III. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA PUBLICITÉ EXTÉRIEURE ET À LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS : UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE POUR QU'ELLES N'AFFECTENT NI LE PATRIMOINE, NI LE CADRE DE VIE
A. LA RÉFORME DU RÉGIME APPLICABLE À LA PUBLICITÉ EXTÉRIEURE : UNE DÉCENTRALISATION BIENVENUE SOUS RÉSERVE DE L'EXISTENCE DE PRESCRIPTIONS NATIONALES
1. Des dispositions ayant pour effet d'accroître le pouvoir des maires en matière de publicité
L' article 6 du projet de loi vise à décentraliser intégralement le pouvoir de police de la publicité . Il confie cette compétence au maire, tout en autorisant celui-ci à la transférer au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) lorsque l'intercommunalité à fiscalité propre est compétente en matière de plan local d'urbanisme ou de règlement local de publicité.
Il s'agit d'une évolution très significative par rapport au droit en vigueur. En effet, conformément à l'article L. 581-14-2 du code de l'environnement, le pouvoir de police de la publicité appartient aujourd'hui au préfet, sauf dans le cas où la commune s'est dotée d'un règlement local de publicité (RLP) : le maire en est alors chargé au nom de la commune, mais le préfet reste autorisé à se substituer à lui si ce dernier fait preuve de carence pour sanctionner une infraction. Par cohérence avec le transfert de la compétence en matière de police de la publicité qu'il opère, l'article 6 retire également au préfet le droit d'intervenir en cas d'inaction du maire, dans un souci de responsabiliser davantage ce dernier dans l'exercice de son nouveau pouvoir.
L'article 7 du projet de loi introduit, comme l'article 6, des modifications profondes au régime de la publicité extérieure.
Destiné à lutter contre la pollution lumineuse et le gaspillage énergétique, l'article 7 vise à autoriser le maire ou le président d'un EPCI à réglementer, par le biais du RLP, les publicités et enseignes lumineuses situées à l'intérieur des vitrines des locaux commerciaux lorsqu'elles sont visibles de la voie publique. Tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture, il donne aux autorités locales la possibilité de fixer dans le RLP des prescriptions en matière de surface, de hauteur, d'horaires d'extinction, de consommation énergétique et de prévention des nuisances lumineuses.
Cet article bouscule le droit existant puisque le code de l'environnement a toujours exclu jusqu'ici expressément les vitrines de la réglementation relative à la publicité extérieure . L'article L. 581-2 dispose clairement que le régime applicable aux publicités, enseignes et préenseignes ne concerne pas celles « situées à l'intérieur d'un local, sauf si l'utilisation de celui-ci est principalement celle d'un support de publicité » .
2. La position de la commission : tenir compte des difficultés que pourraient rencontrer les petites communes et garantir l'existence de prescriptions minimales applicables sur l'ensemble du territoire en ce qui concerne l'affichage lumineux dans les vitrines
La publicité extérieure est encadrée par différentes dispositions législatives et réglementaires qui visent à articuler la liberté de l'affichage avec les impératifs de protection des paysages, du patrimoine et du cadre de vie sur l'ensemble du territoire national .
La loi fixe un certain nombre d'interdictions en matière d'affichage destinées, au premier chef, à préserver le patrimoine protégé. La publicité est ainsi formellement interdite sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques (article L. 581-4 du code de l'environnement). En principe, elle l'est également dans les zones protégées au titre du code du patrimoine (abords de monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables), sauf prescription contraire du RLP (article L. 581-8).
Des dispositions réglementaires encadrent également, en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées, les questions d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses (article L. 581-9).
Compte tenu de l'existence de ces prescriptions nationales, et dans la mesure où l'affichage extérieur apparaît avant tout comme une question d'intérêt local , il semble cohérent de confier la gestion de la police de la publicité à l'autorité la plus proche du terrain, à savoir le maire. Le risque de voir proliférer la publicité en confiant cette compétence aux maires n'est pas avéré, dans la mesure où les maires ont parfaitement conscience que leurs administrés sont sensibles à leur cadre de vie.
