CHAPITRE
IX
DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE CONCURRENCE
Article
25
Transposition de la directive « ECN+ » et mesures
de simplification des procédures et renforcement de l'efficacité
des enquêtes
de l'Autorité de la concurrence
Introduit par lettre rectificative, cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, entend habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour :
- transposer la directive 2019/1 dite « ECN+ » 226 ( * ) , et notamment consacrer un principe d'opportunité des poursuites, renforcer ses pouvoirs en matière d'injonction structurelle et de mesures conservatoires et relever le plafond des sanctions qu'elle peut infliger ;
- adopter des mesures législatives complémentaires relatives à la simplification des procédures et enquêtes menées par l'Autorité de la concurrence et la DGCCRF. Ces mesures concerneraient essentiellement les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention préalablement aux opérations de visite et de saisie, les dérogations au principe de collégialité au sein de l'Autorité, la simplification de l'engagement de la procédure simplifiée par le rapporteur général de cette Autorité, l'accroissements des pouvoirs qu'elle détient en outre-mer et la clarification de la répartition des compétences entre l'Autorité de la concurrence et la DGCCRF.
La commission a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance au-delà de la seule transposition de la directive ECN+, une grande partie des mesures complémentaires envisagées par le Gouvernement étant inscrites directement aux articles 60 et 61 du projet de loi Audiovisuel, dont l'examen est actuellement suspendu à l'Assemblée nationale.
Par conséquent, elle a adopté un amendement COM-24 modifiant directement le droit du commerce pour y intégrer l'ensemble de ces mesures, tout en les complétant de nouvelles dispositions, notamment relatives à la suppression de l'avis de clémence élaboré par l'Autorité de la concurrence et à l'allongement du délai accordé aux parties pour présenter leurs observations à l'Autorité dans le cadre d'une procédure simplifiée.
I. Des procédures et des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence qui doivent être renforcés afin de gagner en célérité et en efficacité
L'Autorité de la concurrence, qui a remplacé en 2008 le Conseil de la concurrence crée en 1986 227 ( * ) , est une autorité administrative indépendante (AAI) qui « veille au libre jeu de la concurrence [et] apporte son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international » 228 ( * ) . Les attributions confiées à l'Autorité de la concurrence sont exercées par un collège composé de dix-sept membres, dont un président, nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie. Le président, quant à lui, est nommé par décret du Président de la République en raison de ses compétences dans les domaines juridique et économique.
L'Autorité remplit trois types principaux de missions :
• une mission de contrôle et d'autorisation préalable, le cas échéant sous conditions, des opérations de concentration économique les plus importantes sur le marché français 229 ( * ) , lorsqu'elles dépassent un certain seuil 230 ( * ) ;
• une mission de poursuite et de répression des pratiques anticoncurrentielles, qui recouvrent principalement les ententes 231 ( * ) et les abus de position dominante 232 ( * ) , sauf lorsqu'elles résultent de l'application de la loi ou du règlement ou lorsqu'elles sont bénéfiques pour le progrès économique « et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte 233 ( * ) ». Cette fonction découle des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;
• une mission consultative, dans laquelle elle rend des avis sur des problématiques de concurrence au bénéfice du Gouvernement, des commissions permanentes du Parlement, des collectivités, des organisations professionnelles et syndicales, des organisations de consommateurs agréés, des chambres d'agriculture, de commerce et d'industrie, de métiers, et d'autres organismes publics 234 ( * ) .
Les articles 101 et 102 du TFUE
Ces deux articles sont le socle du droit relatif aux pratiques anticoncurrentielles.
L'article 101, qui traite des ententes, dispose que « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur ». Il est ainsi interdit pour des entreprises, par exemple, de se répartir des marchés, de limiter ou contrôler le développement technique ou la production, de subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
Toutefois, cette interdiction n'est pas générale : un accord ou une décision qui contribue à améliorer la production ou la distribution d'un produit, ou qui promeut le progrès technique ou économique, peut être autorisé sous conditions.
Aux termes de l'article 102, « est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ». Une pratique abusive peut, par exemple, prendre la forme de l'imposition de prix d'achat non équitables, ou l'application à l'égard de partenaires commerciaux de conditions inégales à des prestations équivalentes, ce qui lui infligerait de fait un désavantage dans la concurrence.
Les décisions de l'Autorité en matière de concentrations peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État ; celles en matière de pratiques anticoncurrentielles, quant à elles, peuvent faire l'objet d'un tel recours devant la cour d'appel de Paris puis, le cas échéant, devant la Cour de cassation.
L'application du droit de la concurrence en France, par ailleurs, fait l'objet d'une articulation singulière en Europe entre, d'une part, l'action de l'Autorité de la concurrence et, d'autre part, celle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), administration centrale dotée d'un réseau déconcentré.
Aux fins de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, le droit dérivé européen régit l'articulation entre l'action des autorités nationales de concurrence et celle de la Commission européenne (en termes de procédure, de répartition des compétences et dossiers, par exemple) et harmonise les pouvoirs minimums dont ces autorités nationales doivent être dotées. Autrement, un droit à deux vitesses émergerait, selon que les autorités nationales appliquent ces règles avec plus ou moins de rigueur, entraînant des distorsions de concurrence préjudiciables au bien-être du consommateur, à la productivité et à l'innovation.
C'est notamment l'objet de la directive dite « ECN+ » , que le Gouvernement entend transposer dans le présent article.
A. La directive « ECN+ » : un renforcement des pouvoirs des autorités nationales de concurrence
Antérieurement à cette directive, l'articulation entre le cadre national et le cadre européen était régie par un règlement de 2003 235 ( * ) , remplaçant un autre règlement de 1962, prévoyant désormais une application décentralisée du droit de la concurrence, la coordination entre autorités et Commission se faisant au sein d'un Réseau européen de concurrence (REC). Alors que la Commission disposait avant 2003 d'un monopole exclusif dans la mise en oeuvre de ce droit, le règlement est venu apporter une traduction concrète du principe de subsidiarité, l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur restant une compétence exclusive de l'Union. Ce faisant, cette articulation a permis à la Commission de concentrer ses ressources sur les infractions les plus graves aux règles de la concurrence, c'est-à-dire celles ayant une dimension transfrontalière.
Outre le droit européen de la concurrence, les autorités nationales sont également chargées d'appliquer, lorsqu'il existe, le droit national de la concurrence, qui peut poursuivre d'autres « objectifs légitimes » que l'intensité concurrentielle, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux du droit européen.
Bien que les apports de ce règlement soient largement salués 236 ( * ) , l'application effective du droit de la concurrence par les autorités nationales des États membres reste hétérogène. Partant du constat que « les droits nationaux empêchent de nombreuses ANC de disposer des garanties d'indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation d'amendes qui leur sont nécessaires pour mettre en oeuvre efficacement les règles de concurrence de de l'Union 237 ( * ) », la Commission a lancé en 2015 une consultation publique en vue d'harmoniser le fonctionnement de ces autorités. La directive 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite « ECN+ », en est le résultat.
