V. UN EFFORT MAINTENU POUR LES PLUS VULNÉRABLES

Comme indiqué précédemment, les crédits du programme 177 consacrés à l'hébergement et à l'insertion des personnes vulnérables augmentent formellement cette année de 5,29 %, soit 100 millions d'euros supplémentaires sur 1,9 milliard d'euros au total.

Cependant deux réserves sont formulées : s'agit-il vraiment de crédits nouveaux ? Et la qualité de l'accueil est-il toujours maintenu ?

A. UN BUDGET SINCÈRE ?

En 2018, 2,1 milliards d'euros ont été dépensés sur le programme 177 avec d'importantes ouvertures de crédits en fin d'année.

Si on tient compte des modifications de périmètre, le budget 2020 est donc plus proche d'une consolidation de l'exécution 2018 que de véritables crédits nouveaux.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, il était d'ailleurs souligné que le projet de budget était inférieur à l'exécution budgétaire 2018, telle qu'elle résultait de la loi de finances rectificative.

Le même phénomène est constaté cette année. Le projet de budget qui est présenté est inférieur aux dépenses de 2019 d'environ 80 millions d'euros .

En effet, la loi de finances rectificative pour 2019 ouvre 180,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 178,2 millions d'euros en crédits de paiement afin de financer notamment 6 000 places résultant de l'hiver 2018-2019 pour 41 millions d'euros.

Il y a donc de la part du Gouvernement une forme de facilité de communication à mettre en avant l'augmentation des crédits de la LFI au PLF.

Pour autant doit-on considérer que le projet de loi de finances est insincère et que les objectifs du Gouvernement ne sont pas financés ?

Plusieurs arguments plaident en sens inverse :

Le programme 177 regroupe par nature des dépenses dont une partie et imprévisible et liée à l'urgence d'un hébergement ou d'une mise à l'abri dans le respect du principe d'inconditionnalité de l'accueil .

- Cette imprévisibilité propre au programme a été fortement accrue ces dernières années par la pression migratoire . Les dispositifs dédiés étant insuffisants, ce sont les accueils généralistes qui doivent prendre en charge toutes les demandes non satisfaites. Or, de novembre 2018 à novembre 2019, le nombre de demandes de migrants a encore augmenté de 14,5 %.

Selon les réponses aux questionnaires budgétaires, 9 128 demandeurs d'asile et 5 971 bénéficiaires de la protection internationale étaient hébergés dans les hébergements généralistes en juin 2019 . En extrapolant cette charge sur l'ensemble de l'année, 137 millions d'euros pèseraient « indument » sur le programme 177 . Par ailleurs, 11 millions d'euros financent l'accompagnement des réfugiés vers le logement dont près de un million d'euros pour le dispositif de « cohabitation solidaire » comprenant également un accompagnement sur trois à douze mois.

- Le Gouvernement a réalisé et poursuit un rebasage du programme 177 . L'essentiel de ce travail a été effectué en vue de la loi de finances rectificative pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2018. Cette démarche a été saluée par la Cour des comptes.

Au niveau régional, une maquette des sous-jacents du parc pérenne a permis de séparer ce qui relève du récurrent de ce qui est exceptionnel. Une réserve financière de 3 % a été constituée au niveau régional pour apporter une marge de manoeuvre locale.

Grâce à cette remise à plat, 100 % des « crédits socle » correspondant aux éléments reconductibles peuvent être délégués localement dès le début d'année.

Alors que les crédits ouverts en loi de finances rectificative 2017 représentaient 18,5 % de la loi de finances initiale, ils ne représentaient plus que 7,46 % en 2018 et 9,4 % en 2019.

- Enfin, le Gouvernement respecte la logique de cette démarche, en abondant les crédits en fonction des besoins et en limitant les redéploiements internes, pour financer les urgences. Il poursuit son programme de création de places nouvelles .

Entre 2017 et 2020, 18 000 places issues des campagnes hivernales ont été pérennisées . L'effort porte également sur le logement adapté. Dans les pensions de famille, sur la même période le nombre de places aura augmenté de 45 % . En intermédiation locative, l'augmentation sera supérieure à 66 % avec un objectif total de 56 588 places, soit + 8 850 sur l'année 2020.

Si l'on doit souhaiter une poursuite de l'effort de rebasage et de sincérisation du programme 177, d'indéniables progrès ont été accomplis et le Gouvernement a gardé le cap fixé dans une conjoncture complexe et imprévisible en matière de flux migratoires.

Néanmoins, la rapporteur a été alertée par les associations sur l'absence de données fiables sur le sans-abrisme en France ce qui pose question en termes de pilotage des politiques publiques et même tout simplement de considération envers les personnes vulnérables .

Les deux dernières études réalisées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et l'Institut des études démographiques (INED) datent de 2001 et 2012.

Ces personnes vivant dans des conditions précaires regroupent les « sans domicile » qui ont recours aux services d'hébergement proposant un abri temporaire et gratuit ou quasi-gratuit, et les « sans abri » qui vivent dans la rue, des campements ou des abris de fortune et plus généralement dans des lieux non prévus pour l'habitation.

En 2012, 144 300 personnes étaient considérées comme sans domicile en France métropolitaine dont 30 000 enfants . La moitié était de nationalité étrangère.

Combien sont-ils aujourd'hui ? Les associations avancent le chiffre de 200 000, soit 50 % de plus qu'en 2012, sur la base des 145 000 places existant d'ores et déjà dans le dispositif d'hébergement du programme 177.

C'est pourquoi, sur la proposition de la rapporteur, la commission a adopté un amendement pour demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le sujet d'ici au 1 er septembre 2021 .

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