Avis n° 529 (2020-2021) de M. Jean-Claude REQUIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 avril 2021

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SOMMAIRE

Pages

L'ESSENTIEL 5

EXAMEN DES ARTICLES 15

I. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DÉCEVANTE 15

A. UN PROJET DE LOI TRÈS ATTENDU, QUI VIENT PARACHEVER PLUSIEURS ANNÉES D'AUGMENTATION DES MOYENS DÉDIÉS À LA POLITIQUE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 15

1. La traduction législative d'une montée en charge de l'aide publique au développement de la France dès 2018 15

2. Le projet de loi tente de répondre à une demande pressante d'amélioration du pilotage de cette politique 19

a) Une gouvernance complexe de la politique de développement 20

b) Le pilotage de l'Agence française de développement 20

c) Le projet de loi tente de clarifier la gouvernance de l'aide publique au développement, sans la bouleverser 22

B. TOUTEFOIS, LA PORTÉE PROGRAMMATIQUE DU TEXTE EST TRÈS LIMITÉE PAR L'ABSENCE DE RÉELLE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE 23

1. La trajectoire financière proposée se contente essentiellement d'entériner les moyens budgétaires déjà validés par le Parlement 24

2. Plusieurs options sont ouvertes pour le fonds de solidarité pour le développement 26

3. Le projet de loi réaffirme des objectifs louables de rééquilibrage de notre aide publique au développement, sans fixer d'ambition au-delà de 2022 27

4. Les besoins en fonds propres de l'Agence française de développement constituent un angle mort majeur de la programmation 30

C. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE CRÉDIBLE, ET CONSOLIDANT LES EFFORTS DE LA FRANCE EN MATIÈRE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 33

II. DES DISPOSITIONS POUR LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT QUI SOULÈVENT PLUSIEURS INTERROGATIONS 37

A. UNE INFORMATION DU PARLEMENT ÉTOFFÉE, MAIS QUI DEVRA ÊTRE UTILEMENT ARTICULÉE AVEC LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES EXISTANTS 37

B. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION INDÉPENDANTE D'ÉVALUATION : LE RISQUE D'UNE CONFUSION DES GENRES À ÉVITER 40

III. L'INTÉGRATION D'EXPERTISE FRANCE AU SEIN DE L'AGENCE FRANÇAISE DU DÉVELOPPEMENT : UNE RATIONALISATION UTILE DES OPÉRATEURS, AU PRIX D'UN SCHÉMA DE TRANSFORMATION COMPLEXE 45

A. LE PROJET DE LOI TRADUIT LÉGISLATIVEMENT LA VOLONTÉ DU CICID DE CONSOLIDER L'EXPERTISE INTERNATIONALE 45

B. LE SCHÉMA D'INTÉGRATION COMPREND PLUSIEURS ÉTAPES SUCCESSIVES 47

IV. DIVERSES AUTRES DISPOSITIONS APPELLENT DES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES 51

A. L'ÉLARGISSEMENT DES CAPACITÉS DE CERTAINES COLLECTIVITÉS À FINANCER DES ACTIONS DE COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS 51

B. LE PROJET DE LOI CONSTITUE UN VÉHICULE OPPORTUN POUR AVANCER SUR LA RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS 53

1. Le dispositif proposé permet de concrétiser une réflexion portée par le Sénat depuis 2019 53

2. Le texte ne constitue qu'une première étape, une loi de finances étant nécessaire pour assurer la mise en oeuvre du dispositif 55

C. UN NOMBRE IMPORTANT DE DEMANDES DE RAPPORTS AU PARLEMENT 56

EXAMEN EN COMMISSION 59

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 75

LA LOI EN CONSTRUCTION 77

L'ESSENTIEL

Réunie le 13 avril 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné l'avis de M. Jean-Claude Requier sur le projet de loi n° 404 (2020-2021) de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales , déposé à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2020 par le Gouvernement. Ce projet de loi, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée , a été examiné par la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale et adopté en séance publique le 2 mars 2021 .

La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 1 er , 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13 .

I. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DÉCEVANTE

A. UN PROJET DE LOI TRÈS ATTENDU, QUI VIENT PARACHEVER PLUSIEURS ANNÉES D'AUGMENTATION DES MOYENS DÉDIÉS À L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Évolution des crédits de la mission « Aide publique au développement »

(en millions d'euros et en crédits en paiement)

N.B : les données pour les exercices 2017 à 2020 sont issues des rapports annuels de performance. Le montant de crédits de paiement pour 2021 est celui prévu par la loi de finances pour 2021, en neutralisant le programme 365 dédié au renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Annoncé depuis 2018 , l'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales constitue un rendez-vous législatif très attendu . Il vise, d'une part, à actualiser les dispositions de la précédente loi d'orientation et de programmation de 2014 et, d'autre part, à traduire au plan législatif l'objectif fixé par le Président de la République, Emmanuel Macron, en début de quinquennat d'atteindre une part d'aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022 . Dans cette perspective, la définition d'un objectif ambitieux pour l'aide publique au développement de la France vise à rattraper une contraction de celle-ci au début des années 2010.

Pour y parvenir, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont connu une croissance soutenue depuis le début du quinquennat.

B. LA PORTÉE DU TEXTE EST TRÈS LIMITÉE PAR L'ABSENCE DE RÉELLE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

1. La trajectoire financière proposée se contente essentiellement d'entériner les moyens budgétaires déjà validés par le Parlement

S'agissant de la trajectoire budgétaire de la mission « Aide publique au développement », l'article 1 er fixe le montant des crédits de paiement , hors charges de pension et à périmètre constant, pour les exercices 2020 à 2022.

Crédits de la mission « Aide publique au développement »
prévus par l'article 1 er

(en millions d'euros courants et en crédits de paiement)

2020

2021

2022

3 251

3 925

4 800

Source : article 1 er du projet de loi, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture

Certes, le calendrier d'examen du texte a été retardé à plusieurs reprises, et les échéances électorales de l'année prochaine rendent difficiles les arbitrages budgétaires au-delà de l'année 2022. Toutefois, la commission a estimé que cette programmation partielle était incompréhensible, compte tenu de l'adoption récente de lois de programmation plus ambitieuses , à l'image de la loi de programmation de la recherche dont la trajectoire budgétaire couvre les années 2021 à 2030.

2. Plusieurs options souvent ouvertes pour le fonds de solidarité pour le développement

S'agissant des ressources du fonds de solidarité pour le développement (FSD), l'article 1 er prévoit une hausse de 100 millions d'euros de celles-ci en 2022 , afin d'atteindre un montant de 838 millions d'euros . Toutefois, il n'apporte aucune précision sur les modalités de cette hausse des ressources du FSD , et prévoit même qu'à défaut d'une telle augmentation, les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » sont augmentés à due concurrence en 2022. Ainsi, la rédaction proposée laisse plusieurs options ouvertes pour concrétiser cette hausse de 100 millions d'euros.

3. Le projet de loi réaffirme des objectifs louables de rééquilibrage de notre aide publique au développement, sans fixer d'ambition au-delà de 2022

Conformément aux conclusions du CICID du 8 février 2018, l'article 1 er réaffirme plusieurs objectifs de rééquilibrage de notre aide publique au développement. Les dispositions du rapport annexé, intitulé « Cadre de partenariat global » précisent ces objectifs.

En effet, il prévoit que la hausse des moyens « contribuera notamment au renforcement, d'ici 2022, de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France et de la part de cette aide qui est constituée de dons » (le VI). Cette disposition vise à recentrer l'aide publique au développement de la France vers les pays prioritaires

En outre, l'article 1 er prévoit de renforcer, d'ici 2022, d'autres canaux de déploiement de l'aide publique au développement.

Premièrement , il vise le doublement du montant de l'aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile (OCS) par rapport à son niveau de 2017 (le VII). L'aide publique au développement transitant par les OSC s'élève à 460 millions d'euros en 2019. L'article 1 er prévoit également un dispositif permettant à des OSC de solliciter des subventions afin de financer des projets de développement (le VIII). Ce guichet de financement est déjà mis en oeuvre par l'AFD (dispositif « Initiative OSC ») et financé par le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

Deuxièmement, l'article 1 er prévoit que les fonds consacrés par l'État au soutien de l'action extérieure des collectivités territoriales doubleront d'ici 2022 par rapport à leur niveau de 2017 (le XI).

4. Les besoins en fonds propres de l'Agence française de développement constituent un « angle mort » majeur de la programmation

Alors que la loi de finances pour 2021 a opéré une nouvelle recapitalisation de l'AFD, à hauteur de 500 millions d'euros en sus de la conversion en fonds propres de la ressource à condition spéciale (RCS) à hauteur de 953 millions d'euros, cette opération pourrait ne pas suffire à couvrir les besoins de l'agence au-delà de cette année , compte tenu de la montée en charge de ses activités depuis plusieurs exercices.

Évolution des engagements du groupe Agence française de développement depuis 2017

(en milliards d'euros courants)

Source : étude d'impact, complétée par les données transmises par la direction générale du trésor

Le rapporteur pour avis a regretté que cette question soit maintenue « sous les radars » des débats relatifs à la programmation des moyens budgétaires dédiés à l'aide publique au développement.

Afin de répondre au besoin d'information du Parlement sur ce sujet, la commission des finances a adopté un amendement visant à compléter le document de politique transversale avec une évaluation pluriannuelle des besoins en fonds propres de l'AFD.

C. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE CRÉDIBLE ET CONSOLIDANT LES EFFORTS DE LA FRANCE EN FAVEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Afin d'ancrer le caractère programmatique du projet de loi, le rapporteur pour avis a proposé à la commission des finances de prolonger la programmation des crédits de paiements de la mission « Aide publique au développement » jusqu'en 2025 , c'est-à-dire en fixant leur montant pour les exercices 2023, 2024 et 2025. Le montant de 4,8 milliards d'euros proposé par l'article 1 er pour 2022 serait retenu comme point de départ de la programmation.

Le rapporteur pour avis a rappelé que le pilotage budgétaire de l'aide publique au développement fondé sur un ratio macroéconomique doit être apprécié avec la plus grande prudence, pour plusieurs raisons. D'une part, l'exercice 2020 témoigne du caractère très relatif de cet indicateur , puisque la contraction du RNB a permis de satisfaire avec deux ans d'avance l'objectif fixé pour 2022. D'autre part, les crédits de la mission ne recouvrent que partiellement le montant de l'aide publique générée par la France .

En considérant que les autres composantes de l'aide publique au développement restent stables par rapport aux estimations du Gouvernement pour 2022, pour atteindre le ratio de 0,7 % du RNB en 2025, tel que le prévoit le texte amendé par l'Assemblée nationale, il peut être estimé que cela correspondrait à une hausse annuelle moyenne de 1,9 milliard d'euros par an, pour les années 2023, 2024, et 2025. Avec ces mêmes hypothèses, un volume d'aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du RNB en 2025 correspondrait à une hausse annuelle moyenne d'environ 500 millions d'euros par an pour maintenir l'objectif que la France s'est fixée pour 2022 .

Considérant qu'une telle hausse permet de fixer un cap cohérent et de sanctuariser les moyens dédiés à la politique d'aide publique au développement dans un contexte de finances publiques très contraintes, la commission des finances a adopté un amendement visant à proposer une trajectoire des crédits de la mission « Aide publique au développement » jusqu'en 2025, fondée sur une hausse annuelle de 500 millions d'euros après 2022.

Trajectoire des crédits de la mission « Aide publique au développement »
proposée jusqu'en 2025

(en crédits de paiement et en millions d'euros courants)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La commission des finances a également adopté un amendement de coordination avec la trajectoire proposée, ainsi que plusieurs amendements relatifs aux conditions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 1er, à une disposition sans réelle portée normative, et aux moyens humains des services de l'État concourant à la politique de développement.

II. DES DISPOSITIONS POUR LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT QUI SOULÈVENT PLUSIEURS INTERROGATIONS

A. UNE INFORMATION DU PARLEMENT ÉTOFFÉE MAIS QUI DEVRA ÊTRE UTILEMENT ARTICULÉE AVEC LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES EXISTANTS

L'article 2 du projet de loi prévoit la remise annuelle d'un rapport du Gouvernement au Parlement . Ce rapport remplace le rapport bisannuel prévu par la loi de 2014 d'orientation et de programmation, dont l'objet est de faire la synthèse de la politique de développement de la France.

Le rapporteur pour avis a salué le dispositif proposé qui contribue nécessairement à l'amélioration de l'information du Parlement sur une politique publique dont le caractère interministériel rend son appréhension complexe . Néanmoins, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur l'articulation de ces informations avec celles contenues dans les documents budgétaires.

La commission des finances a adopté trois amendements visant respectivement à faire coïncider la date de remise du rapport annuel avec celle du dépôt du projet de loi de règlement, à compléter les dispositions relatives au contenu du rapport, ainsi qu'un amendement de précision rédactionnelle.

B. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION INDÉPENDANTE D'ÉVALUATION : LE RISQUE D'UNE CONFUSION DES GENRES À ÉVITER

Conformément aux orientations du CICID du 8 février 2018, le projet de loi vise à renforcer l'évaluation de l'aide au développement. Ainsi, l'article 9 du projet de loi institue une commission indépendante d'évaluation . Il s'agit d'une proposition ancienne, inspirée du modèle britannique de « l'Independant committee on aid impact » (ICAI). En première lecture, l'Assemblée nationale a profondément modifié le dispositif proposé, afin d'en préciser les missions et de rattacher ce nouvel organisme à la Cour des comptes, qui en assurera le secrétariat.

La commission s'est notamment interrogée sur l'articulation de cette commission d'évaluation indépendante avec les missions d'évaluation des politiques publiques attribuée au Parlement aux termes de l'article 24 de la Constitution, et du rôle d'assistance à celui-ci déjà dévolu à la Cour des comptes en application de l'article 47-2 de la Constitution.

Sans remettre en cause le dispositif proposé, qui permettra une étude approfondie de la mise en oeuvre concrète des projets de développement, la commission des finances a adopté un amendement visant à clarifier les missions allouées à la commission d'évaluation. Celui-ci vise à recentrer son évaluation sur les projets et programmes concrets d'aide publique au développement, afin d'éviter toute confusion entre le rôle de ce nouvel organisme et celui d'évaluation des politiques publiques conduit par le Parlement.

III. L'INTÉGRATION D'EXPERTISE FRANCE AU SEIN DE L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT : UNE RATIONALISATION UTILE DES OPÉRATEURS

A. LE PROJET DE LOI CONCRÉTISE LA VOLONTÉ DU CICID DE CONSOLIDER L'EXPERTISE INTERNATIONALE

En 2018, le Gouvernement a souhaité poursuivre l'effort de rationalisation du paysage de la coopération internationale française initié lors de la précédente loi d'orientation de la politique de développement. Ainsi, les conclusions du CICID du 8 février 2018 prévoient explicitement d'intégrer Expertise France au sein du groupe de l'AFD à horizon 2019. S'agissant de l'AFD, cette intégration lui permettra de renforcer sa compétitivité « hors-prix » de son activité de prêt . Pour Expertise France, son directeur général, Jérémie Pellet, a estimé que ce rapprochement entre les deux opérateurs « participe à la montée en puissance d'Expertise France ». Il devrait permettre de concrétiser une collaboration déjà étroite, matérialisée depuis plusieurs années par des projets communs et un échange de personnels.

B. LE SCHÉMA D'INTÉGRATION COMPREND PLUSIEURS ÉTAPES SUCCESSIVES

L'article 7 prévoit que l'AFD est autorisée à détenir tout ou partie du capital de la société par actions simplifiée (SAS) Expertise France , tandis que l'article 8 transforme Expertise France, actuellement un établissement public industriel et commercial (EPIC) en SAS.

Plusieurs dispositions du texte visent à préserver la tutelle de l'État sur la nouvelle SAS , telles que la composition du conseil d'administration, l'approbation des statuts par décret, ou encore la nomination de deux commissaires du Gouvernement.

La commission des finances a adopté un amendement visant à ce que les sénateurs et députés siégeant au sein du conseil d'administration de l'AFD soient désignés respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, par souci de simplification et d'harmonisation des procédures de désignation. Sur le même fondement, elle a adopté un amendement à l'article 8, et par cohérence, un amendement à l'article 5.

IV. DIVERSES AUTRES DISPOSITIONS APPELLENT DES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

L'article 4 du présent projet de loi introduit la possibilité pour les collectivités territoriales qui sont des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de financer, sur les budgets des services de mobilité, des actions de coopération dans ce domaine avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements. Ce dispositif facultatif s'inspire de dispositifs similaires existants, tels que le « 1 % déchets » et « 1 % énergie ».

En outre, le projet de loi constitue un véhicule opportun pour concrétiser les propositions du Sénat sur la restitution des biens mal acquis (article 1 er ). En effet, ces dispositions s'inspirent directement de la proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale adoptée par le Sénat en 2019, à l'initiative de Jean-Pierre Sueur . Ces dispositions, insérées dans la partie programmatique du texte, ne constituent toutefois qu'une première étape : la création d'un nouveau programme budgétaire en loi de finances sera nécessaire pour leur mise en oeuvre.

Afin d'éviter que ces sommes soient réintroduites dans des circuits de corruption, la commission des finances a adopté un amendement visant à ce que le ministère des affaires étrangères définisse au cas par cas les modalités de restitution les plus adéquates pour permettre une restitution des biens mal acquis dans les meilleures conditions, compte tenu du contexte local.

