IV. LE LENT DÉPLOIEMENT DU PARCOURS DE SORTIE DE LA PROSTITUTION
En dépit des ambitions affichées par le Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les violences faites aux femmes, l'examen des crédits du programme 137 montre, une nouvelle fois, une stabilité à l'euro près entre 2019 et 2020 .
Les crédits demandés pour 2020 dans le texte déposé s'élevaient en effet à 29 845 831 euros, après 29 871 581 euros en 2019, la baisse nominale de 25 750 euros résultant d'une mesure de périmètre 75 ( * ) . À l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a toutefois rétabli ces 25 750 euros dans le budget du programme.
Il convient de rappeler que, malgré son intitulé, le programme 137 n'a pas vocation à rassembler toutes les mesures gouvernementales prises en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes 76 ( * ) . L'ensemble des missions budgétaires, chacune selon la politique publique touchée, a vocation à remplir cet objectif.
On peut cependant relever une baisse de 40 % de l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution ( AFIS ), de près de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million d'euros en 2020 .
L'aide financière à l'insertion sociale
et professionnelle
Créée par la loi du 13 avril 2016 77 ( * ) , l'AFIS est prévue à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. Ses modalités de mise en oeuvre sont fixées par décret 78 ( * ) . Cette aide concerne les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle. Les bénéficiaires doivent justifier de ressources mensuelles, au sein du foyer, inférieures au montant forfaitaire du RSA 79 ( * ) et ne doivent pouvoir prétendre ni au RSA, ni à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Le montant de l'allocation s'élève à 330 euros pour une personne célibataire sans enfant (cas de 74 % des bénéficiaires au 31 décembre 2018) et à 432 euros pour une personne avec un enfant à charge 80 ( * ) (21 %). |
D'après les explications fournies à votre rapporteur, la montée en charge de l'AFIS se fait de manière plus lente que prévu en raison des délais nécessités par l'objectivation du phénomène au niveau local, la mise en place de commissions chargées de rendre un avis sur les demandes d'engagement dans un parcours de sortie de la prostitution et la procédure d'agrément des associations participant au dispositif par les services de l'État. La mise en place de cette aide s'est par ailleurs initialement heurtée à des difficultés juridiques en matière de droit des étrangers. Ses crédits ont ainsi été largement sous-consommés, ce qui justifie leur recalibrage ( cf . tableau ci-dessous).
Évolution des crédits demandés au titre de l'AFIS
(en millions d'euros)
LFI
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Exécution 2018 |
LFI
|
PLF
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Crédits demandés et dépenses au titre de l'AFIS |
2,400 M€ |
0,645 M€ |
1,980 M€ |
1,188 M€ |
Selon l'enquête « flash » menée par le service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) auprès des déléguées départementales des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes sur la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution, au 31 mars 2019 :
- 62 commissions départementales avaient été installées sous l'autorité des préfets (contre 55 au 30 novembre 2018), dont 32 commissions avec examen de demandes (21 au 30 novembre 2018) ;
- 105 associations avaient été agréées pour la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution (85 au 30 novembre 2018) ;
- 183 parcours de sortie de la prostitution avaient été autorisés par décision préfectorale (113 au 30 novembre 2018) dans 32 départements .
Au 30 juin 2019, seules 135 personnes bénéficiaient ainsi de l'AFIS (contre 10 personnes fin 2017 et 108 fin 2018). Au 31 décembre 2018, les bénéficiaires étaient principalement de nationalité étrangère hors Union européenne (96 %). Il s'agissait à 95 % de femmes. Par ailleurs, ces personnes sont majoritairement (54 %) accueillies au sein de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou d'hôpitaux 81 ( * ) .
Alors que 40 000 personnes seraient victimes d'exploitation sexuelle en France 82 ( * ) , votre rapporteur estime que l'effort en faveur de cette politique mérite d'être soutenu et que la forte réduction de l'enveloppe qui lui est consacrée constitue, à cet égard, un mauvais signal .
*
La commission a adopté, sur la proposition de son rapporteur, trois amendements tendant à : - transférer 800 000 euros dédiés au « RSA jeune actif » (programme 304) afin de rétablir à leur niveau de 2019 les crédits de l'AFIS (programme 137) ; - créer au sein de la mission un programme dédié à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des MNA par transfert de crédits du programme 304 à hauteur de 162 millions d'euros ; - modifier, par coordination avec la réforme de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), les règles de calcul de cette allocation. Suivant la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020. |
* 75 Certains moyens de fonctionnement courants ont été transférés au programme 354 (« Administration territoriale de l'État »).
* 76 Cf. document de politique transversale « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes ».
* 77 Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
* 78 Décret n° 2017-542 du 13 avril 2017 relatif à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle et décret n° 2017-1635 du 29 novembre 2017 précisant les conditions d'éligibilité à la prestation.
* 79 559,74 euros pour une personne seule au 1 er avril 2019.
* 80 Art. D. 121-12-14 du code de l'action sociale et des familles.
* 81 Source : questionnaire budgétaire.
* 82 Cf. 5 e rapport mondial de la Fondation Scelles, 2019.