Cette directive, qui doit être transposée avant le 4 février 2021, vise à doter les ANC d'un socle minimal de pouvoirs et garanties lorsqu'elles mettent en oeuvre le droit communautaire de la concurrence afin de limiter « les occasions manquées d'éliminer les barrières à l'entrée sur le marché et de créer, partout dans l'Union, des marchés concurrentiels plus équitables sur lesquels les entreprises peuvent se livrer concurrence sur la base de leurs mérites 238 ( * ) ».
Ses principales dispositions sont les suivantes :
• la directive fixe des garanties en matière de respect du droit de la défense (art. 3), d'indépendance des ANC (art. 4) et de ressources humaines, financières et techniques suffisantes (art. 5). En particulier, le point 5 de l'article 4 consacre un principe d'opportunité des poursuites, que l'Autorité de la concurrence en France ne détient pas encore (à l'inverse de nombre de ses homologues européennes). Concrètement, une autorité doit pouvoir rejeter une plainte au motif qu'elle ne la considère pas comme une priorité, ce qui doit lui permettre de consacrer ses moyens aux affaires qu'elle juge les plus importantes.
• elle les dote de pouvoirs minimaux en matière d'inspection de locaux (art. 6 et 7), de demandes d'information (art. 8), d'entretiens (art. 9) et de prise d'engagement (art. 12)
• elle prévoit un pouvoir général d' « imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée à l'infraction commise » , sous réserve du respect du principe de proportionnalité (art 10), c'est-à-dire un pouvoir général d'injonction structurelle et comportementale. Aujourd'hui, lorsque l'Autorité de la concurrence prononce une injonction, il s'agit quasi-exclusivement d'une injonction comportementale 239 ( * ) , n'ayant qu'un pouvoir limité en matière d'injonction structurelle ;
• elle requiert que les ANC « soient habilitées à agir de leur propre initiative, pour ordonner [...] l'imposition de mesures provisoires aux entreprises et associations d'entreprises » lorsqu'un préjudice grave et irréparable risque d'être causé à la concurrence (art. 11) ;
• la directive confère à leurs pouvoirs d'amende un large champ d'application (art. 13) et prévoit un montant maximal élevé en la matière puisqu'une telle sanction devra pouvoir atteindre 10 % du chiffre d'affaires mondial total de l'entreprise ou de l'association d'entreprises réalisée l'année précédente (art. 15). Elle fixe également l'étendue minimale du pouvoir d'astreinte (art. 16) ;
• le chapitre VI (art. 17 à 23) précise et clarifie le cadre de la politique de clémence (c'est-à-dire la possibilité d'accorder à une entreprise ayant mis en oeuvre une pratique prohibée une immunité ou une réduction d'amende lorsqu'elle contribue à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs) ;
• les chapitres VII (art. 24 à 28) et VIII (art. 29) définissent, respectivement, le cadre de la coopération entre ANC au sein du réseau européen de concurrence (demande de notification de griefs, d'exécution des décisions, etc.) et les règles relatives aux délais de prescription ;
• le chapitre IX (art. 30 à 33) concerne des dispositions générales (rôle des ANC devant les juridictions nationales, accès des parties au dossier, recevabilité des preuves, fonctionnement du REC).
Si les dispositions de la directive relatives aux pouvoirs de décisions (sanctions, injonctions, engagements) ne concernent en France que l'Autorité de la concurrence, cette dernière disposant d'une compétence exclusive pour l'application du droit européen de la concurrence (abus de position dominante et ententes), celles relatives aux pouvoirs d'enquête s'appliquent tant à cette Autorité qu'à la DGCCRF, les agents des deux entités procédant à des enquêtes de concurrence, en vertu des pouvoirs qui leur sont confiés par les articles L. 450-3 et 450-4 du code de commerce.
Peu de dispositions renforçant les pouvoirs d'enquête devront être transposées, le code de commerce contenant déjà la quasi-totalité de ces mesures. Interrogée par le Rapporteur à ce sujet, la DGCCRF lui a indiqué que l'article L. 450-4 dudit code devrait être modifié afin de renforcer la possibilité pour ses agents d'accéder aux informations pouvant être contenues dans des téléphones ou ordinateurs portables, supports mobiles et serveurs distants (« cloud »). En effet, l'article 8 de la directive précise que « l'obligation de fournir tous les renseignements nécessaires couvre les renseignements auxquels a accès ladite entreprise ou association d'entreprises ».
B. Au-delà de la transposition, une nécessaire simplification des procédures et enquêtes en matière de droit de la concurrence, pour plus de célérité et d'efficacité
Si l'entrée en vigueur du règlement n° 1/2003 a permis de fluidifier, accélérer et renforcer l'application du droit de la concurrence, certaines modalités des procédures et enquêtes menées par l'Autorité de la concurrence ou par la DGCCRF, régies par le droit national, peuvent encore gagner en simplification et en célérité. Un référé récent de la Cour des comptes 240 ( * ) a notamment pointé la longueur des délais de traitement des dossiers de pratiques anticoncurrentielles, « ces délais [nuisant] à l'efficacité de la régulation de la concurrence ».
a) Les opérations de visites et saisies (OVS) pourraient gagner en fluidité
Les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence habilités à cet effet par le rapporteur général peuvent procéder à toute enquête nécessaire à l'application des dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielles et aux opérations de concentration 241 ( * ) . Pour ce faire, ils disposent d'un pouvoir de visite de locaux et de saisie de documents et informations régi par l'article L. 450-4 du code de commerce. Ce pouvoir n'est toutefois utilisé que dans les affaires les plus complexes. En 2019, l'Autorité a ainsi conduit 8 opérations de visites et saisies sur la base de cet article. Parmi celles-ci, 3 opérations se sont déroulées dans le ressort de plusieurs juridictions. Les autres opérations ont concerné une seule entreprise.
En particulier, dans l'objectif de concilier l'efficacité des enquêtes et le respect des droits des entreprises, une visite ou une saisie ne peut avoir lieu que sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. La visite et la saisie s'effectuent alors sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. La loi prévoit également les cas où les OVS auraient lieu simultanément dans le ressort de plusieurs juridictions : dans ce cas, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents.
En cas d'autorisation, le juge désigne le chef de service qui devra nommer les officiers de police judiciaire (OPJ) chargés d'assister à ces opérations, qui ne peuvent avoir lieu qu'entre six heures et vingt-et-une heures, et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement. Plusieurs OPJ peuvent donc accompagner les équipes d'enquête sur un même lieu.
Les auditions menées par le rapporteur font ressortir que le droit actuel rigidifie inutilement la procédure, pour un gain nul en termes de droit de la défense.
D'une part, si l'alinéa premier de l'article L. 450-4 prévoit qu'une ordonnance unique peut être délivrée par un JLD lorsque l'opération a lieu simultanément dans le ressort de plusieurs juridictions, l'Autorité de la concurrence déplore le fait que l'interprétation qui est faite de ces dispositions l'oblige, dans les faits, à signifier à chaque JLD de chaque juridiction concernée l'ordonnance unique délivrée par le premier JLD. Le gain de temps attendu de cette unicité de l'autorisation judiciaire serait donc contrebalancé par une procédure de notification particulièrement chronophage.