Enfin, le projet de loi comprend de nombreuses demandes de rapports du Gouvernement au Parlement qui pourront apporter des éclairages bienvenus sur des sujets relevant de la compétence de la commission des finances (articles 1 er , 7, 8, 11 et 13).

EXAMEN DES ARTICLES

La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 1 er , 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13 . Ces dispositions entrent dans le champ de compétence de la commission des finances, dès lors qu'elles traitent des enjeux budgétaires de l'aide publique au développement, de l'évaluation et du contrôle de cette politique, des opérateurs de la mission « Aide publique au développement », ou encore des demandes de rapports en lien avec les sujets traités par la commission.

I. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DÉCEVANTE

A. UN PROJET DE LOI TRÈS ATTENDU, QUI VIENT PARACHEVER PLUSIEURS ANNÉES D'AUGMENTATION DES MOYENS DÉDIÉS À LA POLITIQUE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Annoncé depuis 2018, l'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales constitue un rendez-vous législatif très attendu , à double titre.

D'une part, la précédente loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement, adoptée en 2014, fixe les objectifs et les orientations de cette politique pour une période de cinq ans seulement 1 ( * ) . Par conséquent, ses dispositions doivent être révisées depuis 2019 .

D'autre part, une loi de programmation était nécessaire afin de traduire les priorités et les ambitions budgétaires de la politique de développement de la France, dont le cap a été fixé dès 2017 par le Président de la République, Emmanuel Macron, dans son discours à l'université de Ouagadougou 2 ( * ) . À cette occasion, il avait annoncé l'objectif d'atteindre une aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du revenu national brut (RNB) d'ici 2022 .

1. La traduction législative d'une montée en charge de l'aide publique au développement de la France dès 2018

La définition d'un objectif ambitieux pour l'aide publique au développement de la France vise à rattraper une contraction de celle-ci au début des années 2010.

Évolution de l'aide publique au développement de la France et de sa part
dans le revenu national brut (RNB) depuis 2012

(en milliards d'euros et en %)

N.B : la forte hausse anticipée pour 2021 résulte de la prévision d'un montant d'allègement de dettes exceptionnel.

Source : commission des finances du Sénat, à partir du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2021 et du projet de loi

Ainsi, l'aide publique au développement de la France a augmenté de 36 % entre 2014 et 2019 , soit en seulement cinq ans. Comme le rapporteur pour avis l'a déjà rappelé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, ce « rattrapage » est bienvenu dans la mesure où cette hausse conséquente a tout juste permis à la France de maintenir son rang de cinquième pourvoyeur mondial d'aide publique au développement en volume .

Dix premiers pourvoyeurs d'aide publique au développement en 2019

(en milliards d'euros)

Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2021 et du projet de loi

Toutefois, la part de l'aide publique au développement dans le revenu national brut (RNB) constitue un meilleur indicateur de l'effort d'un pays en faveur du développement. Or, la part de l'aide publique au développement de la France dans son RNB reste inférieure à celle des pays de l'Europe du Nord.

Classement des principaux pourvoyeurs d'aide publique au développement
en volume et en part dans le revenu national brut en 2019

Rang

APD totale

Part dans le RNB

1

États-Unis

Luxembourg

2

Allemagne

Norvège

3

Royaume-Uni

Suède

4

Japon

Danemark

5

France

Royaume-Uni

6

Suède

Allemagne

7

Pays-Bas

Pays-Bas

8

Italie

Suisse

9

Canada

France

10

Norvège

Belgique

Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2021

En 2019, seuls le Luxembourg, la Norvège, la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni présentaient une part d'aide publique au développement supérieure à 0,7 % de leur RNB , soit la cible fixée par le « consensus de Monterrey » 3 ( * ) .

Afin de satisfaire cet objectif de « rattrapage », les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 ont indiqué que « le gouvernement a fixé une trajectoire ascendante des financements consacrés à l'aide publique au développement en tant compte d'objectifs d'annulation de dettes. La France consacrera 0,55 % du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement d'ici 2022 , première étape vers l'objectif de 0,7 % ».

Pour y parvenir, ces conclusions détaillent les ratios de la part d'aide publique au développement dans le RNB à atteindre chaque année, de 2018 à 2022.

Part de l'aide publique au développement dans le RNB de la France

(en %)

2018

2019

2020

2021

2022

Trajectoire prévue par le CICID de 2018

0,44

0,44

0,47

0,51

0,55

Exécution (constatée ou évaluée)

0,41

0,44

0,56

0,69

0,55

Source : commission des finances, à partir des conclusions du CICID du 8 février 2018 et du projet de loi

Par conséquent, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont connu une croissance soutenue depuis le début du quinquennat.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » depuis 2017 (à périmètre constant)

(en millions d'euros)

N.B : les données pour les exercices 2017 à 2020 sont issues des rapports annuels de performance. Le montant de crédits de paiement pour 2021 est celui prévu par la loi de finances pour 2021, en neutralisant le programme 365 dédié au renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, la montée en charge des crédits de la mission « Aide publique au développement » ne constitue qu'une courroie de transmission partielle de la hausse des moyens dédiés à cette politique.

Premièrement, en raison du caractère interministériel de la politique d'aide au développement, d'autres missions budgétaires participent également à son financement , telles que la mission « Recherche et enseignement supérieur », la mission « Action extérieure de l'État », ou encore la mission « Immigration, asile et intégration ». Au total, 25 programmes budgétaires différents concourent à cette politique.

Deuxièmement, les crédits budgétaires ne produisent pas nécessairement un montant équivalent d'aide publique au développement , en raison des règles de comptabilisation de celle-ci définies par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Ainsi, « dans la plupart des cas, les programmes du budget de l'État génèrent des volumes d'aide publique au développement inférieurs à leurs dotations de crédits . En effet, certaines dépenses budgétaires ne sont pas éligibles à l'aide publique au développement du fait de leur nature, ou bien parce qu'elles financent des actions dans des pays non éligibles à l'aide publique au développement » 4 ( * ) .

Ainsi, en 2021, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne devraient représenter que les deux tiers de l'aide publique au développement de la France résultant de crédits du budget général .

Enfin, outre les crédits budgétaires, d'autres canaux budgétaires génèrent des flux comptabilisés en tant qu'aide publique au développement . Il en va ainsi, par exemple, de l'aide publique au développement de l'Union européenne qui est imputable à la France via sa contribution au budget européen. Celle-ci s'est élevée à 1,5 milliard d'euros environ en 2020 5 ( * ) , soit près de 12 % de l'aide publique au développement de la France.

En tout état de cause, si les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 ont constitué une « boussole » dans le pilotage de l'aide publique au développement depuis trois ans, le rapporteur pour avis regrette que l'examen de ce projet de loi intervienne si tardivement dans le quinquennat , réduisant ainsi la portée effective de ses dispositions.

En outre, cette trajectoire exprimée en ratio de RNB ne s'accompagnait pas d'une trajectoire budgétaire visant à prévoir une évolution pluriannuelle des moyens de la mission « Aide publique au développement », ce qui justifiait d'autant plus l'examen d'un projet de loi de programmation.

2. Le projet de loi tente de répondre à une demande pressante d'amélioration du pilotage de cette politique

Au cours des dernières années, et en particulier à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances successifs, le pilotage de la politique d'aide publique au développement a fait l'objet de vives critiques .

a) Une gouvernance complexe de la politique de développement

En premier lieu, ces critiques portent sur l'élaboration d'une gouvernance complexe au fil des ans . À cet égard, le rapporteur pour avis souligne que la multiplication des canaux de financement de cette politique témoigne, en creux, de la difficulté à bâtir une stratégie interministérielle cohérente .

Ainsi, plusieurs instances de coordination ont été mises en oeuvre afin de réunir l'ensemble des acteurs de la politique de développement, à savoir :

- la commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), créée en 1994, qui vise à coordonner l'action de l'État et des collectivités territoriales en matière d'aide publique au développement. Elle est présidée par le Premier ministre ou, en son absence, par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

- le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), présidé par le Premier ministre, créé en 1999 ;

- le conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) qui réunit une cinquantaine d'acteurs du développement, organisés par collèges, pour représenter la société civile (organisations non gouvernementales, syndicats, employeurs, parlementaires, collectivités territoriales, etc.), sous la présidence du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Cette instance a été créé en 2014 par la précédente loi d'orientation et de programmation 6 ( * ) ;

- plus récemment, a été créée en 2018 le Conseil du développement , présidé par le Président de la République, et réunissant les ministres et les opérateurs de l'État concernés.

b) Le pilotage de l'Agence française de développement

En second lieu, les lacunes identifiées dans le pilotage par l'État de l'Agence française de développement (AFD) cristallisent l'essentiel des critiques .

Ainsi, dans son rapport public annuel de 2019, la Cour des comptes réitérait son constat, déjà formulé en 2010, selon lequel « tant le pilotage stratégique interministériel complexe que le faible investissement des membres du conseil d'administration de l'Agence lui avaient permis de développer ses propres stratégies, sans la garantie d'un regard extérieur exigeant sur ses activités » 7 ( * ) .

Depuis les années 2010, l'AFD a acquis un rôle pivot dans la mise en oeuvre de l'aide publique au développement de la France. Dans un contexte marqué, d'une part, par la forte concurrence entre les bailleurs mondiaux , et d'autre part, par la mobilisation du levier des prêts pour contrebalancer la baisse de dons résultant de la contraction des moyens budgétaires dédiés, l'AFD a développé son activité de banque de développement.

Par conséquent, il en résulte une singularité du profil de l'aide publique au développement de la France, marqué par l'importance des prêts , dont l'essentiel est mis en oeuvre par l'AFD.

Ainsi, en 2019, la part de prêts est de 26 % en flux nets, contre 6 % en moyenne dans les pays de l'OCDE 8 ( * ) .

Or, l'activité de prêts participe au mauvais alignement des activités de l'AFD avec les priorités fixées par la France pour son aide publique au développement, telles que le ciblage des pays les moins avancés.

La Cour des comptes a également pointé du doigt l'autonomie importante dont bénéficie l'AFD , en particulier par rapport au ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Dans une enquête réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat 9 ( * ) , la Cour des comptes a ainsi souligné que la double nature de l'AFD, à savoir un établissement public industriel et commercial (EPIC) et une banque de développement, entraînait une relation « asymétrique » avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères . En effet, l'importance de ses ressources, issues à 85 % des emprunts réalisés sur les marchés, lui permet d'entretenir des relations institutionnelles avec l'ensemble des autorités publiques, de façon directe. Elle a aussi contribué à l'extension progression du champ géographique, thématique et sectoriel d'intervention.

Paradoxalement, le rapporteur pour avis relève que cette forte autonomie s'accompagne de plusieurs strates de gouvernance de son action .

En effet, le CICID fixe les grandes orientations de son activité. La tutelle de l'État est coordonnée au sein du conseil d'orientation stratégique (COS) présidée par le ministre chargé de la coopération. Outre le conseil d'administration de l'AFD, deux autres instances ont récemment été mises en place : une réunion trimestrielle entre le directeur général de l'AFD, la directrice générale du Trésor et le secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi qu' un comité de pilotage restreint entre le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le directeur général de l'AFD.

c) Le projet de loi tente de clarifier la gouvernance de l'aide publique au développement, sans la bouleverser

Dans cette perspective, le cadre de partenariat global (CPG), c'est-à-dire le rapport annexé dont l'approbation est prévue à l'article 1 er du projet de loi, apporte plusieurs éléments de précision salutaires .

Après avoir rappelé les objectifs, le cadre multilatéral et les priorités de la politique de développement , le CPG s'attache à clarifier l'articulation des différentes instances de pilotage (alinéas 107 à 123).

Ainsi, le Conseil du développement « prend les décisions stratégiques » , le CICID « fixe le cadre général des interventions de l'État et l'articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs ». Le CPG affirme que « le ministre chargé du développement est compétent pour définir et mettre en oeuvre la politique de développement (...) en lien avec les ministres chargés de l'économie et du budget et les autres ministres concernés ». Il est également « garant de la mobilisation de l'ensemble des parties prenantes » via la CNDSI. Enfin, il préside un conseil d'orientation stratégique de l'AFD.

Afin de répondre aux critiques relatives à l'exercice de la tutelle de l'État sur les opérateurs concourant à cette politique, le CPG réaffirme que l'État fixe « les orientations stratégiques et les moyens alloués à l'ensemble du groupe AFD » . En outre, « les activités conduites par les opérateurs s'inscrivent en pleine conformité et cohérence avec les orientations stratégiques et priorités définies par l'État » (alinéa 114). Le pilotage de l'AFD s'exerce sur la base d'une convention-cadre (alinéa 115). Le rapporteur pour avis relève avec intérêt la précision selon laquelle « la relation entre l'État et l'AFD repose sur une transparence et une redevabilité renforcées ».

Enfin, au plan local, le projet de loi vise à préciser le positionnement de l'AFD par rapport au réseau diplomatique .

Dans cette perspective, l'article 7 du projet de loi définit l'AFD comme un établissement contribuant à l'action extérieure de la France au sens de l'article 1 er de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État 10 ( * ) . Par conséquent, en application de ces dispositions, l'action à l'étranger de l'AFD s'exerce « sous l'autorité des chefs de mission diplomatique, dans le cadre de la mission de coordination et d'animation de ces derniers » . Ces dispositions sont complétées par le CPG qui créé un conseil local de développement (alinéa 118). Cette dernière disposition a été saluée par la Cour des comptes lors de son audition par le rapporteur pour avis, eu égard à la meilleure coordination des moyens de l'État à l'étranger qui en découlera.

Le rapporteur pour avis salue l'effort de clarification de la conduite de la politique de développement, en particulier l'assise de l'autorité de l'ambassadeur au plan local. Il constate néanmoins que les dispositions du projet de loi ne bouleversent pas la gouvernance actuelle, qui reste particulièrement complexe au niveau central .

Organisation de la gouvernance de l'aide publique au développement

Source : schéma transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

S'agissant de l'AFD, celle-ci reste sous la tutelle des ministères économiques et financiers d'une part, et des affaires étrangères d'autre part. Les modalités de contrôle de l'État sont inchangées puisqu'elles s'exercent toujours par le comité d'administration, le dialogue de gestion et la définition d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) et d'une convention-cadre État-AFD.

B. TOUTEFOIS, LA PORTÉE PROGRAMMATIQUE DU TEXTE EST TRÈS LIMITÉE PAR L'ABSENCE DE RÉELLE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE

Le titre I er du présent projet de loi rassemble l'ensemble des dispositions dites « programmatiques » , c'est-à-dire qui se rattachent à l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, en application duquel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ».

1. La trajectoire financière proposée se contente essentiellement d'entériner les moyens budgétaires déjà validés par le Parlement

Au sein de ce titre I er , l'article 1 er prévoit les dispositions financières relatives à la politique de développement, et approuve le rapport annexé , intitulé « cadre de partenariat global », qui fixe les orientations, la stratégie, les modalités de pilotage, le cadre de résultats de la politique de développement.

Conformément aux objectifs déjà fixés par les conclusions du CICID du 8 février 2018, l'article 1 er réaffirme l'objectif selon lequel la France consacre 0,55 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement en 2022 . En réalité, comme l'avait déjà relevé le rapporteur pour avis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, cet objectif est déjà satisfait depuis 2020 , à la faveur d'une contraction du RNB en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire.

Le texte initial prévoyait que l'objectif de la France était de porter « ultérieurement » cette part à 0,7 % du RNB . Toutefois, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements identiques, à l'initiative du rapporteur, du groupe La République en Marche, et du député M'jid El Guerrab, et avec un avis favorable du Gouvernement, visant à ce que la France s'efforce d'atteindre ce ratio en 2025 .

S'agissant de la trajectoire budgétaire de la mission « Aide publique au développement », l'article 1 er fixe le montant des crédits de paiement , hors charges de pension et à périmètre constant, pour les exercices 2020 à 2022.

Crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement »
prévus par l'article 1 er

(en millions d'euros courants)

2020

2021

2022

3 251

3 925

4 800

Source : article 1 er du projet de loi, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture

Les crédits de paiement s'élèveront en 2022 à 4,8 milliards d'euros, soit une hausse de plus de 20 % par rapport à l'exercice 2021.

Interrogée sur cette hausse conséquente en fin de quinquennat, la direction du budget a rappelé que la trajectoire fixée par le CICID en 2018 devait se traduire par une montée en charge plus importante des crédits de paiement en fin de période , reflétant ainsi la progression rapide des autorisations d'engagement sur les exercices antérieurs. La ventilation de cette hausse entre les deux programmes de la mission serait toujours en cours d'arbitrage en vue du projet de loi de finances pour 2022.

Le rapporteur pour avis s'étonne de la conception de cette trajectoire, dont le caractère programmatique est inexistant .

En effet, cette trajectoire couvre deux exercices sur trois sur lesquels le Parlement s'est déjà prononcé lors de l'examen des deux derniers projets de loi de finances. La fixation d'un montant de crédits de paiement pour 2022 s'apparente à une transmission avec quelques mois d'avance du projet de loi de finances pour 2022 , mais sans traduction pluriannuelle.

