III. UN EFFORT POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES FORCES, QUI NÉCESSITE DE S'INSCRIRE DANS LA DURÉE
A. DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT BOOSTÉES PAR LE PLAN DE RELANCE
Dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits de fonctionnement (titre 3) et d'investissement (titre 5) alloués aux programmes 176 et 152 sont, à périmètre constant, en stagnation par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 .
Crédits hors titre 2 des programmes 176 et 152,
hors plan de relance
(en millions d'euros - CP)
Police nationale |
Gendarmerie nationale |
|||||
LFI 2020 |
PLF 2021 |
Évolution |
LFI 2020 |
PLF 2021 |
Évolution |
|
Titre 3 - Crédits de fonctionnement |
770,44 |
769,58 |
-0,11 % |
1 103,97 |
1 064,63 |
-3,56 % |
Titre 5 - Crédits d'investissement |
200,87 |
195,01 |
-2,88 % |
163,75 |
201,65 |
23 % |
Total des crédits
|
1 009,74 |
1 003,87 |
-0,58 % |
1 332,24 |
1 280,71 |
-0,11 % |
Source : commission des lois du Sénat, sur la base des programmes annuels de performance.
Ce constat est toutefois faussé par le complément budgétaire attendu au titre du plan de relance (voir supra) , qui viendra abonder les budgets de fonctionnement et d'investissement.
Si les allocations supplémentaires précédemment évoquées venaient à être confirmées (voir I), les crédits de fonctionnement et d'investissement disponibles pour les forces de sécurité intérieure augmenteraient en effet de 11,7 % dans la police et de 12,6 % dans la gendarmerie par rapport à 2020.
Cette augmentation inédite était appelée de ses voeux par le Sénat, qui déplore depuis plusieurs années déjà la baisse continue des dépenses de fonctionnement et d'investissement dans le budget des forces de sécurité intérieure.
Cumulés aux crédits déjà débloqués en 2020 au profit du ministère de l'intérieur dans le cadre des lois de finances rectificatives, cette disponibilité budgétaire devrait permettre de combler une partie des retards pris au cours des dernières années dans la mise à niveau des équipements des forces de sécurité intérieure.
B. UN EFFORT SOUTENU SUR LES ÉQUIPEMENTS POUR MODERNISER LES CONDITIONS D'INTERVENTION DES FORCES
Depuis 2017, l'accent mis sur le renforcement des effectifs et des rémunérations a induit un infléchissement de l'effort d'équipement , tant dans la police que dans la gendarmerie nationales.
Ainsi, alors qu'elles avaient augmenté d'environ 280 % entre 2012 et 2017, notamment sous l'effet des différents plans de lutte contre le terrorisme, les dépenses annuelles d'équipement 15 ( * ) ont stagné entre 2017 et 2019 dans la police nationale et baissé de 25 % dans la gendarmerie nationale .
Alors même que les prévisions d'augmentation des effectifs et la persistance d'une pression sécuritaire forte auraient nécessité le maintien d'un niveau d'équipement élevé, ce ralentissement de l'effort budgétaire depuis trois ans a, de l'avis du rapporteur, fait peser un risque de fragilisation de la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure.
Évolution des dépenses
d'équipement
de la police et de la gendarmerie nationales
(en
millions d'euros)
Source : commission des lois du Sénat, sur la
base des données de la Cour des comptes
(note d'exécution
budgétaire de 2019)
Au vu de ces éléments , le rapporteur ne peut que souscrire à l'augmentation conséquente des crédits qui devraient être alloués à l'équipement des forces de l'ordre en 2021 .
À cet égard, il convient plus particulièrement de saluer l'effort consenti pour le renouvellement des parcs automobiles des deux forces, dont le vieillissement constitue une préoccupation forte :
- dans la police nationale, ce sont ainsi 133 millions d'euros qui sont inscrits au programme 176 pour l'année 2020, contre 40 millions en 2020, auxquels devraient s'ajouter 18,9 millions au titre du plan de relance, ciblés sur l'acquisition de véhicules verts ;
- de la même manière, 160,5 millions d'euros sont inscrits au programme 152 « Gendarmerie nationale » pour l'acquisition de véhicules mobiles, soit 123 millions d'euros de plus qu'en loi de finances initiale pour 2020. Cette enveloppe devrait permettre l'acquisition de 4 500 véhicules , dont 45 véhicules blindés et 250 véhicules de maintien de l'ordre, ainsi que la poursuite du plan de renouvellement des hélicoptères, engagé en 2020.
