visant elle aussi la haute qualité, elle a par exemple déjà convaincu Alain Passard, célèbre chef de l'Arpège, par sa démarche alliant exigence et développement durable au service des femmes.
De toutes ces rencontres et de ces entreprises se dégagent une très vive énergie entrepreneuriale et une forte exemplarité qui sont enthousiasmantes. Les jeunes du quartier sont aussi touchés puisque la directrice de la MIEL nous indiquait que lors d'une récente séance de sensibilisation des lycéens à l'entrepreneuriat, à la surprise de leurs professeurs, 40 % déclaraient spontanément vouloir suivre cette voie.
Même si, bien évidemment, il n'y a pas que des réussites, cela confirme tout l'intérêt pour ces quartiers d'intégrer pleinement la promotion de l'entrepreneuriat dans les futurs contrats de ville, comme nous le préconisions dans notre rapport comme outil de développement et d'émancipation.
Il me semble également que cet entrepreneuriat des quartiers doit aussi être pleinement pris en compte dans les réflexions sur la réindustrialisation car toutes les entreprises que j'ai citées fabriquent en France. Plusieurs d'entre elles sont déjà exportatrices ou ont vocation à le devenir à brève échéance.
Après l'entrepreneuriat, je voudrais terminer ma présentation en évoquant comment une stratégie de territoire peut être développée à travers les outils de la politique de la ville et du renouvellement urbain en prenant l'exemple de Reims.
Comme je l'indiquais, Reims est la plus grande ville de France concentrant plus de 40 % de logements sociaux, ceux-ci étant d'ailleurs situés pour un tiers d'entre eux en QPV. La concentration est encore plus forte si on regarde plus spécifiquement les PLAI, les logements sociaux les moins chers, qui sont à 59 % dans les QPV ou à la frontière de ceux-ci. Le taux de logements sociaux a même progressé à Reims entre 2016 et 2019, passant de 44,8 % à 48,9 %.
Le NPNRU représente donc un enjeu stratégique pour la ville pour faire régresser la ségrégation et développer plus de mixité. Dans cette perspective, le NPNRU permettra la destruction de 1 768 logements sociaux, dont seulement 50 % seront reconstruits et pour une large part en dehors de l'unité urbaine de Reims dans le territoire plus large du Grand Reims afin d'assurer un rééquilibrage géographique.
Cette politique volontariste autour du bâti prendra tout son sens via une politique de peuplement tout aussi déterminée de « mixité inversée ». Le but est de maintenir le taux de relogement en QPV en dessous de 50 %. Par ailleurs, la convention intercommunale d'attribution (CIA) a retenu le principe d'une attribution en QPV, hors 1 er quartile, de 70 % au lieu de 50 %.
Concernant les outils propres à la politique de la ville, ce qui caractérise le Grand Reims, c'est le déploiement d'une véritable stratégie globale coordonnant les instruments touchant l'éducation, l'emploi et la tranquillité résidentielle.
En matière de tranquillité résidentielle, tout d'abord, le Grand Reims a décidé en 2018 avec l'aide de l'État d'exiger, dans le cadre de la convention d'abattement de la TFPB avec les bailleurs sociaux, un véritable effort de transparence sur l'usage des fonds et une action renforcée en matière de tranquillité. En effet, l'abattement représente 3,5 millions d'euros par an. Il est aujourd'hui employé à 60 % pour développer le gardiennage et mettre en place un centre de surveillance inter-bailleurs permettant de centraliser le suivi de la vidéo surveillance. Des réunions tripartites, bailleurs- collectivité-préfecture, sont organisées toutes les six semaines. D'abord contraints, les bailleurs perçoivent désormais comme gagnant-gagnant ces évolutions car elles facilitent la bonne tenue de leur patrimoine et la maîtrise des situations difficiles avec les locataires.
