EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 27 novembre 2019, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs au logement du projet de loi de finances pour 2020.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je passe la parole à Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis des crédits du logement.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Madame la Présidente, Mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les crédits relatifs au logement c'est-à-dire le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » , le programme 109 « Aide à l'accès au logement » et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » . Pour la troisième année consécutive, les crédits du logement diminuent de 7,93 %, pour atteindre 14,4 milliards d'euros. Cependant, les évolutions sont contrastées entre les différents programmes.
S'agissant du programme 177, les crédits de la politique d'hébergement d'urgence augmentent formellement cette année de 5,29 %, soit 1,9 milliard d'euros au total.
Pour donner un avis sur ce programme, deux questions se posent : le budget est-il sincère ? Et le Gouvernement a-t-il raison de donner la priorité à la création de places plutôt qu'à leur qualité ?
Concernant tout d'abord la sincérité du budget, rappelons que la question se pose chaque année et qu'elle est, sans doute, inhérente à une politique d'urgence soumise à l'imprévision. La situation est la même que l'année dernière. Le budget 2020 correspond en valeur à l'exécution 2018 et nous avons appris que 178,2 millions d'euros étaient inscrits en loi de finances rectificative pour compléter le budget 2019. De nouveau donc, le projet de budget qui nous est proposé est inférieur à l'exécution de l'année précédente d'environ 80 millions d'euros.
Faut-il véritablement s'en offusquer ? Je ne le crois pas car le Gouvernement vient abonder les crédits en fonction des besoins. On en prend acte même s'il serait souhaitable que les dépenses supplémentaires soient mieux anticipées. Ensuite, il est entré dans une logique de rebasage progressif, année après année, en pérennisant les places créées précédemment. C'est de nouveau le cas cette année avec 6 000 places supplémentaires. Dans le contexte migratoire actuel, avec une nouvelle augmentation des demandes d'asile sur un an de 14,5 %, qui a tendance à saturer les dispositifs d'hébergement d'urgence, distinguer entre ce qui peut être prévu et l'urgence de l'année est raisonnable. Je sais que les associations voudraient que cela fonctionne dans le sens inverse mais le choix d'une dotation initiale au juste besoin est compréhensible.
Néanmoins, depuis l'étude de l'Insee et de l'INED en 2012, aucune étude statistique sérieuse n'a été réalisée sur les personnes sans-abri en France. C'est un véritable problème pour le pilotage de cette politique dont le coût va croissant. Je vous proposerai donc un amendement à ce sujet.
Seconde question : le Gouvernement a-t-il raison de privilégier la création de places par rapport à d'autres critères ?
Bien entendu, comme chacun d'entre nous, je voudrais ne pas avoir à faire ce choix. Dans l'idéal, il faudrait créer toutes les places nécessaires et, en même temps, assurer l'accompagnement social et les conditions d'accueil les plus favorables. Cet idéal est difficile à atteindre car le budget n'est pas extensible dans un contexte de forte pression sur l'hébergement d'urgence. Dès lors, le Gouvernement a fait le choix, M. Julien Denormandie nous l'a dit clairement lors de son audition, de la quantité par rapport à une certaine qualité. La politique du logement est d'abord dictée par un souci de rigueur budgétaire parallèlement aux objectifs de créations quantitatives de places et d'évolution des hébergements vers plus d'intermédiation sociale.
L'exemple qui illustre le mieux ce choix, ce sont les pensions de famille. 125,9 millions d'euros y sont consacrés en 2020, soit 12,6 millions de plus pour créer 2300 nouvelles places. Il y en avait 15 500 en 2016, il y en aura 22 500 en 2020, soit + 45 % ! Mais en parallèle, le forfait de prise en charge par jour et par personne, qui est versé à l'hôte de la pension de famille, n'a pas été augmenté depuis 2008. Il est toujours fixé à 16 euros. S'il avait été indexé sur l'inflation, ce sont 20 à 25 millions supplémentaires qu'il aurait fallu débloquer. Je vous proposerai donc un amendement pour rehausser le forfait journalier des pensions de famille.
