II. TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN AXE ESSENTIEL DE TRAVAIL DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À L'AUNE DE CETTE CRISE

A. UN SIGNAL POLITIQUE ENCORE NÉCESSAIRE EN DIRECTION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE

1. Un effort budgétaire important pour la rénovation des écoles de l'enseignement supérieur culture et le développement du numérique

Les 99 établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la culture devraient bénéficier d'une dotation importante de 70 millions d'euros au titre du plan de relance.

Pour 64,5 millions d'euros, ces crédits visent à financer un plan de rénovation des bâtiments , qui devrait concerner 14 des 40 établissements publics nationaux que compte l'enseignement supérieur culture (ESC) 5 ( * ) . Aucune indication n'a cependant été donnée sur la manière dont les établissements concernés ont été sélectionnés. Plusieurs écoles aujourd'hui vétustes et dont les capacités d'accueil sont sous-dimensionnées par rapport au nombre de leurs étudiants, à l'image de l'École nationale supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-La Villette, ne sont pas mentionnées.

Les 5,6 millions d'euros restants devraient financer l'accélération de la digitalisation des écoles , la crise sanitaire ayant révélé la nécessité d'améliorer leur capacité à assurer leurs pédagogies à distance.

Les crédits destinés aux établissements d'enseignement supérieur pour 2021 inscrits sur la mission « Culture » progressent eux aussi, même si dans des proportions moindres. Les étudiants, dont la crise sanitaire a aggravé la situation, en sont les bénéficiaires essentiels. Les nouveaux crédits alloués à l'action 1 et les économies réalisées en matière d'investissements grâce à leur prise en charge au titre du plan de relance permettent de dégager près de 8 millions d'euros de mesures nouvelles, principalement répartis entre :

- la mise en place d'un Plan étudiant de 4,3 millions d'euros, dont 2,3 millions d'euros pour améliorer les conditions de vie et d'études, en particulier en matière de restauration, et 2 millions d'euros pour soutenir l'insertion professionnelle des étudiants (développement du monitorat-tutorat, création d'outils numériques facilitant la mise en relation avec le secteur professionnel, développement des offres de résidences...) ;

- un rebasage de 3 millions d'euros des bourses sur critères sociaux , qui pourraient atteindre 25,06 millions d'euros après avoir baissé en 2019 et 2020.

Pour le reste, les crédits restent stables. Les dotations des établissements sont préservées. Les crédits destinés à la structuration de la recherche dans les écoles d'art sont maintenus à un million d'euros. Les crédits destinés à la recherche dans les écoles nationales supérieures d'architecture, inscrits sur l'action 4 « recherche culturelle et culture scientifique et technique » de ce même programme restent également inchangés à 1,19 millions d'euros. Alors qu'un projet de loi de programmation de la recherche est en discussion au Parlement, cette absence de revalorisation des crédits de recherche surprend d'autant plus que la reconnaissance de la recherche dans ces établissements constitue un enjeu majeur pour assurer leur attractivité et leur compétitivité internationales dans les années à venir. Le ministère de la culture a assuré votre rapporteure pour avis que la nouvelle délégation réaliserait courant 2021 un état des lieux et des besoins de l'enseignement supérieur culture en matière de recherche, qui lui servira de base de réflexion sur la place à accorder à la recherche dans les cursus des écoles.

2. Un besoin de clarification rapide des ambitions du ministère de la culture pour les écoles d'architecture et les écoles d'art

Après une année marquée par un mouvement de grève au sein des ENSA pour dénoncer leur manque de moyens, l'absence de revalorisation, en 2021, des crédits destinés aux établissements d'enseignement supérieur en tant que tels n'incite pas à l'optimisme quant au règlement rapide des difficultés rencontrées par les établissements de l'ESC. Trois sujets sont pourtant aujourd'hui extrêmement sensibles.

a) La question des moyens alloués aux ENSA

Les dotations des ENSA sont faibles en comparaison de celles allouées aux établissements universitaires. Elles diffèrent d'ailleurs d'une ENSA à l'autre. La dépense moyenne par étudiant en ENSA est de 7 597 euros par an, contre 11 670 euros par an en moyenne dans l'ensemble de l'enseignement supérieur. Cette faiblesse des dotations obère de plus en plus leur capacité à accueillir dans de bonnes conditions leurs étudiants et les prive de la possibilité de se développer, malgré la forte attractivité de leurs formations.

Même si les ENSA ont obtenu, dès 2018, une réforme visant à les rapprocher du modèle universitaire et à développer leur ancrage territorial, avec la mise en place d'un nouveau statut pour leurs établissements et la création d'un corps d'enseignants-chercheurs, cette réforme ne s'est pas accompagnée de l'octroi de moyens appropriés pour la mettre en oeuvre . L'engagement en 2017 des deux ministères de tutelle, le ministère de la culture, et le ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation (MESRI), de créer 150 équivalents temps plein d'enseignants-chercheurs sur cinq ans, répartis à parts égales entre les deux ministères, n'a pas été respecté. Fin 2020, 75 postes ont été créés sur les 150 annoncés, dont 45 par le ministère de la culture et 30 par le MESRI. Seuls 5 postes sur les 30 attendus ont été ouverts en 2020, intégralement inscrits sur les crédits du ministère de la culture.

