TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 18 NOVEMBRE 2020

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Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis sur les crédits de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture. - Ce rapport a trait à deux programmes, le programme 131 « Création » et le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le secteur culturel est parmi les plus fortement affectés par la crise sanitaire et singulièrement le secteur de la création, plongé dans une situation d'une gravité sans précédent que n'a fait qu'accentuer le deuxième confinement. La crise est sans précédent par son ampleur, car toutes les disciplines sont touchées, par son intensité, car les pertes sont immenses, et par sa durée, car l'activité restera profondément affectée et irrégulière en 2021 et nous ne savons quand un retour à la normale sera envisageable. Sans soutien fort, le risque de défaillance des structures culturelles privées et publiques est réel. La crise fait peser de graves menaces sur les artistes, sur l'emploi et l'accès à la culture, mais aussi sur le dynamisme des territoires, et particulièrement sur la diversité culturelle. La crise pourrait en effet accentuer les phénomènes de concentration.

Je salue l'effort de l'État et des collectivités territoriales pour préserver l'avenir de notre modèle culturel. Les Régions ont mis en place des fonds de soutien, les métropoles et les communes aussi.

Le projet de loi de finances pour 2021 poursuit cet effort important avec 390 millions d'euros de mesures nouvelles pour soutenir la création. Elles sont destinées à tous les opérateurs, à l'emploi également, par un renforcement des moyens du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), et le lancement d'un programme exceptionnel de commande publique, mais aussi aux artistes, en particulier les équipes artistiques et indépendantes qui sont en réel danger.

À ces crédits s'ajoutent les crédits d'impôt, dont le dispositif est assoupli. Le crédit d'impôt spectacle vivant joue un rôle essentiel pour soutenir les jeunes artistes et la diversité musicale. Le projet de loi de finances le prolonge jusqu'en 2024 et en assouplit les critères d'éligibilité. Je compte déposer un amendement pour augmenter temporairement, pendant la durée du plan de relance, le taux de ce crédit d'impôt à 20 % au lieu de 15 % pendant cette crise. Je vous invite à le cosigner.

Le projet de loi de finances pour 2021 met en place également un crédit d'impôt spécifique pour le théâtre jusqu'à fin 2024. C'est une bonne initiative, mais il est dommage qu'il soit réservé aux représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, laissant de côté tout un pan du spectacle vivant non musical. Je vous proposerai donc de cosigner deux amendements. Le premier élargit le bénéfice de ce crédit à toutes les représentations de spectacle vivant non musical. Un autre amendement relève pour 2021 et 2022 ce taux d'impôt, comme pour le spectacle vivant musical.

Malgré le soutien de l'État, il reste deux dangers majeurs. Le premier est la durée de la crise sanitaire. Les mesures de l'État ont été conçues en septembre dans un contexte de reprise de l'activité, mais l'interruption qui dure depuis fin octobre pourrait se poursuivre en 2021. Il serait donc important que les dispositifs transversaux de l'État soient prolongés au-delà du 31 décembre 2020, notamment l'activité partielle exceptionnelle. Le deuxième danger viendrait d'une coordination insuffisante entre l'État et les collectivités territoriales. Il serait important d'avoir une organisation territoriale au-delà des CTC, voire que des Conseils territoriaux d'action publique soient mis en place pour mieux associer sur le terrain les collectivités et les DRAC. Entre le projet de loi de finances pour 2021, le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 et le Plan de relance, les crédits sont importants, mais la façon dont l'organisation territoriale permet de traduire ces interventions dans les territoires manque de transparence.

Plusieurs points de vigilance sont à noter.