Les auditions menées par le rapporteur pour avis ont été l'occasion d'entendre plusieurs justifications à cette programmation bancale . Le retard pris dans le calendrier d'examen du texte, attendu depuis plus de deux ans, aurait de facto rendu caduc l'intérêt d'inscrire des montants déjà prévus par les lois de finances successives. En outre, l'échéance électorale de 2022 a été présentée à plusieurs reprises comme empêchant de se prononcer sur les choix budgétaires du prochain gouvernement.

Ainsi, pour pallier cette insuffisance, l'article 1 er prévoit que la programmation financière doit être complétée avant la fin de l'année 2022 , « après consultation et vote du Parlement ». Le choix du véhicule législatif qui devra assurer cette actualisation, un an seulement après l'adoption d'un projet de loi de programmation sectorielle, n'est pas précisé.

Le rapporteur pour avis estime que les motifs avancés sont d'autant plus incompréhensibles que le Parlement a récemment adopté des lois de programmation dont l'horizon temporel dépassait largement celui du quinquennat actuel . Ainsi, en 2018 a été adoptée la loi de programmation militaire 11 ( * ) , couvrant la période 2019 à 2025. De la même façon, la loi de programmation de la recherche 12 ( * ) , adoptée en décembre dernier, propose une trajectoire budgétaire pour les années 2021 à 2030. Enfin, le Gouvernement vient de présenter au Parlement, après son adoption le 14 avril en Conseil des ministres, un programme de stabilité traçant une trajectoire des finances publiques à l'horizon 2027.

Par conséquent, il apparaît que cette programmation partielle ne résulte pas tant des aléas calendaires, que du refus pour le Gouvernement de trancher la question des moyens budgétaires souhaités pour cette politique au-delà de l'année 2022 .

À défaut d'une trajectoire budgétaire pluriannuelle des crédits de la mission « Aide publique au développement », seule la définition de la cible de 0,7 % du RNB en 2025 peut être considérée comme un élément de programmation financière.

En plus des crédits de la mission « Aide publique au développement », l'article 1 er rappelle que 50 millions d'euros de crédits de paiement de cette mission sont alloués à la politique de développement en 2021 . Cette enveloppe est dédiée au financement de la politique de santé mondiale, et à la lutte contre la Covid-19.

Toutefois, le rapporteur pour avis s'interroge sur la pertinence de prévoir une disposition d'une loi de programmation rappelant des engagements budgétaires déjà votés par le Parlement quelques mois auparavant .

2. Plusieurs options sont ouvertes pour le fonds de solidarité pour le développement

S'agissant des ressources du fonds de solidarité pour le développement (FSD), l'article 1 er prévoit une hausse de 100 millions d'euros de celles-ci en 2022 , afin d'atteindre un montant de 838 millions d'euros .

Le fonds de solidarité pour le développement

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD), fonds extrabudgétaire créé en 2005 par l'Agence française de développement (AFD), a pour but, à côté du budget général de l'État, de financer des dépenses d'aider multilatérale et, à titre subsidiaire, bilatérale en faveur du développement principalement dans les domaines de la santé, du climat et de l'environnement. Les principales organisations bénéficiaires du FSD sont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la facilité d'achat de médicaments (UnitAid) et la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim), le Fonds vert pour le climat et l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI).

Il est alimenté par deux taxes affectées :

- depuis 2006, par la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), pour un montant actuellement égal à 210 millions d'euros par an ;

- depuis 2013, par une part du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF), pour un montant actuellement égal à 528 millions d'euros par an.

Il dispose ainsi d'un montant total de ressources de 738 millions d'euros annuels .

Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2021, p. 41

Toutefois, l'article 1 er n'apporte aucune précision sur les modalités de cette hausse des ressources du FSD , et prévoit même qu'à défaut d'une telle augmentation, les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » sont augmentés à due concurrence en 2022. Ainsi, la rédaction proposée laisse plusieurs options ouvertes pour concrétiser cette hausse de 100 millions d'euros.

Compte tenu de l'effondrement du trafic aérien résultant de la crise sanitaire, la hausse des ressources du FSD semble davantage reposer sur l'augmentation du plafond de la taxe sur les transactions financières (TTF) qui lui est affectée ou, à défaut, sur une hausse des crédits de la mission.

La direction générale du Trésor a indiqué au rapporteur pour avis que « jusqu'à présent, le choix a été fait de faire porter l'effort budgétaire sur les crédits du budget général plutôt que sur les taxes affectées , en cohérence avec les orientations de la loi de programmation des finances publiques qui prévoit de recentrer le recours à l'affectation d'impositions de toutes natures, et avec les recommandations de la Cour des comptes » 13 ( * ) .

Lors de son audition, la direction du budget a rappelé que si l'affectation de taxes au financement du développement permettait effectivement de faire bénéficier cette politique publique du dynamisme du produit de l'imposition, la contrepartie de ce mécanisme était évidemment une compensation par les crédits du budget général en cas de baisse du rendement . Or, la contraction des recettes de TSBA en 2020 témoigne du fait que le dynamisme des recettes fiscales n'est jamais acquis.

Dans cette perspective, la direction du budget estime que l'affectation de taxes au FSD ne contribue pas à la lisibilité de son financement.

3. Le projet de loi réaffirme des objectifs louables de rééquilibrage de notre aide publique au développement, sans fixer d'ambition au-delà de 2022

Conformément aux conclusions du CICID du 8 février 2018, l'article 1 er réaffirme plusieurs objectifs de rééquilibrage de notre aide publique au développement.

En effet, il prévoit que la hausse des moyens « contribuera notamment au renforcement, d'ici 2022, de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France et de la part de cette aide qui est constituée de dons » (le VI de l'article 1 er ). Cette disposition vise à recentrer l'aide publique au développement de la France vers les pays prioritaires. L'Assemblée nationale l'a complétée en adoptant un amendement à l'initiative du rapporteur, et avec un avis favorable du Gouvernement, précisant que « ces moyens sont concentrés sur les pays les moins avancés, en particulier les pays prioritaires de la politique de développement ».

À cet égard, les dispositions du rapport annexé apportent des compléments d'information sur les priorités géographiques de l'aide de la France . Il prévoit que 75 % de l'effort financier total de l'État en subventions et en prêts, et au moins 85 % de celui mis en oeuvre par l'AFD cible la zone Afrique et Méditerranée (alinéa 36). Le rapport annexé réaffirme également la liste des dix-neuf pays prioritaires telle que définie par le CICID en 2018 14 ( * ) . Ces pays bénéficient de la moitié de l'aide projet mise en oeuvre par l'État et les deux tiers des subventions allouées par l'AFD (alinéa 37) 15 ( * ) .

Le rapporteur pour avis partage cet objectif d'un meilleur ciblage des pays bénéficiaires de notre aide publique au développement, alors que l'aide versée aux pays les moins avancés (PMA) ne représentait que 26 % de l'aide publique totale de la France en 2018 , contre 47 % pour les pays à revenus intermédiaires 16 ( * ) .

Le rapporteur pour avis regrette toutefois que la portée de ces objectifs soit limitée par leur caractère général, sans ciblage en termes de ratio d'aide publique au développement .

En outre, l'article 1 er prévoit de renforcer, d'ici 2022, d'autres canaux de déploiement de l'aide publique au développement.

Premièrement , il vise le doublement du montant de l'aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile (OCS) par rapport à son niveau de 2017 (le VII de l'article 1 er ). L'aide publique au développement transitant par les OSC s'élève à 460 millions d'euros en 2019. Elle est principalement mise en oeuvre par trois canaux 17 ( * ) :

- le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) à hauteur de 139 millions d'euros ;

- l'Agence française de développement (AFD) pour 208 millions d'euros, dont 97 millions d'euros via le dispositif « Initiative OSC » ( cf. infra ) ;

- les collectivités territoriales pour 85 millions d'euros.

Aide publique au développement transitant par les organisations
de la société civile

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Aide bilatérale transitant pour les OSC

168,7

241,7

310,4

374,2

460

Part dans l'aide bilatérale totale

3,6 %

4,4 %

5,3 %

6,6 %

7,0 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire transmis pour le PLF 2021

Ainsi, le doublement de cette aide vise à atteindre un montant de 620 millions d'euros en 2022 . Le rapporteur pour avis estime que cet objectif est atteignable , compte tenu de la progression continue de l'aide transitant par les OSC au cours des dernières années.

Toutefois, la part de celle-ci dans l'aide publique bilatérale reste inférieure à la moyenne de l'OCDE qui s'élève à 15 % en 2019. Par conséquent, l'article 1 er précise que la France s'engage à maintenir sa progression en la matière afin de tendre vers la moyenne des pays de l'OCDE.

L'article 1 er prévoit également un dispositif permettant à des OSC de solliciter des subventions afin de financer des projets de développement (le VIII de l'article 1 er ). Le rapporteur pour avis rappelle que ce guichet de financement est déjà mis en oeuvre par l'AFD (dispositif « Initiative OSC ») et financé par le programme 209 de la mission « Aide publique au développement » 18 ( * ) .

Sont aujourd'hui éligibles au dispositif les associations dites « loi 1901 » ou les associations à but non lucratif régies par le droit local d'Alsace-Moselle, les syndicats de droit français engagés dans des actions de développement, et les fondations françaises reconnues d'utilité publique mettant en oeuvre des actions de solidarité internationale 19 ( * ) . Or , l'article 1 er prévoit que les catégories d'organisations éligibles seront définies par décret , appelant ainsi à une vigilance particulière sur les catégories qui pourraient ne plus bénéficier de ce dispositif.

Le rapporteur pour avis s'interroge sur la nécessité de consacrer dans la loi un dispositif de financement qui existe depuis 2009, mais il estime que cette disposition permet de « sanctuariser » les moyens déployés au bénéfice des OSC . En effet, l'étude d'impact du projet de loi précise que « la reconnaissance dans la loi de ce principe est une demande forte des organisations de la société civile qui souhaitent pouvoir conserver leur pleine indépendance dans la présentation des projets que l'État instruit en vue d'accorder des subventions ».

En outre, les auditions menées ont présenté un bilan positif de ce dispositif . Pour la seule année 2020, l'AFD a indiqué au rapporteur pour avis que le dispositif « Initiatives OSC » avait permis de financer 480 projets vivants, en partenariat avec une centaine d'organisations non gouvernementales françaises (ONG), environ 4 000 ONG locales, et plusieurs co-bailleurs comme la Fondation de France et l'Union européenne.

Deuxièmement, l'article 1 er prévoit que les fonds consacrés par l'État au soutien de l'action extérieure des collectivités territoriales doubleront d'ici 2022 par rapport à leur niveau de 2017 (XI de l'article 1 er ).

Pour mémoire, les crédits alloués par l'État en la matière transitent par deux vecteurs :

- la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales , rattachée au MEAE et financée par le programme 209 de la mission « Aide publique au développement » ;

- la facilité de financement des collectivités territoriales (FICOL), mise en oeuvre par l'AFD à partir des crédits de l'aide projet financés par le programme 209.

Le doublement de ces moyens devrait se traduire par un montant global dédié à ces enveloppes s'élevant à 26 millions d'euros d'ici 2022 .

Le rapporteur pour avis partage naturellement l'objectif de renforcer le rôle des organisations de la société civile et des collectivités territoriales en matière de développement, mais il rappelle que l'ensemble de ces objectifs étaient déjà fixés par les conclusions du CICID du 8 février 2018.

Par ailleurs, l'article 1 er prévoit d'autres dispositions ayant une incidence budgétaire.

Ainsi, il prévoit que les services de l'État concourant à la politique de développement disposent de moyens humains « cohérents » avec les ressources définies à cet article (le VI bis de l'article 1 er ). Cette disposition a été insérée à la faveur de l'adoption par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative du député Vincent Ledoux, avec un avis de sagesse du Gouvernement. Des précisions rédactionnelles ont ensuite été apportées à cette disposition en séance.

4. Les besoins en fonds propres de l'Agence française de développement constituent un angle mort majeur de la programmation

Le rapporteur pour avis regrette que la question des besoins en fonds propres de l'Agence française de développement (AFD) soit absente des dispositions programmatiques du projet de loi.

En effet, la loi de finances pour 2021 prévoit un renforcement des fonds propres de l'AFD via la conversion en fonds propres de 953 millions d'euros de « ressources à condition spéciale » (RCS) dont disposent l'AFD, et d'une recapitalisation additionnelle de 500 millions d'euros . Alors que le projet de loi initial ne prévoyait que la conversion de la RCS, la recapitalisation additionnelle a été insérée dans le texte en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement d'initiative gouvernementale.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur pour avis avait souligné que le renforcement des fonds de l'AFD était une nécessité , compte tenu de la croissance continue des engagements de l'AFD au cours des dernières années, et de l'évolution de la réglementation prudentielle 20 ( * ) . Toutefois, il regrette l'introduction de cette disposition en nouvelle lecture qui a privé le Sénat d'un débat nécessaire sur la question .

Lors de son audition, la direction générale du Trésor a confirmé que la recapitalisation votée en loi de finances pour 2021 ne permettait de couvrir les besoins de l'AFD qu'au titre de l'année 2021 uniquement . Ainsi, d'autres renforcements des fonds propres de l'AFD sont à attendre pour les prochains exercices.

L'AFD a également indiqué au rapporteur pour avis que « les prévisions financières permettent d'anticiper une absence de nouveaux besoins de fonds propres jusqu'en 2022 » 21 ( * ) , soulignant en creux que la question devrait se poser à partir de l'année prochaine. En outre, en fonction de l'évolution réglementaire des règles prudentielles, l'AFD estime que le besoin en fonds propres de l'agence pourrait varier entre 500 millions et un milliard d'euros entre 2022 et 2025 .

La direction du budget a justifié l'absence de prise en compte des crédits dédiés au renforcement de ces fonds propres, retracés au sein du programme 365 de la mission « Aide publique au développement », par deux motifs :

- d'une part, ces crédits n'ont pas vocation à être comptabilisés comme aide publique au développement puisqu'ils constituent un apport de fonds propres justifié par des obligations prudentielles ;

- d'autre part, la trajectoire des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » présentée par l'article 1 er est à périmètre constant .

En dépit de ces arguments, le rapporteur pour avis déplore que la question du besoin en fonds propres de l'AFD soit maintenue « sous les radars » de la discussion relative à la programmation des moyens budgétaires dédiés à l'aide publique au développement .

Afin de répondre au besoin d'information du Parlement sur ce sujet, la commission des finances a adopté un amendement COM-154 visant à compléter le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances par une évaluation pluriannuelle des besoins en fonds propres de l'AFD .

Les auditions menées ont permis d'apporter quelques éclairages sur le sujet. Ainsi, la direction générale du Trésor a indiqué au rapporteur pour avis que, pour contenir les besoins en fonds propres pour les années à venir, un arbitrage interministériel a acté la stabilisation de la trajectoire de l'activité de l'AFD à 12 milliards d'euros par an en 2021 et 2022 . Cette stabilisation ne sera toutefois pas suffisante pour écarter toute recapitalisation au cours des prochains exercices, compte tenu de la hausse de son activité au cours des derniers exercices et de la duration élevée du portefeuille.

Évolution des engagements du groupe Agence française de développement depuis 2017

(en milliards d'euros courants)

Source : étude d'impact, complétée par les données transmises par la direction générale du Trésor

En outre, il a été confirmé au rapporteur pour avis que des efforts ont été demandés à l'AFD afin de mieux maîtriser ses charges. Ainsi, « l'État travaille activement avec l'AFD pour identifier des leviers d'efficiences disponibles pour réduire les charges non bancaires . Cela passe notamment par une maîtrise accrue de la masse salariale et singulièrement des effectifs dont l'évolution récente a été très dynamique pour accompagner la hausse des engagements » 22 ( * ) .

Le rapporteur pour avis, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Aide publique au développement », exercera un suivi attentif de la mise en oeuvre de la maîtrise des charges de l'AFD.

C. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE CRÉDIBLE, ET CONSOLIDANT LES EFFORTS DE LA FRANCE EN MATIÈRE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Compte tenu de l'ensemble des critiques précédemment exposées, le rapporteur pour avis déplore l'absence de réelle programmation des crédits de la mission « Aide publique au développement » , qui constitue le coeur pilotable des moyens budgétaires dédiés à la politique de développement.

Afin d'ancrer le caractère programmatique du projet de loi, le rapporteur pour avis a proposé à la commission des finances de prolonger la programmation des crédits de paiements de la mission « Aide publique au développement » jusqu'en 2025 , c'est-à-dire en fixant leur montant pour les exercices 2023, 2024 et 2025. Le montant de 4,8 milliards d'euros proposé par l'article 1 er pour 2022 est maintenu.

Dans cette perspective, le rapporteur pour avis considère que l'évolution pluriannuelle des crédits de la mission doit s'inscrire dans un double objectif :

- d'une part, il s'agit de consolider la progression de l'aide publique au développement de la France qui lui a permis, au cours des derniers exercices, de rattraper son retard par rapport aux autres pays développés ;

- d'autre part, la trajectoire proposée doit être crédible , compte tenu du contexte actuel de fortes contraintes sur les finances, aggravé par les conséquences économiques de la crise sanitaire.

En première lecture, l'Assemblée nationale a fait le choix d'afficher un objectif ambitieux, à savoir s'efforcer d'atteindre une part d'aide publique au développement s'élevant à 0,7 % du RNB en 2025. À cet égard, le rapporteur pour avis rappelle que le pilotage budgétaire de l'aide publique au développement fondé sur ce ratio doit être apprécié avec la plus grande prudence, pour plusieurs raisons.