D'autre part, la loi prévoit que lorsqu'un JLD a autorisé une OVS hors de son ressort, il délivre une « commission rogatoire » au JLD dans le ressort duquel s'effectue la visite pour en exercer le contrôle. Le JLD local, investi du contrôle de l'opération, peut alors statuer sur les incidents pendant les OVS ou au besoin se rendre dans les locaux pendant l'intervention et décider, à tout moment, de la suspension ou de l'arrêt de la visite. Or il semble plus efficace de confier le contrôle de l'exécution des opérations à un seul juge, à savoir celui qui les a autorisées. Cette possibilité faciliterait le travail du JLD interrogé en cas d'incident, garantirait aux parties une décision plus éclairée et plus rapide puisque le JLD interrogé connaîtrait déjà le dossier et assurerait un traitement homogène des problèmes susceptibles de survenir sur différents sites visités.
Enfin, le droit en vigueur permet la présence de plusieurs OPJ sur chaque lieu visité, ce qui soulève une problématique de disponibilité des ressources humaines (59 OPJ ont été mobilisés en 2019 pour les 8 opérations de l'Autorité). En effet, concrètement, lorsque les services d'instruction de l'Autorité procèdent à une telle opération, ils se répartissent par équipes selon les actions à mener (l'une exploite les ordinateurs, l'autre les archives, etc.), un OPJ accompagnant chaque équipe. Or en cas d'incident (si une entreprise conteste la saisie d'un document, par exemple), une réunion est provoquée à laquelle participent le chef d'équipe de l'Autorité, le dirigeant de l'entreprise ou la personne responsable et les avocats de l'entreprise en cause. L'apport des OPJ lors de ces opérations reste donc limité, réduisant la pertinence d'une telle immobilisation de ressources.
En outre, ainsi que le note le député Éric Bothorel dans son avis fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur le PJL Audiovisuel, « il convient de noter que la présence de plusieurs officiers de police judiciaire n'est pas exigée dans le cadre des procédures de contrôle conduites par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et la direction générale des finances publiques (DGFIP) ».
b) La prise de décision au sein de l'Autorité de la concurrence pourrait être simplifiée et accélérée
Aux termes de l'article L. 461-3 du code de commerce, l'Autorité peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente, ces formations délibérant à la majorité des membres présents. Dans un objectif de célérité, la loi prévoit des dérogations au principe de collégialité, le président, ou un vice-président désigné par lui, pouvant adopter seul certaines décisions :
• les décisions d'irrecevabilité 242 ( * ) d'une saisine (pour défaut d'intérêt, de qualité à agir, si les faits sont prescrits) ou de rejet (si les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de compétence de l'Autorité, si les éléments versés au dossier ne sont pas probants, par exemple) ;
• les décisions 243 ( * ) consécutives à un refus de l'entreprise de transiger ou à une inexécution des injonctions, à la condition que le ministre de l'économie ai saisi l'Autorité de ces faits ;
• les décisions 244 ( * ) relatives à la phase 1 du contrôle des opérations de concentration ;
• certaines décisions 245 ( * ) relatives à la phase 2 de ce contrôle. Il s'agit des décisions de révision ou de mise en oeuvre de l'autorisation, de l'interdiction ou de l'autorisation sous conditions, des opérations de concentration.
En 2019, 3 décisions ont été rendues par le président ou un vice-président seul (2 rejets pour défaut d'éléments probants et 1 rejet pour des faits déjà traités par une autre autorité nationale de concurrence).
D'autres types de décisions pourraient faire l'objet d'une dérogation au principe de collégialité dans un objectif de simplification et de célérité, notamment lorsqu'elles ne conduisent pas à des sanctions, comme les décisions de saisine d'office ou de révision d'engagement.
c) Le recours à la procédure contradictoire simplifiée pourrait encore être élargi
En matière de pratiques anticoncurrentielles, la procédure contradictoire « de droit commun » devant l'Autorité repose sur le principe du « double tour écrit », régi par les dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce, suivi d'un tour oral, cette organisation particulière étant singulière au sein de l'UE 246 ( * ) :
• la phase contradictoire débute à partir de la notification des griefs aux intéressés (ainsi qu'au commissaire du Gouvernement), lorsqu'elle existe, qui peuvent présenter leurs observations dans un délai de deux mois ;
• à l'issue de ce premier tour écrit, un second tour démarre, initié par la notification du rapport aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés, accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les parties. Ce rapport répond, entre autres, aux observations formulées par les parties à la suite de la notification des griefs. Ces dernières disposent de deux mois pour présenter un mémoire en réponse ;
• à l'issue de ce double tour, une séance orale est organisée devant le Collège de l'Autorité, organe décisionnel en vertu du principe de séparation entre l'instruction et la décision.
Le délai d'une procédure devant l'Autorité varie donc selon de nombreux facteurs : selon la qualité des informations contenues dans la saisine, le nombre de parties mises en cause 247 ( * ) , le type de pratiques en cause, la complexité des pratiques dénoncées 248 ( * ) , le caractère inédit de la pratique en cause, l'instruction des demandes de clémence, le recours des parties contre les opérations de visite et saisie et/ou contre les décisions de secret des affaires, etc.
Aux termes de l'article L. 463-3 du code de commerce, le rapporteur général peut, lors de la notification des griefs aux parties, décider que l'affaire sera examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport, éliminant par conséquence le deuxième tour écrit de contradictoire. Dans les faits, une telle décision est prise lorsque l'affaire n'est pas particulièrement complexe, lorsqu'elle ne fait pas apparaître de faits nouveaux, ou qu'elle concerne un faible nombre d'entreprises. Ainsi, en 2019, 13 notifications de griefs ont été notifiées dont 6 selon la procédure simplifiée, soit 46 %.
Selon l'Autorité de la concurrence, l'établissement d'un rapport dans ces cas de figure fait en effet « doublon » avec la notification des griefs, et rallonge d'autant la procédure, puisque les observations des parties consécutives à cette notification ne font pas apparaître d'éléments nouveaux justifiant d'approfondir, compléter ou amender la position du rapporteur. En outre, dans ces affaires simples, les déterminants de la sanction encourue sont bien souvent énoncés dès la notification des griefs.
Par ailleurs, lorsque l'Autorité statue selon la procédure simplifiée, elle peut prononcer des injonctions et prononcer des sanctions pécuniaires, mais le montant de ces dernières ne peut dépasser 750 000 euros pour chacun des auteurs de pratiques prohibées 249 ( * ) .
d) L'information préalable de l'Autorité pour toute révision de prix ou tarifs réglementés ne semble pas utile
L'article L. 462-2-1 du code de commerce prévoit qu'à la demande du Gouvernement, l'Autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés suivant :
• les prix réglementés dans les zones où la concurrence est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires 250 ( * ) ;
• les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires, les droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires 251 ( * ) .
L'Autorité peut, par ailleurs, prendre l'initiative d'émettre un tel avis, rendu public au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.
Le dernier alinéa de cet article L. 462-2-1 du code de commerce prévoit, enfin, que le Gouvernement informe l'Autorité de tout projet de révision de ces prix ou tarifs réglementés, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.
L'intérêt de cette information préalable semble limité, l'Autorité de la concurrence ne considérant pas que l'information dont elle dispose soit substantiellement enrichie par cette disposition.
e) L'articulation des compétences entre l'Autorité et la DGCCRF gagnerait à être clarifiée
L'articulation des compétences entre la DGCCRF et l'Autorité en matière de pratiques anticoncurrentielles et la répartition des affaires entre ces deux institutions résultent d'une application combinée des dispositions des articles L. 450-5 et L. 464-9 du code de commerce.
