Avis n° 1 (2000-2001) de M. René GARREC , fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 octobre 2000

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N° 1

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ,

Par M. René GARREC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Claude Lise, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ) : 2132 , 2220, 2225 et T.A 469 .

Sénat : 258, 347, 475 (1999-2000).

Femmes .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 2 octobre 2000, sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois a procédé, sur le rapport pour avis de M. René Garrec, à l'examen en première lecture de la proposition de loi relative à l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes , adoptée par l'Assemblée nationale le 7 mars 2000.

Le rapporteur a rappelé que la commission des Affaires sociales, saisie au fond de la proposition de loi, examinait le titre Ier modifiant le code du travail et applicable aux entreprises privées, tandis que la commission des Lois était saisie des titres II et III relatifs aux trois fonctions publiques.

Il a ensuite noté que la principale innovation proposée consistait en l'instauration de discriminations " positives " tendant à rééquilibrer la place des femmes dans la fonction publique . Il a relevé que la proposition de loi imposait aux administrations de nommer les membres de jurys de concours et leurs représentants dans les organismes consultatifs de la fonction publique en respectant " une proportion de représentants appartenant à chacun des sexes fixée par décret en Conseil d'Etat ". Le rapporteur a fait savoir que les décrets envisagés par le Gouvernement prévoyaient que chaque sexe ne pouvait composer moins d'un tiers ou plus des deux tiers de l'effectif de ces représentants.

Outre un amendement de coordination, la commission des Lois vous soumet neuf amendements tendant à :

- rétablir l'intitulé du rapport sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes ( article 14 bis ) ;

- supprimer les précisions non législatives sur le contenu de ce rapport ( article 14 bis ) ;

- rétablir l'obligation pour le Gouvernement de réviser périodiquement les dispositions relatives aux recrutements distincts dans la fonction publique ( article 14 bis ) ;

- rétablir la " clause de sauvegarde " permettant aux statuts particuliers, à titre exceptionnel, de prévoir que la mixité dans les jurys de concours est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe ; l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique concerné et des comités techniques paritaires serait requis ( articles 17, 18, 19, 21 et 22 ) ;

- supprimer l'application du dispositif aux comités techniques des établissements publics de santé ( article 20 bis ).

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi, en première lecture, de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, que le Gouvernement a choisi d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire.

Présentée par Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés, cette proposition de loi, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 mars 2000, a un double objet.

D'une part, elle tend à modifier les dispositions du code du travail afin de favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans le secteur privé. Ce premier aspect porte sur le rapport de situation comparée rédigé par certaines entreprises, l'obligation annuelle de négocier spécifiquement sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ainsi que les aides publiques correspondantes ; il est détaillé dans le rapport de notre collègue Mme Annick Bocandé au nom de la commission des Affaires sociales, saisie au fond 1 ( * ) .

D'autre part, la proposition de loi vise à modifier le statut général de la fonction publique en vue d'obtenir une " représentation équilibrée " entre les hommes et les femmes désignés par l'administration dans les instances paritaires et les jurys de concours et d'examens. Aussi votre commission des Lois a-t-elle souhaité se saisir pour avis de cette question.

Les seize articles qui font l'objet du présent avis composent les titres II et III de la proposition de loi et sont relatifs aux trois fonctions publiques : de l'Etat, territoriale et hospitalière.

Certaines des dispositions de la proposition de loi ne soulèvent pas de difficultés juridiques particulières. Tel est le cas de la clarification du droit existant en matière d'interdiction de toute discrimination selon le sexe ou en matière de harcèlement sexuel et des aménagements apportés au rapport sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes.

En revanche, la proposition de loi impose à l'administration de désigner ses représentants en respectant une proportion donnée d'hommes et de femmes dans les organismes consultatifs mais aussi dans les jurys de concours ou d'examens. Ces dispositions nouvelles doivent être examinées au regard des principes directeurs de la fonction publique française et des impératifs constitutionnels qui s'appliquent au recrutement et à la carrière des fonctionnaires.

Elles conduisent à l'introduction de discriminations " positives " et induisent une importante délégation au pouvoir réglementaire.

Les discriminations positives peuvent être définies comme des " différenciations juridiques de traitement dont l'autorité normative affirme expressément qu'elles ont pour but de favoriser une catégorie déterminée de personnes physiques ou morales au détriment d'une autre afin de compenser une inégalité de fait préexistante entre elles " 2 ( * )

Votre commission des Lois, tout en acceptant le coeur du dispositif, vous proposera d'amender le texte en tenant compte des éventuelles difficultés d'application dans certains corps.

I. LE DISPOSITIF TRÈS COMPLET DU DROIT EN VIGUEUR PARAISSAIT LIMITER L'INTÉRÊT D'UNE NOUVELLE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR

A. L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE AGENTS PUBLICS HOMMES ET FEMMES

1. La loi et la jurisprudence administrative ont progressivement restreint les discriminations selon le sexe entre agents publics

a) Avant 1946 : le pouvoir discrétionnaire de l'administration

Le caractère légal et réglementaire de la situation des fonctionnaires implique que les conditions d'accès aux emplois publics soient définies unilatéralement par la puissance publique. Avant la seconde guerre mondiale, ce principe est interprété très strictement par la jurisprudence administrative. Le pouvoir d'appréciation de l'autorité hiérarchique détenant le pouvoir de nomination est tel que le juge s'interdit de sanctionner des décrets qui, en imposant aux candidats d'avoir satisfait aux obligations de service national actif, réservent de fait les emplois de rédacteur aux hommes 3 ( * ) .

Cependant, dans un arrêt de principe Demoiselle Bobard du 3 juillet 1936, le Conseil d'Etat reconnaît l'aptitude légale des femmes aux emplois publics. Cette avancée jurisprudentielle trouve ses limites dans la possibilité reconnue au Gouvernement d'édicter des restrictions à l'admission et à l'avancement du personnel féminin, pour des raisons tirées de l'intérêt du service 4 ( * ) - à une époque où les femmes n'ont en outre pas encore le droit de voter.

Il faut donc attendre l'après-seconde guerre mondiale et l'accès des femmes au suffrage pour que, sous l'impulsion du pouvoir constituant et du législateur, soit consacré le principe d'égalité entre femmes et hommes.

b) 1946 : l'affirmation du principe de l'égale admission des hommes et des femmes aux emplois publics

Le principe de l'égalité des hommes et des femmes est inscrit au troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme . "

Dans la fonction publique, ce principe est affirmé dans le statut général du 19 octobre 1946 dans les termes suivants : " Aucune distinction, pour l'application du présent statut, n'est faite entre les deux sexes, sous réserve des dispositions spéciales qu'il prévoit . "

Dans le sillon du constituant et du législateur, le Conseil d'Etat est venu préciser la différence entre le système défini par la jurisprudence Bobard de 1936 et la situation juridique nouvelle résultant de la loi du 19 octobre 1946 et de la Constitution du 27 octobre 1946. Avant le statut général, le Gouvernement pouvait restreindre l'accès du personnel féminin à un cadre pour des raisons de service, sans que cette appréciation d'opportunité pût être discutée devant le juge administratif. Désormais, il ne peut apporter de dérogations au principe de l'égalité des sexes que sous le contrôle du juge 5 ( * ) et dans le cas où la nature des fonctions exercées ou les conditions d'exercice de ces fonctions exigent de telles dérogations.

Aussi, le Conseil d'Etat a-t-il pu juger en 1972 que la discrimination entre les candidats appartenant au sexe masculin ou au sexe féminin, pour l'accès au corps des officiers de police adjoints de la police nationale, n'était pas justifiée par la nature des fonctions ou par les conditions d'exercice de celles-ci et était par conséquent entachée d'excès de pouvoir 6 ( * ) .

c) Le principe d'égalité interdit aussi les discriminations au détriment des hommes

Le principe d'égalité, s'il est plus souvent invoqué par les femmes, joue dans les deux sens. Une mesure discriminatoire à l'encontre des agents publics masculins sera donc jugée illégale par le juge administratif : " Le Gouvernement ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité des sexes, réserver les mesures d'intégration aux seuls agents du sexe féminin, en écartant tous les agents du sexe masculin appartenant au même corps, que dans le cas où cette dérogation est exigée soit par la nature des fonctions, soit par les conditions d'exercice de celles-ci " 7 ( * ) .

Après trente années de mise en oeuvre dans la fonction publique du principe constitutionnel d'égalité entre hommes et femmes, le droit communautaire vient à son tour restreindre les possibilités de discrimination selon le sexe.

2. La directive du 9 février 1976 : la réduction des recrutements distincts

a) La situation délicate de la France au regard des exigences de la directive du 9 février 1976

En se référant à la nature des fonctions ou à leurs conditions d'exercice, le droit français autorise encore, dans les années 1970, bien des exceptions au principe de l'égalité d'accès aux emplois publics entre hommes et femmes. A titre d'exemple, ces critères ont amené le Conseil d'Etat à juger légale l'exclusion de principe des candidats du sexe féminin de l'accès aux services actifs de la police nationale 8 ( * ) .

La loi du 10 juillet 1975 9 ( * ) , si elle dispose qu'aucune distinction n'est faite entre les hommes et les femmes, autorise cependant les recrutements exclusifs d'hommes ou de femmes ainsi que les recrutements distincts entre hommes et femmes. Cette loi a par exemple établi pour les instituteurs d'une part, et pour les institutrices d'autre part, des recrutements distincts 10 ( * ) .

b) La transposition en droit français de la directive de 1976

La directive 76/207/CEE du Conseil 11 ( * ) du 9 février 1976 va contraindre la France à modifier sa conception du principe d'égalité entre hommes et femmes pour l'accès aux emplois publics.

Le premier paragraphe de l'article 2 de la directive dispose que " le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial ".

Cette affirmation de principe souffre trois exceptions .

La première concerne la faculté qu'ont les Etats membres d' exclure du champ d'application de ce principe les activités professionnelles et, le cas échéant, les formations y conduisant, pour lesquelles, en raison de leur nature ou des conditions de leur exercice, le sexe constitue une condition déterminante " (paragraphe 2 de l'article 2).

La deuxième exception réserve les mesures de protection des femmes, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité (paragraphe 3 de l'article 2 de la directive).

La dernière exception autorise les " mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes " en matière professionnelle (paragraphe 4 de l'article 2, voir infra ).

L'article 3 de la directive affirme l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d'accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail, quel qu'en soit le secteur ou la branche d'activité, et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle.

La directive, qui devait être transposée en droit interne dans un délai de deux ans et demi, imposait aux Etats membres de procéder périodiquement à un examen des activités professionnelles faisant exception au principe d'égalité entre hommes et femmes, afin d'apprécier, compte tenu de l'évolution sociale, s'il est justifié de maintenir les exclusions en question .

Dans un avis motivé du 25 avril 1981, la Commission des Communautés européennes a estimé que les dérogations prévues par la législation (loi du 10 juillet 1975) et la réglementation (décret du 25 mars 1977) françaises méconnaissaient la directive en ce qu'elles étaient fondées sur des considérations autres que des raisons objectives tenant à la nature même des emplois à occuper ou aux conditions de leur exercice.

Aussi, pour la transposition de la directive du 9 février 1976 dans le domaine de la fonction publique, a été adoptée la loi du 7 mai 1982 12 ( * ) . Après avoir rappelé qu'aucune distinction n'est faite entre les hommes et les femmes pour l'application du statut général des fonctionnaires, la loi définit les dérogations à ce principe. Désormais, le sexe devra constituer une condition " déterminante " de l'exercice des fonctions 13 ( * ) pour justifier l'organisation de recrutements distincts. Ainsi, les recrutements exclusifs d'hommes ou de femmes dans la fonction publique ne sont plus possibles.

Le décret du 15 octobre 1982 14 ( * ) fixe la liste des corps pour lesquels les recrutements distincts entre hommes et femmes sont organisés. La légalité de ce décret a été admise par le juge administratif 15 ( * ) . Les corps concernés sont ceux des commissaires, des commandants et officiers de paix, des inspecteurs, des enquêteurs, et des gradés et gardiens de la paix de la police nationale ; le corps des attachés d'éducation des maisons d'éducation de la Légion d'honneur ; les corps des services extérieurs de l'administration pénitentiaire ; les corps des contrôleurs, agents de constatation et préposés des douanes ; enfin les corps des professeurs et professeurs-adjoints d'éducation physique et sportive.

Le Conseil d'Etat a considéré que certains des emplois auxquels ont vocation les membres de ces corps ne pouvaient, sans de graves inconvénients pour le bon fonctionnement du service public, être indifféremment occupés par des hommes ou par des femmes. Il a ainsi fait application du nouveau critère selon lequel l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante pour l'exercice des fonctions assurées par les membres de ces corps.

S'agissant du corps des instituteurs et des institutrices, le Conseil d'Etat a interprété la volonté du législateur comme permettant des recrutements distincts dans les cas exceptionnels où la prédominance excessive des membres de l'un ou l'autre sexe serait de nature à compromettre le fonctionnement du service public.