Sur le spectacle vivant, il faut veiller à l'éligibilité de tous les acteurs aux aides distribuées par le Centre national de la musique (CNM) et l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et à l'élargissement du bénéfice du dispositif d'activité partielle aux salariés de droit privé de l'ensemble des structures culturelles, quelle que soit leur forme juridique. A priori , la ministre a donné des consignes pour que les aides distribuées par les opérateurs ne soient pas réservées aux contributeurs de la taxe. L'éligibilité des établissements publics de coopération culturelle à l'activité partielle apparaît toujours compliquée, ce qui me conduit à plaider pour une évaluation des budgets des lieux labellisés. À titre d'exemple, le théâtre de Rennes, lieu labellisé, reçoit une subvention de l'État de 60 %, mais il n'a pas eu droit à l'activité partielle ni à la compensation de billetterie, car c'est une structure publique et une société d'économie mixte.

En matière d'arts visuels, la structuration de la profession reste un handicap.

Je souhaiterais aussi une meilleure prise en compte du rôle joué par toutes les associations qui oeuvrent dans le domaine culturel, qui contribuent à animer les territoires et ne sont pas très reconnues ni soutenues.

Enfin, à l'occasion de la mise en place d'ici avril 2021 d'une politique de l'État à destination des festivals, j'espère qu'il y aura une méthode de travail pour y associer les collectivités territoriales.

J'en viens au programme 361, qui concerne le savoir et la démocratisation de la culture. Le plan de relance prévoit 70 millions d'euros de crédits pour la rénovation de certains bâtiments et la digitalisation des écoles de l'enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de la culture. Le programme 361 en tant que tel finance également un plan en faveur des étudiants et accorde davantage de crédits en faveur des boursiers. Sur la recherche, les crédits sont toutefois reconduits à l'identique. Or cette question est cruciale pour éviter le décrochage de nos écoles à l'échelle européenne, en particulier les écoles nationales supérieures d'architecture, qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre la réforme de 2018. Seuls 75 postes d'enseignants chercheurs sur les 150 prévus ont été créés. Je compte beaucoup sur le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). J'alerte sur ce sujet comme sur les écoles supérieures d'art territoriales et sur le statut des professeurs de ces écoles. Une mission pourrait être confiée à l'IGAC, à l'Inspection générale de l'administration de l'enseignement national et de la recherche (IGAENR) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) pour essayer de trouver une issue à cette situation.

Pour terminer sur l'éducation artistique et culturelle (EAC), l'enveloppe du Pass Culture atteint 59 millions d'euros, soit 20 millions d'euros supplémentaires dans l'optique de généraliser éventuellement le Pass dès l'année prochaine. Je crois pourtant que cette décision de généralisation pourrait être mal comprise dans le monde culturel où les activités sont à l'arrêt. Il faudrait réclamer davantage de transparence sur le Pass Culture et ses résultats, comme ne cesse de le faire Jean-Raymond Hugonet, à la tête de notre groupe de travail sur le Pass culture. Il faudrait aussi une grande évaluation d'ici l'été prochain pour que nous puissions nous prononcer sur la pertinence de cet outil.

J'ajoute que je regrette que les crédits EAC n'augmentent pas dans la même proportion que ceux du Pass culture. Les lieux de théâtre sont fermés, je souhaite que les artistes et les associations se mobilisent pour relancer l'EAC au printemps prochain dans le cadre d'un processus plus souple et plus rapide.

Compte tenu de l'ampleur des crédits inscrits en 2021 sur les programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à leur adoption.

Je terminerai en disant que je souhaiterais qu'une mission de contrôle soit mise en place pour aller dans les différentes régions regarder comment se traduisent concrètement ces crédits, à quoi et à qui ils sont destinés. Pour remédier au manque de transparence au niveau des DRAC, il faudrait former une équipe pour aller sur place.

Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Le secteur culturel paie un large tribut à la crise sanitaire. La perte de chiffre d'affaires est déjà estimée à plus de 7 milliards d'euros pour le secteur de la création artistique. Je rappelle que ce secteur est majoritairement composé de petites structures. La fermeture des salles et des festivals aurait engendré une perte de chiffre d'affaires de 72 % pour le spectacle vivant. Différents dispositifs de soutien ont été mis en place tels que la prolongation des droits des intermittents, la création de fonds d'urgence par l'Association de soutien au théâtre privé et le centre national de la musique et la création d'un fonds pour les festivals par la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Citons aussi l'exonération de cotisations foncières pour certaines entreprises culturelles et la création d'un fonds d'urgence spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle non couverts par l'année blanche ou le fonds de solidarité. Une interrogation majeure demeure cependant sur la capacité de maintenir ces aides sur une durée indéterminée.