En particulier, cet article L. 464-9 octroie au ministre chargé de l'économie le pouvoir d'enjoindre aux entreprises de mettre fin à leurs pratiques anticoncurrentielles lorsqu'elles « affectent un marché de dimension locale », ne concernent pas des faits relevant des 101 et 102 du TFUE, et sous réserve que le chiffre d'affaires que chacune d'entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d'euros et que leurs chiffres d'affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d'euros. Les enquêtes de la DGCCRF se concentrent donc sur les pratiques des PME, tandis que l'Autorité se concentre sur les affaires présentant des enjeux financiers importants ou une complexité juridique ou qui concerne des secteurs spécifiques.
Le ministre, par l'intermédiaire de la DGCCRF, peut également proposer à ces entreprises de transiger, auquel cas le montant de la transaction ne peut excéder 150 000 euros ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France si cette valeur est plus faible.
Depuis 2015, la DGCCRF a ainsi traité une douzaine d'affaires chaque année au titre de cet article (sauf en 2019, avec sept affaires) qui ont concerné entre 25 et 55 entreprises.
Concrètement, l'Autorité est systématiquement informée par la DGCCRF des enquêtes envisagées par ses services dans le cadre de cet article et, le cas échéant, de leur résultat. Elle dispose à ces deux stades de la faculté de se saisir d'office de ces affaires. Dans les faits, l'Autorité laisse quasi systématiquement à la DGCCRF le soin de traiter les affaires de pratiques anticoncurrentielles locales commises par des PME (sa dernière saisine d'office ayant eu lieu en 2013 252 ( * ) ). Par ailleurs, si les PME concernées n'acceptent pas les mesures proposées par la DGCCRF dans le cadre d'une procédure négociée, celle-ci doit saisir l'Autorité de l'affaire. Cette articulation s'inscrit dans une relation d'intérêt partagé entre les deux institutions, puisque la DGCCRF est en mesure d'apporter une solution négociée et rapide (entre quatre et dix mois après le lancement d'une procédure) à des pratiques anticoncurrentielles dont l'ampleur demeure modeste mais qui peuvent être préjudiciables aux entreprises, consommateurs et collectivités publiques.
L'Autorité de la concurrence et la DGCCRF considèrent toutefois que le critère du « marché de dimension locale » introduit une complexité contreproductive liée à la difficulté d'évaluer si une pratique se limite à un tel marché, tant dans son objet que dans ses effets. Par conséquent, la DGCCRF doit parfois traiter certaines affaires par de simples avertissements réglementaires, ce moyen d'action ayant une portée plus limité.
L'utilisation des injonctions et transactions en matière de pratiques anticoncurrentielles soulève donc encore certaines difficultés qui tiennent au champ d'application de ce dispositif et sa difficile appréhension.
f) Les pouvoirs détenus par l'Autorité de la concurrence en outre-mer doivent gagner en effectivité
Le jeu concurrentiel en outre-mer présente des spécificités, compte tenu des contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques, qui se traduisent, entre autres, par des prix et marges particulièrement élevés, source de tension sociale et de difficultés économiques 253 ( * ) . Dans son avis récent sur la concurrence en outre-mer, l'Autorité de la concurrence a ainsi constaté des différentiels de prix avec la métropole, pour les produits alimentaires, pouvant atteindre jusqu'à 38 % (en Martinique).
Par conséquent, l'Autorité y dispose de pouvoirs supplémentaires afin de faire du levier de la concurrence un outil efficace de baisse des prix.
Aux termes de l'article L. 752-27 du code de commerce, en cas d'existence d'une position dominante détenue par une entreprise (ou un groupe d'entreprises) exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, elle peut adresser un rapport motivé à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause si elle constate :
• d'une part, que cette concentration excessive porte atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée ;
• d'autre part, que cette atteinte se traduit, dans la même zone, par des prix ou des marges élevés pratiqués par l'entreprise ou le groupe d'entreprises en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné.
L'entreprise, ou le groupe d'entreprise, peut alors lui proposer des engagements dans un délai de deux mois, dans les conditions de droit commun 254 ( * ) .
Si l'entreprise ou le groupe d'entreprises conteste le constat établi par l'Autorité, ou ne propose pas d'engagements ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à l'atteinte à une concurrence effective, un rapport est alors notifié par l'Autorité de la concurrence à l'entreprise ou au groupe d'entreprises, qui peut présenter ses observations dans un délai de deux mois. Après réception des observations des parties, l'Autorité peut leur enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui permet les prix ou les marges élevés constatés. Elle peut également leur enjoindre de procéder à des cessions d'actifs si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective.
La rédaction actuelle est issue de l'article 39 de la loi « Macron 255 ( * ) » de 2015, qui a cependant complexifié la mise en oeuvre de ces pouvoirs par rapport à la situation préexistante, elle-même créée par la loi de 2012 relative à la régulation économique en outre-mer 256 ( * ) .
En effet, de 2012 à 2015, l'Autorité pouvait intervenir dès lors que la position dominante détenue soulevait des « préoccupations de concurrence ». En y substituant la notion d' « atteinte à une concurrence effective », la loi Macron a rendu particulièrement complexe l'utilisation de ce pouvoir, l'atteinte étant difficile à démontrer économiquement alors même que le faible respect du droit de la concurrence dans la distribution en outre-mer ne fait parfois aucun doute. L'Autorité déplore ainsi que « si l'injonction structurelle permet à l'Autorité de contraindre une enseigne à céder des magasins, ce dispositif est néanmoins assorti de conditions très restrictives 257 ( * ) ». Le standard de preuve exigé entraîne ainsi des difficultés opérationnelles difficilement surmontables, car supposant de disposer d'une masse très importante de données statistiques et financières.
Par ailleurs, en matière de préoccupation de concurrence, l'Autorité de la concurrence relève par exemple qu'« une part non-négligeable des groupes de distribution en outre-mer est également présente en tant que grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros. Cette intégration verticale (présence d'un acteur aux différents niveaux de la chaîne) est susceptible de soulever des risques de concurrence, en particulier en matière d'allocation des budgets de coopération commerciale (avantages tarifaires accordés par le fournisseur au distributeur pour la mise en avant de ses produits dans les rayons ou catalogues) ».
Aux côtés d'autres recommandations (simplifier le dispositif d'octroi de mer, renforcer l'efficacité du « Bouclier qualité prix », qui est une liste de produits courants qui doivent être vendus à un prix modéré, développer des labels de qualité, favoriser la vente en ligne), l'Autorité de la concurrence propose en particulier de :
• modifier la rédaction actuelle de l'article L. 752-27 du code de commerce afin de clarifier et de faciliter les conditions de mise en oeuvre du pouvoir d'injonction structurelle ;
• introduire dans le code de commerce une nouvelle disposition permettant de sanctionner le fait pour un acteur intégré disposant d'une exclusivité de fait de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupes.