Comme le prévoyait la directive, la France a réexaminé la liste des corps donnant lieu à un recrutement distinct selon le sexe. Elle a ainsi eu l'occasion de supprimer les recrutements distincts dans certains corps des douanes dès 1985, dans les corps des instituteurs en 1987 et dans le corps des professeurs et professeurs-adjoints d'éducation physique et sportive en 1988 16 ( * ) .

c) La condamnation de la France par la CJCE

Saisie par la Commission d'un recours en manquement, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a condamné la France 17 ( * ) le 30 juin 1988 pour avoir maintenu des recrutements distincts dans certains corps de l'administration pénitentiaire et dans les cinq corps de la police nationale.

La Cour a jugé que l'administration française n'avait pas cherché à isoler les emplois spécifiques ne pouvant être occupés que par des hommes et n'avait pas institué, à cet effet, des critères objectifs 18 ( * ) permettant de donner au système de recrutements distincts la transparence nécessaire au contrôle de la Commission comme au contrôle des citoyens.

Le droit communautaire conduit la Cour de Justice à raisonner en termes de fonctions et d'emplois alors que le Conseil d'Etat, en admettant la légalité du décret du 15 octobre 1982, avait raisonné en termes de corps, conformément aux principes du droit français de la fonction publique.

Doivent être recherchés les emplois précis ne pouvant être occupés par les personnes d'un sexe donné (en général, les femmes), en se fondant sur un critère objectif défini par un texte législatif ou réglementaire et dans le respect du principe de proportionnalité tendant à limiter les restrictions d'accès à ce qui est indispensable 19 ( * ) .

L'arrêt du 30 juin 1988 de la CJCE invalide ainsi l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 avril 1986, CFDT, selon lequel des recrutements distincts peuvent être institués pour éviter la proportion excessive de personnes d'un même sexe dans un corps .

En effet, la dérogation de l'article 2, paragraphe 2, de la directive du 9 février 1976 est d'interprétation stricte 20 ( * ) ; sans interdire un système de quota, elle ne se justifie que par les caractères particuliers de certaines fonctions ; elle ne peut avoir pour objet de permettre, dans telle ou telle profession, de préserver un équilibre entre les hommes et les femmes.

3. Le droit communautaire encadre les possibilités de discrimination " positive "

a) L'arrêt Kalanke : incompatibilité des quotas avec le principe de l'égalité de traitement

Par cet arrêt du 17 octobre 1995 21 ( * ) , la Cour de Justice des Communautés européennes a apprécié la conformité à la directive du 9 février 1976 de la loi du Land de Brême du 20 novembre1990, relative à l'égalité entre hommes et femmes dans les services publics. Cette loi prévoyait une priorité en faveur des femmes pour le recrutement ou la promotion, dans les cas où celles-ci ont une qualification égale à celle de leurs concurrents masculins et où elles sont sous-représentées 22 ( * ) dans le secteur concerné.

Après avoir rappelé que le principe de l'égalité de traitement impliquait l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, la CJCE a estimé que le paragraphe 4 de l'article 2 de la directive de 1976 avait pour " but précis et limité d' autoriser des mesures qui, tout en étant discriminatoires selon les apparences, visent effectivement à éliminer ou à réduire les inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale ".

Rappelant qu'en tant que dérogation à un droit individuel consacré par la directive, le paragraphe 4 de l'article 2 était d'interprétation stricte, la Cour a censuré la loi du Land de Brême au motif qu'elle garantissait une priorité absolue et inconditionnelle aux femmes lors d'une nomination ou promotion, et substituait ainsi à la promotion de l'égalité des chances le résultat auquel seule la mise en oeuvre d'une telle égalité des chances pourrait aboutir.

b) L'arrêt Marschall : légalité des atteintes proportionnées au principe d'égalité de traitement

Deux ans après l'arrêt Kalanke, la Cour de Justice des Communautés européennes a précisé les contours de la légalité des discriminations dites " positives ".

A nouveau saisie à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 2 de la directive du 9 février 1976, la Cour, par l'arrêt Marschall du 11 novembre 1997 23 ( * ) , a jugé de la légalité du statut des fonctionnaires du Land de Nordrhein-Westfalen selon lequel, " si, dans le secteur de l'autorité compétente pour la promotion, les femmes sont en nombre inférieur aux hommes au niveau de poste concerné de la carrière, les femmes sont à promouvoir par priorité, à égalité d'aptitude, de compétence et de prestations professionnelles, à moins que des motifs tenant à la personne d'un candidat ne fassent pencher la balance en sa faveur " .

Cette " clause d'ouverture " différencie les deux espèces Kalanke et Marschall. Après avoir établi que le fait que deux candidats de sexe différent aient des qualifications égales n'implique pas à lui seul qu'ils aient des chances égales, la Cour a précisé ce qui lui semblait être une discrimination " positive " conforme à la directive de 1976 :

- la clause d'ouverture garantit, dans chaque cas individuel, aux candidats masculins ayant une qualification égale à celle des candidats féminins, que les candidatures font l'objet d'une appréciation objective qui tient compte de tous les critères relatifs à la personne des candidats et écarte la priorité accordée aux candidats féminins, lorsqu'un ou plusieurs de ces critères font pencher la balance en faveur du candidat masculin, et

- de tels critères ne sont pas discriminatoires envers les candidats féminins.

c) un régime de preuve plus favorable

Le progrès du droit en faveur de la lutte contre les discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe, se traduit aussi par un régime de preuve plus favorable .

Tel est l'objet de la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe, applicable devant les juridictions civiles et administratives, à l'exception des juridictions pénales : " dès lors qu'une personne qui s'estime lésée par le non respect à son égard du principe de l'égalité de traitement établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ".

d) Le traité d'Amsterdam : l'égalité entre hommes et femmes reconnue en tant que mission de la Communauté

Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, inscrit pour la première fois l'égalité entre hommes et femmes dès l'article 2 du traité CE 24 ( * ) .

De façon plus précise, l'article 13 (ex-article 6 A) autorise le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, à " prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe ".

L'article 137 (ex-article 118) indique que " la Communauté soutient et complète l'action des Etats membres dans le domaine de l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ".

Le traité d'Amsterdam innove surtout en insérant dans le texte constitutif européen une disposition autorisant les discriminations positives : l'article 141 (ex-article 119) du traité CE indique que, " pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " .

Le Conseil constitutionnel a estimé que ces stipulations du traité n'étaient pas contraires à la Constitution (décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997).

e) Le juge national doit sanctionner les discriminations indirectes

Au moment où le droit communautaire primaire reconnaît la nécessité d'adopter des mesures constituant des exceptions au principe d'égalité afin de promouvoir une application effective de ce principe (paragraphe 4 de l'article 119 du traité CE), se pose la question de l'application de ces nouvelles dispositions en droit interne français.

La primauté du droit communautaire impose la conformité des textes législatifs à ce droit. Aussi, par un arrêt d'assemblée du 5 décembre 1997, le Conseil d'Etat 25 ( * ) a-t-il conclu à l'effet direct de l'article 119 du traité CE.

La principale conséquence concerne la méthode employée par le juge : après avoir vérifié que la décision litigieuse n'était pas porteuse d'une discrimination directe, le juge administratif recherche si cette décision ne dissimule pas une discrimination indirecte 26 ( * ) .

Pour le droit communautaire, il y a discrimination indirecte lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée d'une façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes .

Une telle discrimination indirecte doit être considérée comme contraire à la directive du 9 février 1976, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit approprié(e) et nécessaire et ne puisse être justifié(e) par des facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés.

Il appartient à la juridiction nationale, qui est seule compétente pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer au vu de toutes les circonstances si et dans quelle mesure une disposition législative qui s'applique indépendamment du sexe du travailleur, mais qui frappe en fait davantage les femmes que les hommes, est justifiée par des raisons objectives et étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe 27 ( * ) .

f) Quotas favorisant la promotion féminine

Dans un arrêt Badeck du 28 mars 2000, la Cour de Justice des Communautés européennes à examiné la conformité à l'article 141 du traité CE, introduit par le traité d'Amsterdam entré en vigueur le 1 er mai 1999, de la loi du Land de Hesse du 21 décembre 1993 relative à l'égalité entre hommes et femmes.

Cette loi prévoyait que, dans chaque " plan de promotion des femmes ", plus de la moitié des postes à pourvoir dans un secteur dans lequel les femmes sont sous représentées doit être destinée à des femmes. Elle ajoutait que, pour certains postes à caractère scientifique, devait être prévu un pourcentage de femmes correspondant à celui qu'elles représentent dans la répartition des diplômées et des diplômés parmi les titulaires de doctorat et les étudiants de chaque discipline. Enfin, elle prévoyait que, lors de la composition des commissions, instances consultatives, conseils d'administration et de surveillance et d'autres comités, au moins la moitié des membres devraient être des femmes.

La Cour a jugé que la directive du 9 février 1976 ne s'opposait pas à une réglementation nationale qui, dans les secteurs de la fonction publique où les femmes sont sous représentées, accorde, à qualifications égales entre candidats de sexe différent, une priorité aux candidats féminins lorsque cela s'avère nécessaire pour assurer le respect des objectifs du plan de promotion des femmes, à moins qu'un motif ayant, sur le plan juridique, une importance supérieure s'y oppose , à condition que ladite réglementation garantisse que les candidatures font l'objet d'une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d'ordre personnel de tous les candidats.

La Cour a aussi jugé que la directive ne s'opposait pas à une réglementation nationale qui prévoit que les objectifs contraignants du plan de promotion des femmes pour certains postes à caractère scientifique fixent un pourcentage minimal de personnel féminin correspondant au moins à celui qu'elles représentent parmi les diplômés, les titulaires de doctorat et les étudiants de chaque discipline.

Enfin, la Cour a estimé que la directive ne s'opposait pas à une réglementation nationale relative à la composition des organes représentatifs des travailleurs et des organes d'administration et de surveillance , qui préconise que les dispositions législatives adoptées pour sa mise en oeuvre prennent en compte l'objectif d'une participation au moins égale des femmes au sein de ces instances. Cette dernière solution ne peut être lue que par référence aux circonstances de l'espèce : la disposition en cause de la loi du Land de Hesse n'a pas de valeur contraignante . Elle ne concerne ni les nombreuses instances créées par des dispositions législatives ni les fonctions exercées à la suite d'élections.

*

En définitive, l'examen du droit communautaire démontre que l'instauration de mesures discriminatoires en faveur des femmes reste une simple faculté pour les Etats membres. Les réserves d'interprétation des arrêts autorisant certains quotas sont suffisamment larges pour appeler le législateur à la prudence au moment où il lui est proposé d'introduire de telles discriminations dans l'ordre juridique national.

B. LES DISTINCTIONS JURIDIQUES ENTRE AGENTS PUBLICS SELON LE SEXE SONT AUJOURD'HUI MARGINALES

1. Le recrutement des agents publics : les concours distincts sont réduits à la peau de chagrin

De nombreux recrutements distincts entre hommes et femmes ont été supprimés par voie réglementaire. Il en va ainsi des corps des commissaires de police, des commandants et officiers de paix, des inspecteurs, des enquêteurs, des gradés et gardiens de la paix de la police nationale 28 ( * ) , ou encore des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire 29 ( * ) .

Dans l'armée, c'est aussi par voie réglementaire qu'est inversé le principe du recrutement des femmes dans la fonction publique militaire. Jusqu'en 1998, l'accès des femmes aux différents corps de l'armée devait en effet être autorisé par un texte ; depuis le décret n° 98-86 du 16 février 1998, l'ensemble des corps des trois armes de droit est ouvert aux femmes. Des arrêtés motivés peuvent toutefois limiter leur accès pour certains corps.

Dans l'arrêt Martel du 29 décembre 1993, le Conseil d'Etat a sanctionné l'illégalité d'une disposition réglementaire établissant une discrimination entre hommes et femmes, pour l'accès au corps des officiers de l'air, qui n'est pas justifiée par la nature des fonctions ou les conditions de leur exercice.

Dans l'arrêt du 11 mai 1998 Mlle Aldige, le Conseil d'Etat a estimé que ni la nature des fonctions de commissaire de l'armée de terre ni les conditions particulières dans lesquelles ces fonctions sont exercées, ne justifiaient de limiter l'accès des femmes à 20% du recrutement annuel du corps.

En l'état actuel du droit, certaines spécialités militaires demeurent fermées aux femmes (soldats affectés dans les sous-marins, corps des fusiliers-marins).

Les dérogations à la mixité des concours ne concernent que le corps d'attachés d'éducation des maisons d'éducation de la Légion d'honneur et celui des gradés et surveillants des maisons pénitentiaires.

2. Les pensions : persistance de discriminations liées au sexe

Outre le domaine des recrutements, les pensions de retraite des fonctionnaires ne sont pas servies également selon que l'agent est un homme ou une femme.