Par ailleurs, depuis 2021, Reims a obtenu d'entrer dans l'expérimentation « bataillon de la prévention » sur le quartier Croix Rouge. Une équipe de 13 personnes, six éducateurs, six médiateurs (adultes relais) et un coordinateur, a été validée. Mais seulement neuf recrutements ont été réalisés faute d'attractivité suffisante des postes car il ne s'agit pas de CDI, et les postes d'éducateurs souffrent de la concurrence de la hausse des salaires consentis dans le domaine médico-social après le covid. Le différentiel est de 183 € par mois. Je vous proposerai de le compenser par amendement. Aujourd'hui, le bataillon représente un budget d'un million d'euros porté aux deux tiers par l'État et un tiers par le Grand Reims.
Dans le travail quotidien, l'équipe du bataillon que j'ai rencontrée fait le lien sur le terrain par son travail d'arpentage avec deux autres outils : la cité éducative pour les plus jeunes et la cité de l'emploi pour les plus âgés.
Les coordinateurs des cités de l'emploi et du bataillon sont localisés dans les mêmes bureaux à la limite du QPV facilitant le travail en commun. L'animation de la cité de l'emploi est assurée par une association partenaire qui a pour objectif de développer un « collectif emploi ». Il s'est notamment traduit par la mise en place d'une initiative originale pour « aller vers » les publics éloignés de l'emploi et lever tous les freins au retour au travail. Elle est intitulée « caravane de l'emploi » et consiste à démarcher les demandeurs et proposer directement des postes au pied des immeubles. Cette opération organisée en 2021 et 2022 est encourageante mais, avec 54 postes pourvus, les résultats sont encore modestes. Les difficultés sont en effet profondément enracinées. L'impossibilité, par exemple, de recruter dix maîtres-nageurs pour le centre aqua-ludique de la métropole géré par l'UCPA montre toute l'ampleur de la tâche.
L'autre maillon de l'action dans les quartiers est les cités éducatives qui sont labellisées sur le quartier Croix Rouge depuis 2020 et depuis 2022 sur le quartier d'Orgeval-Walbaum. Ces deux cités sont conçues comme « soeurs » et ont le même coordinateur pour maximiser les effets positifs. Le budget de chaque cité est de 255 000 euros par an auquel s'ajoute le poste de coordinateur pris en charge par la collectivité. Sur Croix Rouge, les effets de la cité sur le taux de réussite au brevet est déjà sensible.
Le Grand Reims a, enfin, la volonté de soutenir véritablement les petites associations. Les conventions pluriannuelles d'objectifs, les CPO, que nous avons appelées de nos voeux dans notre rapport, sont effectivement mises en place. Elles représentent 52 % de l'enveloppe du programme 147 destinée aux associations. Par ailleurs, dans le cadre d'un « fonds d'initiative micro-projets », toute demande d'association peut être instruite rapidement en cours d'année. Lancée en 2021, cette expérimentation a permis de financer sept actions pour 17 000 euros. Ce succès a conduit à accroître l'enveloppe en 2022 pour atteindre 30 000 euros. Pour aller plus loin, il est actuellement envisagé de créer une enveloppe commune interfinanceurs pour faire gagner du temps aux porteurs de projets comme à ceux qui instruisent les demandes. Une pépinière associative est également en réflexion.
Au total, j'ai véritablement trouvé exemplaire la cohérence de la stratégie déployée. J'y ai eu la confirmation du bien fondé de nombreuses propositions que nous avons formulées à l'été sur le partenariat entre État et collectivité, sur la mise en cohérence des outils, sur le soutien aux associations, sur l'enjeu de la pérennité des dispositifs et de leur traduction dans le contrat de ville pour le rendre très opérationnel à la main des acteurs.
Je voudrais achever ce panorama par une réflexion sur la géographie prioritaire, le retour du terrain à Reims comme d'ailleurs l'audition d'Anne-Claire Boux, adjointe au maire de Paris chargée de la politique de la ville, confirment notre volonté d'introduire de la souplesse pour traiter la frontière des quartiers et évoluer dans le temps. Figer des périmètres et exiger la continuité géographique trouvent une limite dans la réalité où les situations bougent et où il faut pouvoir traiter des ilots hors quartier. À Croix Rouge, 12 000 habitants sont stricto sensu en QPV dans un territoire vécu de près de 20 000 habitants.