Je souligne aussi le déséquilibre entre les moyens accordés au spectacle vivant et ceux accordés aux arts plastiques. Les artistes plasticiens, fortement touchés par la crise, ne bénéficient pas d'un régime d'assurance chômage.

Je note que nous sommes en attente d'un rapport sur l'Opéra de Paris, piloté par François Hirsch et Christophe Tardieu, qui devra notamment se prononcer sur l'opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille, le déménagement des ateliers Berthier et l'aménagement d'une seconde salle modulable. L'Opéra de Paris est dans une situation particulièrement critique, avec des pertes de billetterie de l'ordre de 55,4 millions d'euros, une diminution d'un tiers du mécénat occasionnant une perte de 6 millions d'euros et une chute du chiffre d'affaires de visites, locations et concessions équivalant à 20 millions d'euros. En raison du développement de l'opérateur ces dix dernières années et de l'essor de sa capacité d'autofinancement, passée de 43 à 56 %, la subvention de l'État a diminué de 15 millions d'euros en dix ans. Nous pouvons nous réjouir du soutien de 81 millions d'euros apporté par le Plan de relance, mais nous nous inquiétons pour l'avenir. En effet, l'État conditionne la poursuite de son soutien à la mise en oeuvre d'une réforme durable de l'établissement.

Enfin, en ce qui concerne le Pass culture, qui recevra 20 millions d'euros de crédits en 2021, la suppression de son déploiement en raison de la crise sanitaire ne permet pas d'être rassuré sur son coût ni son efficacité. Sur 115 000 jeunes bénéficiaires, seuls 150 des 500 euros sont dépensés en moyenne. On peut donc s'interroger sur la pertinence du maintien de ce dispositif. Nous serons attentifs à son évolution.

La création culturelle en France est foisonnante, elle fait partie de notre exception culturelle et contribue au dynamisme de nos territoires. Au-delà des chiffres, des milliers de personnes sont toutefois en souffrance depuis mars. La réalité de ce confinement, ce sont aussi ces artistes en détresse, qui veulent exprimer leur talent et qui font preuve d'une résilience discrète à souligner. Le groupe de travail relatif à l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le secteur de la création avait souligné le manque cruel de visibilité pour anticiper. L'inquiétude est vive.

Après avoir souligné les points de vigilance et compte tenu de la situation d'urgence, nous donnerons un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Sonia de La Provôté . - J'abonderai dans le sens de ce qui a été dit, notamment sur les incertitudes inédites et les difficultés actuelles, quelles que soient les disciplines et quels que soient les métiers.

La création n'est pas seulement une filière. La diversité artistique et culturelle est aussi nécessaire pour se forger un esprit critique et accompagner les citoyens, dans tous les territoires. La culture est un bien essentiel, c'est une dimension inhérente à la nature humaine.

Le budget s'avère en augmentation, renforcé par le Plan de relance et la réelle réactivité du ministère de la culture et de l'État dans son ensemble. Certains sujets appellent cependant notre vigilance. La question des intermittents et de l'année blanche n'est pas éclaircie. Cela reste un sujet important faute de perspectives. Plus la situation perdure, plus on risque la disparition de compétences humaines et artistiques. Il reste aussi la question de l'application du dispositif de l'activité partielle à toutes les structures. Il est important de ne pas perdre des structures et des lieux, qui représentent aussi la diversité culturelle, que ce soit des structures publiques, parapubliques ou privées. Perdre un lieu conduit à perdre une chance d'accès à la culture pour les citoyens. Nous ne pouvons permettre que des territoires, pour des raisons de statut des structures, se trouvent dépossédés de lieux d'accès à culture. En matière d'extension du crédit d'impôt, il ne faut pas considérer qu'il existe une hiérarchie entre l'art dramatique, la danse et d'autres expressions des arts vivants. Les arts visuels sont encore une fois moins soutenus et moins identifiés. Ils n'ont pas de régime d'assurance chômage et ils sont en train de disparaître.