Sans faire mention de toutes les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite qui diffèrent selon qu'elles s'appliquent aux hommes ou aux femmes, il peut être significatif d'en sélectionner une à titre d'illustration. Ainsi, l'article L. 38 du code des pensions permet à la veuve de bénéficier immédiatement d'une pension de réversion qui représente 50 % de la pension dont aurait bénéficié son mari. A l'inverse, l'article L. 50 n'autorise le veuf à percevoir une pension de réversion qu'à l'âge de 60 ans, et celle-ci est plafonnée à 37,5 % d'un traitement fixé 30 ( * ) .

Malgré les discriminations ainsi posées par la loi, le juge administratif a développé une interprétation plus conforme à l'égalité de traitement entre agents publics.

Dans trois décisions récentes, le Conseil d'Etat a été amené à s'interroger sur la comptabilité des dispositions du code des pensions civiles et militaires avec le droit communautaire, au regard du principe d'égalité des sexes.

• En mai 1999 31 ( * ) , le Conseil d'Etat a jugé que les pensions de réversion mentionnées à l'article L. 57 32 ( * ) devaient s'appliquer non pas en faveur des seules femmes, comme le veut le texte législatif, mais en faveur des conjoints, hommes ou femmes.

Comme l'indique le commissaire du Gouvernement : " l'effort consistant à lire " son conjoint " là où le législateur a écrit " sa femme " n'est pas négligeable ". En l'espèce, le Conseil d'Etat a estimé que le maintien de la référence à l'épouse, alors que tout commandait d'y substituer une référence au conjoint, ne résultait pas d'une volonté délibérée du législateur.

• En février 2000 33 ( * ) , le Conseil d'Etat a été d'avis que l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 34 ( * ) n'était pas inconciliable avec les règles qui, dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, sont plus favorables aux femmes qu'aux hommes, dès lors que ce code est distinct du statut général des fonctionnaires par son objet et son champ d'application.

Le Conseil d'Etat en a déduit que l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1983 n'avait eu ni pour objet ni pour effet d'abroger implicitement, pour les fonctionnaires civils de l'Etat, les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en tant qu'elles refusent aux hommes la possibilité de faire valoir immédiatement leurs droits à la retraite dans les mêmes conditions que les femmes 35 ( * ) .

• En juillet 1999 36 ( * ) , le Conseil d'Etat a saisi la Cour de Justice des Communautés européennes afin qu'elle se prononce sur la question de la nature des pensions de retraite servies aux fonctionnaires. Cette question préjudicielle est ainsi l'occasion de vérifier la conformité du droit positif français aux dispositions de droit communautaire sur l'égalité entre les sexes.

Le maintien de dispositions discriminatoires (souvent à l'encontre des hommes) dans le code des pensions civiles et militaires de retraite est donc fortement remis en question ces dernières années.

C. MALGRÉ LES AVANCÉES DU DROIT, LA SITUATION DES FEMMES DANS LA FONCTION PUBLIQUE RESTE EN PRATIQUE DÉFAVORABLE

Le rapport relatif à l'encadrement supérieur de la fonction publique, remis en février 1999 par Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil d'Etat 37 ( * ) , dresse un tableau de la place des femmes dans la fonction publique, avant d'analyser les modes de sélection et de présenter les conditions d'une " modernisation pour et par les femmes ".

L'état des lieux établi dans ce rapport met en évidence la place insuffisante qu'occupent les femmes dans la haute fonction publique, au regard de leur proportion dans les catégories hiérarchiquement inférieures.

1. La place des femmes dans la fonction publique

Les femmes sont majoritaires dans les trois fonctions publiques où elles représentent 56,9 % des salariés en 1998 contre 52,8 % en 1980.

a) La fonction publique de l'Etat

La fonction publique de l'Etat emploie 1,1 million de femmes sur 1,9 million d'agents civils, soit 55,2 %. En incluant les militaires, la proportion des femmes est de 48,9 % 38 ( * ) au 31 décembre 1998.

La répartition des femmes selon la catégorie hiérarchique montre la prédominance de celles-ci dans la catégorie B (65,9 %), tandis que les femmes représentent 53,9 % des agents de catégorie A et 52,2 % dans la catégorie C en 1998.

b) La fonction publique territoriale

La fonction publique territoriale compte une proportion de femmes de 59,6 % (hors contrats emplois solidarité) au 1 er janvier 1997. La part des femmes dans le nombre total des emplois territoriaux est stabilisée depuis 1993. Les deux tiers des agents non titulaires sont des femmes.

Les femmes représentent 57,5 % du personnel employé dans les communes. Les centres communaux d'action sociale, les caisses des écoles et les syndicats d'initiative comprennent entre 78 % et 88 % d'agents féminins, tandis que la proportion des employés de sexe féminin équivaut à 45 % de l'effectif global dans les établissements publics locaux ou les offices publics d'habitation à loyer modéré.

Les conseils généraux emploient majoritairement des femmes, à hauteur de 80,7 % de leurs effectifs au 1 er janvier 1996. Ce déséquilibre s'explique par le caractère quasi exclusivement féminin des recrutements d'assistantes maternelles, qui représentent 37 % des agents rémunérés par les conseils généraux.

c) La fonction publique hospitalière

La faiblesse des données sur la fonction publique hospitalière résulte de l'absence de rapport remis par le Gouvernement au Parlement, malgré les dispositions en ce sens de la loi statutaire du 9 janvier 1986.

D'après les statistiques fournies à votre rapporteur par le ministère de la fonction publique, concernant 80 % des effectifs de la fonction publique hospitalière, les femmes représentent 79 % des agents au 31 décembre 1998. Les répartitions entre les sexes dans les différents corps sont extrêmement contrastées. Sur les 76 corps mentionnés dans ces statistiques, 16 corps comptent plus de 90 % de femmes, 7 corps comptent plus de 90 % d'hommes, 25 corps comptent entre 70 % et 90 % de femmes et 11 corps comptent entre 70 % et 90 % d'hommes, ce qui ne laisse que 17 corps ayant une représentation relativement équilibrée entre hommes et femmes.

2. L'accès inégal à la haute fonction publique

a) La fonction publique de l'Etat

Malgré la féminisation certaine de la fonction publique française, force est de constater la faiblesse des effectifs féminins dans la haute fonction publique : 13,1 % des emplois supérieurs de direction et d'inspection générale recensés au 1 er juin 1999. En particulier, seuls 42 des 471 emplois laissés à la décision du Gouvernement sont occupés par des femmes en 1999 soit 8,9 % . Dans les grands corps de l'Etat 39 ( * ) , les femmes représentent 16,8 % des effectifs. Elles sont 20,8 % des chefs de service, directeurs adjoints et sous-directeurs, 20,9 % des inspecteurs généraux (hors IGF), 3,7% des trésoriers payeurs généraux, 8 % des chefs de services déconcentrés 40 ( * ) .

A cet égard, la réponse apportée par le Premier ministre à Mme Michèle Alliot-Marie, députée 41 ( * ) , sur la place des femmes dans la haute fonction publique est édifiante : " Au cours d'une discussion que j'ai eue récemment avec la ministre de l'emploi et de la solidarité, Martine Aubry, je lui ai fait observer qu'il n'y avait aucune candidature de femme dans ses propositions pour les nominations aux postes de directeur des structures hospitalières régionales ".

Comme le souligne Mme Anne-Marie Colmou dans son rapport, il n'est pas normal que parmi les fonctionnaires issus de l'ENA depuis 1991, aient été jugés compétents pour exercer des fonctions d'encadrement supérieur 92,3% d'hommes et seulement 7,7 % de femmes, alors qu'ils sont issus de la même École, ont subi la même sélection et ont reçu la même formation.

L'actualité récente donne cependant l'occasion de se féliciter de la nomination de la première femme directrice de l'Ecole nationale d'administration.

Quant aux cabinets ministériels , ils comprennent environ 30 % de femmes (sur 600 membres de cabinets) en septembre 2000 et deux femmes étaient directrices de cabinet (secrétariat d'Etat à la Santé et aux personnes handicapées, secrétariat d'Etat au Budget) mais l'une d'entre elles vient d'être nommée à la direction du budget.

b) La fonction publique territoriale

Selon une enquête réalisée par l'Association des administrateurs territoriaux, le cadre d'emplois ne compte que 17,4 % de femmes.

Selon l'annuaire des villes, départements et régions publié par le magazine " La Gazette " fin 1998 : une seule femme est directeur général de région ; cinq femmes dirigent les services de conseils généraux ; les femmes représentent 16,6 % des secrétaires généraux des villes de 10.000 à 20.000 habitants et 10 % au-dessus de 40.000 habitants ; la situation est encore plus défavorable pour les emplois de directeur des services techniques.

c) La fonction publique hospitalière

Les femmes représentent 30 % du corps des personnels de direction des hôpitaux. Depuis 1985, le nombre de femmes directrices d'hôpital a doublé. Ce constat doit être nuancé par le fait qu'il n'y a qu'une seule femme pour 29 postes de directeurs généraux des centres hospitaliers régionaux et des centres hospitaliers universitaires.

3. La place des femmes dans les jurys de concours et d'examen

Quelques exemples rendent compte de la féminisation actuelle des jurys de concours de la fonction publique :

- Le jury de l'Ecole nationale d'administration est particulièrement féminisé en 1999 : 54 % de femmes dans le jury pour le concours externe, 31% pour le concours interne et 23 % pour le troisième concours.

- Les jurys des concours administratifs organisés en 1998 au ministère de l'Intérieur comprennent en moyenne 39 % de femmes . La proportion varie selon le corps concerné, de 25 % pour le concours d'attaché principal d'administration centrale à 66 % pour la promotion des agents contractuels de préfecture.

- Les jurys des concours techniques organisés en 1998 au ministère de l'Intérieur font apparaître de moins bons résultats puisque dans l'ensemble les femmes ne représentent que 17 % des membres des jurys. Elles sont même totalement absentes des jurys concernant l'accès à cinq corps : ingénieurs des travaux des services techniques, ingénieurs des services techniques, contrôleurs des transmissions, inspecteurs-élèves des transmissions et agents de transmissions. Ces jurys comprennent chacun entre 4 et 6 membres. Les femmes représentent ensuite 16 % des membres des jurys pour le recrutement des contrôleurs des services techniques et des inspecteurs principaux des transmissions. Pour être exact, ce pourcentage résulte de la présence d'une seule femme sur les six membres que compte le jury. De même, une seule femme était présente dans le jury des examens informatiques (5% des membres) et celui des contrôleurs divisionnaires des travaux (25 %). A l'inverse, les femmes représentent respectivement 40 % et 60 % des membres des jurys de concours de recrutement des assistants de service social et des conseillers techniques de service social.

En-dehors de ces quelques exemples dont la significativité n'est pas établie, force est de constater l'absence de toute statistique globale sur la composition des jurys de concours et d'examen de la fonction publique .

Dès lors, aucune donnée objective ne vient étayer le constat intuitif des auteurs de la proposition de loi, selon lequel les femmes seraient sous-représentées dans les jurys de concours.

4. La place des femmes dans les organismes consultatifs

Les organismes consultatifs de la fonction publique sont essentiellement les Conseils supérieurs, les commissions administratives paritaires, les comités techniques paritaires et les comités d'hygiène et de sécurité.

Aux termes des lois statutaires 42 ( * ) , les Conseils supérieurs connaissent de toute question d'ordre général concernant la formation professionnelle concernée. Ils comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires. Le Conseil supérieur est l'organe supérieur de recours en matière disciplinaire, d'avancement et en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Les Conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière sont saisis pour avis des projets de loi, des projets de décret de portée générale relatifs à la situation des personnels et des projets de statuts particuliers des corps et emplois 43 ( * ) .

Les commissions administratives paritaires sont consultées sur les décisions individuelles intéressant les membres du corps et connaissent des questions relatives au recrutement, aux propositions de titularisation ou de refus de titularisation.

Les comités techniques paritaires 44 ( * ) sont consultés sur les problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services. Ils connaissent des questions relatives aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services, aux règles statutaires, etc.