II. Le dispositif envisagé : renforcer les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence, simplifier ses procédures et accélérer le traitement des dossiers
Le Gouvernement demande au Parlement, par le présent article, une habilitation à légiférer par ordonnance dans un délai de douze mois pour transposer la directive dite « ECN+ » et pour renforcer l'efficacité des procédures mises en oeuvre par l'Autorité de la concurrence et celle des enquêtes conduites par les agents de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation .
Il s'agit d'une reprise des dispositions des articles 60 et 61 258 ( * ) du texte du projet de loi n° 2488 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, adopté par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale mais dont l'examen en séance publique a été suspendu en raison de la crise sanitaire. Ces deux articles du PJL Audiovisuel sont eux-mêmes une reprise de l'article 211 de la loi Pacte, censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif.
Cependant, alors que les mesures envisagées qui ne découlent pas de la transposition de la directive ECN+ étaient directement inscrites dans le projet de loi, le Gouvernement souhaite désormais les édicter par voie d'ordonnance.
Il demande ainsi une habilitation pour prendre par ordonnance deux types de mesures :
• les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive ECN+ ;
• des mesures complémentaires relevant du domaine de la loi afin de renforcer l'efficacité des procédures mises en oeuvre par l'Autorité et les enquêtes conduites par les agents de la DGCCRF.
A. La transposition de la directive ECN+ implique plusieurs changements importants dans le droit national
Le droit français de la concurrence satisfait déjà grandement les exigences posées par le droit européen, comme en matière de protection des consommateurs ( cf. supra ). De nombreuses dispositions de la directive ECN+ figurent donc déjà dans notre droit (indépendance, garanties, ressources, pouvoirs d'inspection, mesures provisoires, etc.). Certaines, importantes, auront toutefois un impact sur le droit national :
• le principe d'opportunité (point 5 de l'article 4), dont ne dispose pas encore l'Autorité de la concurrence, celui envisagé par la directive étant bien plus large que le pouvoir qu'elle détient aujourd'hui de déclarer une saisine irrecevable ou de la rejeter. Il s'agit d'une mesure utile afin de lui permettre de conduire une politique de concurrence plus efficace en ciblant ses choix d'investigation pour optimiser ses ressources limitées. Interrogée par le rapporteur, l'Autorité indique qu'afin d'assurer la prévisibilité de son action, elle compte préciser les critères de recours à ce pouvoir dans un communiqué de procédure qui sera publié avant la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. Les rejets de dossiers qui seraient prononcés sur ce fondement seront motivés et susceptible de recours devant la Cour d'appel de Paris ;
• le pouvoir général d'injonction structurelle et comportementale (point 1 de l'article 10) afin « d'obliger [...] les entreprises ou associations d'entreprises concernées à mettre fin à [une] infraction » au droit de la concurrence. Aujourd'hui, l'Autorité ne peut prononcer d'injonctions structurelles que dans certains cas, notamment lorsqu'il y a un abus de position dominante ou de dépendance économique à la suite d'une opération de concentration 259 ( * ) et lorsque que de tels abus ont été commis par une entreprise ou un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail.
En outre, l'article L. 464-2 du code de commerce ne fait pas explicitement mention d'injonctions structurelles ou comportementales, mais de « conditions particulières » que l'Autorité peut imposer. La transposition devrait y intégrer ces termes.
L'Autorité a par ailleurs indiqué au rapporteur qu'elle ne ferait, vraisemblablement, qu'un usage relativement exceptionnel de ce pouvoir général d'injonction structurelle. Il pourrait trouver à s'appliquer, en particulier, dans le domaine du numérique, où un petit nombre de plateformes sont particulièrement puissantes, et où cette faculté d'injonction permettra de rétablir un rapport de force plus équilibré ;
• le pouvoir de s'autosaisir pour prononcer des mesures conservatoires (point 1 de l'article 11), alors qu'aujourd'hui l'Autorité de la concurrence doit nécessairement être saisie d'une demande de telles mesures par la partie plaignante, accessoirement à la saisine au fond. Elle ne peut donc agir de sa propre initiative (sauf en matière d'accord de coopération entre centrales d'achats, depuis la loi Egalim 260 ( * ) ), alors même que nombre d'entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles hésitent à la saisir, par peur de représailles économiques. À ce jour, l'Autorité a prononcé plus d'une vingtaine de mesures conservatoires, la dernière en date enjoignant à Google de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés 261 ( * ) ;
• le montant maximal d'amende (point 1 de l'article 15), qui ne pourra plus être fixé à un niveau inférieur à 10 % du chiffre d'affaires mondial total réalisé l'année précédente par l'entreprise ou l'association d'entreprises en cause. Cela implique, en droit français, de mettre fin au plafond d'amende de 750 000 euros prévu en cas de procédure simplifiée et à celui de 3 millions d'euros d'amende 262 ( * ) prévu dans le cas où le contrevenant n'est pas une entreprise (association d'entreprises, syndicat, ordres professionnels, etc.). La France est en effet le seul État membre doté d'un tel plafond de sanction, le calcul de l'amende ne prenant en compte ni le chiffre de l'organisme, ni celui de ses membres, et ces derniers ne pouvant pas être appelés à contribuer au paiement de la sanction ;
• la consécration du principe de la responsabilité financière des membres de l'association d'entreprises (points 3 et 4 de l'article 14). Désormais, en effet, lorsqu'une association d'entreprises ne sera pas solvable et ne pourra s'acquitter de l'amende infligée pour pratique anticoncurrentielle, elle sera tenue de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de l'amende ;
• l'harmonisation des règles de clémence, aujourd'hui inscrites dans un communiqué de procédure de l'Autorité de la concurrence 263 ( * ) , qui devront désormais être codifiées dans le code de commerce (au-delà des L. 464-2 et R. 464-5 qui régissent déjà, en partie, ses modalités de fonctionnement). En outre, le droit français devra être modifié afin de prévoir la possibilité pour les actuels et anciens directeurs, gérants et membres du personnel d'un demandeur de clémence de bénéficier d'une immunité pénale ou d'une réduction de sanction pénale ;
• la suppression du critère de « dommage à l'économie » dans le calcul de l'amende (point 1 de l'article 14), qui aujourd'hui figure à l'article L. 464-2 du code de commerce aux côtés des critères de gravité des faits reprochés, de la situation de l'entreprise sanctionnée et de l'éventuelle réitération des pratiques. La directive ne prévoit en effet que deux critères : la durée et la gravité. Outre la suppression du critère de dommage à l'économie, la transposition nécessitera donc également la mention formelle du critère de durée, bien que l'Autorité le prenne déjà en compte conformément à ses lignes directrices. En outre, en droit français, le critère de dommage à l'économie est source de d'insécurité juridique, car parfois confondu avec celui de dommage privé. Ainsi que le note l'étude d'impact qui accompagne le PJL Audiovisuel : « cette clarification est en ligne avec la pratique et la jurisprudence [...].L'ambiguïté de vocabulaire liée aux différentes acceptions de la notion de dommage induit en effet souvent des incompréhensions et des débats inutiles devant l'Autorité de la concurrence et les instances d'appel » ;
B. Les mesures complémentaires envisagées visent essentiellement à accélérer les procédures et enquêtes de l'Autorité de la concurrence
Le projet de loi prévoit de prendre, par ordonnance, les mesures suivantes :
a. Simplifier les opérations de visite et de saisie
Il envisage notamment de simplifier la saisine du juge des libertés et de la détention ainsi que le recours aux officiers de police judiciaire lors de ces opérations. Les dispositions initialement inscrites à l'article 60 du PJL Audiovisuel précisent les intentions du Gouvernement en la matière :
• il prévoit la présence d'un seul OPJ par site visité (et non plus un par équipe d'enquêteurs), ce qui semble une mesure utile afin d'allouer de façon optimale les ressources de la police judiciaire (et d'éviter que des OVS ne soient abandonnées faute de moyen humain) ;
• il prévoit que la commission rogatoire pour exercer le contrôle de l'opération, aujourd'hui délivrée au JLD dans le ressort duquel s'effectue la visite par le juge ayant autorisé l'opération, soit optionnelle et non plus obligatoire. Ainsi que le note le rapport du député Botherel ( cf. supra ), « le juge qui a autorisé les opérations de visite et de saisie pourra donc assurer lui-même le contrôle de leur déroulement, quel que soit le lieu où l'opération est réalisée ».
