II. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS
A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE ANNÉE 2021 DIFFICILE MARQUÉE PAR UNE « MARCHE » IMPORTANTE DE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE
1. Une baisse des ressources publiques rendue plus délicate par la crise sanitaire
France Télévisions apparaît particulièrement fragilisée par la situation actuelle. La trajectoire budgétaire a prévu de réduire ses moyens de 160 M€ sur la période 2018-2022, ce qui représente, selon la direction de l'entreprise, un effort de 400 M€ si l'on tient compte des investissements dans le numérique évalués à 100 M€, de l'augmentation des salaires et des indexations contractuelles.
Dans ce contexte, la présidente de France Télévisions n'a pas caché que l'année 2021 serait « très compliquée » . L'entreprise devrait terminer 2020 en déficit à hauteur de 22,2 M€ sous réserve d'un impact négatif supplémentaire du reconfinement. On peut rappeler que la prévision de baisse des recettes publicitaires qui était de - 55,1 M€ en juillet a été ramenée à - 44,1 M€ dans la dernière reprévision d'octobre grâce à la reprise du marché publicitaire à l'occasion du déconfinement. France Télévisions a également bénéficié en 2020 de reports de charges du fait du retard dans le lancement de Salto et du report des Jeux olympiques de Tokyo qui ont permis de réduire les coûts.
A contrario le coût des JO de Tokyo pèsera sur les comptes de 2021 alors que l'entreprise devra également commencer à amortir le coût des JO de Paris 2024 et assumer le coût du maintien de France 4 jusqu'en août 2021 (20 M€). La direction de l'entreprise considère que les 45 M€ du plan de relance ne permettront pas de compenser intégralement les charges nouvelles et les moindres recettes occasionnées par la crise sanitaire qu'elle évalue à 65 M€.
Dans le même temps, France Télévisions devra absorber une baisse de 60 M€ de sa dotation publique - soit 2,421 Mds€ - au titre de la trajectoire budgétaire 2018-2022. Or l'arrêt de France Ô ne devrait permettre en 2021 d'économiser que 4 à 5 M€. Et l'arrêt programmé de France 4 ne produira des économies qu'en 2022. Le groupe de télévision publique mise donc sur le succès de son plan de départs pour faire baisser la masse salariale de manière significative d'ici 2023. Dans l'immédiat, une baisse du coût des antennes de 51,4 M€ par rapport aux prévisions budgétaires a été décidée pour limiter le déficit en 2020.
2. Une transformation de l'entreprise contrariée par la crise sanitaire
L'effort de transformation est contrarié par la crise sanitaire qui complique la mise en oeuvre des formations et des mesures d'accompagnement prévues dans le cadre du plan de départs. Ce retard a eu pour conséquence de diviser par deux le coût de la transformation en 2020 et donc de dégager une économie de 1 M€.
À ce jour, l'entreprise indique que 238 salariés se sont manifestés pour un départ en 2020. Les effectifs devraient s'établir à 9 039 ETP en 2020 pour atteindre 9 000 ETP en 2021, 8 735 ETP en 2022 et 8 570 ETP en 2023.
3. Des interrogations persistantes sur la stratégie éditoriale
L'entreprise met en avant ses bonnes audiences (30 % de part d'audience) notamment pour l'information avec les journaux télévisés ainsi que la diversification de son offre avec les plateformes Lumni et Okoo destinées à la jeunesse.
Pour autant, la suppression de France 4 apparaît contradictoire avec la volonté de renforcer la diffusion et l'appropriation des valeurs républicaines. Les syndicats de France Télévisions ont estimé lors de leur audition que la prolongation d'un an constituait une manoeuvre « dilatoire » , que le linéaire et le numérique pouvaient tout à fait coexister d'autant plus que la population n'était pas mûre pour un basculement total.
Par ailleurs, des faiblesses demeurent avec une difficulté persistante à retirer des revenus à l'exportation des créations financées par le groupe, les performances très modestes de la chaîne France Info, le déploiement toujours laborieux des matinales communes à France 3 et France Bleu et l'échec du développement d'une plateforme SVoD propre au groupe public qui a dû se résoudre à créer une offre commune Salto avec TF1 et M6 au risque d'accroître encore le manque de différenciation entre audiovisuel public et privé.
La rentrée de septembre aura néanmoins été l'occasion pour le groupe public de surprendre favorablement avec des créations originales à l'image de la mini-série Laëtitia ou de la collection consacrée au général de Gaulle.