Le choix de privilégier l'urgence d'un toit est légitime, même s'il faudra bien entendu, dès que possible remettre l'accent sur l'accompagnement social. Nous savons que le succès sera à ce prix.
Je vous rappelle aussi qu'il y a toujours un recours important aux nuitées hôtelières qui ne devraient être qu'un dernier recours. Cela se traduit encore trop souvent par de long séjour pour des familles.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose donc de donner un avis favorable à ce programme.
Je voudrais aborder ensuite les crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement » . C'est de très loin le plus gros poste du budget avec 12 milliards d'euros en 2020, en recul d'1,4 milliards d'euros. Cette évolution s'explique par deux réformes, déjà abordées l'année dernière, la réduction de loyer de solidarité (RLS) et les APL en temps réel, la fameuse « contemporanéisation ».
Concernant la RLS, deux points sont importants : le Gouvernement tient-il ses engagements à la suite de la clause de revoyure signée en avril dernier ? Et quel est son impact sur les bailleurs ?
On peut répondre positivement à la première question. Les différents points négociés sont au rendez-vous. On les retrouve notamment aux articles 8, 67, 73 et 74 du projet de loi de finances, soit :
- le rétablissement de la TVA réduite pour certains logements sociaux. Cette évolution était nécessaire pour atténuer le choc de la RLS mais nous aurions souhaité le retour à un taux de 5,5 % pour l'ensemble des logements sociaux et je me réjouis que le Sénat ait voté en début de semaine un amendement en ce sens en première partie du projet de loi de finances ;
- la suppression de l'indexation de la RLS et l'indexation limitée à 0,3 % des APL. J'attire votre attention sur le fait que les bénéficiaires des APL vont subir une baisse de leur pouvoir d'achat ;
- la prise en charge par Action logement de 300 millions d'euros, normalement dus au Fonds national des aides à la pierre (FNAP) par les bailleurs sociaux ;
- et la contribution des bailleurs sociaux à hauteur de 15 millions d'euros au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).
S'y ajoute la compensation de la loi PACTE (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), c'est-à-dire la prise en charge par l'État à hauteur de 166 millions d'euros des moindres cotisations des entreprises au Fonds national d'aide au logement (FNAL) en raison de la hausse des seuils.
Au total, l'impact de la RLS est bien ramené de 1,5 à 1,3 milliard d'euros sur les trois prochaines années, de 2020 à 2022.
Concernant l'impact sur les bailleurs, la réponse doit être plus mesurée. L'ensemble des mesures d'accompagnement a permis de limiter les effets à court terme. À moyen et long termes, qui sont les véritables horizons pour les bailleurs sociaux, les doutes sont toujours présents. Les prêts de haut de bilan, comme les prêts à très long terme (80 ans) devront bien être remboursés un jour. Or, d'ici 2022, on ne sait pas ce qu'il adviendra de la RLS ! Sera-t-elle pérennisée ? Je le crains. On ne sait pas non plus quel impact aura le Revenu universel d'activité (RUA). C'est une grande préoccupation. Les APL y seraient intégrées sous la forme d'un supplément logement, solution à laquelle nous sommes nombreux à nous opposer car nous souhaitons que l'aide reste attachée au logement et ne soit fusionnée avec une autre allocation. J'ajoute que la Caisse des dépôts et consignation dans son étude Perspectives a mis en lumière la progression rapide de l'endettement des bailleurs sociaux qui passerait de 160 milliards d'euros aujourd'hui à 300 milliards d'euros dans vingt ans.
Concernant la construction de logements sociaux, on observerait un recul potentiel de 10 % qui pourrait être pour partie compensé par la validation d'un grand nombre de dossiers en fin d'année. Nous serions donc en deçà des 110 000 constructions neuves prévues par la clause de revoyure. Cela n'a rien d'étonnant compte tenu du coup d'arrêt donné à l'ensemble du secteur et de la proximité des élections municipales qui entraînent tous les six ans une baisse des opérations de promotion immobilière. Sur la promotion privée, le recul serait de 14 % au troisième trimestre 2019 par rapport à 2018.
