B. COUP DE PROJECTEUR SUR DEUX GRANDS ACTEURS PUBLICS DE DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE : UNIVERSCIENCE ET LE MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
1. Des établissements aux projets scientifiques et culturels en prise directe avec les problématiques soulevées par la crise sanitaire
Universcience, établissement public à caractère industriel et commercial qui regroupe depuis 2009 le Palais de la Découverte (créé en 1937) et la Cité des sciences et de l'industrie (créée en 1986), et le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), établissement d'enseignement, de recherche et de diffusion de la culture scientifique dont la création remonte au XVII e siècle 6 ( * ) , ont en commun d'être des acteurs clés du partage des savoirs scientifiques au plus grand nombre, reconnus pour leur histoire, l'exigence de leur démarche et leur rayonnement.
Alors que la crise sanitaire a soulevé de nombreuses questions sur les relations entre sciences et société et mis à mal la confiance accordée à la parole scientifique, ces établissements, dont le rapporteur a rencontré les équipes dirigeantes, sont plus que jamais convaincus de leurs missions : expliquer la démarche scientifique, susciter le goût des sciences, développer l'esprit critique, tisser des liens entre scientifiques et non scientifiques, susciter des vocations, donner des outils de compréhension du monde actuel.
Ainsi, dans le cadre du projet de nouveau Palais de la Découverte qui verra le jour en 2025, l'objectif est de conserver les fondamentaux qui ont fait le succès de « l'ancien » (multiplicité des disciplines scientifiques, place essentielle accordée à la médiation scientifique, présentations spectaculaires), tout en les adaptant aux problématiques contemporaines. De son côté, le MNHN travaille depuis plusieurs années sur la manière de répondre au mieux à la question suivante : comment parler de science à un public qui y est de moins en moins acculturé ? Pour ce faire, le musée diversifie ses supports de communication (diffusion de podcasts , organisation de conférences) et cherche à accroître son audience via des opérations « hors les murs » en direction de publics-cibles (les enfants et les jeunes, les personnes incarcérées, les personnes hospitalisées...).
2. Des établissements confrontés à une équation financière délicate
Sur les dernières années (hors période de crise sanitaire), les subventions de l'État à Universcience et au MNHN se sont globalement caractérisées au mieux par une stabilisation (c'est le cas, depuis 2017, de la subvention de fonctionnement à Universcience), au pire par une diminution (- 3 millions d'euros en dix ans, soit - 12 % pour le MNHN ; forte baisse, en 2017 et 2018, de la subvention d'investissement à Universcience), les obligeant à compter sur leurs ressources propres (billetterie, location d'espaces, mécénat...) pour faire face à leurs besoins d'investissement qui sont très conséquents (pour Universcience, rénovation du site historique du Palais de la Découverte dans le cadre de celle du Grand Palais ; pour le MNHN, projets immobiliers stratégiques et remise à niveau des systèmes d'information).
Grâce à une gestion à la fois rigoureuse sur le plan financier et ambitieuse sur le plan du projet culturel et scientifique de leurs directeurs respectifs (Bruno Maquart pour Universcience et Bruno David pour le MNHN), que le rapporteur tient à féliciter, les deux établissements publics sont parvenus à se maintenir à flot, mais leur soutenabilité financière reste précaire, d'autant plus depuis la survenue de la crise sanitaire.
Chiffres clés 2019
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Universcience
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Muséum national d'Histoire
naturelle
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• Subventions de l'État : de l'ordre de 100 millions d'euros, dont près de 95 millions d'euros au titre de la subvention pour charges de service public et un peu plus de 3 millions d'euros au titre de la subvention d'investissement (à laquelle s'est ajoutée une subvention d'investissement fléchée sur le projet de rénovation du Grand Palais à hauteur de 795 000 euros). |
• Subventions de l'État : 53,3 millions d'euros. |
• Ressources propres : 29 millions d'euros, dont 15,8 millions d'euros de recettes de billetterie. |
• Ressources propres : 41,7 millions d'euros, dont 26,1 millions de recettes de diffusion (billetterie, concessions, locations d'espace, mécénat, etc...) et 15,6 millions d'autres recettes (notamment provenant des conventions de recherche). |
• Nombre de visiteurs : 2,9 millions. |
• Nombre de visiteurs : 6 millions, dont 3,3 millions de visiteurs payants (le différentiel étant constitué de visiteurs libres dont principalement le Jardin des Plantes, ouvert gratuitement au public). |
Sources : Universcience et Muséum national d'Histoire naturelle
3. ...rendue encore plus difficile par les conséquences de la crise sanitaire
La crise sanitaire a eu une incidence très lourde sur les recettes commerciales des deux établissements :
- pour Universcience : - 4,46 millions d'euros en 2020 et, en prévisionnel, de l'ordre de - 5 millions d'euros en 2021 (sachant qu'à compter de 2021, le Palais de la Découverte étant fermé au public, il ne génère plus de recettes de billetterie), soit une perte totale envisagée de près de 10 millions d'euros ;
- pour le MNHN : - 18 millions d'euros en 2020 et - 24 millions d'euros en 2021 (en prévisionnel), soit une perte totale de 42 millions d'euros.