Quelques exemples là encore montrent que les femmes sont sous-représentées dans les organismes consultatifs de la fonction publique :

- Le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat comprend cinq femmes titulaires et dix-neuf suppléantes représentant l'administration, soit 24 % des titulaires et 48 % des suppléants ;

- Dans le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, aucune femme ne siège parmi les vingt membres titulaires élus en qualité de représentants des collectivités territoriales ;

- Dans les préfectures, le pourcentage de femmes parmi les membres titulaires des instances paritaires est de 39 % au premier semestre 1999 mais seulement 11 % parmi les suppléants, ce qui porte la proportion à 31 % de l'ensemble des membres ;

- Les commissions administratives paritaires (CAP) de l'administration centrale au ministère de l'Intérieur sont quant à elles bien féminisées puisque les femmes représentent 33 % de l'effectif pour la CAP des attachés, 25 % pour la CAP des secrétaires, 42 % pour la CAP des adjoints et 50 % pour la CAP des agents. Mais là encore, les commissions administratives paritaires des personnels techniques font figure de " mauvais élèves "... encore faudrait-il connaître la proportion de femmes dans les corps concernés ! Exception faite des CAP des assistantes sociales qui comprennent autant d'hommes que de femmes, les CAP des personnels des transmissions ne comptent que 10  % de femmes, celles des services techniques du matériel 8 % et celles des ouvriers 19 % ;

- Les comités techniques paritaires (CTP) des personnels techniques du ministère de l'Intérieur sont très en retard en termes de féminisation. Outre le fait qu'il n'y a aucune femme dans les quatre comités techniques paritaires de la sécurité civile, qui comptent entre 8 et 16 membres, les femmes ne représentent que 12,5 % du CTP des transmissions et 8 % des CTP des services techniques du matériel.

Ces quelques chiffres ne peuvent occulter les lacunes de l'argumentation des auteurs de la proposition de loi : en l'absence de toute statistique globale, il n'est pas prouvé que les femmes soient sous-représentées dans les organismes consultatifs .

Il conviendrait de comparer la place des femmes dans les corps concernés avec la place qu'elles occupent dans la commission administrative paritaire ou le comité technique paritaire.

Il n'est pas démontré qu'actuellement l'administration, lorsqu'elle nomme ses représentants dans les organismes consultatifs, pratique une discrimination à l'encontre des femmes dans les corps où elles sont sous-représentées (ou des hommes dans le cas inverse), qui justifierait un rééquilibrage. En tout état de cause, le rééquilibrage ne peut être envisagé qu'au cas par cas pour éviter de créer de nouvelles discriminations en fixant des proportions qui pourraient devenir obsolètes.

D. LES PROPOSITIONS POUR RENFORCER L'ÉGAL ACCÈS AUX EMPLOIS PUBLICS SE CONCENTRENT SUR LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE

1. Les propositions du " rapport Colmou "

Le rapport remis en février 1999 par Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil d'Etat, intitulé : " L'encadrement supérieur de la fonction publique : vers l'égalité entre les hommes et les femmes ", dresse une liste de 17 propositions.

La proposition n° 1 tendant à établir des statistiques plus précises, et la proposition n° 7, en faveur de la transparence et de la connaissance du phénomène de sous-représentation des femmes par des statistiques et des études, ont été mises en oeuvre par voie réglementaire. Il en va de même de la deuxième proposition qui tend à la création d'un " comité de pilotage " à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique.

La proposition n° 4 tend à donner une place plus claire aux femmes dans le statut. Elle est reprise par la présente proposition de loi, de même que la proposition n° 6 sur la féminisation des jurys de concours et la proposition n° 11 sur la féminisation des organismes paritaires.

La proposition n° 5 a pour objet de mieux faire connaître les carrières de la haute fonction publique. La proposition n° 8 tendant à introduire des plans d'objectifs a été mise en oeuvre par voie réglementaire sous la forme de plans pluriannuels d'amélioration de l'accès des femmes aux emplois et postes d'encadrement supérieur (voir infra ).

La proposition n° 9 s'attache à la constitution de " viviers " de candidatures féminines. Il s'agit d'aider à la décision lors des nominations en créant des listes par profil et compétence des fonctionnaires disponibles, et de mettre sur pied des viviers spécifiquement féminins.

Le rapport Colmou ne propose pas de modifier les textes statutaires de la fonction publique pour mettre l'accent sur l'égal accès aux emplois supérieurs (proposition n° 10). Les propositions n° 13 à 17 visent l'expérimentation du travail à temps partiel dans les postes d'encadrement, l'organisation du travail et des horaires, l'amélioration de la prise de décision interministérielle, une gestion des ressources humaines personnalisée et prévisionnelle et un fonctionnement décloisonné entre les ministères.

2. Les travaux des délégations parlementaires aux droits des femmes

a) A l'Assemblée nationale

Sur le rapport de M. André Vallini 45 ( * ) , la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a tout d'abord exclu le recours à des quotas d'admission consistant à fixer le nombre de postes à réserver au minimum à des femmes, ou à des hommes, et à organiser des concours séparés. Elle a jugé que cette solution radicale irait à l'encontre du principe à valeur constitutionnel d'égal accès aux emplois publics ; de plus, elle a estimé que les femmes ainsi reçues aux concours seraient handicapées tout au long de leur carrière à cause de l'atteinte à l'image d'impartialité de la fonction publique.

Elle a ensuite proposé de supprimer la disposition du statut général qui permet l'organisation de recrutements distincts lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.

Elle a estimé que la notion de " représentation équilibrée ", qui se distingue de la notion plus restrictive de " mixité ", devrait être précisée afin de limiter la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire dans la définition de la proportion de représentants appartenant à chacun des sexes .

La Délégation a estimé que l'objectif de la parité devait être atteint au plus tard en 2010 , que ce soit pour les jurys de concours, pour les élus locaux siégeant au sein des organismes consultatifs de la fonction publique territoriale, ou pour les représentants de l'administration au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et dans les comités d'hygiène et de sécurité.

Enfin elle a souhaité que l'Etat incite les organisations syndicales à équilibrer leur représentation, notamment au sein des organismes paritaires des fonctions publiques, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

b) Au Sénat

Sur le rapport de M. Gérard Cornu, la Délégation du Sénat pour les droits des femmes a insisté sur le fait que l'Etat devait être tout particulièrement exemplaire dans le domaine de l'égalité professionnelle.

Tout en prenant acte des dispositions de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson tendant à accroître la présence des femmes dans les jurys de concours, la Délégation " n'a pas été convaincue que cette féminisation puisse être regardée comme une garantie absolue au regard de la valorisation recherchée des jeunes filles" .

3. De nombreuses réalisations par voie réglementaire

L'intervention du législateur peut apparaître d'autant moins nécessaire pour favoriser l'égalité professionnelle que de nombreuses mesures réglementaires viennent déjà contribuer à améliorer la situation des femmes, en particulier dans la haute fonction publique.

a) Améliorer l'information statistique

La connaissance précise de la situation des femmes dans les trois fonctions publiques doit sans nul doute être améliorée. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le septième rapport du Gouvernement au Parlement sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes : les données statistiques concernent quasi-exclusivement les administrations centrales de l'Etat et les postes de direction. Presque aucune statistique sur les services déconcentrés de l'Etat et sur la fonction publique territoriale n'y figurent. Enfin, le rapport spécifique sur la fonction publique hospitalière n'a jamais été remis.

L'amélioration de l'outil statistique sur la fonction publique territoriale a fait l'objet d'un décret récent 46 ( * ) , qui précise les informations devant figurer dans le rapport que les comités techniques paritaires transmettent au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Désormais, les collectivités territoriales devront obligatoirement recueillir et transmettre les données relatives à la répartition par sexe et âge de l'effectif des titulaires, mais aussi à la répartition des titulaires par sexe et cadre d'emplois. A compter du 31 décembre 2001, la répartition sera réalisée par sexe, cadre d'emplois et grades.

Dans la fonction publique de l'Etat, la circulaire du Premier ministre en date du 8 mars 2000 47 ( * ) vise à disposer de données pertinentes par sexe pour affiner le diagnostic de la situation respective des hommes et des femmes dans les différents domaines, et être ainsi à même de repérer les besoins, de fixer des objectifs pertinents et de procéder à l'évaluation des actions engagées.

b) Accès des femmes aux emplois supérieurs

La féminisation des jurys de concours s'impose à l'Etat depuis 1983. En effet, la circulaire du 24 janvier 1983 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la mixité dans la fonction publique indique que " la présence des deux sexes dans les instances de sélection est de nature à enrichir les critères de choix des candidats par la diversification des points de vue correspondant aux besoins et aux réalités d'une société mixte ".

Constatant qu' " actuellement, la composition des jurys est fortement masculine ", la circulaire du 24 janvier 1983 invite l'ensemble des ministres à " solliciter et encourager la collaboration des femmes qui réunissent les compétences requises pour y participer ". Elle conclut par la " clause de sauvegarde " (voir infra ) : " il est à tout le moins nécessaire d'éviter qu'un jury soit homogène de l'un ou l'autre sexe ".

La circulaire du 6 mars 2000 48 ( * ) du Premier ministre indique que la France se dotera d'un plan national d'action sur l'égalité des chances, visant à associer de façon équilibrée les femmes et les hommes à la prise de décision.

Selon les termes de la circulaire, la nécessité d'accélérer le mouvement de rééquilibrage de la composition de la haute fonction publique doit s'effectuer dans le respect du principe constitutionnel de l'égal accès aux emplois publics, fondé sur l'appréciation du mérite des candidats.

L'outil proposé est le " plan pluriannuel d'amélioration de l'accès des femmes aux emplois et postes d'encadrement supérieur ".

Sont visés en particulier les emplois de chef de services, de directeur adjoint et de sous-directeur des administrations centrales de l'Etat, les emplois de directeur régional et de directeur départemental des services déconcentrés, les emplois de direction et d'encadrement des établissements publics et les fonctions de chef de bureau.

Ne sont en revanche pas inclus dans le plan pluriannuel les emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement, les emplois pour lesquels les nominations sont faites en Conseil des ministres et les emplois supérieurs auxquels il est pourvu par décret du Président de la République. Toutefois, en séance publique à l'Assemblée nationale, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a fait savoir que, tous les six mois, les membres du Gouvernement devaient dresser la liste des nominations auxquelles ils avaient procédé, en indiquant le nombre de femmes et le nombre d'hommes.

Le plan arrêté par chaque ministère précisera, en termes objectifs, le taux de féminisation à atteindre pour chaque catégorie d'emplois et de fonctions de direction et d'encadrement. Ce taux de féminisation sera déterminé en tenant compte de la représentation des femmes dans les corps ou emplois qui constituent le " vivier " des emplois et fonctions de direction et d'encadrement concernés par le plan.

c) Amorce de dialogue social sur l'égalité des sexes

Les commissions administratives paritaires et comités techniques paritaires sont associés à cette démarche 49 ( * ) : les comités techniques paritaires reçoivent communication et débattent d'un rapport annuel sur la situation respective des femmes et des hommes au regard des recrutements, de l'avancement et des promotions dans l'administration, le service ou l'établissement public auprès duquel ils ont été créés. Ce rapport comprend un bilan des mesures prises pour l'application des plans fixant des objectifs pluriannuels d'amélioration de l'accès des femmes aux emplois d'encadrement supérieur.

*

L'état du droit existant comme les récentes réalisations réglementaires laissent à penser qu'une intervention du législateur n'était peut-être pas nécessaire pour rééquilibrer la composition de la haute fonction publique en faveur des femmes.

Pourtant, le Gouvernement comme l'Assemblée nationale ont jugé utile de faire intervenir la loi.

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : L'INTRODUCTION DE DISCRIMINATIONS " POSITIVES " SOUS FORME DE PROPORTIONS FIXÉES PAR DÉCRET

1. La proposition de loi initiale : introduire une discrimination nouvelle entre agents publics hommes et femmes

La proposition de loi présentée le 3 juin 2000 par Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés reprend les propositions formulées par deux rapports récents :

- le rapport de Mme Catherine Génisson intitulé " Femmes-hommes : quelle égalité professionnelle ? " , publié en octobre 1999,

- et le rapport de Mme Anne-Marie Colmou sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'encadrement supérieur de la fonction publique.

Le titre II de la proposition de loi, consacré à la fonction publique, propose tout d'abord des mesures de pur affichage : il s'agit de reproduire le droit existant en lui apportant quelques aménagements. Les dispositions sur le harcèlement sexuel dans la fonction publique sont ainsi mises en exergue ( article 14 ).

Mais l'innovation de la proposition de loi consiste à introduire une nouvelle dérogation au principe d'égalité entre hommes et femmes dans la fonction publique.

Sur le plan des principes, l'Assemblée nationale propose de permettre les distinctions entre les hommes et les femmes, à l'initiative de l'administration, afin d'assurer une " représentation équilibrée " des hommes et des femmes dans les organismes consultatifs et les jurys de concours ( article 13 ).

Cette proposition est ensuite déclinée pour l'ensemble des trois fonctions publiques . L'administration devra nommer ses représentants en respectant une proportion d'hommes et de femmes fixée par décret en Conseil d'Etat dans les organismes consultatifs de la fonction publique de l'Etat ( articles 15 et 16 ) et dans les commissions administratives paritaires de la fonction publique hospitalière ( article 20 ).

De même, les jurys dont les membres sont désignés par l'administration seront composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes. Cette règle s'applique aux jurys de concours de recrutement de la fonction publique de l'Etat ( article 17 ) et de la fonction publique hospitalière ( article 21 ) ; aux jurys et comités de sélection composés en vue de l'avancement des fonctionnaires de l'Etat ( article 18 ) et des hôpitaux ( article 22 ) ; à l'ensemble des jurys et comités de sélection constitués dans la fonction publique territoriale ( article 19 ).