b. Étendre les dérogations au principe de collégialité de la décision au sein de l'Autorité de la concurrence
Correspondant au 2° de l'article 60 du PJL Audiovisuel, ces mesures consisteraient à élargir les cas dans lesquels le président de l'Autorité, ou un vice-président désigné par lui, peut statuer seul. Elles entendent compléter la liste prévue à l'article L. 461-3 du code de commerce et y adjoindre :
• les décisions prévues au III de l'article L. 462-5 du code de commerce, c'est-à-dire les décisions d'autosaisie de l'Autorité en cas d'opération de concentration non notifiée ou réalisée avant l'intervention de sa décision et de manquement aux engagements pris dans le cadre du contrôle de ces opérations de concentration. Ces décisions d'autosaisie doivent être, en tout état de cause, proposées par le rapporteur général ;
• les décisions de révision des engagements pris par les entreprises afin de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles.
c. Faciliter les possibilités de recours à la procédure simplifiée par le rapporteur de l'Autorité de la concurrence
Correspondant aux 4° et 5° de l'article 60 du PJL Audiovisuel, ces mesures consisteraient à :
• préciser que la décision du rapporteur d'engager la procédure simplifiée n'est pas susceptible de recours et qu'au vu des observations des parties destinataires des griefs, le rapporteur général pourra décider d'adresser un rapport aux parties selon les modalités prévues à l'article L. 463-2 ;
• supprimer l'article L. 464-5 du code de commerce, aux termes duquel la sanction maximale encourue en procédure simplifiée est de 750 000 euros. Deux raisons président à ce choix : d'une part, l'article 15 de la directive ECN+ retire la possibilité aux États membres de prévoir des plafonds de sanction moindres que ceux qu'il fixe ( cf. supra ) ; d'autre part, ce plafond financier pouvait désinciter le rapporteur général à engager la procédure simplifiée dans les cas peu complexes qui ne nécessiteraient pas, selon lui, trois tours de contradictoire mais devant tout de même déboucher sur des sanctions bien supérieures à ce plafond.
d. Supprimer l'information préalable de l'Autorité de la concurrence pour toute révision de prix ou tarif réglementé
Correspondant au 3° de l'article 60 du PJL Audiovisuel, cette mesure supprimerait le dernier aliéna de l'article L. 462-2-1 du code de commerce qui prévoit cette information préalable par le Gouvernement.
e. Supprimer le critère de « dimension locale » afin de clarifier la répartition des dossiers entre l'Autorité et la DGCCRF
Correspondant au 6° de l'article 60 du PJL Audiovisuel, ces mesures supprimeraient cette notion de l'article L. 464-9 du code de commerce, afin de clarifier le partage de compétences entre l'Autorité et la DGCCRF en matière de sanction de pratiques anticoncurrentielles.
f. Supprimer l'avis de clémence
Cette partie de l'ordonnance envisagée ne figurait pas dans l'article 60 du PJL Audiovisuel et est indépendante de l'harmonisation des règles de clémence prévue par la directive ECN+.
Interrogés par le rapporteur, le Gouvernement et l'Autorité indiquent souhaiter procéder à la suppression de l'avis de clémence que doit rendre aujourd'hui l'Autorité lorsqu'une entreprise lui formule son souhait d'entrer dans une telle démarche, et qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée. De fait, cet avis intervient très en amont de la procédure d'instruction (notamment lorsque l'entreprise est un « demandeur de type 1 », c'est-à-dire qu'elle contribue à révéler une infraction) et pose par conséquent plusieurs difficultés :
• les services d'instruction de l'Autorité doivent rédiger, pour chaque demandeur, un rapport appréciant sa coopération et l'utilité des informations fournies, qui fait l'objet d'observations et d'une présentation en séance devant le Collège, retardant d'autant le démarrage de l'instruction et, surtout, le lancement des opérations de visite et de saisie alors que le risque de destruction de preuves est élevé ;
• lorsque le demandeur est de « type 2 » (c'est-à-dire qu'il apporte des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont l'Autorité dispose déjà), les délais sont particulièrement longs puisque les services d'instruction doivent examiner la valeur ajoutée des pièces remises par le demandeur par rapport aux pièces dont ils disposent déjà ;
• les avis de clémence posent des difficultés d'organisation interne (les membres ayant siégé pour l'avis ne pouvant siéger pour la décision au fond) et « peuvent apparaître comme une forme de pré-jugement puisqu'ils identifient des pratiques qui sont susceptibles de tomber sous le coup de l'article L. 420-1 », ainsi que le relève l'étude d'impact.
La procédure de l'avis de clémence serait donc lourde et longue, le Gouvernement notant que « certains acteurs économiques font également valoir que la procédure française [...] constitue ainsi un facteur dissuasif pour déposer une demande de clémence. La suppression de cet avis aurait également le mérite d'harmoniser davantage la procédure française avec celle appliquée par la Commission européenne et par les autres autorités nationales de concurrence en Europe ».
g. Accroître les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence en outre-mer
Cette partie de l'ordonnance envisagée ne figurait pas dans l'article 60 du PJL Audiovisuel. Le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu'il souhaitait procéder à deux ajustements dans le code de commerce :
• d'une part, revenir à la rédaction de l'article L. 752-27 du code de commerce antérieure à la loi Macron, qui permet à l'Autorité de prononcer des injonctions structurelles dans le secteur du commerce de détail en cas de « préoccupations de concurrence », et non uniquement lorsque le niveau de concentration porte atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée. Le Gouvernement envisagerait, par ailleurs, d'étendre le champ d'application de ce pouvoir au secteur du commerce de gros ;
• d'autre part, de compléter l'article L. 420-2-1 du code de commerce en prévoyant une interdiction expresse des conditions discriminatoires de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, au détriment de toute autre entreprise avec lequel elle n'a pas de liens de nature capitalistique. Une telle interdiction découlerait du constat fait par l'Autorité dans son avis 19-A-12 que la libre concurrence dans certaines zones ultra-marines serait empêchée par la persistance de pratiques discriminatoires de la part de groupes de distribution agissant également comme grossistes-importateurs 264 ( * ) et appliquant de telles conditions discriminatoires en matière de foncier ou de services logistiques à leurs concurrents.
