E. LES CONSÉQUENCES TRÈS PRÉOCCUPANTES DE L'ARRÊT DE LA CJUE DU 8 SEPTEMBRE 2020

L'arrêt de la CJUE « Recorded Artists Actors Performers Ltd » du 8 septembre 2020 constitue un véritable séisme pour certains OGC et fragilise le financement de la création.

L'arrêt s'est opposé à ce qu'un État membre limite de lui-même , sans que l'Union ne l'y autorise spécifiquement , le droit à rémunération équitable des ayants droit issus de pays tiers qui n'appliquent pas ce droit sur leur territoire . Jusqu'à présent, ces sommes étaient considérées comme des « irrépartissables », que l'article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle affecte aux aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à la formation des artistes.

Il convient au passage de relever que l'ordonnance du 27 mars 2020, prise sur le fondement de l'article 11 de la loi d'urgence du 20 mars 2020, prévoyait d'utiliser par exception ces sommes jusqu'à la fin de l'année pour soutenir financièrement les auteurs et artistes privés de recettes économiques en raison des répercussions de la crise sanitaire. De plus, il était prévu que les OGC aient la possibilité d'en user pour financer le CNM.

Les conséquences de l'arrêt de la CJUE sont donc doubles :

• à court terme, les OGC ont l'obligation de rembourser environ 140 millions d'euros , ce qui, surtout en cette période, fragilise non seulement les structures mais également l'ensemble des artistes. Un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement sur le projet de loi « Ddadue » a été adopté pour l'éviter, ce qui, au moins pour un temps, écarte un risque financier immédiat ;

• à plus long terme, les OGC seraient privés de 25 à 30 millions d'euros par an , sommes qui ne seraient donc utilisées ni pour l'action culturelle, ni pour le CNM, ni pour le soutien aux artistes en période de crise. Pour l'instant, aucune autre piste qu'une renégociation au niveau européen - que l'arrêt de la Cour semble d'ailleurs appeler de ses voeux - ne semble envisageable, mais elle prendrait au minimum trois à quatre ans, soit dans le meilleur des cas, une perte de recettes transitoires comprises entre 75 et 120 millions d'euros.

Il n'est pas exclu que le CNM soit appelé à « compenser » aux OGC les pertes de recettes. Le rapporteur pour avis note cependant le paradoxe qu'il y aurait à mettre à contribution le Centre pour des organismes qui étaient précisément supposés lui apporter une partie de leurs crédits. En tout état de cause, cela nécessiterait une réflexion approfondie sur les finalités et les moyens d'action du CNM.

Audition de Mme la ministre Roselyne Bachelot le 10 novembre 2020

Interrogée par le rapporteur pour avis, la ministre a indiqué :

« Concernant l'arrêt de la Cour de justice, ce sont plus les OGC qui vont être impactés que le financement du CNM. Par le biais des OGC, des activités seront financées mais vous êtes modeste sur la perte estimée à 25 millions d'euros alors que je tablerai plutôt sur 30 actuellement. Cet arrêt de la Cour de justice permet de ne pas reverser les sommes perçues aux artistes et aux producteurs non européens en raison de l'absence de réciprocité, aussi appelé droits « irrépartissables ». L'arrêt dit par ailleurs que la législation européenne aurait dû prévoir la liste exhaustive des pays concernés. Je suis ces travaux au plus près avec la commission européenne . »

Dans une période marquée par la plus forte crise pandémique du siècle, cet arrêt constitue indéniablement une nouvelle donne porteuse de fortes incertitudes pour le secteur musical.

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Le rapporteur pour avis note avec satisfaction que, en cette période complexe, le soutien de l'État n'a pas fait défaut au secteur de la musique et que le Centre national de la musique a su montrer, dans des délais très réduits et sous forte contrainte, toute son utilité et sa pertinence, confirmant ainsi la justesse de l'intuition de ses créateurs.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2021 .

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