2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale : la suppression de la clause de sauvegarde

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à la proposition de loi initiale. Tout d'abord, elle a complété les mesures d'affichage. Ainsi, le rapport du Gouvernement au Parlement sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes voit son intitulé modifié et son contenu précisé. Un parallèle est établi avec le rapport de situation comparée rédigé par les entreprises de plus de cinquante salariés ( article 14 bis ).

Ensuite, l'Assemblée nationale a complété le champ d'application des discriminations " positives ". L'exigence de " représentation équilibrée " entre les femmes et les hommes est étendue à la désignation par l'administration des jurys et comités de sélection constitués en vue de la promotion interne des fonctionnaires de l'Etat ( article 17 bis ). Il en va de même pour la désignation des représentants de l'administration dans les comités techniques paritaires des établissements publics de santé ( article 20 bis ).

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu des dispositions transitoires afin de ménager une entrée en vigueur différée des dispositions relatives aux organismes consultatifs ( article 23 ) et aux jurys de concours et comités de sélection ( article 24 ).

Le principal apport de l'Assemblée nationale consiste dans la suppression de la " clause de sauvegarde " prévue par la proposition de loi initiale. Cette clause autorisait les statuts particuliers à prévoir exceptionnellement que " la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe ", après avis du Conseil supérieur de la fonction publique concernée et des comités techniques paritaires ( articles 17 à 19, 21 et 22 ).

Cette " clause de sauvegarde " est à rapprocher de la proposition n° 6 du rapport de Mme Anne-Marie Colmou, mettant en évidence les difficultés liées à la féminisation des jurys de concours : " La première (difficulté) serait l'absence de vivier de candidatures. La seconde est l'existence, dans certains statuts particuliers, et notamment pour des corps très masculinisés, de dispositions qui fixent précisément la composition des jurys. Rien de tout cela n'est rédhibitoire. Les exceptions à la féminisation des jurys, si elles sont justifiées, peuvent être prévues par dérogation ".

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a jugé qu'autoriser les jurys à ne comporter qu'une seule femme ou un seul homme mettait en place une mixité minimale peu satisfaisante.

Le Gouvernement s'est déclaré favorable à la suppression de la " clause de sauvegarde ", tout en précisant qu'" il y aura des cas où le taux fixé par le décret d'application relatif aux jurys impliquera des dérogations, faute de représentants de l'un ou de l'autre sexe en nombre suffisant parmi les personnes possédant les compétences voulues pour y participer ".

D'après le Gouvernement, tel sera le cas, dans la fonction publique de l'Etat, pour divers corps appartenant à l'enseignement et à la recherche, pour les corps techniques de l'équipement ou de l'agriculture, pour les concours d'ingénieurs des ponts et chaussées, pour le recrutement des corps ouvriers ou celui des assistantes des services sociaux 50 ( * ) .

Le Gouvernement a émis une réserve : il " expertisera les conséquences (de la suppression de la clause de sauvegarde) d'ici aux prochaines lectures ". A ce jour, votre rapporteur n'a toujours pas obtenu du Gouvernement les résultats de cette expertise.

3. Une délégation contestable au pouvoir réglementaire

La proposition de loi privilégie l'emploi de termes très vagues, qui ne sont nullement définis, et dont la valeur juridique n'apparaît pas clairement. En fait, elle se limite à fixer un objectif : " concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes " .

Pour savoir ce qu'est une " représentation équilibrée ", il faudra donc se rapporter au décret en Conseil d'Etat qui sera pris pour l'application de la loi. Celui-ci est en effet chargé de " fixer la proportion de représentants (de l'administration) appartenant à chacun des sexes ".

Les avant-projets de décret soumis à l'examen du Conseil d'Etat en 1999 imposaient que, " parmi les personnes désignées pour faire partie des jurys de concours de recrutement de fonctionnaires ou pour représenter l'administration au sein des commissions administratives paritaires et des comités techniques paritaires, une proportion minimale d'un tiers de personnes de chaque sexe soit respectée ".

Le Conseil d'Etat a estimé que les mesures envisagées, en tant qu'elles auraient pour effet d'interdire à certains fonctionnaires d'un sexe de participer à des jurys ou des commissions administratives paritaires ou des comités techniques paritaires dès lors que le nombre maximal de personnes de leur sexe serait atteint, porteraient nécessairement atteinte au principe fixé par l'article 6 de la loi statutaire du 6 juillet 1983.

C'est pourquoi il a indiqué au Gouvernement que les décrets envisagés nécessitaient au préalable une intervention du législateur. L'Assemblée nationale ne propose ni plus ni moins que la fixation par décret d'un quota pour l'accès des agents aux responsabilités de membre d'un jury ou de représentant de l'administration dans un organisme consultatif . Au pouvoir réglementaire de déterminer non seulement la proportion de droit commun (quota un tiers/deux tiers), mais aussi les corps pour lesquels les statuts particuliers pourront déroger à cette règle.

S'agissant de la féminisation des jurys de concours, un groupe de travail a été constitué afin d'examiner le système des concours de la fonction publique et de déterminer les causes de la sélectivité accrue à l'encontre des femmes.

4. Le refus de faire peser les nouvelles contraintes sur les organisations syndicales

Au cours des débats à l'Assemblée nationale a été soulevée la question de la parité dans les élections syndicales .

En effet, les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires, comme leur nom l'indique, sont constitués pour moitié de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Si les premiers sont désignés, il n'en va pas de même des seconds qui sont le plus souvent élus .

Afin de ne pas porter atteinte au résultat du suffrage, il n'a pas été proposé que les organisations syndicales soient tenues de respecter la même proportion d'hommes et de femmes que celles qui s'imposera dans l'administration.

M. Emile Zuccarelli, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a avancé l'argument selon lequel, " dans tous les organismes de la fonction publique de l'Etat auxquels ils participent, les syndicats désignent chacun des représentants en nombre déterminé par leurs résultats aux précédentes élections, nombre qui descend le plus souvent à un ou deux représentants pour l'un ou l'autre des sept syndicats représentatifs de la fonction publique ". Dès lors, il lui a paru " impossible de leur imposer une obligation de résultat en matière d'équilibre sexué, sachant que celui-ci ne pourrait être atteint que s'ils partagent entre eux les obligations qui en résulteraient à cet égard " 51 ( * ) .

Une telle restriction montre les limites de la présente proposition de loi : l'obligation de féminisation des organismes consultatifs ne porte que sur la moitié de l'effectif.

Le Gouvernement a donc engagé la concertation avec les organisation syndicales, afin de réfléchir aux possibilités d'extension des nouvelles contraintes aux représentants élus par le personnel.

Votre commission des Lois, si elle se félicite de la concertation menée avec les syndicats, ne peut que constater que le Gouvernement n'avait pas eu les mêmes attentions envers les élus locaux lors de la préparation de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : FAVORISER LA SOUPLESSE DANS L'APPLICATION DE LA LOI

Comme votre rapporteur l'a exposé précédemment, les discriminations positives en faveur des femmes ne sont pas totalement bannies du droit de la fonction publique.

Il n'en demeure pas moins que, dans les cas où, au-delà de la seule égalité juridique, les pouvoirs publics estiment que les discriminations " compensatoires " sont nécessaires pour assurer une égalité de fait, ils devront les instituer par voie législative sous le contrôle éventuel du Conseil constitutionnel.

A. LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LA PROPOSITION DE LOI RESTENT OBSCURS

On chercherait en vain dans les débats parlementaires ou l'exposé des motifs l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi.

•  La féminisation des organismes consultatifs et des jurys est-elle proposée pour faciliter l'accès des femmes à des fonctions honorifiques, dans les corps où elles sont sous-représentées ? Cet objectif de promotion des femmes peut tout à fait justifier en soi une action volontariste des pouvoirs publics ; mais ceux-ci ont-ils besoin d'une loi pour s'appliquer cette règle à eux-mêmes si tant est qu'ils ne l'aient pas déjà fait 52 ( * ) .

Quand bien même la proposition de loi se limiterait à hâter la promotion des femmes, dans les corps où elles sont sous-représentées, aux fonctions honorifiques de membre de jury de concours, encore faudrait-il prouver qu'actuellement elles se trouvent dans une situation défavorable .

•  Au contraire, la féminisation des jurys de concours a-t-elle pour objectif d'améliorer le rang de classement des candidates reçues, dans les corps où les femmes sont sous-représentées ? Dans ce cas, le risque peut paraître grand d'accréditer l'idée selon laquelle les membres de jury se comporteraient différemment selon leur sexe, et de porter atteinte à l'impartialité du jury.

B. LA PROPOSITION DE LOI DOIT ÊTRE EXAMINÉE AU REGARD DES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES

1. Un débat distinct de la parité en politique

Seule la révision constitutionnelle a permis de concilier d'une part le principe du caractère indivisible et universel de la souveraineté nationale et le principe de la liberté de l'électeur, d'autre part l'objectif d'un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

En effet, dans une décision de principe du 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel avait considéré que " la règle qui, pour l'établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe, (était) contraire aux principes constitutionnels ". Cette décision a été confirmée par la décision du 14 janvier 1999 portant sur la loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

La loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes a ainsi modifié l'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 afin que " la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives " 53 ( * ) .

Si cette révision constitutionnelle autorise les discriminations positives en faveur des femmes, elle ne concerne que le domaine électoral et ne peut être interprétée comme applicable à l'accès des hommes et des femmes à la fonction publique en général ou à certaines responsabilités en particulier.

2. Le respect du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics

Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel 54 ( * ) , " le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ".

Ainsi, le principe d'égalité ne revêt pas une portée absolue mais doit être apprécié dans un contexte éclairé par les intentions du législateur. Mais la latitude du législateur s'arrête lorsque sont en cause des discriminations expressément interdites par la Constitution : selon la race, l'origine, la religion, les croyances, et, en dehors du domaine électoral, le sexe.

Or, l'article VI de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen dispose que : " tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ".

a) La portée du principe d'égal accès

Lors de l'examen de la constitutionnalité de la loi du 13 janvier 1983 relative au statut général des fonctionnaires, le Conseil constitutionnel a considéré que : si le principe de l'égal accès des citoyens aux emplois publics, proclamé par l'article VI de la Déclaration de 1789, imposait que, dans les nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents, il ne s'opposait pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public 55 ( * ) .

b) Motifs d'intérêt général

Le Conseil d'Etat a déjà jugé une affaire mettant en jeu l'égalité d'accès des hommes et des femmes dans des organismes chargés de prendre des décisions individuelles à l'égard des fonctionnaires. En l'espèce, il s'agissait des conseils de discipline compétents pour les maîtres d'internat et les surveillants d'externat 56 ( * ) .

Le Conseil d'Etat a établi que la discrimination tendant à instituer une représentation séparée d'agents du sexe masculin et d'agents du sexe féminin appartenant à une même catégorie de personnels, n'était justifiée ni par les conditions dans lesquelles les uns et les autres exercent leurs fonctions, ni par aucun autre motif d'intérêt général et était donc incompatible avec le principe constitutionnel de l'égalité des droits accordés aux hommes et aux femmes.

Dans une autre affaire, le Conseil d'Etat a reconnu que les discriminations pouvaient être justifiées par la nécessité de la protection de la femme ou de la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes 57 ( * ) .

*

Votre commission des Lois estime que tout agent public a vocation à participer aux organismes consultatifs en tant que représentant de l'administration dès lors que ses mérites professionnels le justifient . Cette participation ne doit pas être justifiée par le seul sexe de l'agent, ce critère étant étranger à l'objet de ces organismes. Il n'en demeure pas moins que l'amélioration de l'accès des agents du sexe sous-représenté participe de la promotion de l'égalité des chances entre hommes et femmes.

3. Le respect du principe constitutionnel d'égalité de traitement entre agents d'un même corps

Le Conseil constitutionnel 58 ( * ) est venu préciser que le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'était susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps 59 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a jugé que ni le principe d'égal accès aux emplois publics ni le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des agents publics ne s'opposent à ce que soient appliqués des traitements différents à des candidats ou agents se trouvant dans des situations différentes dès lors que cette différence de situation présente un caractère objectif et que sa prise en compte est motivée par l'intérêt qui s'attache à la continuité du service public 60 ( * ) .

*

Votre commission des Lois estime que l'intérêt du service public peut prendre la forme d'une action volontariste tendant à faciliter l'accès des membres du sexe sous-représenté dans le corps ou le service aux responsabilités de membres de jurys et de représentants de l'administration.

C. POUR UNE APPLICATION SOUPLE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ

1. Accepter que l'action volontariste utilise le vecteur de la loi

Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans une décision récente 61 ( * ) , " le principe constitutionnel d'égalité entre les sexes s'impose au pouvoir réglementaire, sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence ".