Je voudrais aussi vous alerter sur les conséquences de la suppression de la taxe d'habitation alors que les logements sociaux sont exemptés de taxe foncière. On peut se demander quel maire sera à l'avenir incité à construire des logements sociaux.
J'en viens à la seconde réforme, dite des APL en temps réel. Cette mesure, vous vous en souvenez, a été votée dans la loi de finances pour 2019. J'avais d'ailleurs alerté sur la difficulté de la mettre en oeuvre aussi rapidement. Puis, son application a été reportée au 1 er janvier 2020. M. Julien Denormandie l'a longuement évoquée lors de son audition. Il en résultera une économie de l'ordre de 1,3 milliard d'euros en raison du changement de la base de référence et de l'amélioration de la situation économique. La réforme entraîne donc un gain budgétaire, la première année de son application, de l'ordre de 10 % du montant total des APL, ce qui n'est pas négligeable !
Globalement, il s'agit d'une bonne réforme. Verser les APL sur la base des revenus des douze derniers mois et les réviser tous les trois mois, plutôt que sur les revenus de l'année n - 2, paraît une mesure qui va dans le bon sens.
Pour autant, toutes les craintes ne sont pas levées car même si la réforme ne modifie pas les paramètres de calcul, les différents acteurs ne disposent pas de simulation. De plus, il y a un risque élevé d'incompréhension des bénéficiaires et d'exposer les caisses d'allocations familiales de répondre à un grand nombre de questions car c'est une réforme technique extrêmement complexe.
Il me faut ensuite évoquer la contribution exceptionnelle au budget du FNAL imposée à Action logement qui est prévue par l'article 75 du projet de loi de finances. Elle s'élèvera à 500 millions d'euros. Il s'agit d'une mesure purement budgétaire de ponction sur la trésorerie d'Action logement au-delà de la mise en oeuvre du Plan d'investissement volontaire signé le 25 avril dernier. La commission des finances a donné un avis défavorable sur l'article 75. Je vous propose de ne pas la suivre car il me semble illogique de donner un avis favorable aux crédits dans leur ensemble tout en modifiant substantiellement leur équilibre en supprimant 500 millions d'euros.
Enfin, je veux faire le point sur l'APL accession en métropole et outre-mer.
Notre collègue M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a proposé un amendement de crédits (seconde partie) visant à la rétablir. Il est compensé par des crédits du programme 135. Il a été voté par la commission des finances la semaine dernière. Je vous propose de le soutenir car beaucoup d'entre nous regrettent la suppression de ce dispositif peu coûteux (50 millions d'euros) qui facilite l'accession sociale à la propriété des ménages modestes et intermédiaires.
Concernant l'APL accession outre-mer, le Gouvernement a tenu son engagement. Son rétablissement est prévu par l'article 72 du projet de loi de finances sous la forme d'une « aide à l'accession sociale et à la sortie de l'insalubrité » dans les départements et régions d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, afin de soutenir les ménages les plus modestes dans leur projet d'accession et d'amélioration de logements indignes et insalubres. Il met ainsi en oeuvre les conclusions de la conférence logement en outre-mer qui s'est tenue en juillet dernier. Mais cette aide est attribuée dans l'attente de la mise en place du revenu universel d'activité (RUA). C'est un point de vigilance.
Au total, même si j'ai un certain nombre de sujets d'insatisfaction et d'inquiétude, à commencer par l'économie une nouvelle fois opérée sur le logement et non compensée, je souhaite donner acte au Gouvernement des engagements tenus vis-à-vis du logement social à travers la clause de revoyure. C'est pourquoi, je vous propose un avis favorable.
En dernier lieu, j'aborderai le programme 135 consacré aux aides à la pierre et aux moyens de l'Anah. 346,5 millions d'euros lui seront consacrés en 2020, en hausse de 23,22 %. J'ai sur ce programme une satisfaction et une inquiétude.