Premièrement, l'exercice 2020 témoigne du caractère très relatif de cet indicateur . En effet, la contraction du RNB de la France lui a permis de satisfaire avec deux ans d'avance l'objectif fixé pour 2022 d'atteindre une aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du RNB.

Deuxièmement, il est permis de s'interroger sur les fondements de la définition du ratio cible de 0,7 % du RNB . En effet, des travaux d'économie ont pu rappeler que ce ratio était davantage fondé sur un niveau politiquement acceptable tel que défini dans les années 1960 au sein des discussions portées par les Nations Unies, plutôt que sur des évaluations macroéconomiques robustes permettant de refléter le niveau adéquat d'aide publique au développement 23 ( * ) .

Enfin, et surtout, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne recouvrent que partiellement les moyens de l'aide publique générée par la France . En effet, comme précédemment souligné, les crédits budgétaires ne financent pas tous des dépenses comptabilisées comme aide publique au développement, et ils ne constituent que l'un des canaux de financement de cette politique. En outre, l'évolution des autres composantes est difficilement prévisible, et en particulier l'évolution des allègements de dette qui présente un caractère très incertain comme l'a rappelé la direction générale du Trésor lors de son audition.

Ainsi, d'après le tableau de prévision figurant dans le rapport annexé du projet de loi, la France devrait consacrer 0,69 % de son RNB à l'aide publique au développement dès 2021 , compte tenu du montant des allègements de dettes qui serait 20 fois plus élevé qu'en 2020. Ce ratio retomberait à 0,55 % du RNB en 2022.

Sous ses réserves, il reste possible de bâtir une trajectoire budgétaire fondée sur les hypothèses suivantes :

- les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » constituent la seule variable d'évolution de l'aide publique au développement totale de la France, en considérant que les autres composantes restent stables après 2022 par rapport aux estimations du Gouvernement prévues pour cet exercice ;

- le montant du RNB de la France en 2025 est extrapolé à partir des projections d'évolution du produit intérieur brut 24 ( * ) .

À partir de ces données, il peut être estimé que l'aide publique au développement de la France devrait s'élever en 2025 à 19,8 milliards d'euros pour atteindre le ratio de 0,7 % du RNB . Ceci correspond à une hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport à 2022 25 ( * ) , soit une augmentation annuelle moyenne de 1,9 milliard d'euros, répartie sur trois exercices.

Le rapporteur pour avis estime qu'une telle hausse annuelle, a fortiori si elle ne repose que sur les crédits de la mission, est difficilement tenable dans le contexte actuel .

À titre de comparaison, le Royaume-Uni , qui constitue l'un des principaux pourvoyeurs mondiaux de l'aide publique au développement , a annoncé fin 2020 l'abandon de la cible de 0,7 % du RNB, pour se rapprocher des 0,5 % , ce qui se traduit par une baisse de 4 milliards d'euros de son budget.

Avec ces mêmes hypothèses, un volume d'aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du RNB en 2025 correspond à 15,6 milliards d'euros , soit une hausse de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2022 . Ceci se traduit par une hausse annuelle moyenne d'environ 500 millions d'euros par an pour seulement maintenir l'objectif que la France s'est fixée pour 2022 .

Le rapporteur pour avis considère que faire porter aux crédits de la mission « Aide publique au développement » une telle hausse annuelle permet de fixer un cap cohérent, de nature à sanctuariser les moyens dédiés à la politique de développement .

Compte tenu des incertitudes relatives à l'évolution du RNB d'une part, et des autres composantes de l'aide publique au développement d'autre part, le rapporteur pour avis propose d'actualiser cette trajectoire à mi-parcours, soit en 2023 . Une telle « clause de revoyure » est ainsi classiquement insérée dans les lois de programmation sectorielle.

Trajectoire des crédits de la mission « Aide publique au développement » proposée jusqu'en 2025

(en crédits de paiement et en millions d'euros courants)

N.B : les montants indiqués correspondent aux crédits de paiement à périmètre constant et hors charges de pension. Pour les exercices 2017 à 2020, les données sont issues des rapports annuels de performance (RAP).

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La commission des finances a adopté un amendement COM-142 en ce sens, ainsi qu'un amendement de coordination COM-155 au rapport annexé, afin de prolonger jusqu'en 2025 la trajectoire des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement ».

Elle a également adopté plusieurs autres amendements portant sur la programmation financière prévue à l'article 1 er .

Ainsi, l'amendement COM-141 supprime la disposition selon laquelle le titre I er du projet de loi fixe les conditions du contrôle et de l'évaluation de la politique de développement .

L'amendement COM-143 supprime un alinéa se limitant à agréger plusieurs composantes budgétaires de l'aide publique au développement pour les années 2020 à 2022.

Enfin, la commission des finances a adopté l'amendement COM-144 qui supprime la disposition selon laquelle les services de l'État concourant à la politique de développement disposent de moyens humains « cohérents » avec la trajectoire budgétaire, compte tenu de son caractère inadapté à la conduite de cette politique. En effet, si cette disposition vise à satisfaire un objectif louable, elle n'apparaît pas adaptée à la conduite de la politique de développement, pour plusieurs raisons. Premièrement, l'aide publique au développement transite par de multiples canaux, qui ne requièrent pas tous une hausse des moyens humains pour absorber la hausse des moyens budgétaires. Deuxièmement, en pratique, il est difficile de distinguer les effectifs de l'État à l'étranger participant au développement de ceux qui sont chargés d'autres enjeux qui animent notre réseau d'ambassades et de consulats. Enfin, l'Agence française de développement et Expertise France, qui constituent les piliers de la mise en oeuvre du développement, ont vu leurs effectifs croître de façon conséquente ces dernières années.

II. DES DISPOSITIONS POUR LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT QUI SOULÈVENT PLUSIEURS INTERROGATIONS

A. UNE INFORMATION DU PARLEMENT ÉTOFFÉE, MAIS QUI DEVRA ÊTRE UTILEMENT ARTICULÉE AVEC LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES EXISTANTS

Comme l'indique l'étude d'impact, « le titre I er du présent projet de loi rénove également les conditions d'information du Parlement sur la programmation budgétaire et le suivi des orientations stratégiques définies dans le cadre de partenariat global ».

Pour ce faire , l'article 2 du projet de loi prévoit la remise annuelle d'un rapport du Gouvernement au Parlement . Ce rapport remplace le rapport bisannuel prévu par la loi de 2014 d'orientation et de programmation 26 ( * ) , dont l'objet est de faire la synthèse de la politique de développement de la France.

Le texte initial prévoyait que ce rapport soit remis avant le 15 septembre de chaque année , et porte sur les points suivants :

- la stratégie de la politique de développement mise en oeuvre et les résultats obtenus au cours de l'année écoulée, mesurés notamment par les indicateurs figurant dans le cadre de résultats défini par le rapport annexé, c'est-à-dire les indicateurs définis par la commission statistique des Nations Unies ;

- la cohérence entre les objectifs de la politique de développement et ceux des autres politiques publiques susceptibles d'avoir un impact sur les objectifs de développement durable dans les pays partenaires ;

- la mise en oeuvre de la trajectoire budgétaire prévue par la présente loi ;

- les choix opérés par la France dans l'allocation de ses contributions aux fonds et programmes multilatéraux et européens , et l'adéquation des actions conduites au titre de ses fonds avec l'action extérieure de la France.

Enfin, le texte initial comprenait une disposition selon laquelle un débat en séance publique peut avoir lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) et à la Commission nationale pour la coopération décentralisée (CNCD) .

En première lecture, outre des modifications visant à reformuler ou à préciser les dispositions initiales, l'Assemblée nationale a procédé à plusieurs modifications visant à enrichir le rapport avec les informations suivantes :

- la contribution de l'action extérieure des collectivités territoriales et des acteurs territoriaux ;

- la liste des pays dans lesquels intervient l'Agence française de développement (AFD) ;

- les résultats en termes de communication de l'aide publique au développement de la France ;

- les positions défendues par la France en matière d'aide au développement au sein des institutions financières internationales où elle est représentée ;

- la liste des pays prioritaires et les critères qui ont amené à son établissement ;

- les progrès effectués en matière de gouvernance, de respect des droits de l'Homme et de lutte contre la corruption par les pays bénéficiaires.

De plus, à l'initiative du rapporteur, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement visant à avancer la date de remise du rapport au 15 juin , afin que les parlementaires puissent disposer de ces informations en amont du débat budgétaire.

Enfin, la commission des affaires étrangères avait adopté trois amendements identiques, avec un avis défavorable du rapporteur et de sagesse du Gouvernement, visant à rendre obligatoire la tenue d'un débat sur ce rapport. Toutefois, en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'initiative de la députée Aina Kuric, prévoyant simplement qu'un débat « a lieu ».

Le rapporteur pour avis salue le dispositif proposé qui contribue nécessairement à l'amélioration de l'information du Parlement sur une politique publique dont le caractère interministériel rend son appréhension complexe.

En outre, il relève que ces informations pourront être utilement complétées par la base de données ouvertes dont la mise en oeuvre est prévue par l'article 1 er , dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

Néanmoins, le rapporteur pour avis s'interroge sur l'articulation de ces informations avec celles contenues dans les documents budgétaires - projets annuels de performance, rapports annuels de performance, document de politique transversale - ainsi que les données déjà transmises chaque année aux rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement » . Il appelle à la vigilance du Gouvernement et de ses collègues sur le risque de dispersion de l'information qui pourrait nécessiter, d'ici quelques exercices, un « toilettage » éventuel.

En tout état de cause, le rapporteur pour avis propose de faire coïncider la date de remise du rapport avec celle du dépôt du projet de loi de règlement, qui doit intervenir avant le 1 er juin de chaque année 27 ( * ) . La commission des finances a adopté un amendement COM-146 en ce sens.

La commission des finances a adopté un amendement COM-147 visant à ce que la liste des pays dans lesquels intervient l'AFD soit complétée par le volume d'engagements annuels dans chacun d'entre eux , afin de mieux suivre l'évolution de l'activité de l'agence.

En outre, considérant qu'il ne revient pas à une disposition d'une loi de programmation de contraindre l'ordre du jour des assemblées parlementaires, la commission des finances a adopté un amendement COM-149 supprimant la disposition selon laquelle un débat a lieu en séance publique sur ce rapport.

Enfin, la commission des finances a adopté un amendement COM-148 de précision rédactionnelle de l'alinéa portant sur la communication relative à la politique de développement.

B. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION INDÉPENDANTE D'ÉVALUATION : LE RISQUE D'UNE CONFUSION DES GENRES À ÉVITER

Conformément aux orientations du CICID du 8 février 2018, le projet de loi vise à renforcer l'évaluation de l'aide au développement. Ainsi, l'article 9 du projet de loi institue une commission indépendante d'évaluation

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur pour avis avait déjà souligné que, dans un contexte de finances publiques dégradées, la question de la « redevabilité » de la politique de développement devenait incontournable .

En outre, il avait rappelé que la refonte d'une véritable culture de l'évaluation apparaît d'autant plus nécessaire que l'évaluation des projets d'aide publique au développement est actuellement éclatée entre la direction générale du Trésor, la direction générale de la mondialisation, et l'Agence française de développement, favorisant ainsi une évaluation « en silos ». Cette dispersion de la fonction d'évaluation se heurte également à des moyens restreints. En effet, 2,5 millions d'euros, soit 0,1 % de l'aide bilatérale de la France est consacré à l'évaluation des projets mis en oeuvre 28 ( * ) .

Dans cette perspective, le renforcement de l'évaluation de la politique française de développement constitue une proposition ancienne , portée aussi bien par la Cour des comptes 29 ( * ) , par des députés 30 ( * ) et des sénateurs 31 ( * ) , que par l'OCDE 32 ( * ) . Le dispositif britannique d'évaluation est souvent cité en exemple pour défendre l'institution d'un organisme indépendant d'évaluation.

Le dispositif britannique : exemple de l' « Independant committee on aid impact » (ICAI)

« En 2015, le Royaume-Uni a adopté une loi fixant à 0,7% la part du RNB consacrée à l'aide publique au développement, conformément aux recommandations des organisations internationales. Parallèlement, elle a créé un dispositif d'évaluation original de cette politique, en créant un organisme dédié, l'Independant committee on aid impact (ICAI) . Vos rapporteurs se sont rendus à Londres en juillet 2019 afin de prendre connaissance des caractéristiques de ce dispositif en rencontrant notamment Mme Tamsyn Barton, directrice de l'ICAI, des parlementaires de la commission de l'aide au développement de la chambre des communes et des représentants du ministère du développement international (DFID).

L'ICAI a été explicitement créée comme une sorte de contrepartie à la fixation de l'objectif des 0,7% du RNB dans la loi , celui-ci impliquant une forte hausse des moyens consacrés à l'aide publique au développement. Il s'agissait ainsi de donner des gages au public et aux opposants politiques de cette hausse de crédits, leur garantissant que chaque livre investie le serait sous le regard d'un organisme indépendant à même d'en vérifier le bon usage et l'efficacité.

L'ICAI est ainsi conçu comme un organisme indépendant du Gouvernement et dont la mission est de rendre des comptes au Parlement , plus précisément à la Commission parlementaire chargée du développement (International Development select Committee, IDSC).

L'ICAI est dirigée par trois commissaires, dispose d'un secrétariat de dix membres et fait appel à des consultants externes pour conduire les évaluations sous la direction des commissaires. Les consultants co-contractants sont au nombre de quatre, et les contrats sont signés pour quatre ans. Le secrétariat de l'ICAI travaille sur une base quotidienne avec ces co-contractants.

Les Commissaires de l'ICAI ont en principe une compétence en matière d'APD. Ils sont nommés par le ministre du développement international, représenté en réalité par un directeur général du ministère, assisté par la commission parlementaire chargée du développement. À titre d'exemple, l'un des commissaires était auparavant auditeur à la Banque africaine de développement, le second avait été parlementaire pendant 14 ans au sein de la commission parlementaire du développement international, tandis que la commissaire en chef avait travaillé dans le secteur de l'APD : ONG, Gouvernement, BERD, etc.

Aspect important, les sujets de contrôle de l'ICAI sont choisis par elle-même, mais avec l'accord de la Commission parlementaire . L'ICAI a produit 28 rapports au cours du dernier exercice, dont les deux tiers ont été estampillés « vert » (satisfaisant) ou orange (assez satisfaisant) et un tiers rouge (moins que satisfaisant). Les résultats pressentis sont mis en commun avec le DFID, avec lequel il peut y avoir également quelques réunions complémentaires. Les rapports sont présentés devant la Commission parlementaire chargée du développement, qui auditionne simultanément l'ICAI et le ministre environ une fois par mois. Les recommandations des rapports doivent donner lieu à une réponse du ministère détaillant les mesures prises et l'ICAI peut exiger de nouvelles réponses tant qu'elle n'est pas satisfaite (droit de suivi). La Commission parlementaire ne peut pas changer la note attribuée à un projet, les rapports étant rendus publics. Pour ses études, l'ICAI ne passe pas seulement en revue le DFID, mais les 18 départements ministériels différents pouvant mener des actions en matière de développement international. »

Source : extrait du rapport pour avis n° 142 (2019-2020) de M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, sur le projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 21 novembre 2019

L'article 9 du projet de loi initial prévoit, dans une rédaction sommaire, l'institution d'une commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales . Sans définir précisément ses missions, l'article prévoit que la commission soit constituée de personnalités françaises ou étrangères désignées, selon des conditions fixées par décret, en raison de leurs compétences en matière d'évaluation et de développement.

Le texte initial renvoie à un décret la définition des modalités de fonctionnement de la commission . Il précise qu'elle arrête son programme de travail de manière indépendante et que toutes les administrations et personnes publiques concernées sont tenues de répondre à ses sollicitations.

Dans son avis 33 ( * ) , le Conseil d'État s'est interrogé sur la nécessité de prévoir une disposition législative pour créer une telle commission . Il a estimé qu'il était possible de conserver cette disposition au sein du texte législatif, dans la mesure où les personnes publiques sollicitées par cette commission auront l'obligation d'y répondre, et où la disposition « entretient un lien fort avec le reste du projet de loi ».

En première lecture, l'Assemblée nationale a profondément modifié le dispositif proposé.

En effet, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement à l'initiative du rapporteur, avec un avis favorable du Gouvernement, visant à préciser les missions, la composition et le fonctionnement de cette commission .

Celui-ci précise que la commission conduit des évaluations portant sur la politique de développement, notamment sur son efficacité et son impact . La commission est également placée auprès de la Cour des comptes , qui en assure le secrétariat. Ce rattachement institutionnel était déjà une recommandation du rapport du député Hervé Berville, rendu en 2018 34 ( * ) .

De plus, il prévoit que la commission puisse être saisie de demandes d'évaluation du Parlement et qu'elle adresse à celui-ci ses rapports d'évaluation. Ce dernier point est issu de l'adoption d'un sous-amendement à l'initiative du député Jacques Maire.

En séance publique , outre des amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée nationale a adopté des amendements visant notamment à prévoir que la commission remette une fois par an un rapport au Parlement faisant état de ses travaux, et que le Conseil national du développement et de la solidarité internationale est destinataire du rapport d'évaluation. Enfin, un amendement prévoyant que la commission puisse coopérer avec les institutions et organismes d'évaluation des pays bénéficiaires a également été adopté.