D'autres sujets restent en souffrance depuis plusieurs budgets, notamment les écoles d'architecture. Nous considérons que la dimension culturelle de l'architecture est un élément essentiel de la façon dont nos territoires se développent et participent au bien commun. Le statut des enseignants des écoles supérieures d'art territoriales n'est pas non plus réglé, ni l'accompagnement de la recherche. Je me demande aussi ce qu'est devenu le programme « micro-folies » qui faisait partie d'un projet innovant d'accès à la culture à travers des tiers lieux. Ces tiers lieux sont aussi moins présents dans le budget de la culture.

Concernant l'éducation artistique et culturelle, le budget est identifié, mais il n'y a pas de réflexion globale ni de rapprochement avec le ministère de l'éducation nationale dans sa mise en place, au-delà de quelques actions majeures et vendeuses. Beaucoup d'argent est investi sur le Pass culture, mais cela n'a de sens que si l'éducation artistique et culturelle a été bien menée depuis la petite enfance. Sinon, le Pass restera un objet mercantile.

Nous émettrons un avis favorable compte tenu de la réactivité et de l'engagement budgétaire, tout en soulignant ces sujets en souffrance. C'est peut-être l'opportunité pour le ministère et les collectivités de travailler ensemble pour dessiner les perspectives.

Mme Céline Brulin . - Nous partageons ces analyses sur l'intensité de la crise et sur le manque d'horizon pour établir des perspectives. Nous savons déjà que certaines mesures seront insuffisantes. Nous aimerions que le gouvernement se montre plus prêt au dialogue pour travailler sur des pistes de nature à rassurer les acteurs. Je suis d'accord pour un soutien renforcé au spectacle vivant sans exclure certains domaines. Je rejoins aussi ce qui a été dit sur les écoles d'architecture et les écoles d'art.

J'insiste sur le devenir des intermittents. L'année blanche est positive, mais il faudrait se projeter dans le plus long terme pour éviter que les acteurs ne meurent. Je rejoins aussi les propositions sur les lieux labellisés. Certaines activités échappent encore au bénéfice du dispositif de l'activité partielle et nous devons agir de concert pour l'obtenir. Je rejoins aussi ce qui a été exprimé sur le Pass culture. Voilà un sujet sur lequel il faudrait ouvrir un réel débat sur des redéploiements possibles. Sylvie Robert évoquait les phénomènes de concentration qui peuvent se renforcer avec cette crise. Le Pass culture va moins que jamais favoriser la diversité culturelle ; il soutient davantage des plateformes qui s'enrichissent en faveur de la crise.

Sur le rôle des collectivités territoriales qui en font beaucoup, je rappelle qu'elles sont aussi en difficulté financière avec des arbitrages difficiles dont la culture pourrait pâtir. J'exprime aussi mon incompréhension sur l'impossibilité de faire des cours d'instruments individuels pour les premier et deuxième cycles, alors que ces cours individuels sont peut-être moins compatibles avec les exigences sanitaires que les cours collectifs.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces crédits.

M. Julien Bargeton . - Cette crise est un choc terrible et très brutal pour tous les acteurs culturels : plasticiens, monde du spectacle vivant, musique... Cette situation a aussi renforcé parfois les inégalités et je pense que c'est le moment de se rappeler que l'accès à la culture est fondamental pour lutter contre elles.