Ces deux mesures reprendraient les recommandations n° 6 et 11 que l'Autorité de la concurrence a formulées dans son avis 19-A-12 relatif à la concurrence en outre-mer.
III. La position de la commission : un renforcement bienvenu, une habilitation inutile à légiférer par ordonnance
Le rapporteur partage le constat d'une nécessaire simplification des procédures devant l'Autorité de la concurrence et d'un renforcement de ses pouvoirs, dans un double objectif de sécurisation juridique des entreprises et d'une meilleure application du droit de la concurrence. Ce dernier, qui permet de s'assurer que la compétition à laquelle se livrent les entreprises est fondée sur les mérites et d'éviter les stratégies déloyales - et illégales - de captation d'une rente, est en effet source de nombreux bénéfices :
• il permet de contenir la hausse des prix, voire de les diminuer, notamment pour les produits pour lesquels l'élasticité-prix de la demande est élevée ;
• il est facteur de progrès technique et d'innovation, dès lors qu'il incite les entreprises à proposer de nouveaux produits ou à mettre en place de nouveaux procédés pour conquérir des parts de marché ;
• il évite la fragmentation du marché intérieur en empêchant les entreprises d'ériger des barrières illégitimes à l'entrée des marchés.
Si le droit de la concurrence, tel qu'il est mis en oeuvre au niveau européen, n'est pas exempt de toute critique (il paraît aujourd'hui insuffisamment adapté aux enjeux tels que la mondialisation ou le développement du numérique), sa bonne application reste en tout état de cause nécessaire au bon fonctionnement de l'économie, à commencer par l'économie française.
L'efficacité de ce droit en France dépend de la capacité de l'Autorité de la concurrence et de la DGCCRF à rechercher et réprimer effectivement les pratiques anticoncurrentielles, si besoin en s'autosaisissant. Cette efficacité dépend également directement des procédures mises en oeuvre, en particulier de leur durée de leur bonne appropriation par les entreprises ; le rapporteur soulignant toutefois que l'objectif de célérité ne pouvant être une fin en soi, au détriment de la qualité de l'instruction - au demeurant saluée - menée par les services de l'Autorité ou du respect des droits de la défense.
Pour autant, le rapporteur considère qu'il n'y a pas lieu d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance au-delà de la seule transposition de la directive ECN+. En effet, une grande partie des mesures complémentaires envisagées par le Gouvernement étaient inscrites directement dans le projet de loi Audiovisuel. Par conséquent, il juge préférable de modifier directement le droit du commerce pour y intégrer ces mesures, tout en apportant des modifications et en les enrichissant de nouvelles dispositions.
À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-24 réécrivant cet article 25 afin de :
• habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures du domaine de la loi pour transposer la directive ECN+, mais en réduisant le délai d'habilitation de douze à six mois. En effet, la directive doit être transposée d'ici le 4 février 2021. Dans l'hypothèse d'une promulgation de la loi en septembre 2020, le Gouvernement ne disposerait que de cinq à six mois pour le faire et ainsi respecter le droit européen. Le Conseil d'Etat, dans son avis sur la lettre rectificative, a également estimé « indispensable que le délai d'habilitation imparti au Gouvernement pour l'ordonnance soit adapté pour être cohérent avec la date prévue par la directive pour sa transposition » ;
• prévoir que le nombre d'officiers de police judiciaire, lors d'une opération de visite et de saisie, soit adapté au nombre de lieux visités et non au nombre d'équipes d'enquêteurs présentes. L'amendement prévoit également que le juge ayant autorisé l'opération pourra assurer lui-même le contrôle de son déroulement ;
• élargir les cas où le président de l'Autorité peut statuer seul à certaines décisions relevant de la phase 1 du contrôle des concentrations et aux décisions de révision des engagements pris par les entreprises mises en cause pour pratique anticoncurrentielle ;
• indiquer que le rapporteur général de l'Autorité doit informer les parties, préalablement à la notification des griefs, de sa décision d'engager la procédure simplifiée et qu'il peut toutefois décider d'établir un rapport au vu des observations fournies par les parties à la suite de cette notification.
Cette disposition, qui a fait l'objet d'un amendement de suppression présenté par le député Botherel en commission à l'Assemblée nationale, fait l'objet de débats entre l'Autorité de la concurrence et les avocats pratiquant le droit de la concurrence. Ces derniers ont alerté le rapporteur sur l'atteinte aux droits de la défense que représenterait cet accroissement des pouvoirs du rapporteur général, notamment pour les affaires les plus complexes. Ils s'inquiètent particulièrement de son articulation avec l'article 15 de la directive ECN+, qui déplafonne le montant maximal de l'amende encourue lorsque la procédure simplifiée est engagée, estimant que le rapporteur pourrait désormais faire l'économie d'un deuxième tour écrit de contradictoire y compris pour les affaires les plus complexes. Sur ce point, l'Autorité de la concurrence a indiqué au rapporteur que lorsque une affaire présente un caractère complexe, le rapporteur général est au contraire incité à établir un rapport afin d'approfondir les analyses et enrichir le dossier qu'il présente ensuite devant le Collège.
Par ailleurs, l'Autorité considère qu'en supprimant la référence à un seuil de sanction en valeur absolue, la procédure envisagée rétablirait une parfaite égalité de traitement entre petites et grandes entreprises, le choix procédural n'étant plus guidé pour partie par le montant des sanctions (souvent lui-même lié pour partie à la taille des entreprises) mais désormais uniquement par les nécessités de l'instruction et la complexité des dossiers.
Enfin, les avocats auditionnés rappellent que la longueur des procédures devant l'Autorité n'est pas liée à ce double tour écrit (ils évaluent le gain de temps entre quatre et sept mois) mais à celle de la phase d'instruction menée par les services de l'Autorité. Interrogée à ce sujet, l'Autorité indique avoir mis en place un recensement de toutes les causes des délais d'instruction ainsi qu'une série d'indicateurs de délais afin d'améliorer le pilotage des dossiers contentieux. Elle rappelle que « les efforts entrepris par l'Autorité ces dernières années commencent à porter leurs fruits [...] : la durée moyenne de traitement des dossiers contentieux, c'est-à-dire de la saisine à la publication de la décision, est passée de 4 années en 2015 à 2,75 années en 2019 265 ( * ) ».
Le rapporteur partage le constat que la recherche de la célérité ne peut se faire au détriment des droits de la défense. Pour autant, même en procédure simplifiée, le respect de ces derniers reste garanti à chaque étape de la procédure. En effet, la procédure simplifiée s'inscrit dans un double tour contradictoire (un tour écrit et un tour oral), et les décisions du Collège de l'Autorité sont susceptibles de recours devant le Conseil d'État ou la Cour d'appel de Paris. Si une réduction de délai d'environ cinq mois peut certes paraître faible au regard des délais moyens constatés, le rapporteur considère qu'il serait toutefois contre-productif de se priver de ce gain de temps, dès lors qu'aucune atteinte n'est portée aux droits de la défense.
Il ressort par ailleurs des auditions menées que l'Autorité et les professionnels du droit de la concurrence sont parvenus à s'accorder sur les modalités d'application d'une telle mesure. Elle prendrait la forme d'une information des parties par le rapporteur général préalablement à la notification des griefs (inscrite dans la loi par la commission à l'initiative du rapporteur) et d'une inscription dans le règlement interne de l'Autorité des modalités d'organisation des échanges qui s'en suivent.