Lors de son audition, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a défendu l'idée d'un rattachement de cette commission d'évaluation à la Cour des comptes , en se fondant sur :

- l'expertise de la Cour des comptes en matière d'aide publique au développement, compte tenu de la publication de cinq rapports sur le sujet depuis 2010 et du suivi de l'exécution du budget de la mission « Aide publique au développement » ;

- le positionnement institutionnel de la Cour des comptes qui présente des garanties d'indépendance en tant que juridiction financière, et qui se situe, selon les termes employés « à équidistance entre l'exécutif et le Parlement » ;

- les précédents de rattachement à la Cour des comptes d'organismes indépendants, à l'image du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO).

Si le rapporteur pour avis partage l'objectif d'une montée en gamme de l'évaluation de l'aide publique au développement, il souligne que le dispositif proposé suscite plusieurs interrogations .

Premièrement, en dépit des avantages avancés par la Cour des comptes, il est permis de s'interroger sur la pertinence du rattachement de la commission d'évaluation à celle-ci .

En effet, il est probable que la commission d'évaluation soit contrainte de s'appuyer sur l'expertise des ministères de tutelle et de l'AFD, et donc de l'exécutif , pour conduire ses travaux d'évaluation. En outre, même si la Cour des comptes fait régulièrement appel au réseau de l'État à l'étranger dans le cadre de ses travaux, elle n'apparaît peut être pas comme l'instance la mieux outillée pour évaluer la mise en oeuvre de projets d'aide au développement au plan local.

Deuxièmement, la rédaction du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale est peu claire sur les missions et l'organisation de la commission d'évaluation . A-t-elle vocation à se substituer aux équipes dédiées à l'évaluation de la politique de développement au sein des ministères et de l'AFD ? Le secrétariat, assuré par la Cour des comptes, conduira-t-il lui-même les travaux d'évaluation ? Auquel cas, le budget de fonctionnement, prévu à hauteur de 3 millions d'euros par la loi de finances pour 2021, sera-t-il suffisant 35 ( * ) ?

Interrogé sur ce point par le rapporteur pour avis, le cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères a indiqué que la commission d'évaluation n'avait pas vocation à remplacer les outils d'évaluation existants, mais elle s'en distinguera en conduisant des évaluations centrées sur les résultats de la politique conduite , sur la pertinence des projets mis en oeuvre, afin de mieux mesurer l'impact des projets financés. Les évaluations pourraient être conduites par des cabinets extérieurs , comme il en est déjà l'usage.

Enfin, l'articulation du rôle de cette commission d'évaluation avec la mission d'évaluation des politiques publiques attribuée au Parlement, aux termes de l'article 24 de la Constitution, doit être clarifiée . Pour mener à bien cette évaluation, l'article 47-2 de la Constitution prévoit déjà que la Cour des comptes assiste le Parlement. En outre, en application de ces dispositions, l'article L. 132-6 du code des juridictions financières 36 ( * ) prévoit déjà une procédure de saisine de la Cour des comptes par les présidents des assemblées parlementaires pour procéder à l'évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Compte tenu de ces observations, et sans remettre en cause le dispositif proposé, la commission des finances a adopté un amendement COM-153 visant à clarifier les missions allouées à la commission d'évaluation . Celui-ci vise à recentrer son évaluation sur les projets et programmes concrets d'aide publique au développement, afin d'éviter toute confusion entre le rôle de ce nouvel organisme et celui d'évaluation des politiques publiques qui relève directement des missions constitutionnelles du Parlement.

III. L'INTÉGRATION D'EXPERTISE FRANCE AU SEIN DE L'AGENCE FRANÇAISE DU DÉVELOPPEMENT : UNE RATIONALISATION UTILE DES OPÉRATEURS, AU PRIX D'UN SCHÉMA DE TRANSFORMATION COMPLEXE

A. LE PROJET DE LOI TRADUIT LÉGISLATIVEMENT LA VOLONTÉ DU CICID DE CONSOLIDER L'EXPERTISE INTERNATIONALE

L'Agence française d'expertise technique internationale, couramment appelée « Expertise France », est un établissement public industriel et commercial (EPIC) créé le 1 er janvier 2015, et issu de la fusion de six opérateurs antérieurs 37 ( * ) .

L'agence participe à la promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale publique françaises à l'étranger . Concrètement, elle assure la maîtrise d'oeuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux, dans tous les domaines couverts par les objectifs du développement durable.

D'après les données transmises par Expertise France au rapporteur pour avis, l'agence a réalisé un chiffre d'affaires de 220 millions d'euros en 2020 , dans un contexte marqué par la crise sanitaire, et évalue son activité à 320 millions d'euros en 2021 . L'Union européenne contribue à hauteur de 50 % de ses activités , puis viennent l'AFD, l'État directement, mais également l'Organisation des Nations Unies (ONU) ou des États tiers.

Expertise France est accréditée pour se voir confier la gestion déléguée de fonds par l'Union européenne , c'est-à-dire qu'elle peut mettre en oeuvre directement des programmes financés par l'Union européenne au bénéfice d'États tiers.

Cette gestion déléguée n'est pour autant pas sans difficulté pour l'opérateur . En effet, comme le relevait déjà en 2020 la commission des affaires étrangères du Sénat, « l'équilibre économique d'Expertise France est fragile depuis sa création , l'État français lui ayant fixé un objectif de quasi « autofinancement » et les commandes européennes ne permettant pas de dégager une marge suffisante . L'augmentation du volume moyen des projets, de 1,4 million d'euros en 2016 à 2,7 millions d'euros [en 2020] a fait exploser le chiffre d'affaires sans pour autant améliorer la rentabilité » 38 ( * ) . D'après les informations transmises par Expertise France au rapporteur pour avis, la prise en charge des frais de gestion par l'Union européenne est forfaitaire, et évaluée à 7 % du coût total , soit un niveau bien inférieur au coût réel pour l'opérateur.

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 prévoit l'introduction d'un mécanisme de compensation des projets déficitaires, dont les pertes sont engendrées par la participation d'Expertise France à des projets stratégiques sur lesquels l'État lui demande de se positionner. Cette compensation s'élève à 6 millions d'euros d'autorisations d'engagement par an pour les trois ans du COM, permettant ainsi d'équilibrer le modèle financier d'Expertise France 39 ( * ) .

D'après les informations transmises par Expertise France au rapporteur pour avis, ce mécanisme sera maintenu après l'intégration au sein de l'AFD.

En 2018, le Gouvernement a souhaité poursuivre l'effort de rationalisation du paysage de la coopération internationale française initié lors de la précédente loi d'orientation de la politique de développement. Ainsi, les conclusions du CICID du 8 février 2018 prévoient explicitement d'intégrer Expertise France au sein du groupe de l'AFD à horizon 2019 .

Les auditions menées par le rapporteur pour avis ont relayé les avantages de ce rapprochement pour les deux opérateurs, tels qu'exposés par l'étude d'impact du présent projet de loi .

S'agissant de l'AFD, cette intégration lui permettra de renforcer sa compétitivité « hors-prix » de son activité de prêt . Ainsi, comme l'a souligné le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, « il est indispensable que nous puissions répondre à la demande d'un pays par une offre globale , associant une offre de prêt, une offre de don et une offre d'expertise » 40 ( * ) .

Pour Expertise France, son directeur général, Jérémie Pellet, a estimé que ce rapprochement « participe à la montée en puissance d'Expertise France » 41 ( * ) . Celui-ci a notamment souligné que ce rapprochement des deux opérateurs s'était déjà concrétisé de plusieurs façons. Premièrement, Expertise France bénéficie déjà du réseau de l'AFD comme relais sur le terrain, puisque les directeurs d'agence de l'AFD représentent déjà l'opérateur auprès des services de l'État à l'étranger et des interlocuteurs locaux. Deuxièmement, les deux opérateurs mettent déjà à profit leur complémentarité technique, comme en Côte d'Ivoire, où l'Institut national polytechnique Félix Houphouët Boigny est soutenu par la France à travers un contrat de désendettement et de développement (C2D) via l'AFD, et avec une assistance technique d'Expertise France.

Ainsi, la dynamique d'intégration initiée en pratique depuis 2018 s'est traduite par une hausse de la part de chiffres d'affaires d'Expertise France générée par l'AFD , en passant de 11 millions d'euros en 2017 à 34 millions d'euros en 2020 42 ( * ) . Depuis 2019, des échanges de personnel ont été mis en place.

B. LE SCHÉMA D'INTÉGRATION COMPREND PLUSIEURS ÉTAPES SUCCESSIVES

Les articles 7 et 8 du présent projet de loi comprennent les dispositions législatives nécessaires à l'intégration d'Expertise France au sein de l'AFD, en procédant en deux étapes .

Premièrement, l'article 7 prévoit que l'AFD est autorisée à détenir tout ou partie du capital de la société par actions simplifiée (SAS) Expertise France (III de l'article 7).

Par ailleurs, l'article 7 procède à un « toilettage » bienvenu des dispositions relatives à la définition des missions de l'AFD, sans les modifier ni réformer la tutelle de l'opérateur.

En effet, le I de l'article 7 modifie l'article L. 515-13 du code monétaire et financier afin de basculer au niveau législatif certaines dispositions réglementaires relatives à ses missions .

Ainsi, le nouvel article L. 515-13 prévoit que l'AFD exerce une mission permanente d'intérêt public au sens de l'article L. 511-104, en vue de 43 ( * ) :

- contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'État à l'étranger ;

- contribuer au développement des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution .

Ce même article L. 515-13 prévoit que l'AFD contribue à l'action extérieure de la France , permettant ainsi d'asseoir l'autorité hiérarchique du chef diplomatique sur les antennes locales de l'agence ( cf. supra ).

De plus, il inscrit au niveau législatif que le conseil d'administration de l'agence inclut deux députés et deux sénateurs , tel que le prévoit déjà l'actuel article L. 515-13 et R. 515-17 du code monétaire et financier. Toutefois, ces dispositions précisent, contrairement au droit en vigueur, que ces parlementaires sont désignés par les commissions permanentes chargées des affaires étrangères.

Or, le rapporteur pour avis estime que cette précision n'est pas nécessaire, à double titre . D'une part, le dispositif proposé est plus restrictif que le droit en vigueur , alors même que la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances justifie qu'un membre de la commission des finances soit représenté au sein du conseil d'administration. D'autre part, l'article 4 de la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence de parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement (OEP) 44 ( * ) prévoit que le droit commun de ces nominations est la désignation par les présidents de leur assemblée .

Estimant qu'une procédure dérogatoire de nomination n'apparaît pas justifiée, la commission des finances a adopté un amendement COM-151 visant à prévoir que les députés et sénateurs membres du conseil d'administration de l'AFD soient respectivement désignés par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat .

Par cohérence, elle a adopté les amendements COM-150 à l'article 5, et COM-152 à l'article 8, sur le même fondement .

Le II de l'article 7 autorise l'AFD à gérer des fonds publics et privés dans le cadre d'opérations financées par les personnes suivantes :

- l'Union européenne ;

- des institutions ou organismes internationaux ;

- des collectivités publiques ;

- des États étrangers ;

- des établissements de crédit et banques de développement ;

- des personnes morales publiques ou privées, de droit français ou de droit étranger.

L'AFD peut également confier la gestion de fonds à ces personnes .

D'après les éclairages apportés au rapporteur pour avis par la direction générale du Trésor, ces délégations de fonds se distinguent des subventions , notamment en ce que le délégataire est sollicité par l'AFD, et devient en ce sens un prestataire de celle-ci 45 ( * ) . Le délégataire contractualise avec les participants au programme financé en son nom, et non pas pour le compte de l'AFD. Il est rémunéré par l'AFD. Cette disposition est particulièrement importante pour l'intégration d'Expertise France au sein du groupe AFD, afin de sécuriser juridiquement l'accroissement des activités de l'AFD confiées à Expertise France . Actuellement, cette possibilité de délégation reste marginale.

À l'exception de quelques précisions, la rédaction proposée reprend presque à l'identique les dispositions antérieurement prévues par l'article 10 de la précédente loi d'orientation de 2014 46 ( * ) .

Deuxièmement, l'article 8 transforme Expertise France en SAS , à compter du 1 er juillet 2021 , et en modifie la gouvernance afin de l'intégrer sous forme de filiale au groupe AFD. L'article 8 prévoit les dispositions nécessaires à la transmission des biens, droits, obligations, contrats d'Expertise France à cette nouvelle SAS, ainsi que d'autres dispositions visant à sécuriser le changement de statut juridique. Il indique que son capital est public .

D'après le Gouvernement 47 ( * ) , l'option de SAS a été « jugée plus robuste sur le plan juridique que les autres options qui s'avéraient par ailleurs moins adaptées pour générer les synergies attendues du rapprochement » 48 ( * ) . D'après l'étude d'impact, d'autres options auraient pu être envisagées, mais ont été écartées pour les raisons suivantes :

- la création d'un dispositif ad hoc rattachant l'EPIC Expertise France à l'EPIC AFD a été écartée en raison de l'absence de modèle préexistant ;

- la création d'un groupement d'EPIC, avec des EPIC « filles » dépendant d'un EPIC « mère » n'a pas été privilégiée en raison des limites de l'expérience de la SNCF ;

- la création d'un groupement d'intérêts économiques (GIE) n'a pas été retenue car il était estimé qu'elle limitait les synergies attendues du rapprochement ;

- la transformation d'Expertise France en société anonyme (SA) a constitué une piste sérieuse, mais le statut de SAS lui a été préféré car il permettait de prévoir plus aisément des dérogations au droit commercial 49 ( * ) .

Sur ce dernier point, plusieurs dispositions de l'article 8 visent à préserver l'autonomie d'Expertise France et le rôle de l'État .

Ainsi, le conseil d'administration comprendra quatre représentants de l'État, à parité avec l'AFD, et deux personnalités qualifiées nommées par décret, sur dix-huit membres 50 ( * ) . De plus, les statuts de la société sont approuvés par décret . Enfin, deux commissaires du Gouvernement sont nommés respectivement par le ministre chargé du développement et le ministre chargé de l'économie. Ceux-ci peuvent faire opposition aux délibérations et décisions du Conseil d'administration, qui, à défaut, sont exécutoires de plein droit huit jours après leur réception.

Par ailleurs, sur le plan financier, le poids de l'AFD reste minoritaire par rapport à celui de l'Union européenne , qui représente 50 % de son chiffre d'affaires.

En première lecture, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur et avec un avis favorable du Gouvernement, visant préciser les rôles respectifs du président du conseil d'administration et du directeur général . Le premier organise et dirige les travaux du conseil d'administration, et veille au bon fonctionnement des organes de la société. Il est nommé par décret , sur proposition conjointe des ministres chargés du développement et de l'économie. Il délègue « l'ensemble de ses prérogatives de gestion opérationnelle » au directeur général . Expertise France a indiqué au rapporteur pour avis que la question de la nomination du directeur général relèvera des statuts de la société .

Le rapporteur pour avis s'est interrogé sur la pertinence d'un schéma d'intégration aussi complexe, en procédant en plusieurs étapes . En effet, après la promulgation de la loi, encore faut-il que l'AFD acquiert « tout ou partie » du capital d'Expertise France, désormais transformée en SAS.

En effet, alors que les auditions menées ont confirmé que l'intégration d'Expertise France en tant que filiale de l'AFD était un objectif partagé par l'État et l'ensemble des parties prenantes, la rédaction choisie à l'article 7 pourrait être lue comme le fait que l'AFD ne détiendrait pas la totalité du capital d'Expertise France , laissant ainsi la porte ouverte à d'autres participations au capital.

La direction générale du Trésor a indiqué au rapporteur pour avis que le choix de cette rédaction permettait initialement de sécuriser juridiquement le transfert d'Expertise France à l'AFD , notamment en ménageant la possibilité pour l'État de détenir une fraction du capital d'Expertise France, si cela s'avérait nécessaire pour conserver ses prérogatives au sein du conseil d'administration.

Cette piste semble aujourd'hui écartée par les services de l'État qui mènent une réflexion en vue de simplifier le processus d'intégration , sous réserve de sa faisabilité juridique.

IV. DIVERSES AUTRES DISPOSITIONS APPELLENT DES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. L'ÉLARGISSEMENT DES CAPACITÉS DE CERTAINES COLLECTIVITÉS À FINANCER DES ACTIONS DE COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS

L'article 4 du présent projet de loi introduit la possibilité pour les collectivités territoriales qui sont des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de financer, sur les budgets des services de mobilité, des actions de coopération dans ce domaine avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) , « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire ». Pour ce faire, les collectivités territoriales peuvent conclure des conventions avec des autorités locales étrangères.

Le dispositif proposé créé un nouvel article L. 1115-3 du CGCT afin de permettre aux collectivités territoriales suivantes de financer des actions de coopération dans le domaine de la mobilité :

- les autorités organisatrices de la mobilité en application du I de l'article L. 1231-1 du code des transports , c'est-à-dire les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les métropoles, la métropole de Lyon, les communes nouvelles issues de la fusion de toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscale propre sous certaines conditions, les autres communes au plus tard jusqu'au 1 er juillet 2021, les communautés de communes après le transfert de la compétence en matière de mobilité par les communes qui en sont membres, les syndicats mixtes mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-2 du CGCT, et les pôles d'équilibre territorial et rural mentionnés à l'article L. 5741-1 du même code sous certaines conditions ;

- les communes continuant à organiser des services de mobilité en application du II de l'article L. 1231-1 du code des transports ;

- l'établissement public « Île-de-France Mobilités ».

