III. LA REMISE EN CAUSE DE LA PERSPECTIVE D'EXTINCTION DE LA CADES FAUTE D'UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Au regard de l'ampleur des déficits des comptes sociaux enregistrés pendant la crise sanitaire, la question de la gestion de la dette sociale a pris une dimension nouvelle. Celle-ci implique de poser la question « éternelle » de l'avenir de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

La Cades a été créée en 1996, et elle a pour mission le remboursement de la dette sociale - pour l'essentiel constituée des déficits sociaux cumulés -, via l'émission d'emprunts sur les marchés internationaux. Dans la mesure où la dette sociale a vocation à être entièrement amortie, son action se distingue de celle de l'Agence France Trésor.

Ces emprunts sont garantis par l'affectation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et d'une partie de la CSG (0,6 point). La Cades perçoit également une partie des prélèvements sociaux opérés sur les revenus du capital et une contribution versée par le Fonds de réserve des retraites.

Principales recettes de la CADES de 2017 à 2020 11 ( * )

(en milliards d'euros)

2017

2018

2019

2020

CRDS

7,17

7,35

7,60

7,26

CSG

7,94

8,13

8,58

8,26

Fonds de réserve des retraites

2,10

2,10

2,10

2,10

Source : commission des finances du Sénat d'après le compte de résultat de la Cades 2020

Depuis sa création, la Cades s'est vue transférer 320,5 milliards d'euros de dette, et à la fin de 2021, elle devrait en avoir amorti 204,9 milliards, soit 63,9 % de ce montant.

Évolution de la dette reprise par la Cades 1996-2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après Les chiffres clés de la Cades

A. UN MANDAT PROLONGÉ JUSQU'EN 2033 MAIS AVEC DES MOYENS RÉDUITS

1. La date prévue d'extinction de la Cades est repoussée

Avant la crise de la Covid-19, la Cour des comptes a jugé à plusieurs reprises plausible l'hypothèse d'une extinction de la dette portée par la Cades en 2024, telle que définie dans la LFSS 2013.

Il restait, fin 2019, 89,3 milliards d'euros de dette à amortir. Après avoir amorti 15,4 milliards d'euros de dette en 2018 et 16 milliards d'euros en 2019, la Cades prévoyait, aux termes de la LFSS 2020, un apurement de l'ordre de 16,7 milliards d'euros en 2020.

La crise sanitaire a remis en cause cette perspective. La loi organique et la loi du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l'autonomie ont ainsi prévu le transfert à la Cades de 136 milliards d'euros de dette sociale d'ici à 2023. La date d'extinction de la Cades est ainsi repoussée, dans les prévisions de l'administration, aux alentours de 2033.

Structuration de la dette transférée à la Cades en 2020

Les 136 milliards d'euros, qui doivent être transférés à la Cades d'ici à 2023 selon la loi organique et la loi du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l'autonomie, se décompose de la manière suivante :

31 milliards d'euros , soit le montant des déficits cumulés non repris au 31 décembre 2019 de la branche maladie du régime général (16,3 milliards d'euros), du Fonds de solidarité vieillesse (9,9 milliards d'euros), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles (3,6 milliards d'euros) et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - CNRACL (1,2 milliard d'euros). Avant 2020, il n'y avait pas de solution pour ces déficits depuis la reprise mise en oeuvre en 2016 ;

92 milliards d'euros , soit les déficits prévisionnels cumulés non repris de la branche maladie du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles pour les exercices 2020 à 2023 12 ( * ) ;

• 13 milliards d'euros, soit un tiers de la dette des établissements publics de santé au 31 décembre 2019 . Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, il est prévu de consacrer 6,5 milliards d'euros à la restauration de l'autofinancement, et 6,5 milliards pour favoriser l'investissement des établissements de santé.

Source : commission des finances du Sénat

L'article 21 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale assigne à la Cades un objectif d'amortissement de la dette sociale de 18,3 milliards d'euros pour l'année 2022. Cet objectif était de 17,1 milliards d'euros en 2021.

Évolution de la dette reprise par la CADES 2019 - 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. Des ressources réduites à partir de 2024

L'étude d'impact présentée par le Gouvernement à l'occasion du débat législatif sur les lois précitées de 2020 insistait sur le fait que le prolongement de la Cades au-delà de 2025 impliquait de maintenir l'ensemble des ressources qui lui sont actuellement affectées.

Dans ces conditions, la prolongation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) devrait accompagner la prorogation du mandat de la CADES. Il en va de même pour l'affectation d'une partie de la CSG.

Malgré cela, la loi du 7 août 2020 prévoit de réaffecter à la CNSA une partie de la fraction de CSG actuellement versée à la Cades. À compter du 1 er janvier 2024, date à laquelle seront amorties les dettes reprises par la Cades entre 1996 et 2018, cette fraction serait réduite à 0,45 point de CSG, soit 2,3 milliards d'euros.

Afin de pérenniser le prolongement de sa durée de vie, l'article 2 de la loi ordinaire du 7 août 2020 proroge, au-delà de 2024, le versement, par le Fonds de réserve des retraites, de sa contribution annuelle de 2,1 milliards d'euros à la Cades. Les réserves du FRR étant cependant insuffisantes pour maintenir le montant de ce versement jusqu'en 2033, la contribution annuelle sera ramenée à 1,45 milliard d'euros à partir de 2025.

Ressources de la Cades 2020-2033

(en milliards d'euros)

Nature

Montant

CSG (2020-2024)

34

CSG (2025-2033)

78

CRDS (2020-2033)

121

FRR (2020-2024)

11

FRR (2025-2033)

13

Total

256

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'étude d'impact du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Au total, en 2025, les ressources de la Cades seront donc amputées de 3 milliards d'euros, soit 16,7 % de ses recettes en 2020.


* 11 Recettes nettes des frais de recouvrement.

* 12 Si le montant des déficits cumulés 2020-2023 excède 92 milliards d'euros, les transferts sont affectés par priorité à la couverture de la dette ou des déficits les plus anciens et, en 2023, par ordre de priorité à la branche maladie du régime général, au FSV puis au régime des non salariés agricoles.

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