Un rajeunissement attendu des parcs automobiles
En raison d'un sous-investissement chronique pendant de nombreuses années, les parcs automobiles des forces de sécurité intérieure ont connu un vieillissement important. En dépit des efforts engagés au cours des dernières années :
- 6 017 véhicules sont maintenus en service dans la police nationale alors qu'ils ont atteint au moins un des critères de réforme (âge ou distance parcourue) ;
- 3 307 véhicules, soit 10 % du parc automobile de la gendarmerie, ne sont pas opérationnels.
Pour rajeunir les parcs, c'est-à-dire pour rattraper les retards accumulés tout en anticipant les prochaines réformes, les besoins d'acquisition sont estimés à 2 968 véhicules par an dans la police et à au moins 3 000 véhicules dans la gendarmerie.
Au cours des dernières années, ces seuils n'ont été que rarement atteints, même si l'on observe un effort particulier dans la police nationale depuis l'exercice 2019.
Évolution des acquisitions de véhicules
dans la police et la gendarmerie
depuis 2010
Les crédits alloués en 2021 devraient permettre, pour la première fois, d'engager un net rajeunissement des parcs . Les prévisions d'acquisition sont en effet largement supérieures aux seuils d'acquisition nécessaires pour renouveler les véhicules réformés chaque année et devraient permettre de rattraper, pour partie, les retards accumulés.
Parallèlement, un effort spécifique est également porté sur les munitions et l'armement , en particulier dans la gendarmerie nationale dont la dotation augmente, plan de relance inclus, de 14,9 à 23,5 millions d'euros entre 2020 et 2021 .
Enfin, le rapporteur note que les orientations budgétaires pour 2021 permettront, au moins partiellement, de concrétiser l'engagement du ministre de l'intérieur à moderniser les équipements des forces de l'ordre.
Une enveloppe spécifique (5,7 millions d'euros pour la police nationale et 5,4 millions d'euros pour la gendarmerie) serait ainsi dédiée, au sein du plan de relance, au financement de l'acquisition de caméras-piétons , afin d'atteindre l'objectif de généralisation de ces équipements au 1 er juillet 2021.
Par ailleurs, des crédits supplémentaires sont fléchés pour l'acquisition d'équipements spécialisés (gilets tactiques et pistolets à impulsion électrique notamment), pour un montant de 5,6 millions d'euros dans la gendarmerie et de 5,7 millions d'euros dans la police.
Les acquisitions d'équipements au sein des deux forces ont fait l'objet d'un effort de mutualisation depuis plusieurs années. Cela s'est traduit par la création, au niveau central, d'un service d'achats communs et, au niveau déconcentré, par la création des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI).
Le fonctionnement des SGAMI souffre encore d'un certain nombre d'insuffisances, notamment mises en avant en 2018 par la Cour des comptes dans un rapport sur l'équipement des forces de l'ordre. 16 ( * )
Afin de dresser une nouvelle évaluation de ces structures, l'Assemblée nationale a adopté, en séance publique, un article 67 rattaché à la mission Sécurités qui prévoit la remise au Parlement, dans un délai de 6 mois suivants la promulgation de la loi, d'un rapport dressant un bilan de l'impact de la création des SGAMI « en matière de gestion des effectifs et des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale ».
* 15 Sont incluses, dans cette catégorie, les dépenses relatives aux véhicules, aux armes et munitions, aux moyens de protection et à l'habillement des agents.
* 16 Cour des comptes, « L'équipement des forces de l'ordre : un effort de mutualisation et de rationalisation à poursuivre », communication à la commission des finances du Sénat, mai 2018.