Votre commission des Lois vous propose toutefois d'accepter les modifications législatives proposées par l'Assemblée nationale, dans la mesure où elles sont la marque d'une véritable volonté politique.

Il faut souhaiter que cette volonté trouve également à s'exprimer à l'occasion, plus concrète, de nominations soumises à la décision du Gouvernement et sur lesquelles le constat du retard pris est, lui, clairement établi.

2. Rétablir la clause de sauvegarde

Votre commission des Lois vous propose de rétablir la " clause de sauvegarde ", supprimée par l'Assemblée nationale, selon laquelle les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique concernée et des comités techniques paritaires. Ce rétablissement est nécessaire pour trois raisons :

- il s'agit de tenir compte des difficultés d'application qui pourraient survenir dans certains corps dont la composition par sexe est très déséquilibrée ; il ne fait pas de doute que, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cette clause de sauvegarde serait instituée par le décret en Conseil d'Etat.

Or, votre commission des Lois estime que cette disposition relève bien du domaine de la loi, à l'image de l'objectif de représentation équilibrée entre les sexes ;

- de plus, il paraît nécessaire que le Conseil supérieur de la fonction publique concernée et les comités techniques paritaires se prononcent sur cette clause de sauvegarde, au regard des circonstances particulières dans chaque corps ;

- enfin, le Gouvernement n'a pas à ce jour fait part des résultats de l'expertise qu'il s'est engagé à mener sur ce thème. Pour préserver les différentes options, il importe donc de maintenir ce dispositif en navette.

*

Outre un amendement de coordination, la commission des Lois a adopté neuf amendements tendant à :

- rétablir l'intitulé du rapport sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes ( article 14 bis ) ;

- supprimer les précisions inutiles sur le contenu de ce rapport ( article 14 bis ) ;

- rétablir l'obligation pour le Gouvernement de réviser périodiquement les dispositions relatives aux recrutements distincts dans la fonction publique ( article 14 bis ) ;

- rétablir la " clause de sauvegarde " permettant aux statuts particuliers, à titre exceptionnel, de prévoir que la mixité dans les jurys de concours est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe ; l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique concerné et des comités techniques paritaires serait requis ( articles 17, 18, 19, 21 et 22 ) ;

- supprimer l'application du dispositif aux comités techniques des établissements publics de santé ( article 20 bis ).

*

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des modifications qu'elle vous propose, votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de la présente proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

La commission des Lois est saisie pour avis des titres II et III de la proposition de loi, tandis que la commission des Affaires sociales a examiné le titre premier modifiant le code du travail 62 ( * ) .

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE

Le titre II de la proposition de loi initiale était divisé en quatre chapitres : le chapitre premier modifiait les dispositions du statut général communes aux trois fonctions publiques (articles 10 à 14) ; les chapitres II à IV s'appliquaient respectivement à la fonction publique de l'Etat, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a simplifié la rédaction du titre II en supprimant les quatre subdivisions en chapitre.

CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 83-634 DU 13 JUILLET 1983
PORTANT DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de cette division et de son intitulé.

Articles 10 à 12
(art. 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)
Coordinations

Les articles 10 à 12 du texte de la proposition de loi initiale ont été transférés aux paragraphes III à V de l'article 14 ter, sur proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression des articles 10 à 12.

Article 13
(art. 6 bis (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Interdiction des discriminations en raison du sexe -
exception autorisant les discriminations " positives "

Cet article a un double objet.

• D'une part, il isole les dispositions du statut général des fonctionnaires qui interdisent les discriminations en raison du sexe, afin de les mettre en valeur .

Formellement, il tend à disjoindre de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 les dispositions relatives à la discrimination en raison du sexe, pour les faire figurer dans un article distinct, l'article 6 bis. Il s'agit d'une proposition figurant dans le rapport de Mme Anne-Marie Colmou, qui juge intellectuellement peu satisfaisant que la liberté d'opinion, la liberté syndicale et les handicaps physiques soient mis au même plan que l'appartenance à un sexe, elle-même mise sur le même plan que le harcèlement sexuel.

Sur le fond, cette nouvelle rédaction est sans incidence sur l'état du droit en vigueur.

Le premier alinéa de l'article 6 bis proposé pose le principe de non-discrimination : " Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ". Il met en exergue un des facteurs de discrimination énumérés à l'actuel article 6 : " Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur appartenance ethnique ".

Le deuxième alinéa de l'article 6 bis proposé reprend la dérogation au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de recrutement : " Toutefois, des recrutements distincts pour les femmes ou les hommes 63 ( * ) peuvent, exceptionnellement, être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions ".

• Le second objet du présent article est d' introduire une nouvelle dérogation au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes . C'est la principale innovation de cette proposition de loi et une des propositions du rapport remis par Mme Anne-Marie Colmou.

Selon le troisième alinéa de l'article 6 bis proposé, des distinctions peuvent être faites entre les femmes et les hommes en vue de la désignation, par l'administration, des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires, d'une part, de ses représentants au sein des organismes consultés sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires et sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, d'autre part.

L'objectif est de " concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces organes ".

Cette possibilité de discrimination " positive " , inscrite dans le titre premier du statut général des fonctionnaires, serait applicable dans les trois fonctions publiques ; elle est déclinée dans chacune des trois lois statutaires spécifiques par les articles 14 à 22 de la proposition de loi.

Votre commission des Lois a souhaité examiner ce dispositif au regard du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics . L'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose en effet que " tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ". 64 ( * )

L'idée d'une corrélation entre la féminisation des jurys et l'augmentation du taux de réussite des femmes aux concours de la fonction publique paraît offenser l'impartialité des jurys de concours. Comme il a été indiqué lors des débats parlementaires à l'Assemblée nationale, cette mesure jetterait " une suspicion sur la neutralité, l'impartialité et l'objectivité des jurys qui, depuis un siècle, ont bâti la fonction publique de ce pays ". Il ne paraît pas acceptable " que l'on puisse soupçonner des membres de jurys de concours de s'être prononcés en considération du fait qu'un candidat est un homme ou une femme. " 65 ( * )

Le résultat obtenu pourrait même être défavorable aux femmes, soupçonnées d'avoir été désignées moins en raison de leurs compétences professionnelles qu'en raison de leur sexe.

Dès lors, votre commission des Lois souhaite établir clairement que la promotion des femmes aux responsabilités de membre de jury ou de représentant de l'administration dans les corps où elles sont sous-représentées obéit à un objectif d'intérêt général, qui est la promotion de l'égalité des chances entre hommes et femmes, mais ne saurait être interprétée comme un moyen d'introduire un préjugé en faveur des candidates ou en faveur des femmes fonctionnaires à l'égard desquelles le jury, la commission administrative paritaire ou le comité technique paritaire aurait à se prononcer.

Elle vous propose d'adopter l'article 13 sans modification .

Article 14
(art. 6 ter (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Lutte contre le harcèlement sexuel

Cet article tend à isoler, afin de les mettre en valeur , les dispositions du statut général des fonctionnaires réprimant les sanctions à l'encontre des agents qui ont dénoncé ou refusé de subir des actes de harcèlement sexuel, dispositions qui datent de 1992.

Il reproduit les dispositions des quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi statutaire du 13 juillet 1983, applicables dans les trois fonctions publiques.

Ainsi, est réaffirmée l'interdiction des sanctions ou discriminations à l'égard des agents qui ont été victimes d'agissements de harcèlement sexuel ou qui ont dénoncé de tels faits : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

" 1° Le fait qu'il a subi ou refusé (de subir) les agissements de harcèlement d'un supérieur hiérarchique ou de toute personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce fonctionnaire dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ;

" 2° Ou bien le fait qu'il a témoigné de tels agissements ou qu'il les a relatés . "

Sur proposition de Mmes Lignières-Cassou, Bousquet, Casanova, Lacuey et M. Vallini, l'Assemblée nationale a adopté un amendement complétant le champ d'application de cet article afin d' inclure le domaine disciplinaire . Le Gouvernement a donné un avis de sagesse , considérant qu'en l'état actuel du droit, une sanction disciplinaire ne pouvait être fondée sur le refus ou la dénonciation du harcèlement sexuel.

Enfin, il est rappelé que tout agent ayant procédé aux agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. En 1997, 97 sanctions disciplinaires ont été prises dans la fonction publique de l'Etat pour des fautes liées aux moeurs (incrimination plus large que le strict harcèlement sexuel) dont 47 révocations, 11 mises à la retraite d'office et 20 exclusions temporaires de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. En 1998, 70 sanctions disciplinaires pour fautes liées aux moeurs ont été prises dont 30 révocations et 19 exclusions temporaires de fonctions de trois mois à deux ans. En 1999, 56 sanctions disciplinaires de ce type ont été prononcées dont 23 révocations et 11 exclusions temporaires de fonctions de trois mois à deux ans.

Bien entendu, une sanction pénale est envisageable sur le fondement de l'article 222-33 du code pénal 66 ( * ) . Malheureusement, il semble que malgré l'intervention de la loi du 2 novembre 1992 67 ( * ) , les victimes de harcèlement sexuel hésitent encore fréquemment à saisir le juge.

De façon générale, votre commission des Lois désapprouve la méthode consistant à répéter purement et simplement le droit existant. Ce bégaiement législatif ne contribue ni à enrayer l'augmentation de la production normative, ni à renforcer la sécurité juridique à laquelle les citoyens ont droit.

Dans le cas présent, compte tenu des aménagements rédactionnels apportés par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 sans modification .

Article 14 bis (nouveau)
(art. 6 quater (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Rapport au Parlement sur l'application du principe d'égalité des sexes
dans la fonction publique

Cet article tend à modifier l'intitulé et le contenu du rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur le thème de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans la fonction publique.

Il a été introduit à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Génisson, M. Vallini, Mmes Casanova, Bouquet, Lignières-Cassou, Lacuey, Pérol-Dumont et Roudy, avec l'avis favorable du Gouvernement. Formellement, le rapport figurera dans un article 6 quater de la loi statutaire du 13 juillet 1983, ce qui permet de synthétiser les données relatives aux trois fonctions publiques dans un rapport unique .

Actuellement, le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport " sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes " 68 ( * ) , qui concerne la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale. Le rapport spécifique à la fonction publique hospitalière n'a jamais été remis.

Désormais, le rapport sera intitulé " rapport sur la situation comparée dans la fonction publique des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes visés à l'article 2 " du titre premier du statut général des fonctionnaires 69 ( * ) .

Votre commission des Lois estime que l'intitulé actuel du rapport est plus simple et plus clair que celui proposé par l'Assemblée nationale. Elle vous soumet un amendement tendant à rétablir l'intitulé actuel.

Le rapport sera établi après avis des Conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, chacun pour la partie qui le concerne. Actuellement, le rapport concernant la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale est pris après avis des Conseils supérieurs de ces deux fonctions publiques.

L'Assemblée nationale a souhaité établir un parallèle avec le rapport de situation comparée qui doit être établi, dans les entreprises de plus de cinquante salariés , sur la base d' " indicateurs pertinents " définis par décret, selon l'article 1 er de la présente proposition de loi. Sur cette question, Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des Affaires sociales, saisie au fond de la présente proposition de loi, a privilégié la voie de la négociation collective pour la fixation des indicateurs utilisés.

Il est souhaitable que le Gouvernement considère qu'il va de soi que le rapport est établi sur la base d'indicateurs pertinents. S'agissant d'un rapport rédigé par le Gouvernement, la fixation par décret des indicateurs pertinents n'est pas justifiée : le parallèle avec les entreprises privées trouve ici ses limites.

Le présent article propose que le rapport " comporte une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, définis par décret, reposant notamment sur des éléments chiffrés, permettant d'apprécier la situation respective des femmes et des hommes en matière de recrutement, de formation, d'avancement, de conditions de travail et de rémunération effective ". Le rapport devra dresser " notamment le bilan des mesures prises pour garantir, à tous les niveaux de la hiérarchie, le respect du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique, présenter les objectifs prévus pour les années à venir et les actions qui seront menées à ce titre ".

Votre commission des Lois déplore les lacunes actuelles du rapport remis par le Gouvernement au Parlement, en particulier la faiblesse des données concernant la fonction publique territoriale et l'absence de tout rapport sur la fonction publique hospitalière. Cependant, ce n'est pas parce que la loi dressera la table des matières du rapport que le contenu de celui-ci sera amélioré .

Aussi vous propose-t-elle un amendement tendant à supprimer ces précisions qui surchargent inutilement la loi sans garantir son efficacité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 bis ainsi modifié .