Je voudrais insister sur la hausse importante des crédits du programme 361, soit 33 % de plus. De manière générale, je voudrais rappeler l'importance de l'effort réalisé pour 2021. Le programme « création » est en hausse de 4,5 %. On atteint des montants importants pour le spectacle vivant. L'engagement du Plan de relance est substantiel et toutes les subventions sont versées par anticipation. Je note aussi le dégel de la réserve de précaution, le soutien à divers labels et les crédits complémentaires ouverts. Cet effort d'accompagnement est inédit en cette période de crise.

Sur le sujet des crédits d'impôt, un amendement du gouvernement a créé notamment le crédit d'impôt théâtre. Je souhaiterais demander à la rapporteure de faire un point sur ce qui ressort du débat en première lecture à l'Assemblée nationale sur le sujet, pour savoir sur quoi portera le débat.

M. Lucien Stanzione . - Dans le cadre de mes nouvelles fonctions dans cette commission, j'ai visité les différents organismes de spectacle vivant à Avignon. La situation est vraiment catastrophique. Les compagnies du off, l'ensemble des petites compagnies non subventionnées qui ne peuvent plus travailler, se demandent à quoi ressemblera la saison 2021 des festivals. Nous avons posé la question à la ministre, qui est demeurée évasive dans sa réponse. Or les troupes de théâtre et les lieux de théâtre ne peuvent plus attendre, ils veulent savoir comment va se préparer la nouvelle saison, s'il y en a une.

Je soutiendrai l'avis de la rapporteure.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Je voudrais souligner que le gouvernement a apporté des solutions financières, même s'il l'a fait parfois un peu tard. Il est certain que le jour où les intermittents ne seront plus rémunérés, le spectacle vivant souffrira. Ceci dit, la situation est très compliquée financièrement pour l'État.

Je souscris à la nécessité d'être attentifs à la façon dont les crédits annoncés « ruissellent » jusqu'aux scènes. Je souhaiterais un suivi précis de ce sujet, car la différence entre ce qui est annoncé pour les secteurs et ce à quoi ils peuvent avoir droit est souvent importante.

Sur le Pass culture, je constate qu'une nouvelle fois, l'argent coule à flots alors que le monde du spectacle est à l'arrêt. La raison en est simple : il s'agit d'une promesse qui figurait dans le programme d'Emmanuel Macron lorsqu'il était candidat à la présidence de la République. Il faut donc qu'elle soit concrétisée avant 2022. Pourtant ce projet n'a guère de sens au regard de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui la culture dans notre pays. Le Pass culture devrait atteindre en 2021 59 millions d'euros. Le monde de la culture juge, à raison, un tel montant insupportable.

Mme Claudine Lepage . - Merci pour ce rapport complet qui aborde tous les secteurs.

Je me limiterai à quelques remarques sur le programme 131, sur le spectacle vivant particulièrement touché par la crise sanitaire et sur les mesures prises pour lutter contre l'épidémie.

Ce secteur n'a pas été considéré comme essentiel, mais l'État a montré son attachement au spectacle vivant en inscrivant 220 millions d'euros en autorisations d'engagement et 185 millions d'euros en crédits de paiement en faveur du spectacle vivant privé et en favorisant le recours aux crédits d'impôt dans la musique et dans l'art dramatique. Je trouve dommage que d'autres formes d'art vivant n'y aient pas accès. Nous soutiendrons donc les amendements proposés par Sylvie Robert à ce sujet.

L'incertitude quant à la durée de la crise sanitaire n'efface pas les inquiétudes. Nous nous inquiétons sur les modalités de mise en oeuvre de l'année blanche pour les intermittents du spectacle et sur sa possible prolongation. Des inquiétudes existent aussi sur les modalités de reprise des activités culturelles en 2021, et notamment des festivals qui font vivre nos territoires. Face à l'incertitude, certaines structures pourraient annuler des festivals plusieurs mois à l'avance. Un meilleur accompagnement des festivals est donc nécessaire au niveau de l'État.

Le risque de faillites de structures culturelles qui doivent faire face aux loyers et charges ne doit pas être écarté et doit faire l'objet d'un suivi précis en 2021. Globalement, eu égard au manque de visibilité, l'ensemble du secteur culturel devra faire l'objet de notre attention tout au long de l'année 2021.