En conclusion, sur le budget lui-même de la politique de la ville pour 2023, malgré quelques limites en matière de financement de la rénovation urbaine, de l'évaluation et des postes d'adultes relais et d'éducateurs sur lesquels je vous propose des amendements, je relève la constance du Gouvernement dans les politiques menées et les moyens accordées. J'aurai donc un avis favorable sur ce programme qui est une partie de l'ensemble des crédits de la mission cohésion des territoires.
De manière plus prospective, l'année 2023 devant être celle où sera déterminée la nouvelle géographie prioritaire et les nouveaux contrats de ville, je souhaite que notre commission puisse continuer à peser de manière constructive pour que, à l'écoute des élus qui sont à la manoeuvre, on puisse rendre le plus opérationnel possible ses outils afin de permettre la collaboration active entre tous les acteurs : État, collectivités et associations. Je crois que c'est la clef pour obtenir des succès concrets, changer la vie dans ces quartiers et offrir un tremplin à leurs habitants.
Mme Sophie Primas , présidente . - La définition de la nouvelle géographie prioritaire est en effet centrale pour traiter ensuite les enjeux de mixité et pour accueillir dans ces quartiers de nouveaux publics et de nouveaux projets.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Je remercie la rapporteure pour ce travail complet, documenté et inspiré d'exemples de terrain. Je voudrais à mon tour insister sur l'importance de l'évaluation de la politique de la ville. Cela ne fonctionne pas de manière satisfaisante aujourd'hui. C'est pourtant essentiel pour lever certaines critiques, même si la politique de la ville ne peut bien évidemment tout résoudre. Aujourd'hui, on navigue à vue. Il nous faut plus d'études de cohortes pour mesurer les effets dans la durée et prendre les bonnes décisions.
Mme Valérie Létard . - Les exemples territoriaux évoqués par les rapporteurs sont très éclairants pour comprendre ce qui marche et les progrès à accomplir. Oui, l'évaluation est essentielle. Elle est demandée dans les territoires mais ne fonctionne pas au niveau de l'État. C'est important pour définir la nouvelle géographie prioritaire. Je voudrais également souligner l'importance de donner des capacités d'investissement aux quartiers hors NPNRU. Aujourd'hui, c'est un peu tout ou rien et ce n'est pas une bonne chose. Il est également important de ne pas précariser les acteurs et les opérateurs. Sans pluriannualité des contrats, il n'est pas possible de recruter des professionnels de bon niveau. Enfin, il est tout à fait normal d'exiger que l'État soit exemplaire dans le financement du NPNRU alors qu'il l'exige des bailleurs sociaux et d'Action Logement actuellement fragilisé et pourtant garant du modèle du logement social français.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je confirme que l'on renforce les problèmes en finançant systématiquement les actions sous forme de projets de court terme plutôt qu'en s'inscrivant dans la durée en s'appuyant sur des professionnels engagés et qualifiés. En matière d'école, je pense que les Cités éducatives ne suffisent pas pour traiter une question structurelle notamment pour retrouver une réelle mixité scolaire gage de réussite pour tous. Je crois d'ailleurs qu'il serait utile que l'État fasse tous les deux ans un bilan et une évaluation des politiques de droit commun qu'il déploie dans les quartiers car la politique de la ville n'en est que le complément. Enfin, il faut rechercher l'adaptation aux besoins des populations. Combien de fois ai-je vu des planifications de transports complètement décalées par rapport aux bassins d'emploi par exemple !
M. Laurent Somon . - Je voudrais insister sur le fait que les départements ont besoin de l'aide de l'ANRU notamment pour fusionner des collèges afin de lutter contre la ségrégation scolaire et faire progresser la mixité.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je propose que nous examinions les trois projets d'amendements de la rapporteure.
L'amendement n° II-93 vise à rehausser le financement du NPNRU par l'État.
L'amendement n° II-93 est adopté.
L'amendement n° II-94 vise à augmenter les moyens en faveurs de l'ONPV pour le relancer.
L'amendement n° II-94 est adopté.
L'amendement n° II-95 permettra que l'État prenne en charge une prime pour les éducateurs spécialisés recrutés dans le cadre des bataillons de la prévention.
L'amendement n° II-95 est adopté.