Le rapporteur a souhaité par ailleurs que soit inscrite dans la loi l'obligation, pour le rapporteur général, d'indiquer dès la notification des griefs le montant de la sanction encourue ainsi que ses déterminants, afin que les entreprises gagnent en visibilité et puissent préparer leur défense de façon exhaustive.
Parallèlement, compte tenu du fait que le contenu de la notification de griefs sera plus dense en procédure simplifiée qu'en procédure de droit commun (puisqu'elle intègre tant les griefs que la sanction encourue et ses déterminants) et que son analyse requiert en conséquence davantage de temps pour les parties intéressées, le rapporteur a souhaité permettre au rapporteur général d'allonger de deux à quatre mois le délai durant lequel les parties peuvent présenter leurs observations suite à cette notification, en fonction de la complexité des affaires. Ce faisant, une discussion technique serait engagée entre l'Autorité et les parties sur des critères objectifs tenant à au contenu de l'affaire et à l'opportunité de recourir à la procédure simplifiée
Enfin, le rapporteur a souhaité que le conseiller auditeur de l'Autorité, chargé aujourd'hui, lorsqu'il est saisi par les parties, d'évaluer les observations des entreprises sur le déroulement de la procédure les concernant à partir de la notification des griefs, puisse être désormais saisi par les parties avant cette notification, lorsque le rapporteur général décide d'engager la procédure simplifiée.
En cohérence avec la directive ECN+, qui ne prévoit qu'un seul plafond maximal de sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles, l'amendement supprime par ailleurs l'article L. 464-5 du code de commerce, qui prévoit une dérogation pour les sanctions infligées dans le cadre d'une procédure simplifiée.
• supprimer l'information préalable de l'Autorité pour toute révision de prix ou tarifs réglementés ;
• supprimer la référence au critère de « dimension locale » dans l'article L. 464-9 du code de commerce afin de clarifier la répartition des compétences entre l'Autorité et la DGCCRF ;
• supprimer l'avis de clémence que l'Autorité doit rendre lorsqu'une entreprise entreprend auprès d'elle une démarche tendant à bénéficier de la politique de clémence et d'inscrire dans la loi certaines des dispositions aujourd'hui figurant dans le communiqué de procédure de l'Autorité ;
• autoriser l'Autorité à prononcer une injonction structurelle dans le cas de préoccupations de concurrence dans le secteur du commerce de détail et de gros en outre-mer ;
• édicter une interdiction expresse en outre-mer des pratiques discriminatoires de la part d'une entreprise au détriment d'une autre avec laquelle elle n'a pas de lien de nature capitalistique ;
• procéder à des mises en cohérence rédactionnelles au sein des articles L. 462-8, L. 464-8, L. 464-9 et L. 954-1.
La commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.
* 226 Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
* 227 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence.
* 228 Art. L. 461-1 du code de commerce.
* 229 Art. L. 430-3 du code de commerce.
* 230 Une opération de concentration (fusion, acquisition, joint-venture ) doit être notifiée à l'Autorité de la concurrence lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 150 millions d'euros ; le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 50 millions d'euros ; l'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises. Les seuils de chiffre d'affaires sont fixés à un niveau plus bas lorsque les parties à une opération de concentration exploitent un ou plusieurs magasins de détail. Ces dispositions sont issues de l'article L. 430-2 du code de commerce.
* 231 Art. L. 420-1 du code de commerce.
* 232 Art. L. 420-2 du code de commerce.
* 233 Art. L. 420-4 du code de commerce.
* 234 Comme la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet et les observatoires des prix, des marges et des revenus des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et des collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en ce qui concerne les intérêts dont ils ont la charge.
* 235 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.
* 236 Rapport d'information de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des affaires européennes, n° 396 (2015-2016) - 11 février 2016.
* 237 Considérant 5 de la directive ECN+.
* 238 Considérant 6 de la directive ECN+.
* 239 Par exemple, dans la décision 15-D-20, l'Autorité a imposé à Orange une sanction de 350 millions d'euros et a enjoint à Orange, entre autres, de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les pratiques de remises fidélisantes visées par la décision et de s'abstenir à l'avenir de mettre en oeuvre des pratiques ayant un objet ou des effets équivalents.
* 240 Cour des comptes, référé S2019-0568, « Politique de la concurrence : l'action de l'Autorité de la concurrence et de la DGCCRF ».
* 241 Art. L. 450-1 du code de commerce.
* 242 Art. L. 462-8 du code de commerce.
* 243 Art. L. 464-2 à L. 464-6 du code de commerce.
* 244 Art. L. 430-5 du code de commerce.
* 245 Art. L. 430-7 du code de commerce.
* 246 La Commission européenne, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni ou les États-Unis, pour ne citer que les principales autorités de concurrence, disposent de deux tours de contradictoires, dont l'un est parfois optionnel.
* 247 Par exemple, neuf parties mises en cause dans le « cartel des compotes », dix dans l'affaire du porc charcutier, cinq dans l'affaire relative aux titres restaurants.
* 248 Par exemple, une pratique de prix prédateurs nécessite une analyse économique poussée des structures de coûts d'une entreprise tandis que l'analyse d'une clause d'exclusivité peut, le cas échéant, être plus simple.
* 249 Art. L. 464-5 du code de commerce.
* 250 Art. L. 410-2 du code de commerce.
* 251 Art. L. 444-1 du code de commerce.
* 252 Autorité de la concurrence, décision 13-D-14 du 11 juin 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le cadre de relations entre des vétérinaires et les sociétés protectrices des animaux en région Alsace.
* 253 Avis 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer.
* 254 C'est-à-dire celles issues de l'article L. 464-2 du code de commerce.
* 255 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 256 Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
* 257 Autorité de la concurrence, communiqué de presse, 4 juillet 2019, « Lutte contre la vie chère en outre-mer : l'Autorité livre un diagnostic d'ensemble sur la situation concurrentielle en outre-mer ».
* 258 L'examen de ces deux articles a fait l'objet d'une délégation au fond à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
* 259 Art. L. 430-9 du code de commerce.
* 260 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
* 261 - Décision n°20-MC-01 du 09 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l'Agence France-Presse.
* 262 Art. L. 464-2 du code de commerce. Ces organismes peuvent réaliser d'importants chiffres d'affaires. Alors qu'ils sont impliqués dans environ 30 % des ententes anticoncurrentielles sanctionnées par l'Autorité, le montant de la sanction qui peut leur être infligée est cependant plafonné en valeur absolue à 3 millions d'euros.
* 263 Autorité de la concurrence, Communiqué de procédure du 3avril 2015 relatif au programme de clémence français :
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/cpro_autorite_clemence_revise_0.pdf
* 264 Par exemple, dans sa décision 18-D-03 du 18 février 2018, relative à des pratiques dans le secteur de la commercialisation de pièges à termites, l'Autorité a sanctionné une entreprise, importateur-grossiste unique d'un type de piège à appât seul certifié dans les territoires ultramarins, pour avoir refusé, de manière discriminatoire, de fournir ces produits à une entreprise locale qui possédait la certification requise pour les commercialiser.
* 265 Réponse au questionnaire.