Article 14 ter
(art. 2-6 du code de procédure pénale,
art. 8 de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992,
art. 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)
Coordinations

Cet article modifie les textes législatifs faisant référence au harcèlement sexuel dans la fonction publique, afin de procéder aux coordinations rendues nécessaires par l'article 14 de la proposition de loi. Il s'agit d'un article purement formel, adopté sur proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le I modifie l'article 2-6 du code de procédure pénale, qui permet aux associations d'agir en justice pour les infractions de harcèlement sexuel, si elles justifient avoir reçu l'accord écrit de la personne intéressée.

Le II modifie l'article 8 de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail. Cet article dispose que les actions en justice en matière de harcèlement sexuel donnent lieu à des débats à huis clos ou en chambre du conseil, à la demande de l'une des parties.

Le III correspond au transfert du contenu de l'article 10 de la proposition de loi initiale. Il s'agit de supprimer dans l'article 6 de la loi statutaire du 13 juillet 1983 la référence aux discriminations selon le sexe, puisqu'elle figure désormais dans un article spécifique (article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983), en application de l'article 13 de la proposition de loi.

Le IV correspond au transfert du contenu de l'article 11 de la proposition de loi initiale. Il s'agit de la dérogation au principe de l'égalité de traitement entre agents publics permettant de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions.

Enfin, le V correspond à l'article 12 de la proposition de loi initiale. Il abroge les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 qui sont reproduites sous les articles 6 bis et 6 ter (articles 13 et 14 de la proposition de loi).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 ter sans modification .

Article 14 quater (nouveau)
(art. 21 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
art. 37 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
art. 34 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Rapport du Gouvernement au Parlement - Coordinations

Cet article purement formel supprime les dispositions des trois lois statutaires relatives au rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes.

Il a été adopté à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Génisson, M. Vallini, Mmes Casanova, Bousquet, Lignières-Cassou, Lacuey, Pérol-Dumont et Roudy, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le rapport commun à la fonction publique de l'Etat et à la fonction publique territoriale est actuellement l'occasion pour le Gouvernement de réviser la liste des corps pour lesquels des recrutements distincts entre les hommes et les femmes peuvent être organisés . Cette obligation de réexamen résulte des termes mêmes de la directive du 9 février 1976. Or, elle a été supprimée par l'Assemblée nationale sans qu'aucune explication ne soit donnée.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à rétablir cette disposition, afin que le droit français reste conforme la directive du 9 février 1976.

Elle vous propose d'adopter l'article 14 quater ainsi modifié .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 84-16 DU 11 JANVIER 1984
PORTANT DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES
À LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ETAT

Article 15
(art. 12 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les organismes consultatifs
de la fonction publique de l'Etat

Cet article introduit la possibilité de discrimination entre les hommes et les femmes dans la désignation des représentants de l'administration dans les organismes consultatifs de la fonction publique de l'Etat.

Sur proposition de Mmes Lignières-Cassou, Casanova, Bousquet, Lacuey et Roudy et avec l'avis favorable du Gouvernement, il complète l'article 12 de la loi statutaire du 11 janvier 1984, afin de viser le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, les commissions administratives paritaires, les comités techniques paritaires et les comités d'hygiène et de sécurité dans la fonction publique de l'Etat.

L'objectif étant de " concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ", l'Assemblée nationale impose à l'administration de désigner ses représentants dans les organismes consultatifs " compte tenu d'une proportion de représentants appartenant à chacun des sexes fixée par décret en Conseil d'Etat ".

En clair, l'Assemblée nationale propose d'instaurer dans le droit de la fonction publique une discrimination dite " positive ", afin de remédier aux éventuelles inégalités de fait entre hommes et femmes.

Votre commission des Lois approuve l'objectif tendant à rééquilibrer la composition des organismes consultatifs de la fonction publique.

Elle note que les projets de décret soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat prévoyaient d'" interdire à certains fonctionnaires d'un sexe de participer à des jurys ou des commissions administratives paritaires ou des comités techniques paritaires dès lors que le nombre maximal de personnes de leur sexe serait atteint ". En vertu de ces décrets, ni les hommes ni les femmes ne pouvaient représenter plus des deux tiers de l'effectif de la commission administrative paritaire.

Votre commission des Lois estime que tout agent public a vocation à participer aux organismes consultatifs, en tant que représentant de l'administration, dès lors que ses mérites professionnels le justifient ; cette participation ne saurait être justifiée par le seul sexe de l'agent, ce critère étant étranger à l'objet de ces organismes.

Cependant, une action volontariste des pouvoirs publics peut paraître nécessaire pour rééquilibrer la place des femmes, dans les corps où elles sont sous représentées, au sein des organismes consultatifs.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 15 sans modification .

Article 16
(art. 15 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les comités techniques paritaires
de la fonction publique de l'Etat

L'Assemblée nationale a regroupé dans l'article 15 l'ensemble des dispositions figurant dans les articles 15 et 16 de la proposition de loi initiale, afin de synthétiser les obligations applicables à l'ensemble des organismes consultatifs de la fonction publique de l'Etat. En conséquence, elle a supprimé l'article 16.

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de l'article 16.

Article 17
(art. 20 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les jurys de concours
de recrutement de la fonction publique de l'Etat

Cet article décline le deuxième aspect des discriminations positives que la proposition de loi tend à instaurer. Après les organismes consultatifs, il s'agit de renforcer la place des femmes dans les jurys de concours de recrutement des fonctionnaires de l'Etat.

Formellement, cet article insère un nouvel article après l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut des fonctionnaires de l'Etat, qui établit le régime des jurys de concours de recrutement dans la fonction publique de l'Etat.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale fait à nouveau référence à l'objectif de " représentation équilibrée " entre les hommes et les femmes, sans pour autant définir cette notion peu juridique.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a supprimé la " clause de sauvegarde " selon laquelle les statuts particuliers pourraient, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins " un membre de chaque sexe ", après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et des comités techniques paritaires.

Dans un second alinéa, la proposition de loi renvoie au décret en Conseil d'Etat le soin de fixer la proportion des membres des jurys et comités de sélection appartenant à chacun des sexes.

Votre commission des Lois estime que chacun, homme ou femme, a vocation à participer aux jurys de concours, au seul vu de ses mérites professionnels, et non en considération de son sexe .

Elle estime possible de favoriser l'accès des femmes aux responsabilités de membre de jury sans pour autant accréditer l'idée que les membres de jury jugeraient différemment les candidats selon leur sexe.

De plus, votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à rétablir la " clause de sauvegarde " envisagée par le rapport de Mme Anne-Marie Colmou et la proposition de loi initiale de Mme Génisson selon laquelle les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique concernée et des comités techniques paritaires.

Cet amendement répond à trois motivations :

- il s'agit de tenir compte d'éventuelles difficultés d'application dans certains corps où la composition par sexe est très déséquilibrée ;

- il convient que le Conseil supérieur compétent et les comités techniques paritaires se prononcent sur cette exception au principe de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes ;

- le Gouvernement n'a pas fait part des expertises qu'il entendait mener. En attendant le fruit de ces réflexions, il parait préférable de maintenir ce dispositif en navette.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

Article 17 bis (nouveau)
(art. 26 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les jurys
constitués pour la promotion interne

Cet article a le même objet que le précédent mais s'applique aux jurys et comités de sélection constitués en vue de la promotion interne des fonctionnaires de l'Etat . Il a été adopté sur proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

Formellement, il insère un nouvel article après l'article 26 de la loi statutaire du 11 janvier 1984 selon lequel la promotion interne des fonctionnaires de l'Etat s'effectue par examen professionnel ou par inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 17 bis sans modification .

Article 18
(art. 58 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les jurys d'avancement

Cet article a le même objet que les deux précédents mais s'applique aux jurys constitués en vue de l'avancement des fonctionnaires de l'Etat .

Formellement, il insère un nouvel article après l'article 58 de la loi statutaire du 11 janvier 1984 selon lequel l'avancement de grade a lieu soit au choix, soit par voie d'examen professionnel, soit enfin par concours professionnel. Sur proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé la " clause de sauvegarde " permettant de ne désigner qu'une seule femme, ou un seul homme, dans le jury. Le Gouvernement a donné un avis favorable sous réserve d'en " expertiser les conséquences d'ici aux prochaines lectures ". Or, à ce jour votre rapporteur n'a pas pu obtenir les résultats de cette " expertise ".

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination rétablissant cette clause de sauvegarde.

Elle vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

CHAPITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 84-53
DU 26 JANVIER 1984 PORTANT DISPOSITIONS STATUTAIRES
RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de cette division et de son intitulé.

Article 19
(art. 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984)
Renforcement de la mixité dans les jurys constitués dans
la fonction publique territoriale

Cet article a le même objet que les trois précédents mais concerne la fonction publique territoriale . Il s'applique à la composition des jurys de concours de recrutement, des jurys des examens professionnels pour la promotion interne et des jurys constitués en vue de l'avancement des fonctionnaires territoriaux. Formellement, il modifie l'article 42 de la loi statutaire du 26 janvier 1984.

L'Assemblée nationale a supprimé la " clause de sauvegarde " qui permettait aux statuts particuliers, à titre exceptionnel, de prévoir que " la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe ".

L'absence de renvoi au pouvoir réglementaire pour fixer la proportion d'hommes et de femmes tient au fait que l'article 140 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit déjà des décrets en Conseil d'Etat pour son application.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination tendant à rétablir la clause de sauvegarde.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .

CHAPITRE IV
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 86-33 DU 9 JANVIER 1986
PORTANT DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES
À LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE (TITRE IV)

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de cette division et de son intitulé.

Article 20
(art. 20 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Renforcement de la mixité dans les commissions administratives paritaires de la fonction publique hospitalière

Cet article a le même objet que l'article 15 de la proposition de loi mais s'applique aux commissions administratives paritaires de la fonction publique hospitalière .

Il complète l'article 20 de la loi statutaire du 9 janvier 1986, selon lequel les représentants de l'administration sont désignés par l'autorité administrative compétente de l'Etat pour les CAP nationales et départementales et par l'assemblée délibérante de l'établissement pour les CAP locales (tandis que les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste).

Elle vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

Article 20 bis (nouveau)
(art. 23 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Renforcement de la mixité dans les comités techniques
des établissements publics de santé

Cet article a le même objet que le précédent mais s'applique aux comités techniques des établissements publics de santé .

Il a été introduit à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement , à l'initiative de Mmes Lignières-Cassou, Casanova, Bousquet, Lacuey, Roudy et M. Vallini.

Il complète l'article 23 de la loi statutaire du 9 janvier 1986 qui prévoit que le comité technique paritaire est présidé par le président de l'assemblée délibérante ou son représentant, que le directeur de l'établissement est membre de droit et que les autres membres représentant l'administration sont désignés par l'assemblée délibérante.

Le Gouvernement s'est déclaré défavorable à cette mesure au motif que les représentants de l'administration dans les comités techniques d'établissement de la fonction publique hospitalière peuvent être choisis au sein des conseils d'administration d'établissement, dont les membres sont élus, et qu'il est difficile de faire élire des femmes dans ces conseils.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 20 bis , afin de ne pas imposer de contrainte supplémentaire qui pourrait porter atteinte au résultat du suffrage.

Article 21
(art. 30-1 (nouveau) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Renforcement de la mixité dans les jurys de concours
de recrutement de la fonction publique hospitalière

Cet article a le même objet que les articles 17 à 19 mais s'applique aux jurys de concours de recrutement de la fonction publique hospitalière. Formellement, il insère un nouvel article après l'article 30 de la loi statutaire du 9 janvier 1986.

La référence au décret en Conseil d'Etat ne figure pas dans le texte proposé par la proposition de loi, dans la mesure où une disposition finale de la loi du 9 janvier 1986 (article 136) prévoit déjà des décrets en Conseil d'Etat pour son application.

L'Assemblée nationale a supprimé la " clause de sauvegarde " permettant aux statuts particuliers de prévoir, à titre exceptionnel, que la mixité est assurée par la présence d'au moins " un membre de chaque sexe ".

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination tendant à rétablir la clause de sauvegarde.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 21 ainsi modifié .

Article 22
(art. 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Renforcement de la mixité dans les jurys
des examens professionnels de la fonction publique hospitalière

Cet article a le même objet que le précédent mais s'applique aux jurys des examens professionnels de la fonction publique hospitalière .

Il modifie l'article 35 de la loi statutaire du 9 janvier 1986 selon lequel la promotion interne des fonctionnaires des hôpitaux s'effectue par inscription sur une liste d'aptitude, soit après examen professionnel, soit après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil.

L'Assemblée nationale a supprimé la " clause de sauvegarde " avec l'avis favorable du Gouvernement.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination tendant à rétablir la clause de sauvegarde.

Elle vous propose d'adopter l'article 22 ainsi modifié .

TITRE III
DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Ce titre et les deux articles qui le composent ont été introduits à l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois avec l'avis favorable du Gouvernement. Il s'agit de prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions du titre II, relatives à la fonction publique.