La satisfaction, c'est le maintien du PTZ en zone B2 et C jusque fin 2021, qui a été voté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement. Nous y étions favorables et je souhaite que cette disposition soit votée conforme pour qu'elle soit adoptée définitivement après les débats du Sénat.
Mon inquiétude a trait au budget de l'Anah. Le versement via le programme 135 sera accru cette année de 60 millions d'euros pour accompagner la transformation du CITE en prime qui est un véritable défi. C'est la principale raison de l'augmentation des crédits que j'évoquais. Par ailleurs, le succès du plan chaudière, qui a fait l'objet d'une communication agressive, a été tellement important qu'il met sous tension les finances de l'Anah. La subvention étant proportionnelle au prix des travaux, l'Anah a constaté un effet d'aubaine, les prix ayant progressé de près de 30 %. L'Anah disposait d'une trésorerie confortable de 311 millions d'euros fin 2018. L'Anah aurait désormais besoin d'un financement complémentaire de l'ordre de 90 millions d'euros d'ici à 2022, si elle veut pouvoir continuer toutes ses missions, financer de nouvelles opérations comme la rénovation des bourgs ruraux et ne pas réduire ses aides sur ses propres programmes.
J'aurais souhaité pouvoir présenter un amendement en première partie du projet de loi de finances pour soit déplafonner les versements au titre des quotas carbone en faveur de l'Anah, le plafond datant de 2018 à hauteur de 420 millions d'euros au lieu de 550 millions d'euros antérieurement, soit accroître la part de la taxe sur les locaux vacants affectée à l'Anah. Mais de tels amendements sont irrecevables au Sénat. Il restait donc la possibilité de présenter un amendement en seconde partie accroissant la subvention à l'Anah mais il ne serait pas compatible avec l'amendement présenté par notre collègue M. Philippe Dallier pour le rétablissement de l'APL accession et qui consiste à transférer 50 millions d'euros du programme 135 vers le programme 109.
Il nous faudra donc rester vigilant au sujet du budget de l'Anah, le Gouvernement étant certainement amené à proposer de lui-même les ajustements nécessaires s'il veut que ni la rénovation énergétique, ni celle des copropriétés dégradées ou des coeurs de ville ne pâtisse de cette situation.
Je vous propose donc de donner un avis favorable aux crédits du programme 135.
En conclusion, pour résumer, je propose donc que la commission donne un avis favorable aux programmes 177, 109, 135 et aux articles rattachés : 73, 74 et 75.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci Madame la rapporteur de ce rapport précis et concis. Je passe maintenant la parole à nos collègues à commencer par Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je souhaite tout d'abord rappeler que le changement des règles a fragilisé les CHRS et l'accompagnement social pour trouver des solutions de long terme. J'émets des réserves sur la contemporanéisation des APL en raison des économies budgétaires non compensées qu'elle entraîne et des effets pervers potentiels sur les jeunes qui entrent dans le monde du travail dans des conditions précaires ou à temps partiel. Le RUA quant à lui suscite une très grande inquiétude car il ne s'agit pas que de simplifier les minima sociaux. Comment les APL vont être versées alors que le droit au logement est inconditionnel ? Nous nous opposons à la fusion des APL avec les minima sociaux. Pourra-t-on d'ailleurs toujours percevoir les APL si l'on n'est pas éligible aux minima sociaux ? Je me félicite du maintien du PTZ qui me paraît un dispositif plus important que l'APL accession, dès lors j'aurai plutôt privilégié un abondement des crédits de l'Anah. La massification des aides est absolument indispensable. On pourrait réfléchir à une PPL sur les crédits carbone. Enfin, concernant la RLS, nous continuons le combat et maintenons notre désaccord car de nouvelles menaces se profilent à l'horizon.