Le groupe socialiste émet un avis favorable et votera les crédits même s'ils restent bien en deçà des besoins.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Merci pour ce diagnostic précis qui nous permet de nous fixer des objectifs pertinents. Chacun d'entre nous mesure, dans nos territoires, la détresse des artistes et des techniciens. Il a fallu beaucoup de temps pour que soit énoncé un plan d'urgence pour la culture, avec un décalage dans le temps par rapport à ce qui se passait dans les collectivités territoriales. Les structures ont par ailleurs connu des problèmes pour gérer les festivals, faute de consignes claires concernant leur report. De même, certains festivals ont été annulés sans bénéficier du retour des assurances. Ce sujet a concerné aussi les structures culturelles, pénalisées par le manque d'anticipation, alors qu'elles avaient demandé cet effort dès le printemps. Elles ont fait de leur mieux à la rentrée pour offrir des programmations, mais les directives changeaient tous les quinze jours. Malgré les protocoles sanitaires drastiques établis dans les salles de spectacle, nos structures ont dû se réadapter et revoir leurs ambitions. La situation est vraiment très compliquée.

Merci d'avoir pointé l'investissement des collectivités territoriales qui financent les deux tiers du spectacle vivant. Les structures labellisées, pôles ressources pour les territoires référents, autour desquelles tout un écosystème gravite, ont pu résister grâce aux subventions versées par les collectivités. Ces structures ont elles-mêmes des comportements vertueux, elles ont continué à passer des commandes et à verser des salaires. Mais on ne sait pas combien de temps ce système tiendra.

S'agissant du dispositif de l'activité partielle, il serait bon de demander des clarifications sur la subvention compensatoire proposée par le ministre Franck Riester pour les établissements publics qui ne peuvent pas en bénéficier. Les critères n'en sont pas clairs. Le droit du travail devrait permettre, par souci d'égalité, que tous les établissements qui cotisent à l'assurance chômage bénéficient, pour leurs salariés, du chômage partiel. Ce versement de subvention serait une dérogation au droit commun et nous devons connaître son fonctionnement. Nous sommes donc en contact avec la ministre du Travail pour essayer d'avancer sur ce sujet.

Je pense aussi qu'il est temps de structurer la filière des arts plastiques et que cette crise en est l'opportunité. C'est la rare filière à ne pas l'être, et donc à ne pas pouvoir se défendre.

S'agissant du Pass culture, je supprimerais pour ma part ces 59 millions d'euros pour les reverser à l'EAC (éducation artistique et culturelle). Mais nous savons bien que ce projet prospérera jusqu'à la fin du quinquennat, c'est une promesse du Président de la République.

Sur le programme 361, j'attire votre attention sur la filière musique de patrimoine et de création, toujours non traitée. Il n'y a pas de politique publique sur la question de la formation, des orchestres installés ou indépendants. Le Centre national de la musique mènera-t-il cette politique, en tant qu'agent de l'État délégué sur ces missions ? Ou est-ce qu'un certain nombre de missions resteront entre les mains de la direction générale de la création artistique ? Nous n'avons pas la réponse. Je m'étonne aussi que les conservatoires soient à l'arrêt, alors qu'ils sont subventionnés par l'éducation nationale, notamment dans le cadre des cursus aménagés.

Mme Laure Darcos . - Je voulais revenir sur la décision de la Cour européenne de justice relative aux organismes de gestion collective. L'aide qu'ils apportent à la création, aux festivals et aux spectacles va fortement diminuer. Si l'effet de cette décision était rétroactif, il entraînerait une perte de l'ordre de 140 millions d'euros. Avons-nous les moyens de compenser ce manque dans le fléchage budgétaire ? Ce sujet majeur aura des répercussions sur les années à venir.