Article 23 (nouveau)
Entrée en vigueur différée - Organismes consultatifs

Cet article tend à prévoir que la loi ne s'applique aux commissions administratives paritaires et aux comités techniques paritaires qu'à compter de la date du prochain renouvellement de ces organes suivant la date de publication du décret en Conseil d'Etat pris pour l'application des articles 15 à 20 de la proposition de loi.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination, tenant compte du fait que seuls les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires sont visés par l'article 23. Or, l'article 15 de la proposition de loi concerne aussi le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Il convient de prévoir pour lui aussi une entrée en vigueur différée, afin de ne pas créer de difficultés d'organisation.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 23 ainsi modifié .

Article 24 (nouveau)
Entrée en vigueur différée - Jurys de concours

Cet article tend à prévoir que la loi ne s'applique qu'aux jurys et comités de sélection composés après la date de publication du décret d'application en Conseil d'Etat.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 24 sans modification.

ANNEXE


AMENDEMENTS PRÉSENTÉS
PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS

~~~

Article 14 bis

(art. 6 quater (nouveau) de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)

A la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, remplacer les mots :

rapport sur la situation comparée dans la fonction publique des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes visés à l'article 2 du présent titre.

par les mots :

rapport dressant le bilan des mesures prises pour garantir, à tous les niveaux de la hiérarchie, le respect du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique.

Article 14 bis

(art. 6 quater (nouveau) de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)

Supprimer les deux dernières phrases du texte proposé par cet article pour l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Article 14 bis

(art. 6 quater (nouveau) de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 par une phrase ainsi rédigée :

Le Gouvernement révisera, au vu des conclusions de ce rapport, les dispositions dérogatoires évoquées à l'article 6 bis.

Article 17

(art. 20 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 20 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :

" Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et des comités techniques paritaires. "

Article 18

(art. 58 bis (nouveau) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 58 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :

" Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et des comités techniques paritaires. "

Article 19

(art. 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984)

Après le texte proposé par le second alinéa de cet article pour compléter l'article 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :

" Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et des comités techniques paritaires. "

Article 20 bis

(art. 23 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)

Supprimer cet article.

Article 21

(art. 30-1 (nouveau) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)

Après le texte proposé par le second alinéa de cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ajouter un alinéa additionnel ainsi rédigé :

" Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et des comités techniques paritaires. "

Article 22

(art. 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)

Après le texte proposé par le second alinéa de cet article pour compléter l'article 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ajouter un alinéa additionnel ainsi rédigé :

" Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe. "

Article 23

Dans cet article, remplacer les mots :

commissions administratives et aux comités administratifs paritaires

par les mots :

organismes consultatifs

* 1 Rapport n° 475 (Sénat, 2000-2001).

* 2 F. Mélin-Soucramanien, " Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ", Economica, 1997.

* 3 Conseil d'Etat, 26 juillet 1912, Demoiselle Cuisset.

* 4 " Si les femmes ont l'aptitude légale aux emplois dépendant des administrations centrales des ministères, il appartient au Gouvernement de décider si des raisons de service nécessitent, dans un ministère, des restrictions à l'admission et à l'avancement du personnel féminin ".

En l'espèce, le Conseil d'Etat rejette la requête au motif que le Gouvernement pouvait légalement, par décret, réserver pour l'avenir au personnel masculin les emplois de rédacteur et ceux d'un grade supérieur à l'administration centrale du ministère de la guerre.

* 5 Conseil d'Etat, Assemblée, 6 janvier 1956, Syndicat national autonome du cadre d'administration générale des colonies et sieur Montlivet : " Les femmes ont désormais, en règle générale, vocation à tous les emplois publics dans les mêmes conditions que les hommes, sous réserve du droit du Gouvernement, dans l'exercice du pouvoir réglementaire, d'apporter, sous le contrôle du juge, des dérogations à la règle ci-dessus définie dans le cas où la nature des fonctions exercées ou les conditions d'exercice de ces fonctions exigent de telles dérogations ".

En l'espèce, le Conseil d'Etat approuve l'exclusion des candidats du sexe féminin de l'accès aux fonctions de rédacteur du cadre d'administration générale de la France d'outre-mer.

* 6 Conseil d'Etat, Assemblée, 21 avril 1972, Syndicat chrétien du corps des officiers de police.

* 7 Conseil d'Etat, 23 février 1968, Michel et comité de défense des contrôleurs et contrôleurs principaux des PTT.

* 8 Conseil d'Etat, Assemblée, 28 janvier 1972, Fédération générale des syndicats de la police CGT et autres.

* 9 Loi n° 75-599 portant modification de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " Lorsque la nature des fonctions ou les conditions de leur exercice le justifient, il peut être prévu, pour certains corps dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique et des comités techniques paritaires, un recrutement exclusif d'hommes ou de femmes ou, à titre exceptionnel, selon les modalités prévues dans le même décret, des recrutements et des conditions d'accès distincts pour les hommes et les femmes. "

Décret d'application du 25 mars 1977 donnant une liste de cinq corps à recrutement exclusivement masculin, deux corps à recrutement exclusivement féminin et 22 corps à recrutements distincts.

* 10 Conseil d'Etat, Assemblée, 9 juin 1978, ministre de l'Education contre demoiselle Bachelier.

* 11 Directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail.

* 12 Loi n° 82-380 du 7 mai 1982 modifiant l'article 7 de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires et portant dispositions diverses concernant le principe d'égalité d'accès aux emplois publics.

* 13 " Pour certains corps dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur de la fonction publique et des comités techniques paritaires, des recrutements distincts pour les hommes ou les femmes pourront être organisés si l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante pour l'exercice des fonctions assurées par les membres de ces corps ".

* 14 Décret n° 82-886 du 15 octobre 1982 portant application de l'article 18 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires.

* 15 Conseil d'Etat, 16 avril 1986, Confédération française démocratique du travail.

* 16 Décret n° 85-841 du 6 août 1985, décret n° 87-55 du 2 février 1987, décret n° 88-476 du 29 avril 1988.

* 17 CJCE, 30 juin 1988, Commission des Communautés européennes contre France.

* 18 " Le système de recrutements distincts consiste à fixer, dans chaque arrêté de concours, le pourcentage de postes qui sera attribué respectivement aux hommes et aux femmes ; cette fixation n'est régie par aucun critère objectif défini dans un texte législatif ou réglementaire (...) Le principe de proportionnalité exige de concilier, dans toute la mesure du possible, l'égalité de traitement des hommes et des femmes avec les exigences qui sont déterminantes pour l'exercice de l'activité spécifique qui est en cause ".

* 19 En l'espèce, la CJCE a admis les recrutements distincts des surveillants-chefs chargés de diriger les maisons d'arrêt, appartenant au corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, pour des motivations tenant à l'organisation du service public pénitentiaire et à la gestion du corps.

Mais la Cour a condamné la France au titre des recrutements distincts dans les corps du personnel de direction et du personnel technique et de formation professionnelle des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, ainsi que dans les cinq corps de la police nationale.

* 20 CJCE, 15 mai 1986, Jonhston.

* 21 CJCE, 17 octobre 1995, Eckhard Kalanke contre Freie Hansestadt Bremen.

* 22 Il y a sous-représentation, au sens de la loi du Land de Brême, lorsque les femmes ne représentent pas la moitié au moins des effectifs.

* 23 CJCE, 11 novembre 1997, Hellmut Marschall contre Land Nordrhein-Westfalen.

* 24 Article 2 : " La Communauté a pour mission... de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes , une croissance durable non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres ".

* 25 Conseil d'Etat, Assemblée, 5 décembre 1997, Mme Lambert.

* 26 En l'espèce, ce n'est pas parce qu'elle est une femme que Mme Lambert n'a pas perçu le taux familial de l'indemnité pour charges militaires et la majoration sur cette indemnité, mais parce que son mari, militaire comme elle, l'avait déjà perçue.

* 27 CJCE, 2 octobre 1997, Gerster contre Freistaat Bayern ; CJCE, 2 octobre 1997, Kording ; directive 97/80/CE.

* 28 Décret n° 92-200 du 3 mars 1992 supprimant les corps des fonctionnaires des services actifs de la police nationale de la liste des corps pour lesquels un recrutement distinct peut être prévu pour les hommes et pour les femmes.

* 29 Décret n° 95-456 du 26 avril 1995.

* 30 37,5 % du traitement afférent à l'indice brut 580, soit 5.107 francs par mois. Voir Journal Officiel Questions, Assemblée nationale, 31 janvier 2000, page 720

* 31 Conseil d'Etat, 17 mai 1999, Le Briquir

* 32 L'article L. 57 définit les conditions dans lesquelles la pension de réversion peut faire l'objet d'une liquidation provisoire lorsque le fonctionnaire a disparu de son domicile sans que son décès soit établi.

* 33 Avis du Conseil d'Etat, 4 février 2000, M. Mouflin - Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel, Journal officiel, 25 février 2000, page 2958

* 34 " Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe... "

* 35 3° du I de l'article L.24

* 36 Décision du 28 juillet 1999, M. Griesmar

* 37 Rapport intitulé : " L'encadrement supérieur de la fonction publique : vers l'égalité entre les hommes et les femmes. Quels obstacles ? Quelles solutions ? "

* 38 Source : septième rapport au Parlement sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes, page 6.

* 39 Les femmes représentent 20 % des effectifs en activité au Conseil d'Etat, 13,4 % à la Cour des comptes et 12,2 % à l'Inspection générale des finances.

* 40 Hors préfets, recteurs, trésoriers payeurs généraux, ambassadeurs et consuls.

* 41 Journal Officiel, Débats, Assemblée nationale, deuxième séance du 16 février 1999, page 1439.

* 42 Article 13 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, articles 8 à 10 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, article 11 à 14 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986.

* 43 Décret n° 82-450 du 28 mai 1982 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, décret n° 84-346 du 10 mai 1984 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

* 44 Décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires.

* 45 Rapport n° 2226 (Assemblée nationale, onzième législature).

* 46 Décret n° 2000-120 du 9 février 2000 modifiant le décret n° 97-443 du 25 avril 1997 relatif au rapport pris en application de l'avant dernier alinéa de l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 47 Circulaire du 8 mars 2000 relative à l'adaptation de l'appareil statistique de l'Etat pour améliorer la connaissance de la situation respective des femmes et des hommes. Cette circulaire a été prise au vu des conclusions du rapport du groupe de travail interministériel, placé sous l'égide de l'INSEE et du service des droits des femmes, chargé de recenser les manques statistiques.

* 48 Circulaire du 6 mars 2000 relative à la préparation des plans pluriannuels d'amélioration de l'accès des femmes aux emplois et postes d'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.

* 49 Décret n° 2000-201 du 6 mars 2000 modifiant les décrets n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires et n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires. Circulaires du 23 avril 1999 relatives à l'application de ces deux décrets.

* 50 Journal Officiel Débats, Assemblée nationale, troisième séance du 7 mars 2000, page 1578.

* 51 Journal Officiel, Débats Assemblée nationale, deuxième séance du 7 mars 2000, page 1569.

* 52 Ni les auteurs de la proposition de loi, ni le Gouvernement, ni le rapport Colmou n'avancent de données chiffrées significatives, c'est-à-dire portant sur l'ensemble des trois fonctions publiques et l'ensemble des jurys visés.

* 53 Voir le rapport n° 156 (Sénat, 1998-1999) de M. Guy Cabanel au nom de la commission des Lois.

* 54 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988.

* 55 Décision n° 82-153 DC du 14 janvier 1983. Décision n° 85-204 du 16 janvier 1986.

* 56 Conseil d'Etat, 26 juin 1989, Fédération des Syndicats généraux de l'Education nationale et de la recherche.

* 57 Conseil d'Etat, 7 décembre 1990, Ministre de l'Education nationale contre Mme Buret.

* 58 Décision n° 76-67 DC du 15 juillet 1976. Décision n° 84-179 DC du 12 septembre 1984.

* 59 Le corps de fonctionnaires désigne l'ensemble des fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation aux mêmes grades

* 60 Décision n° 87-229 DC du 22 juillet 1987.

* 61 Décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997.

* 62 Rapport n° 475 (Sénat, 1999-2000) de Mme Annick Bocandé.

* 63 Les deux termes ont volontairement été intervertis, le droit en vigueur prévoyant des recrutements distincts " pour les hommes et les femmes ".

* 64 Cf. exposé général.

* 65 Propos de Mme Nicole Catala, députée, JO Débats, AN, première séance du 7 mars 2000, page 1529.

* 66 " Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende ".

* 67 La loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail a introduit les dispositions sur le harcèlement sexuel dans l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

* 68 Dès 1982, la loi n° 82-380 du 7 mai 1982 a fait obligation au Gouvernement de déposer ce rapport. Celui-ci a été présenté en 1984, 1986, 1988, 1992, 1995, 1997 et février 2000.

* 69 L'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 définit le champ d'application du statut général : fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics (à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire) ; fonctionnaires des établissements publics à caractère industriel ou commercial.

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