Mme Valérie Létard . - L'Anah a connu par le passé des années difficiles et on a assisté à des effets « yoyo » car au dernier trimestre elle ne disposait plus des crédits nécessaires au versement des aides promises, les ressources des quotas carbone étant insuffisantes et aléatoires. J'avais d'ailleurs, en son temps, proposé un amendement pour créer un fonds de réserve pour conserver le produit des quotas carbone qui n'était pas utilisé. La part de l'Anah a été diminuée car, en 2018, elle n'avait pas pu utiliser l'ensemble des financements disponibles en raison de conditions trop restrictives. Cette année l'Anah atteint tous ses objectifs et on voudrait lui confier d'autres missions. Il faudrait pouvoir les financer ! Rappelons que la vente des quotas carbone s'élève à 840 millions d'euros en 2019, soit le double de ce qui est affecté à l'Anah. C'est bien là que se trouvent les moyens d'engager de manière décisive la rénovation énergétique des logements. Rappelons aussi que le CITE représentait 1,7 milliard il y a deux ans et qu'il ne représentera que 800 millions d'euros en 2020. Des amendements de correction du budget de l'Anah auraient vraiment été les bienvenus car sinon l'Anah va devoir revoir ses aides à la baisse pour maintenir son équilibre budgétaire. On n'est pas au rendez-vous de l'accélération promise. L'Anah aura un problème financier en fin d'année prochaine. Il faut que nous restions vigilants.
Concernant l'accueil et l'hébergement d'urgence, je m'inquiète du mélange des publics et de leur cohabitation car les besoins d'accompagnement ne sont pas les mêmes pour, par exemple, des demandeurs d'asile.
Enfin, à propos du RUA, il y a trop d'interrogations et beaucoup d'inquiétudes.
Mme Annie Guillemot . - J'aimerais revenir sur quatre points. Sur le logement, si on partage le diagnostic, on ne partage pas l'avis favorable donné sur les crédits et on ne le comprend pas au regard du rapport. Je voudrais ensuite rappeler que la baisse des APL ne passe toujours pas. Ce sont les personnes qui habitent en HLM qui en pâtissent directement avec la perte de moyens des bailleurs pour entretenir les immeubles. Je m'interroge sur l'impact pour les jeunes et les chômeurs de la réforme de versement des APL et de leur calcul en temps réel. Je note une diminution de 47 % des PTZ dans le neuf dans les seules communes B2 et C.
Je voudrais également faire part de notre préoccupation à propos de la remise en cause du modèle français du logement social avec des travaux qui envisagent l'entrée d'investisseurs privés. Je rappelle que le logement rapporte plus à l'État qu'il ne lui coûte. Les bailleurs sociaux n'ont pu faire face à la crise que grâce aux taux d'emprunt très faibles mais que va-t-il se passer quand la bulle immobilière va éclater ? Je m'inquiète ensuite du respect des objectifs de mixité dans le logement social. J'observe qu'en 2018, de nouveau, plus de la moitié des attributaires de logements dans le parc social ont un niveau de revenu en dessous du seuil de pauvreté.
Je ne peux que corroborer les inquiétudes sur les conséquences de la réforme de la taxe d'habitation et relever une nouvelle fois l'impact qu'elle aura sur le calcul des dotations de solidarité rurale ou urbaine aux communes pauvres en plus du problème de la désincitation à construire des logements sociaux.
Enfin, si je comprends la logique de rebasage budgétaire, on est obligé de constater qu'il y a de plus en plus de personnes sans-abri dans nos métropoles, y compris de personnes qui ont des emplois. Le Gouvernement devrait se souvenir de cette parole de l'abbé Pierre « Gouverner, c'est d'abord loger son peuple ».
M. Daniel Gremillet . - Ce rapport confirme les inquiétudes que nous formulions sur les moyens de la rénovation énergétique des logements lors de la discussion de la loi énergie climat. Nous disions que le vrai rendez-vous serait la loi de finances. Nous y sommes et les crédits ne sont pas à la hauteur. La réduction des crédits au détriment des 9 e et 10 e déciles ne profite pas en fait aux ménages les plus modestes.