M. Laurent Lafon , président . - Je pense que c'est une bonne idée d'exercer notre mission de contrôle sur les crédits annoncés. Nous pouvons nous poser des questions sur la différence entre l'annonce et la réalité, sans préjuger de quoi que ce soit. Sur la capacité de « ruissellement », nous pouvons nous interroger sur la capacité de l'État à diffuser les sommes annoncées sur l'ensemble des territoires et des acteurs, ce qui justifiera un contrôle de notre part. Je reviens aussi sur la question connexe de l'articulation entre les financements des collectivités et ceux annoncés par l'État dans les différents plans. Nous en rediscuterons, y compris du bon tempo pour effectuer ce contrôle. Je réponds avec intérêt à la sollicitation de la rapporteure.

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis . - La crise a révélé la fragilité du secteur et nous devons nous poser la question de son organisation. Son modèle n'aurait-il pas atteint ses limites ? Cela pourrait donner lieu à un travail prospectif.

La question de l'Opéra de Paris doit être regardée. Je ne sais pas comment ont été calculés les 80 millions d'euros injectés, mais c'est un problème plus profond et très préoccupant, à suivre de près.

Pour revenir sur les « micro-folies », 3 millions d'euros ont été budgétés comme l'an passé. J'en profite pour vous dire qu'à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, 45 millions d'euros sont destinés à des tiers lieux. Au-delà des secteurs subventionnés, des secteurs privés, des associations qui accomplissent un travail remarquable, les tiers lieux sont invisibles pour le ministère de la Culture. Ils peuvent toutefois prétendre à des soutiens au niveau du ministère de la Cohésion des territoires, notamment via ces 45 millions d'euros. Ce serait intéressant de mener un débat notamment avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, car cela touche la dimension culturelle. Ce champ est en dehors de notre périmètre et je trouve cela dommage.

Nous serons évidemment amenés à demander le prolongement de l'année blanche pour répondre à la réalité du travail des artistes.

En matière de crédits d'impôt, les députés ont assoupli le crédit d'impôt spectacle vivant sur l'année 2021 et 2022, notamment le critère relatif au nombre de représentations obligatoires. Les quatre représentations par an dans trois lieux ont été remplacées pour deux représentations par an sur des lieux différents. Ils ont par ailleurs prolongé l'existence de ce crédit d'impôt jusqu'en 2024. Je vous propose de compléter ce crédit d'impôt en bonifiant le taux pour 2021 et 2022, années du Plan de relance. Ces trois piliers, à savoir l'assouplissement, la prolongation et la bonification du taux, seront profitables pour les acteurs. Un nouveau crédit d'impôt théâtre a été créé jusqu'en 2024, mais pour le théâtre au sens d'oeuvres dramatiques. Je propose d'en élargir son périmètre et d'en bonifier le taux.

Sur le Pass culture, je n'en dirai pas plus, si ce n'est que la question de la transparence et du contrôle me semble indispensable.

En conclusion, le secteur manque vraiment de visibilité et a souffert du manque d'anticipation. Il est question aujourd'hui de rouvrir le 1 er décembre les commerces non essentiels, mais aucune annonce ne concerne jusqu'ici ni la culture ni le théâtre. Un message du gouvernement pour rassurer les acteurs me semble donc indispensable pour anticiper et accompagner. Nous l'avions demandé pour les festivals et nous n'avons reçu aucun message en ce sens. Or les consignes ne sont pas claires. La clause de service fait a été bien respectée au premier confinement, mais cela devient difficile. Les collectivités territoriales sont en fin d'exercice budgétaire, elles ont du mal à se projeter et certains lieux n'ont pas reçu de subventions. À cela s'ajoute le problème des loyers. Bruno Le Maire a annoncé un crédit de 50 millions d'euros de compensation pour les loyers des commerces. J'espère que dans le décret il sera élargi à tous les lieux culturels privés.

Je donne un avis favorable à l'adoption des crédits, mais il ne faut pas oublier toutes les réserves pour que ces crédits se traduisent dans les territoires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2021 .

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