On peut estimer, en outre, que l'attribution de cette compétence aux maires pourrait avoir des effets bénéfiques. D'une part, cette évolution pourrait contribuer à responsabiliser les élus locaux face à cet enjeu qui constitue une source de préoccupation pour les Français. En témoigne le fait que la Convention citoyenne pour le climat préconisait, pour sa part, « une interdiction totale des panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs, hors information locale et culturelle ainsi que les panneaux indiquant la localisation d'un lieu de distribution ».
D'autre part, la décentralisation de cette compétence pourrait inciter les communes ou les intercommunalités à adopter un RLP pour adapter les règles à la situation locale. L'expérience de la crise sanitaire est venue renforcer la conviction qu'il faut rendre possibles des adaptations locales, ce qui suppose de donner aux collectivités davantage de marges de manoeuvre.
Depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », les prescriptions du RLP ne peuvent de toute façon pas être moins restrictives que les prescriptions nationales fixées par le pouvoir réglementaire en matière d'affichage sur la voie publique (article L. 581-14 du code de l'environnement). L'article 6 ne remet par ailleurs pas en cause la possibilité pour le préfet d'interdire par arrêté toute publicité sur des immeubles présentant un caractère historique ou pittoresque, au même titre que le maire.
Il convient néanmoins de distinguer la compétence en matière de police de la publicité de celle en matière de réglementation de l'affichage.
Il existe un risque que les plus petites communes ne soient pas toujours à même, faute de moyens humains et techniques, d'assumer cette nouvelle responsabilité en matière de police.
Dans la mesure où l'article 6 ne permet plus au préfet de se substituer au maire en cas de carence de celui-ci, le retrait de l'État pourrait entraîner des situations dans lesquelles les prescriptions en matière d'affichage seraient moins bien respectées. C'est pourquoi la commission a souhaité ménager une possibilité pour les communes qui ne disposeraient pas de RLP, et qui devraient donc faire respecter une réglementation en matière d'affichage dont elles ne seraient pas les auteurs, de transférer leur compétence en matière de police de la publicité au préfet (amendement COM-788 ).
S'agissant de l'article 7, la réglementation des enseignes et publicités lumineuses situées à l'intérieur des vitrines des locaux commerciaux peut constituer une avancée pour répondre à l'objectif de lutte contre la pollution lumineuse et le gaspillage énergétique, tout en ayant des effets positifs d'un point de vue de la préservation du patrimoine. Il s'agit là encore d'une question d'intérêt local. Confier cette régulation aux communes et aux intercommunalités par le biais du RLP se justifie pleinement.
Pour atteindre correctement l'objectif visé et éviter que des disparités trop fortes ne se fassent jour sur le territoire national en matière d'affichage dans les vitrines, il apparait nécessaire que des prescriptions minimales s'appliquent à toutes les communes, comme c'est le cas en ce qui concerne la publicité extérieure.
Faute d'un minimum de règles de portée nationale pour les vitrines des locaux commerciaux, la protection du cadre de vie ne serait pas forcément garantie et les différences qui pourraient en découler d'une zone à l'autre seraient susceptibles de créer de fortes inégalités entre les commerçants. La commission a donc souhaité renvoyer à un décret en Conseil d'État le soin de fixer des prescriptions minimales en matière d'horaires d'extinction et de consommation énergétique des enseignes et publicités lumineuses situées dans ces vitrines, à l'instar des dispositions existantes concernant la publicité lumineuse. Elle s'est montrée favorable à ce que le RLP puisse ensuite fixer des prescriptions plus restrictives en ce qui concerne les horaires d'extinction, estimant que les maires ou les intercommunalités auraient ainsi la possibilité d'aligner leurs prescriptions sur celles qu'ils auraient prises en matière de publicité extérieure (amendement COM-789 ).