M. Marc Daunis . - Je rejoins les observations déjà formulées sur la qualité de ce rapport et sur le RUA et le PTZ. Je voudrais savoir s'il existe une étude d'impact de la réforme du CITE sur les classes moyennes et supérieures, ce qui me paraît une erreur majeure compte tenu du défi que représente la rénovation énergétique des logements. Il y a un fossé entre les enjeux et les moyens alors qu'il faudrait changer de braquet. Nous venons d'examiner trois secteurs essentiels de notre économie ce matin : la recherche, l'agriculture et le logement et nous ne disposons pas d'une lisibilité des éléments stratégiques structurants. Je trouve cela inquiétant. Je crois qu'il est bien que nous ayons une vision d'ensemble tout en opérant des réorientations pragmatiques comme le propose le rapport.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Quelques compléments pour répondre aux différentes interventions : on ne dispose pas d'une étude d'impact sur l'effet de la suppression du CITE sur les classes moyennes et supérieures. Les CHRS ont subi une pression pour baisser leurs coûts mais il s'avère que l'on ne prend pas assez en compte la localisation et les charges relatives au foncier. Les objectifs d'accompagnement et de sortie des CHRS vers le logement ne sont pas atteints faute de places à proposer, malgré les efforts du Gouvernement. Il faudrait pouvoir aller plus vite. La réforme du versement des APL va réduire le pouvoir d'achat d'un grand nombre de personnes ce qui peut inquiéter pour les plus fragiles. Le RUA doit absolument préserver le tiers payant et tenir compte des différences de coût du logement. Sur l'Anah, j'ai voulu faire preuve de pragmatisme tout en tirant la sonnette d'alarme. Il y aura besoin de crédits supplémentaires.
Enfin, l'avis favorable que je propose sur les crédits est cohérent avec la signature de la clause de revoyure qui est respectée et qui a été acceptée par toute la famille HLM. Bien évidemment nous ne sommes pas satisfaits et le problème est renvoyé au-delà de 2022 et il nous faut rester vigilant.
Je vous présente ensuite les deux amendements relatifs au programme 177 que je vous propose d'adopter.
Le premier a pour but d'obtenir une hausse de un euro, sachant que trois euros seraient nécessaires au regard de l'inflation. Rappelons que les deux amendements présentés à l'Assemblée nationale par le rapporteur spécial, M. Pierre Jolivet, ont été rejetés. Il s'agit donc d'une proposition de compromis, volontairement limitée en montant, pour lancer une démarche de rattrapage et espérer qu'elle soit retenue par l'Assemblée nationale, sachant qu'une demande plus importante serait inévitablement rejetée par le Gouvernement.
Le second amendement vise à obtenir des données et une vision d'ensemble sur le sans-abrisme en France. Ces données sont indispensables puisque aucune étude complète n'est disponible sur ce phénomène depuis 2012. Or le nombre de personnes sans-abri augmente. C'est un véritable enjeu de pilotage de politique publique et de contrôle parlementaire. Ce rapport n'a en outre aucun caractère dilatoire. Compte tenu de l'ampleur du travail statistique, il n'est pas possible d'avoir les résultats avant l'été 2021. Il ne dessaisit pas non plus le Parlement de sa mission de contrôle puisqu'une telle publication nécessite des compétences et des données qui ne sont pas à sa disposition.
Mme Valérie Létard . - Nous approuvons les amendements présentés mais nous nous abstiendrons sur les crédits en raison notamment de l'insuffisance des crédits de l'Anah et des inquiétudes que l'on peut avoir sur la mise en oeuvre de la réforme du mode de versement des APL. Je souhaiterais aussi que la commission s'intéresse attentivement aux relations entre l'État et Action logement. Il y a un sujet d'application de la loi. Certains textes réglementaires ne sortent pas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous voterons contre. La question du logement n'est pas traitée à la hauteur qui devrait être la sienne, même si nous approuvons le rapport qui a été présenté.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je vous propose tout d'abord de voter sur les deux amendements.
La commission adopte les deux amendements.
Je vous propose ensuite de voter sur les crédits des programmes 177, 109, 135 et 147 et les articles rattachés 73, 74 et 75.
La commission décide de donner un avis favorable.