Il apparaît important que l'État clarifie rapidement ses ambitions pour les ENSA, sous peine d'un décrochage progressif de ces écoles, qui aurait des effets désastreux sur la diffusion de la culture architecturale et la bonne prise en compte par la France des enjeux écologiques en matière de bâti. Un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles est attendu sur le sujet d'ici la fin de l'année. La commission de la culture espère qu'il permettra aux deux ministères de tutelle de prendre au cours de l'année 2021 les mesures qui s'imposent.

b) Le statut des enseignants des écoles supérieures d'art territoriales

S'agissant des écoles d'art, la réforme du statut des professeurs des écoles d'art territoriales (PEA) reste au point mort , alors même que la réforme du statut des professeurs des écoles d'art nationales (PEN) a partiellement abouti après plus de trois années de chantier. Un premier décret, en date du 28 janvier 2020, a permis de revaloriser leur grille de rémunération, qui s'apparente désormais à celle des enseignants agrégés du secondaire. Le second décret destiné à faciliter leurs activités de recherche n'est pas encore paru.

Quoi qu'il en soit, ces premières avancées en faveur des écoles nationales risquent de creuser l'écart entre les écoles d'art nationales et les écoles d'art territoriales , le statut des enseignants de ces dernières étant plus proche de celui des enseignants certifiés du secondaire, quand bien même les enseignants des écoles d'art nationales et ceux des écoles d'art territoriales remplissent les mêmes missions d'enseignement supérieur. Le statut des PEA n'est pas compatible avec le développement des activités de recherche, ce qui pourrait compromettre, à terme, leur accréditation à délivrer des diplômes de niveau doctorat. Mais, à ce stade, les différentes propositions sur la table suscitent des réserves : la direction générale des collectivités locales s'oppose à la création d'un cadre d'emploi spécifique pour les enseignants des écoles supérieures d'art territoriales, tandis que l'intégration des PEA des seules écoles supérieures d'art territoriales dans le corps des PEN se traduiraient par un coût élevé pour le ministère de la culture.

Il s'agit cependant d'une question essentielle pour l'avenir de l'enseignement des arts dans nos territoires et la cohérence du réseau des écoles supérieures d'art. Les dangers associés au maintien du statu quo sont chaque jour plus grands. La commission de la culture est favorable à la reprise de la concertation entre les collectivités territoriales et les différents ministères concernés (ministère de la culture, ministère de l'intérieur, ministère de l'action et des comptes publics), afin de poursuivre les discussions qui engagées à l'occasion du premier CTC en octobre 2019. Une mission conjointe pourrait être confiée en 2021 à l'inspection générale des affaires culturelles, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et l'inspection générale de l'administration.

c) Les difficultés autour de Parcoursup

L' intégration des établissements de l'ESC dans Parcoursup constitue un dernier enjeu sur lequel des concertations entre le ministère de la culture et les établissements s'avèrent nécessaires. Si leur présence sur Parcoursup peut améliorer la visibilité des établissements et facilite les démarches des étudiants, elle soulève aussi un certain nombre de difficultés pratiques, en obligeant les écoles à s'aligner sur la procédure d'examen d'entrée définie par Parcoursup et son calendrier, mais aussi techniques, dans la mesure où les capacités du système se sont révélées insuffisantes pour permettre la transmission des dossiers des étudiants postulant aux écoles d'art. Elle pourrait aussi limiter les capacités de ces établissements à accueillir des étudiants qui ne seraient pas fraichement bacheliers ou des étudiants étrangers, si aucune voie alternative de recrutement n'était prévue.


* 5 Le plan devrait notamment permettre la relocalisation des activités du bâtiment Lenoir de l'ENSA Paris-Malaquais, la première phase de la restauration du clos et du couvert de la Petite écurie du Roi de l'ENSA Versailles, la réhabilitation des ateliers du parc de l'ENSA Normandie, la construction d'un amphithéâtre à Vaux-en Velin pour l'ENSA de Lyon, la réhabilitation du bâtiment Pyramide pour l'ENSA de Bordeaux, la restauration du clos et du couvert du bâtiment Eldin et une extension en toiture pour l'ENSA de Lille, la création et l'équipement d'un Fab-lab en technologies numériques de conception et de fabrication dans l'ENSA de Grenoble, la ventilation des salles et studios, le remplacement de l'éclairage, le renouvellement matériel numérique et le studio 3 D du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et les travaux sur la rue, la suite du schéma directeur en cours (phase 1) pour les travaux urgents de mise en sécurité de l'École nationale supérieure de création industrielle, des travaux sur les accueils à l'École nationale supérieure des beaux-arts ; la réhabilitation du bâtiment Isère et l'aménagement d'une salle de répétition et de travail pour les musiciens au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, un laboratoire d'expérimentation et d'insertion professionnelle pour les étudiants du Centre d'art YGREC à l'ENSA Cergy, l'achèvement des travaux du clos et du couvert à l'ENSA de Limoges, et la rénovation de logements et d'ateliers et la création d'ateliers de production à l'Académie de France à Rome.

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