Le dispositif vise à leur permettre de pouvoir financer les actions suivantes dans le domaine de la mobilité :

- des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements ;

- des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces mêmes collectivités ;

- des actions de solidarité internationale .

Le financement de ces actions ne peut excéder 1 % des ressources affectées aux budgets des services de mobilité, hors versement destiné au financement des services de mobilité (le « versement transport »). L'exclusion du versement transport vise à ne faire porter le financement de ces actions que sur la part tarifaire des recettes en question, et non sur le financement assuré par les entreprises.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, ce dispositif permettrait de financer des actions de coopération à hauteur de 100 millions d'euros par an environ.

Ce dispositif s'inspire de deux autres dispositifs similaires déjà mis en oeuvre, à savoir :

- le dispositif « 1 % eau » , créé en 2005 51 ( * ) , complété par le dispositif « 1 % énergie » introduit en 2006 52 ( * ) , prévus à l'article L. 1115-1-1 du CGCT, permettant aux collectivités compétentes de financer des actions de coopération dans les domaines de l'eau et de l'assainissement et de la distribution publique d'électricité et de gaz ;

- le dispositif « 1 % déchets » , créé en 2014 53 ( * ) et prévu à l'article L. 1115-2 du CGCT, permettant aux collectivités compétentes de financer des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages.

Outre un amendement rédactionnel, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative de la députée Aina Kuric, visant à compléter l'article L. 1115-1 du CGCT pour préciser que l'action extérieure des collectivités locales s'inscrit dans le cadre du programme de développement durable adopté le 25 septembre 2015 par l'Assemblée générale des Nations Unies .

Le rapporteur pour avis constate que ce dispositif de financement est facultatif , et ne constitue donc aucune obligation pour les collectivités territoriales visées. Il devrait contribuer à la montée en puissance de la participation des collectivités territoriales à l'aide publique au développement de la France, même si celle-ci s'inscrit dans un contexte de finances publiques locales tendues en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire .

B. LE PROJET DE LOI CONSTITUE UN VÉHICULE OPPORTUN POUR AVANCER SUR LA RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS

1. Le dispositif proposé permet de concrétiser une réflexion portée par le Sénat depuis 2019

En séance publique, l'Assemblée nationale a complété les dispositions de l'article 1 er du présent projet de loi en adoptant quatre amendements identiques à l'initiative du rapporteur, des députés M'jid El Guerrab 54 ( * ) , Bruno Fuchs et Jean-François Mbaye, avec un avis favorable du Gouvernement. Le XI de l'article 1 er est ainsi issu de l'adoption de ces amendements. Il vise à assurer la restitution des biens dits « mal acquis » auprès des populations concernées.

Ces dispositions ont pour objet de traduire au plan législatif une demande de longue date des organisations non gouvernementales (ONG) qui constatent qu'une part significative de la corruption transnationale est alimentée par la spoliation de populations. En France, la condamnation récente de Teodorin Obiang, confirmée en février 2020 par la Cour d'appel de Paris, a mis en lumière le patrimoine colossal que le vice-président de la République de Guinée équatoriale s'est constitué, notamment en France, grâce au blanchiment de fonds publics.

Le cadre international de la restitution des avoirs confisqués à la suite de condamnations en matière de corruption est défini par la convention des Nations Unies contre la corruption , adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 31 octobre 2003, et ratifiée par la France en 2005 55 ( * ) . Plus précisément, son article 31 prévoit que les États prennent « les mesures nécessaires pour permettra la confiscation :

a) du produit du crime provenant d'infractions établies conformément à la présente Convention ou de biens dont la valeur correspond à celle de ce produit ;

b) des biens, matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour les infractions établies conformément à la présente Convention ».

Les infractions visées sont notamment la corruption d'agents publics, le trafic d'influence, l'abus de fonction, l'enrichissement illicite, la corruption dans le secteur privé, le blanchiment du produit du crime, le recel ou l'entrave au bon fonctionnement de la justice. L'article 57 de la Convention pose le principe de la restitution des confiscations à la demande d'un État partie requérant.

Comme l'avait déjà rappelé le sénateur Antoine Lefèvre, alors rapporteur de la proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale 56 ( * ) , l'exécution des confiscations prononcées à l'encontre de personnes reconnues coupables des infractions visées, et par la suite la restitution de ces avoirs, ne sont possibles, en France, qu'en application d'une décision définitive de la juridiction étrangère 57 ( * ) .

Or, dans les cas de corruption transnationale, il apparaît peu probable que certaines juridictions étrangères initient des démarches en ce sens.

Pour y remédier, le Sénat a adopté dès 2019, à l'initiative du sénateur Jean-Pierre Sueur, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale . Le dispositif proposé visait à créer un fonds, alimenté par les recettes issues de la confiscation des biens des personnes étrangères politiquement exposées reconnues coupables en France des délits de recel ou de blanchiment du produit des biens ou de revenus provenant d'un crime ou d'un délai commis dans l'exercice de leurs fonctions.

S'inspirant de ces dispositions, le XI de l'article 1 er du projet de loi propose un mécanisme différent.

Le premier alinéa pose le principe de la restitution, au plus près de la population de l'État étranger concerné , des recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel ou le blanchiment de recel de l'une des infractions suivantes :

- abus de confiance (article 314-1 du code pénal) ;

- manquements au devoir de probité , à l'exception de la concussion (articles 432-11 à 432-16 du même code) ;

- corruption active et du trafic d'influence commis par les particuliers (articles 433-1 et 433-2 du même code) ;

- soustraction et détournement de biens contenus dans un dépôt public (article 433-4 du même code) ;

- entraves à l'exercice de la justice telles que définies aux articles 434-9 et 434-9-1 du code pénal ;

- corruption et trafic d'influence passifs (article 435-1 à 435-2 du même code) et actifs (articles 435-3 à 435-4 du même code) ;

- atteintes à l'action de justice telles que définies aux articles 435-7 à 435-10 du code pénal.

L'infraction d'origine doit avoir été commise par une personne dépositaire de l'autorité publique d'un État étranger, chargée d'un mandat électif public dans un État étranger, ou d'une mission de service public d'un État étranger, dans l'exercice de ses fonctions.

Lors de son audition, le ministère de la justice a indiqué au rapporteur pour avis que la définition de ce champ infractionnel et des personnes visées a été déterminée pour cibler le détournement de biens publics et les infractions liées à probité.

De plus, ce périmètre infractionnel a été bâti à partir de l'étude des dossiers « emblématiques » de biens mal acquis identifiés par le ministère. À ce jour, 16 dossiers, incluant des condamnations déjà prononcées, pourraient correspondre au dispositif proposé.

Le second alinéa du XI de l'article 1 er est issu du sous-amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement. Il précise que ces sommes donnent lieu à l'ouverture de crédits budgétaires au sein de la mission « Aide publique au développement » , placée sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères. Elles financent des actions de coopération et de développement dans les pays concernés.

2. Le texte ne constitue qu'une première étape, une loi de finances étant nécessaire pour assurer la mise en oeuvre du dispositif

Comme l'a souligné Transparency International lors de son audition par le rapporteur pour avis, ce dispositif ne constitue toutefois qu'une première étape dans la mise en oeuvre effective de la restitution des biens mal acquis aux populations concernées.

En effet, la direction du budget a précisé qu'il conviendra de créer un nouveau programme budgétaire dans le prochain projet de loi de finances permettant de retracer ces crédits, une telle disposition relevant du domaine exclusif des lois de finances. La définition de ce nouveau programme devrait répondre à des contraintes particulières, dérogatoires du droit budgétaire commun, permettant, par exemple, de ne pas appliquer le taux de mise en réserve budgétaire sur ces avoirs qui ont vocation à être restitués.

Le rapporteur pour avis s'est interrogé sur la pertinence de l'insertion de ces dispositions dans la partie programmatique du projet de loi, d'autant que les dispositions qui y figurent n'ont vocation à s'appliquer que jusqu'en 2025.

En effet, l'insertion de ces dispositions dans la partie normative du texte aurait été pleinement justifiée en raison de leur nature. Toutefois, leur rattachement à la partie normative du texte aurait vraisemblablement été contraire aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances 58 ( * ) , prévoyant que l'affectation de recettes relève du domaine exclusif des lois de finances.

Ainsi, ces dispositions ne se suffiront pas à elles-mêmes pour permettre la mise en oeuvre de la restitution, par la France, des biens dits « mal acquis », même si elles constituent une première étape louable.

En tout état de cause, le dispositif proposé ne permet pas de résoudre complètement une difficulté déjà évoquée lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi sur le sujet en 2019 : comment pouvons-nous nous assurer que les sommes restituées ne soient pas réinjectées dans des circuits de corruption ?

À cet égard, les auditions menées par le rapporteur pour avis ne permettent pas, à l'heure actuelle, de définir une solution permettant de se prémunir d'un tel écueil . Toutefois, compte tenu du nombre relativement faible de dossiers concernés, le rapporteur pour avis estime qu'une implication spécifique du ministère des affaires étrangères permettrait de définir les modalités de restitution de ces sommes les plus adéquates , comme tenu de la grande diversité des contextes locaux. Dans cette perspective, l'Agence française de développement (AFD) pourrait ne pas systématiquement constituer le vecteur le plus approprié de cette restitution , a fortiori si l'État étranger concerné n'est pas un pays bénéficiaire de l'aide publique au développement de la France.

Par conséquent, la commission a adopté un amendement COM-145 prévoyant que le ministère définit au cas par cas les modalités de restitution les plus appropriées.

C. UN NOMBRE IMPORTANT DE DEMANDES DE RAPPORTS AU PARLEMENT

Outre le rapport annuel défini à l'article 2, plusieurs demandes de rapports du Gouvernement au Parlement sont prévues par les articles relevant du champ de la saisine de la commission des finances.

Ainsi, le X de l'article 1 er prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, afin d' étudier les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l'aide publique au développement de la France .

Le rapporteur pour avis estime que cette demande de rapport permet de répondre aux interrogations récurrentes des parlementaires sur les règles de comptabilisation de l'aide publique au développement, en particulier de la labellisation comme telles de dépenses qui apparaissent éloignées de l'objectif de développement , comme les frais d'écolage des étudiants étrangers. Toutefois, il semble peu probable que la France puisse faire évoluer seule les règles de comptabilisation qui sont définies par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

Le IV de l'article 7 prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les coopérations opérationnelles entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

Le VIII de l'article 8 prévoit la remise d'un rapport bisannuel d'Expertise France au Gouvernement et au Parlement recensant le nombre d'experts techniques internationaux (ETI) français et détaillant leurs activités . Cette demande de rapport fait suite à l'engagement du Gouvernement d'augmenter le nombre d'ETI français.

Les II et III de l'article 11 indiquent que le Gouvernement remet un rapport au Parlement , respectivement dans un délai de six mois et de deux mois à compter de la promulgation de la loi sur les sujets suivants :

- une évaluation du dispositif relatif à l'offre d'opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège dans un État figurant sur la liste des bénéficiaires de l'aide publique au développement. Il s'agit ici du dispositif dit de « bi-bancarisation » créé en 2014 59 ( * ) ;

- un examen des modalités de réduction des coûts de transaction des envois de fonds effectués par des personnes résidant en France vers des personnes résidant dans des États éligibles à l'aide publique au développement.

Enfin, l'article 13 prévoit la remise d'un rapport au Parlement évaluant les possibilités de dispense de criblage des bénéficiaires finaux de l'aide publique au développement qui participent à la stabilisation de zones de crise . Cette demande de rapport fait écho à un souhait de certaines organisations non gouvernementales (ONG) d'être exemptées des procédures de vérification visant à s'assurer qu'elles ne participent pas à des activités illégales, telles que le financement d'activités terroristes ou le blanchiment d'argent. En effet, leurs activités dans certaines zones de crise, marquées par l'instabilité, nécessitent parfois de dialoguer avec des parties « peu vertueuses ». Toutefois, il s'agit ici d'un sujet délicat pour lequel il conviendrait de disposer d'éléments objectifs.

Ainsi, pour les seuls articles relevant du champ de saisine de la commission des finances, le texte prévoit la remise de six rapports du Gouvernement au Parlement. À l'exception du rapport prévu à l'article 8 , pour lequel le Gouvernement a émis un avis défavorable au motif qu'il revenait au Gouvernement et non à Expertise France d'établir ce rapport, le Gouvernement a donné un avis favorable à l'ensemble de ces demandes de rapports introduites dans le texte. Par conséquent, le rapporteur pour avis relève qu'il reviendra au Gouvernement de respecter les délais de transmission au Parlement prévus par la présente loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 13 avril 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Claude Requier, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 404 (2020-2021) de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, déposé à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2020 par le Gouvernement.

M. Claude Raynal , président . - Nous en venons à l'examen du rapport pour avis de notre commission sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Notre commission s'est en effet saisie pour avis des articles portant des dispositions de nature budgétaire ou financière dans ce projet de loi.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Nous examinons en effet l'avis sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont l'examen au fond revient à la commission des affaires étrangères. Notre commission s'est saisie pour avis des dispositions relevant de son champ de compétences, à savoir les articles 1 er , 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13, qui traitent des enjeux budgétaires de l'aide publique au développement (APD), de l'évaluation et du contrôle de cette politique, des opérateurs de la mission « Aide publique au développement », ou encore des demandes de rapports en lien avec les sujets traités par notre commission.

Annoncé depuis 2018, ce projet de loi constitue un rendez-vous législatif attendu. Il vise, d'une part, à actualiser les dispositions de la précédente loi de 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et d'autre part, à traduire sur le plan législatif la montée en charge des moyens consacrés à l'aide publique au développement depuis le début du quinquennat.

Comme vous le savez, le Président de la République, Emmanuel Macron, a fixé dès 2017 un objectif ambitieux : atteindre une part d'aide publique au développement s'élevant à 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022. J'ai déjà eu l'occasion de le rappeler lors de l'examen des projets de lois de finances successifs, cet objectif doit permettre à la France de rattraper la contraction de son aide publique au développement au début des années 2010. Celle-ci n'a cessé de décroître pour atteindre en 2014 son niveau le plus bas, un ratio de 0,37 % du RNB.

Les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de février 2018 ont certes donné une feuille de route pour la politique de développement, mais sans pour autant définir une trajectoire budgétaire de la mission « Aide publique au développement », rendant nécessaire une loi de programmation.

En outre, le projet de loi vise à répondre à une demande pressante de l'amélioration du pilotage de la politique de développement, dont notre commission s'est fait l'écho à plusieurs reprises. Je ne reviendrai pas sur les clarifications apportées par le projet de loi, qui seront détaillées par la commission des affaires étrangères. En revanche, je souhaiterais insister sur un apport essentiel pour la coordination des moyens de l'État à l'étranger. Au niveau local, l'article 7 du projet de loi prévoit que l'action de l'AFD s'exerce sous l'autorité du chef de la mission diplomatique, c'est-à-dire l'ambassadeur. Cette disposition devrait permettre de mieux coordonner les services et d'éviter une concurrence dommageable entre l'AFD et les ministères de tutelle.

Cela étant dit, j'insisterai sur quatre points qui intéressent notre commission.

Premièrement, je regrette que l'intérêt budgétaire de ce texte soit aussi limité. En effet, la trajectoire financière proposée à l'article 1 er se contente essentiellement d'entériner les moyens déjà validés par le Parlement. Ainsi, l'évolution pluriannuelle des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » prévue par le texte commence en 2020 et s'achèvera en 2022. Cette disposition s'apparente à une transmission avec quelques mois d'avance du projet de loi de finances pour 2022...

Au cours des auditions menées, plusieurs arguments ont été invoqués pour tenter de justifier cette trajectoire bancale, tels que le retard pris dans le calendrier d'examen du texte, ou encore l'échéance électorale de l'année prochaine. Toutefois, ces motifs ne suffisent pas à justifier cette lacune du texte, d'autant que nous avons adopté récemment la loi de programmation pour la recherche, qui prévoit une trajectoire jusqu'en 2030 - sans parler de la loi de programmation militaire.

Afin que nous examinions une réelle loi de programmation, je vous proposerai un amendement visant à prolonger la trajectoire des crédits de paiement de la mission jusqu'en 2025, en partant du montant proposé par le Gouvernement pour 2022, soit 4,8 milliards d'euros. Compte tenu des travaux menés, j'ai acquis la conviction que cette trajectoire devait satisfaire un double objectif. D'une part, il faut consolider la progression de notre aide publique au développement, pour éviter un nouveau décrochage avec les autres pays développés. D'autre part, cette trajectoire doit être crédible, compte tenu du contexte actuel de fortes tensions sur les finances publiques.

Dès lors, comment définir cette trajectoire ? Je souhaiterais ici insister sur le caractère acrobatique d'un pilotage des crédits de la mission fondé sur un pourcentage du RNB, pour plusieurs raisons. Premièrement, l'exercice 2020 témoigne du caractère relatif de cet indicateur. Quand le RNB s'effondre, à niveau stable, notre part d'aide publique au développement gonfle ! Deuxièmement, les crédits de la mission n'ont qu'un lien indirect avec le volume total de l'aide publique au développement de la France. En effet, d'autres canaux génèrent aussi des dépenses d'aide au développement, et peuvent connaître des évolutions incertaines. C'est le cas, par exemple, des allégements de dettes, dont l'évolution annuelle est difficilement prévisible.