Dans ce contexte, Universcience a bénéficié d'un début de remise à niveau de sa subvention d'investissement, qui avait accusé une très forte baisse en 2017 et 2018 7 ( * ) , à hauteur de 2 millions d'euros en LFI pour 2021 et d'une dotation exceptionnelle du plan relance de 13,75 millions d'euros en 2021. Ce soutien se poursuit puisque sont prévus, dans le cadre de la fin de gestion de l'exercice 2021, le versement d'une enveloppe exceptionnelle en investissement de 23 millions d'euros et, dans le PLF pour 2022, une nouvelle augmentation de la subvention d'investissement de 0,5 million d'euros. Si ces aides de l'État, que le rapporteur salue, permettent à Universcience de ne pas courir de risque de rupture de trésorerie en 2021 ou en 2022, sa situation à moyen terme demeure fragile étant donné l'ampleur de ses besoins d'investissement (de l'ordre de 30 millions d'euros par an en moyenne entre 2022 et 2024), liés à d'importantes opérations de maintenance de ses bâtiments. À ce titre, la poursuite de la remise à niveau de sa subvention d'investissement à hauteur de son niveau historique de 2016 8 ( * ) reste un enjeu majeur pour les années à venir.
Les aides de l'État au Muséum se sont, quant à elles, élevées à 4 millions d'euros, soit moins de 10 % des pertes envisagées, plaçant l'établissement dans une situation très difficile : la trésorerie qu'il a su reconstituer ces dernières années (d'un montant de 60 millions d'euros fin 2020), au prix d'importants efforts, ne peut en effet servir à la fois à compenser les moindres recettes de billetterie et à financer les investissements stratégiques. Le rapporteur ne manquera pas d'interpeller la ministre de l'enseignement supérieur sur ce faible niveau de soutien de l'État, notamment en comparaison des aides perçues par les musées placés sous la tutelle du ministère de la culture.
4. Une inquiétude sur le non-retour des groupes scolaires qui doit inciter à une action interministérielle pour ré-encourager aux sorties culturelles scientifiques
Si les deux établissements se réjouissent du retour progressif à des flux de fréquentation et de billetterie d'avant crise, en particulier en période de vacances scolaires, ils se disent très inquiets pour les groupes, scolaires ou associatifs, qui demeurent les grands absents. La conjonction de plusieurs facteurs semble expliquer ce phénomène : l'application des mesures sanitaires, en particulier l'obligation de passe sanitaire pour visiter les musées, les contraintes sécuritaires liées au plan Vigipirate, la difficulté à trouver des accompagnants pour les sorties scolaires.
Interrogée sur ce sujet par le rapporteur lors de son audition devant la commission, la ministre a expliqué que toute la difficulté résidait dans le fait que les visites de musées sont conditionnées à la présentation du passe sanitaire, alors que la fréquentation de l'école ne l'exige pas. Le rapporteur appelle donc le ministère de l'enseignement supérieur, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture à travailler de concert pour trouver rapidement une solution : il y a urgence à éviter que toute une génération d'élèves ne soit privée de sorties culturelles scientifiques, que l'école est parfois seule à assurer.
Quelle place pour le mécénat scientifique ?
La problématique du financement des établissements publics de diffusion de la culture scientifique a conduit le rapporteur à s'interroger sur la place du mécénat scientifique, question qui concerne aussi certains grands organismes de recherche. De ses entretiens avec les équipes d'Universcience et avec le directeur scientifique de l'Institut Pasteur, il dresse les trois constats suivants :
• un contexte peu porteur : la réforme, en loi de finances pour 2020, des modalités de réduction d'impôt pour mécénat, puis la crise sanitaire ont rendu les entreprises plus fragiles et moins enclines à engager des budgets importants en faveur du mécénat ;
• une tendance de fond : les mécènes souhaitent de plus en plus s'engager sur des projets, culturels ou scientifiques, et non sur le financement global d'un établissement ;
• une conclusion : le mécénat ne peut pas être une ressource pérenne, mais constitue un complément de ressources particulièrement précieux en cas d'attrition des financements publics.
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 3 novembre 2021, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2022.
* 6 Le Jardin royal des plantes médicinales, ancêtre du Muséum, a été créé en 1636.
* 7 De 10,7 millions d'euros en 2016, celle-ci est passée à 7,5 millions d'euros en 2017, puis à 0,8 million d'euros en 2016.
* 8 10,7 millions d'euros.