B. L'ÉLARGISSEMENT PROPOSÉ DES CONDITIONS D'ACCÈS
L'article 9 du projet de loi vise à ouvrir une nouvelle voie d'accès à l'ATI en ajoutant une troisième condition alternative à la cessation d'activité définitive et involontaire sanctionnée par une liquidation judiciaire ou un plan de redressement judiciaire. Auraient ainsi droit à l'ATI les travailleurs qui étaient indépendants au titre de leur dernière activité et dont l'entreprise a fait l'objet d'une déclaration de cessation totale et définitive d'activité, lorsque cette activité n'est pas économiquement viable .
Il est précisé que le caractère non viable de l'activité doit être attesté par un « tiers de confiance » désigné dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État, lequel fixera également les critères d'appréciation de cette condition.
Cet article propose également, afin d'encadrer cette nouvelle ouverture de droit, de mettre en place un « délai de carence » entre deux demandes d'ATI. Il prévoit ainsi qu'une personne ne peut bénéficier de l'ATI pendant une période de cinq ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure.
C. UNE RÉFORME PRÉCOCE QUI APPELLE UNE REVOYURE
L'ATI, prestation « mal née » que les travailleurs indépendants ne demandaient pas et dont les paramètres semblent déconnectés des réalités du terrain, connaît un échec quantitatif patent. La question de la modification de ces paramètres et des conditions d'accès à la prestation doit donc nécessairement être posée.
Il est toutefois permis de s'interroger sur la temporalité de la réforme proposée , qui intervient après moins de deux ans de fonctionnement de la prestation, sur lesquels quatre mois seulement ont été significatifs en raison de la crise sanitaire.
L'attente croissante de protection sociale de la part des travailleurs indépendants, en lien avec l'avènement des micro-entrepreneurs, plaide cependant pour ouvrir sans attendre les conditions d'accès au dispositif. L'existence de l'ATI peut en effet contribuer à encourager des travailleurs à tenter leur chance et à créer leur activité.
Concrètement, le dispositif proposé permet aux micro-entrepreneurs d'être plus facilement éligibles à l'ATI , ces derniers ayant rarement recours aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire. L'introduction d'un délai de carence de cinq ans devrait permettre de prévenir l'aléa moral que pourrait engendrer cette ouverture ainsi que le risque de dérive financière. En outre, il convient de préciser que les travailleurs indépendants, s'ils ne cotisent pas à l'assurance chômage, contribuent à hauteur de 5 milliards d'euros aux 38,7 milliards d'euros de recettes de l'Unédic via l'affectation à l'assurance chômage d'une fraction de la CSG sur les revenus d'activité .
Cette réforme précoce en l'absence de bilan significatif appelle toutefois l'introduction d'une « clause de revoyure ». La commission propose de fixer à titre conservatoire au 31 octobre 2024, soit cinq ans après l'entrée en vigueur du dispositif, la date limite pour demander l'ATI . Au plus tard six mois avant cette date, soit le 30 avril 2024, le bilan et les perspectives de l'ATI devraient avoir fait l'objet d'une évaluation et d'une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des travailleurs indépendants. Le législateur serait ainsi en mesure de se prononcer de manière éclairée sur la prolongation et l'éventuelle réforme du dispositif.
Cette protection des travailleurs indépendants comporte un deuxième étage, composé de solutions assurantielles volontaires. Afin de « marcher sur deux jambes » et de promouvoir la protection complémentaire des travailleurs indépendants, la commission propose, dans un article additionnel après l'article 9, que les acteurs de l'écosystème de l'entreprise (Pôle emploi, banques, chambres consulaires et chambres des métiers, experts-comptables) informent, à l'occasion de leurs interventions, les travailleurs indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance contre la perte d'emploi subie ainsi que des déductions fiscales existantes.