Sous ces réserves, il reste possible de bâtir une trajectoire budgétaire en faisant porter aux seuls crédits de la mission l'évolution de l'aide publique au développement, c'est-à-dire toutes choses égales par ailleurs.

D'après les dernières prévisions macroéconomiques du Fonds monétaire international (FMI), pour atteindre la cible de 0,7 % du RNB en 2025, comme le propose l'Assemblée nationale, il faudrait une hausse annuelle moyenne de 1,9 milliard d'euros, répartie sur les exercices 2023, 2024, et 2025. Une telle hausse me semble difficilement tenable, à un moment où, par exemple, le Royaume-Uni opte pour une réduction de son aide à 0,5 % de son RNB en raison de la crise actuelle.

Selon ces mêmes hypothèses, maintenir l'objectif de 0,55 % de notre RNB en 2025 se traduirait par une hausse annuelle moyenne de 500 millions d'euros environ.

Une telle augmentation me semble cohérente avec l'effort consenti depuis le début du quinquennat et permettrait de sanctuariser les moyens dédiés à cette politique. Compte tenu des nombreuses incertitudes pesant sur la trajectoire, je propose une actualisation de celle-ci à mi-parcours, soit en 2023. Cette révision constituera un rendez-vous nous permettant de faire le point sur nos ambitions en la matière.

Mes chers collègues, je sais que plusieurs autres amendements proposant des hausses plus importantes ont été déposés, notamment par les rapporteurs de la commission des affaires étrangères. De mon côté, je reste très attaché à une préservation des moyens de l'aide publique au développement, mais aussi à la sincérité de la programmation de nos finances publiques.

Ce premier constat se double d'un autre regret : l'absence d'information sur les besoins en fonds propres de l'AFD. Alors qu'il semblerait que la recapitalisation opérée en loi de finances pour 2021 ne permette pas de couvrir ses besoins plus d'une année, il est dommageable que cette question reste sous les radars de nos débats. Je vous proposerai un amendement sur ce point.

Enfin, l'article 1 er réaffirme plusieurs objectifs en matière de rééquilibrage de notre aide publique au développement qui sont bienvenus, tels que le renforcement de notre aide bilatérale et de la part des dons. Il contient également des dispositions visant à accroître la part de l'aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile, et le soutien de l'État à l'action extérieure des collectivités territoriales. Ces objectifs concrétisent sur le plan législatif des engagements déjà pris par le Gouvernement en 2018.

Le deuxième point saillant du texte repose sur les dispositions relatives au contrôle et à l'évaluation de la politique de développement qu'il contient.

Tout d'abord, l'article 2 du projet de loi prévoit que le Gouvernement remette chaque année un rapport au Parlement visant à dresser un examen de la stratégie globale de l'aide publique au développement. Le contenu de ce rapport a été largement enrichi à l'Assemblée nationale. Je vous proposerai un amendement visant à le compléter. Pour la suite de nos débats, il nous faudra toutefois être vigilants dans l'articulation de ce rapport avec les documents budgétaires qui existent déjà, et ainsi éviter une dilution de l'information entre plusieurs supports.

Par ailleurs, ces informations seront utilement complétées par une base de données publique prévue par l'article 1 er . En outre, l'article 9 du projet de loi institue une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement. Cette disposition concrétise une proposition ancienne, notamment portée par la commission des affaires étrangères de notre assemblée. L'objectif d'une montée en gamme de l'évaluation me semble indispensable, compte tenu de la hausse continue des moyens budgétaires qui y sont consacrés.

L'Assemblée nationale a précisé le texte, notamment en rattachant cette commission à la Cour des comptes. Sa mission est désormais de conduire des évaluations sur la politique de développement, son efficacité et son impact.

Toutefois, cette nouvelle instance soulève plusieurs questions : la Cour des comptes est-elle la mieux outillée pour conduire ces missions ? Comment s'articulera le rôle de cet organisme avec la mission d'évaluation des politiques publiques attribuée au Parlement par la Constitution et les dispositions déjà prévues dans le code des juridictions financières permettant aux présidents des assemblées de saisir la Cour des comptes de demandes d'évaluation de politiques publiques ? En outre, le dispositif est peu clair sur l'organisation de la commission : conduira-t-elle ses travaux elle-même ? À ce stade, il semblerait que la piste d'une sous-traitance à des cabinets extérieurs soit privilégiée.

En tout état de cause, je vous proposerai un amendement visant à recentrer le rôle de cette commission, et à l'articuler plus clairement avec l'évaluation menée par le Parlement.

Le troisième point intéressant notre commission est celui de l'intégration d'Expertise France au sein de l'AFD, prévue par les articles 7 et 8 du projet de loi.

Annoncé depuis 2018, ce rapprochement est motivé par la volonté de rationaliser le paysage des opérateurs français en charge du développement et de l'expertise internationale. L'objectif poursuivi par le Gouvernement est de permettre de présenter une offre plus complète à nos partenaires à l'étranger, intégrant une offre de prêts, de dons, et d'expertise technique pour leur mise en oeuvre. En outre, un tel rapprochement permettra d'étendre le champ géographique de l'intervention d'Expertise France.

Enfin, les deux opérateurs travaillent déjà de concert : Expertise France bénéficie du réseau de l'AFD comme relais de terrain, des échanges de personnels ont lieu depuis plusieurs années, et l'AFD passe des commandes à Expertise France.

Concrètement, cette intégration repose sur un schéma législatif complexe.

L'article 7 autorise l'AFD à détenir tout ou partie du capital d'Expertise France. Par ailleurs, cet article procède à un toilettage bienvenu des dispositions définissant les missions de l'AFD en les basculant au niveau législatif.

L'article 8 transforme Expertise France, qui est actuellement un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), en une société par actions simplifiée (SAS). Le texte prévoit que son capital est public et qu'il est intégralement détenu par l'État au moment de sa transformation. Le but est de permettre d'intégrer Expertise France sous forme de filiale de l'AFD. D'après la direction générale du Trésor, le choix du statut de SAS permet de prévoir des dispositions dérogatoires en matière de gouvernance, tout en maintenant un lien fort avec la tutelle.

Dans cette perspective, plusieurs dispositions du texte visent à préserver l'autonomie d'Expertise France et le rôle de l'État. Ainsi, le conseil d'administration comprendra quatre représentants de l'État, à parité avec l'AFD. Les statuts de la société sont approuvés par décret. Enfin, deux commissaires du Gouvernement sont nommés et peuvent s'opposer aux décisions du conseil d'administration. Par ailleurs, en ce qui concerne son activité, le poids de l'AFD reste minoritaire dans les commandes adressées à Expertise France, par rapport à celui de l'Union européenne, qui représente 50 % de son chiffre d'affaires.

Ce schéma d'intégration complexe s'explique par les nombreuses difficultés juridiques à surmonter pour permettre la création d'une filiale bénéficiant d'une autonomie fonctionnelle. En l'état, la rédaction du texte laisse ouverte la possibilité que l'AFD ne détienne pas tout le capital d'Expertise France. D'après les informations transmises, cette disposition visait initialement à ménager la possibilité pour l'État de détenir une fraction du capital d'Expertise France, si cela s'avérait nécessaire pour conserver ses prérogatives au sein du conseil d'administration. Cette piste semble aujourd'hui écartée par les services de l'État, qui mènent une réflexion en vue de simplifier le processus d'intégration.

J'en arrive à mon dernier point, qui regroupe diverses dispositions relevant de la compétence de notre commission.

L'article 4 prévoit la possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de financer des actions de coopération dans le domaine de la mobilité, dans la limite de 1 % de leurs ressources affectées aux services de mobilité. Ce plafond exclut le versement « transport » des entreprises. Il s'agit d'un dispositif facultatif, inspiré d'autres dispositifs similaires existants, tels que le « 1 % déchets » et le « 1 % énergie ». Ce dispositif devrait permettre de financer près de 100 millions d'euros d'actions de coopération, même si le contexte actuel des finances publiques locales n'est peut-être pas très porteur.

De plus, l'article 1 er a été complété en première lecture à l'Assemblée nationale afin d'intégrer des dispositions relatives à la restitution des biens mal acquis. Ces dispositions s'inspirent directement de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, que notre commission avait examinée au fond en 2019. Cependant, la mise en oeuvre effective de ces dispositions nécessitera une traduction dans le prochain projet de loi de finances. En effet, il est prévu qu'un nouveau programme de la mission « Aide publique au développement » permette de retracer les recettes issues de la confiscation de ces biens. Les personnes auditionnées ont toutes salué ces dispositions, et le rôle d'avant-garde du Sénat en la matière. Néanmoins, le texte proposé ne permet pas réellement de répondre à une interrogation déjà soulevée lors de nos débats en 2019 : comment pouvons-nous nous assurer que ces avoirs restitués ne soient pas réinjectés dans des circuits de corruption ? Je vous proposerai un amendement sur ce point pour tenter d'apporter une réponse.

Enfin, les articles 11 et 13 prévoient que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les sujets suivants.

Premièrement, il s'agit d'un rapport sur les transferts de fonds vers les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement. L'article 11 prévoit ainsi deux demandes de rapports. La première porte sur le dispositif de bibancarisation, c'est-à-dire la possibilité pour les banques des pays en voie de développement de commercialiser certains de leurs services en France au bénéfice des personnes expatriées. La seconde porte sur les modalités de réduction des coûts de transaction des envois de fonds vers les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement de la France. Ces rapports permettront de dresser un bilan des dispositifs en vigueur.

Deuxièmement, l'article 13 prévoit la remise d'un rapport au Parlement évaluant les possibilités de dispense de criblage des bénéficiaires finaux de l'aide publique au développement qui participent à la stabilisation de zones de crise. Il s'agit ici de relayer une demande de certaines ONG, qui souhaitent être exemptées des procédures de vérification visant à s'assurer qu'elles ne participent pas au financement d'activités terroristes ou de blanchiment d'argent par exemple. C'est un sujet délicat, pour lequel il conviendrait de disposer d'éléments objectifs, que le rapport pourrait apporter.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci pour la qualité de ce rapport, sur un sujet qui peut parfois susciter des réactions épidermiques et qui concerne une politique publique à laquelle la France est depuis longtemps attachée. La trajectoire pour l'aide publique au développement aurait dû faire l'objet d'une définition au début de ce quinquennat, pour la période 2017-2022. L'absence de cette définition met en difficulté les assemblées et le Gouvernement : dans le texte qui est sorti de l'Assemblée, la trajectoire est prévue jusqu'à 2022... Atypique pour une loi de programmation ! Les assemblées se prononcent sur des trajectoires telles qu'elles les imaginent.

Je partage pour l'essentiel les orientations du président Requier. Il faut être attentif à l'ambition de fixer un pourcentage du RNB, car l'évolution de celui-ci peut avoir des conséquences fortes sur les montants en question. Merci, en tout cas, pour l'attention que vous portez aux rapports d'évaluation et de contrôle confiés à des organismes extérieurs. Vous avez, avec des mots bien choisis, et avec beaucoup de précautions, expliqué comment l'on passe de l'idée d'un contrôle par un organisme indépendant, confié à la Cour des comptes, à la sous-traitance à un organisme privé. Arrêtons la plaisanterie : le contrôle fait partie des fonctions originelles du Parlement, et nous gagnerions à ce que les assemblées puissent faire sereinement ce travail. Le Gouvernement a suffisamment d'outils et d'éléments à fournir, dans une démocratie en bonne santé, pour que cela se fasse sans problème. Cela fait partie de l'équilibre des pouvoirs, tel que la Constitution de la V e République l'a prévu - les modifications proposées constituent la voix de la sagesse.

M. Michel Canevet , rapporteur spécial de la mission « Aide au développement » . - Je salue la qualité du rapport, auquel je souscris totalement. Une programmation pluri-pluriannuelle déterminée doit être établie. C'est l'objet des amendements que le président Requier va proposer. Il est bienvenu d'orienter l'action en priorité vers un certain nombre de pays. Les événements à Haïti ce week-end montrent aussi qu'il n'est pas toujours facile de mener des actions de développement dans des pays instables ou connaissant des problèmes d'insécurité. Le déploiement de moyens supplémentaires est nécessaire, mais doit rester raisonnable, vu la situation de nos finances publiques. Je déposerai en séance un amendement sur le rôle et la place du Parlement dans l'évaluation de la politique d'aide au développement, dans le sens de ce qu'a indiqué le rapporteur général.

M. Rachid Temal , rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Ce texte était attendu depuis bien longtemps. Il est enfin arrivé, et chacun pourra noter qu'il permet de nombreuses avancées, notamment sur le ciblage de dix-neuf pays. Il n'en reste pas moins qu'il y a encore quelques zones à améliorer. L'article 1 er calibre la politique d'aide au développement. La spécificité de ce texte est que la programmation s'arrête en 2022, alors que nous avons des objectifs jusqu'en 2025. Nous souhaitons une programmation, mais aussi de l'honnêteté intellectuelle - et financière, ce qui est du ressort de votre commission. On peut toujours annoncer qu'on fera 0,7 %, les montants correspondants constitueraient de hautes marches. Nous proposons plutôt de faire en sorte d'atteindre 0,6 % en 2025, avec des propositions concrètes, tout en conservant un objectif à 0,7 %. Il faut être réaliste. La taxe sur les transactions financières a été créée uniquement pour l'aide au développement. Or seuls 30 % de son produit y est aujourd'hui consacré, en raison du dynamisme de son rendement. Nous souhaitons faire croître cette part.

Nos amendements sont assez proches des vôtres sur la programmation. Vous proposez 0,55 %, nous proposons 0,6 %. Le Gouvernement nous dira comment il entend atteindre 0,7 %. L'idée serait de mettre les chiffres sur la table et de conserver une clause de revoyure en 2023.

M. Hugues Saury , rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Une commission indépendante d'évaluation était attendue et réclamée depuis longtemps. La formule retenue, auprès de la Cour des comptes, lui garantit une certaine autonomie. Nous souhaitons en préciser la composition. Le texte ne mentionne que sa création, et l'existence d'une sorte de droit de tirage du Parlement, sans autre précision. Nos amendements prévoient notamment la présence des parlementaires : deux sénateurs et deux députés siégeront dans cette commission. Nous précisons aussi que les rapports devront être rendus au Parlement sous huit mois, comme c'est le cas pour ceux de la Cour des comptes.

M. Claude Raynal , président . - On voit se multiplier les projets de loi programmation sectoriels - défense, recherche, développement solidaire - qui risquent de ne pas coïncider avec le projet de loi de programmation des finances publiques...

M. Roger Karoutchi . - Cela fait déjà trois ou quatre ans que l'AFD est sous le feu des critiques et que nous appelons à une redéfinition de la politique d'aide publique au développement.

Augmenter les crédits de 50 % en deux ans n'a pas de sens : l'aide publique au développement, ce n'est pas seulement distribuer des enveloppes, ce sont des projets qui doivent être montés avant d'être financés ; cela demande du temps.

Je note cependant deux points positifs dans ce texte : le renforcement de l'aide bilatérale et la réaffirmation de l'autorité de l'ambassadeur sur les agences de l'AFD à l'étranger.

Notre politique de développement a besoin d'être redéfinie au regard de ce que font nos grands concurrents, or cela n'a pas été fait depuis la suppression du ministère de la coopération. Depuis cette même suppression, l'AFD n'a plus vraiment de tutelle : c'est un État dans l'État. Certes, le ministre des affaires étrangères en a pris conscience et essaye de faire évoluer le contrôle de son ministère sur l'AFD, mais cela demeure léger. Le politique a-t-il réellement repris la main ? Je n'en suis pas certain.

Je suis réticent sur ce texte qui est un tissu de généralités - protection des populations, droits de l'eau, assainissement, etc. - dont aucune ne constitue un véritable choix de politique de développement.

M. Éric Bocquet . - Je m'interroge aussi sur l'évolution de la part de notre aide publique au développement dans le PIB qui est passée de 0,43 % en 2018 à 0,55 % en 2022 ; l'atteinte de l'objectif de 0,7 % du PIB en 2030 nécessiterait une hausse supplémentaire de 0,15 point. Mais les calculs établissant cette cible ont été réalisés à une époque où le PIB mondial atteignait les 12 000 milliards d'euros. Or, depuis 2018, le PIB mondial a été multiplié par sept pour dépasser les 85 000 milliards et la pandémie coûterait à elle seule 22 000 milliards. Le Gouvernement a-t-il confirmé qu'il s'engageait à atteindre l'objectif de 0,7 % en 2030 ? Cet objectif demeure-t-il pertinent dans le contexte de la pandémie ? Est-il crédible au regard de notre situation budgétaire et des recherches d'économies qui nous sont annoncées ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Le texte du projet de loi prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les coopérations entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations : quel rôle cette dernière joue-t-elle en matière d'aide publique au développement ?

M. Patrice Joly . - Merci à notre rapporteur. Cette loi aurait dû être l'occasion de refonder notre accompagnement et de passer enfin d'une logique de la condescendance à une véritable logique de co-développement, fondée sur la reconnaissance d'une égale dignité humaine. Car, pays aidés et pays aidants, nous sommes confrontés aux mêmes défis : drame sanitaire, pauvreté, insécurité alimentaire, questions environnementales, parité, etc.

L'objectif de 0,7 % du PIB revient comme une « Arlésienne » et les annonces ne sont jamais tenues. Quel serait le niveau satisfaisant ?

Mme Christine Lavarde . - Présidente d'un groupe interparlementaire d'amitié, j'entends souvent dire que l'AFD négligerait les projets de petite taille ; or son directeur général le conteste vivement. Avez-vous des informations sur ce point ?

M. Pascal Savoldelli . - Je préside une fondation qui intervient au Mali et dans les Comores. La France doit organiser un co-développement sur les enjeux de l'eau et de l'assainissement, les questions énergétiques, ou encore celles de la formation et de la qualification, en lien avec les collectivités territoriales et le secteur marchand.

Je rejoins Roger Karoutchi : monter un projet, cela prend plusieurs années ; par exemple, quand on amène l'eau dans un village, il faut aussi réfléchir à la place sociale nouvelle des femmes, au réemploi des porteurs d'eau, etc. Dans certains pays, nous nous heurtons au pouvoir central et aux pouvoirs locaux. Et l'on constate que les collectivités territoriales travaillent de moins en moins avec les villes-centres, afin d'éviter les pesanteurs administratives et politiques.

Si l'on veut vraiment aborder les questions sanitaires de co-développement, il faut lever les brevets sur les vaccins. Nous sommes dans une pandémie, pas dans une épidémie : produisons des vaccins et vaccinons tout le monde !

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Monsieur Témal, atteindre 0,6 % du RNB en 2025, ça coûterait environ 900 millions d'euros supplémentaires par an entre 2023 et 2025... Cela peut sembler faible en pourcentage, mais ce sont des sommes importantes.

Pour Roger Karoutchi, je n'ai pas l'assurance que cette loi de programmation sera respectée. S'agissant du portage politique de la politique de développement, le directeur général de l'AFD nous a dit préférer un ministre de tutelle qui gagne ses arbitrages à un secrétaire d'État qui les perd.

Éric Bocquet et Patrice Joly, nous reparlerons des chiffres au moment de l'examen de mes amendements.

Vincent Capo-Canellas, depuis 2017, la Caisse des dépôts et consignations et l'AFD disposent d'un fonds d'investissement commun, STOA, doté de 600 millions d'euros environ, mais le rapprochement des deux entités n'est plus à l'ordre du jour.

Christine Lavarde, depuis deux ans, avec les fonds solidaires pour les projets innovants (FSPI), le ministère a décidé d'augmenter les enveloppes dont bénéficient les ambassadeurs pour financer de petits projets locaux qui sont très appréciés sur le terrain : en quelque sorte, ils ont recréé ce qui nous avait été supprimé avec la réserve parlementaire...

Pascal Savoldelli a fait essentiellement un dégagement politique. Votre position sur les vaccins est généreuse.

M. Michel Canevet , rapporteur spécial . - La semaine dernière, devant la commission des affaires étrangères du Sénat, le ministre a clairement affirmé que la politique de développement faisait partie intégrante de la politique étrangère de la France, et c'est une très bonne chose.

L'AFD demeure un sujet d'interrogation : il faut cadrer son action et la stabiliser à hauteur de ses 12 milliards d'euros d'engagements annuels. Ce texte a le mérite de clarifier le « qui fait quoi » : l'ambassadeur coordonne l'action des intervenants au sein du comité local de développement et valide les projets.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Les relations entre ambassadeur et agence de l'AFD sont variables selon les pays : c'est souvent une question de personnes.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-141 supprime la disposition selon laquelle le projet de loi fixerait les conditions du contrôle et de l'évaluation de la politique de développement par le Parlement. En effet, il s'agit d'une des missions constitutionnelles du Parlement qui relève de l'article 24 de la Constitution, qui n'a pas à être encadrée par une loi de programmation.

L'amendement COM-141 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-142 établit une trajectoire financière pour les crédits de la mission « Aide publique au développement » de 2022 à 2025 : avec une augmentation de 500 millions d'euros par an après 2022, nous atteindrions l'objectif de 0,55 % du PIB en 2025, toutes autres composantes de l'aide publique au développement égales par ailleurs. Certes, les rapporteurs de la commission des affaires étrangères voudraient plus, mais cela coûterait plus cher... Je propose également une évaluation à mi-parcours, en 2023, afin d'actualiser cette trajectoire.

L'amendement COM-142 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-143 supprime un alinéa qui agrège plusieurs composantes budgétaires de l'aide publique au développement pour les années 2020 à 2022. La portée de cette disposition est nulle : elle se borne à additionner les montants des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement », ceux de la mission « Plan de relance » et les ressources du fonds de solidarité pour le développement. C'est du pur affichage, et non de la programmation budgétaire.

L'amendement COM-143 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-144 supprime la disposition selon laquelle les services de l'État disposent de moyens cohérents avec les ressources prévues par le projet de loi. L'aide publique au développement transite par de multiples canaux, qui ne requièrent pas tous une hausse des moyens humains en contrepartie de l'augmentation des moyens budgétaires. En outre, l'AFD et Expertise France ont déjà vu leurs effectifs croître de façon importante au cours des dernières années.

M. Claude Raynal , président . - Ne poussons pas au crime...

L'amendement COM-144 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-145 traite de la restitution des recettes issues de la cession des biens mal acquis. Le ministère des affaires étrangères disposera désormais d'une ligne budgétaire dédiée, mais je propose qu'il définisse au cas par cas les modalités de cette restitution, afin que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions, compte tenu des contextes locaux propres à chaque zone.

L'amendement COM-145 est adopté.

Article 2

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - La date limite de remise du rapport annuel du Gouvernement au Parlement avait été initialement fixée au 15 septembre ; l'Assemblée nationale l'avait avancée au 15 juin. Mon amendement COM-146 la fixe au 1 er juin, afin de la faire correspondre avec la date limite de dépôt du projet de loi de règlement.

L'amendement COM-146 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-147 précise que le rapport annuel du Gouvernement au Parlement indiquera le volume des engagements annuels de l'AFD dans chacun des pays où elle intervient. Nous disposerons ainsi de la liste des projets et de leurs montants.

L'amendement COM-147 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-148 reformule et précise la disposition selon laquelle le rapport transmis au Parlement doit intégrer une évaluation de la communication mise en oeuvre pour promouvoir la politique d'aide au développement de la France.

L'amendement COM-148 est adopté.

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-149 supprime la disposition selon laquelle un débat en séance publique se tient à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le rapport annuel du Gouvernement au Parlement. L'article 48 de la Constitution prévoit en effet que chaque assemblée fixe son ordre du jour : ce n'est pas à la loi de programmation de le faire !

M. Claude Raynal , président . - Cela relève en effet du Règlement de chaque assemblée.

L'amendement COM-149 est adopté.

Article 5

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Avec mon amendement COM-150 , je propose, par coordination avec les amendements que je vous présenterai sur les articles 7 et 8 dont nous nous sommes saisis pour avis, que les députés et sénateurs membres du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) ne soient pas désignés par les commissions des affaires étrangères, mais, respectivement, par le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat.

L'amendement COM-150 est adopté.

Article 7

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Même chose s'agissant des députés et sénateurs membres du conseil d'administration de l'AFD.

L'amendement COM-151 est adopté.

Article 8

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Même chose s'agissant des députés et sénateurs membres du conseil d'administration d'Expertise France.

L'amendement COM-152 est adopté.

Article 9

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-153 précise le rôle de la commission indépendante placée auprès de la Cour des comptes, afin d'écarter toute confusion avec l'évaluation conduite par le Parlement.

L'amendement COM-153 est adopté.

Article additionnel après l'article 10

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-154 complète le document de politique transversale sur la politique française en faveur du développement afin d'y inclure une évaluation pluriannuelle des besoins en fonds propres de l'AFD. Celle-ci avait en effet fait l'objet d'une recapitalisation additionnelle à hauteur de 500 millions d'euros par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2021 adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale : c'est regrettable, car le Sénat n'avait pas pu en débattre. Il convient d'assurer l'information du Parlement sur l'évolution prévisionnelle des besoins en fonds propres de l'AFD.

L'amendement COM-154 est adopté.

Article 13 (rapport annexé)

M. Jean-Claude Requier , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-155 est de coordination.

L'amendement COM-155 est adopté.

M. Claude Raynal , président . - La commission des affaires étrangères, qui se réunira demain matin, examinera les amendements que nous venons d'adopter. S'ils n'étaient pas repris, je vous propose que nous donnions mandat à notre rapporteur pour les déposer en vue de leur examen en séance publique.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des articles 1 er 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13 du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1 er

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-141

Adopté

M. REQUIER

COM-142

Adopté

M. REQUIER

COM-143

Adopté

M. REQUIER

COM-144

Adopté

M. REQUIER

COM-145

Adopté

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-146

Adopté

M. REQUIER

COM-147

Adopté

M. REQUIER

COM-148

Adopté

M. REQUIER

COM-149

Adopté

Article 4

Article 5

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-150

Adopté

Article 7

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-151

Adopté

Article 8

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-152

Adopté

Article 9

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-153

Adopté

Article additionnel après l'article 10

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-154

Adopté

Article 11

Article 13

Rapport annexé

Auteur

Sort de l'amendement

M. REQUIER

COM-155

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

- M. Emmanuel PUISAIS-JAUVIN, directeur adjoint ;

- M. Baptiste PRUDHOMME, conseiller politique et parlementaire ;

- M. Aymeric CHUZEVILLE, sous-directeur en charge du développement.

Direction du budget

- M. Morgan LARHANT, sous-directeur à la 7 e sous-direction ;

- Mme Zoé OUVRY, adjointe au chef du bureau des affaires étrangères et de l'aide au développement.

Direction générale du Trésor

- M. Christophe BORIES, sous-directeur des affaires financières multilatérales et du développement (MULTIFIN) ;

- Mme Virginie GALLERAND, cheffe du bureau Multifin 5 ;

- Mme Béatrice DI PIAZZA, adjointe au bureau Multifin 5 ;

- M. Paul TEBOUL, chef du bureau Multifin 2.

Direction de l'immobilier de l'État

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur ;

- Mme Christine WEISROCK, sous-directrice Stratégie et expertises.

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international

- M. Michel MIRAILLET, directeur général ;

- M. Cyrille PIERRE, directeur général adjoint.

Agence française de développement

- M. Rémy RIOUX, directeur général ;

- M. Philippe BAUMEL, conseiller en charge des relations avec le parlement.

Expertise France

- M. Jérémie PELLET, directeur général.

Direction des affaires criminelles et des grâces

- M. Manuel RUBIO-GULLON, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales ;

- Mme Sarah OLIVIER, adjointe au chef du bureau de la législation pénale spécialisée.

Cour des comptes

- M. Pierre MOSCOVICI, Premier président.

Représentation permanente de la France auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

- M. Éric DAVID, chef du service économique ;

- Mme Anne KMETY, adjointe au chef du service économique, en charge des questions de développement.

Transparency International

- M. Patrick LEFAS, président ;

- Mme Sara BRIMBEUF, responsable du plaidoyer « Grande corruption et flux financiers illicites ».

Contributions écrites :

- M. Louis-Nicolas JANDEAUX, chargé de plaidoyer « Aide publique au développement, dette des pays du sud » Oxfam France ;

- M. Olivier BRUYERON, président de Coordination SUD ;

- Mme Bettina PETIT, chargée de plaidoyer, Action Santé Mondiale ;

- Mme Laura AUDOUARD, chargée de plaidoyer, Plan international France.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-404.html


* 1 IV de l'article 15 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 2 Discours du 28 novembre 2017.

* 3 Accord international issu de la conférence sur le financement du développement tenue du 18 au 22 mars 2002.

* 4 Document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2021, p. 105.

* 5 D'après le tableau figurant dans le rapport annexé du présent projet de loi.

* 6 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 7 Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes, février 2019, p. 80.

* 8 Réponse au questionnaire budgétaire transmis pour le projet de loi de finances pour 2021.

* 9 Cour des comptes, février 2020, « Le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'État », réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, p. 65.

* 10 Loi n° 2010-873 du 27 juillet 2020 relative à l'action extérieure de l'État.

* 11 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 12 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 13 Réponse écrite au questionnaire.

* 14 Ces pays appartiennent tous à la catégorie des pays les moins avancés (PMA) : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.

* 15 Cette disposition est également prévue à l'alinéa 122 du cadre de partenariat global.

* 16 Réponse au questionnaire budgétaire transmis pour le projet de loi de finances pour 2021.

* 17 Données transmises par la direction du budget.

* 18 Les crédits alloués se sont élevés à 81 millions d'euros en 2018, 97 millions d'euros en 2019, 110 millions d'euros en 2020 d'après les informations transmises par la direction du budget.

* 19 Site de l'AFD.

* 20 Rapport général Tome III, Annexe 4 « Aide publique au développement », fait au nom de la commission des finances par MM. Michel Canevet et Jean-Claude Requier, 19 novembre 2020, p .17.

* 21 Réponse écrite de l'Agence française de développement.

* 22 Réponse écrite de la direction générale du trésor.

* 23 Michael A. Clemens et Todd J. Moss, « Le mythe des 0,7 % : origines et pertinence de la cible fixée pour l'aide internationale au développement », De Boeck Supérieur - « Afrique contemporaine », 2006/3 n° 2019, p. 173 à 201.

* 24 Les prévisions d'évolution du PIB de la France sont issues des données publiées par le FMI en avril 2021. Le RNB est extrapolé à partir du montant de RNB constaté en 2019 et transmis par la direction du budget.

* 25 D'après le tableau figurant dans le rapport annexé du projet de loi, le Gouvernement estime que l'aide publique au développement totale de la France s'élèvera à 14,165 milliards d'euros en 2022, en intégrant une hausse de 100 millions d'euros des ressources du fonds de solidarité pour le développement prévue à l'article 1 er du présent projet de loi.

* 26 Article 15 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 27 En application de l'article 46 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 28 D'après l'étude d'impact.

* 29 Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes, février 2019, p. 83.

* 30 Rapport d'Hervé Berville, parlementaire en mission, « Un monde commun, un avenir pour chacun » - rapport pour la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, remis au Premier ministre en août 2018.

* 31 Avis n° 142 (2019-2020) de M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 21 novembre 2019.

* 32 OCDE, revue par les pairs de la politique de développement de la France (2018).

* 33 Conseil d'État, section des finances, avis n° 400969, mardi 15 septembre 2020, Avis sur un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

* 34 Rapport d'Hervé Berville, parlementaire en mission, « Un monde commun, un avenir pour chacun » - rapport pour la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, remis au Premier ministre en août 2018.

* 35 A ce stade, ce budget est retracé par une ligne du programme 110 de la mission « Aide publique au développement », mais le rattachement de la commission à la Cour des comptes plaide pour une intégration de ce budget au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

* 36 Dont le premier alinéa indique : « Au titre de l'assistance au Parlement dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques prévue par l'article 47-2 de la Constitution, la Cour des comptes peut être saisie d'une demande d'évaluation d'une politique publique par le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, de leur propre initiative ou sur proposition d'une commission permanente dans son domaine de compétence ou de toute instance permanente créée au sein d'une des deux assemblées parlementaires pour procéder à l'évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente ».

* 37 Article 13 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 38 Communication écrite de M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, sénateurs, rapporteurs de la mission « Aide publique au développement » pour la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, avis sur le contrat d'objectifs et de moyens d'Expertise France (2020-2022).

* 39 1 euro de compensation financée par l'État devra se traduire par 18 euros de contrats européens confiés à Expertise France, d'après le projet annuel de performance de la mission « Aide publique au développement », annexé au projet de loi de finances pour 2021.

* 40 Compte-rendu de l'audition du 7 avril 2021.

* 41 Réponse écrite d'Expertise France.

* 42 Données transmises par l'Agence française de développement.

* 43 Ces missions sont actuellement prévues par l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.

* 44 Loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence de parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement (OEP).

* 45 Par exemple, en 2016, l'AFD a contracté un contrat de coopération déléguée avec le ministère de la coopération suisse pour le financement d'une partie de la mise en oeuvre de la première phase d'un programme sectoriel de l'éducation et de la formation au Niger.

* 46 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 47 Étude d'impact.

* 48 Réponse écrite de la direction générale du trésor.

* 49 Par exemple, d'après la direction générale du Trésor, le statut de SA aurait nécessité au moins deux actionnaires et aurait soulevé des difficultés opérationnelles liées à l'encadrement législatif des conditions de quorum et de majorité pour la prise de décision, ainsi que la multiplication de conventions réglementées.

* 50 Dont le président.

* 51 Loi n° 2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

* 52 Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.

* 53 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 54 Celui-ci ayant fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable de la commission.

* 55 Loi n° 2005-743 du 4 juillet 2005 autorisant la ratification de la convention des Nations Unies

contre la corruption.

* 56 Pour plus d'informations, le lecteur est invité à se reporter au rapport n° 405 (2018-2019) fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale par M. Antoine Lefèvre.

* 57 Articles 713 et 713-38 du code de procédure pénale.

* 58 Article 34 de la loi n° 2001-692 du 1 er août relative aux lois de finances.

* 59 Article 11 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

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