EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 20 novembre 2019, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2020.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Économie ». Son périmètre est très large et diversifié, puisqu'elle regroupe quatre programmes : le programme 134 « Développement des entreprises et régulation », qui représente près de la moitié des montants totaux avec près de 1 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) ; le programme 343 dédié au « Plan France très haut débit », qui mobilise cette année près de 440 millions d'euros en CP ; le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui regroupe les crédits dédiés à l'Insee pour environ 20 % des montants ; enfin, le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », qui consacre près de 400 millions d'euros au dépenses des administrations centrales, comme la direction générale du Trésor, ainsi que les prestations de la Banque de France réalisées pour le compte de l'État.
Pour 2020, cette mission affiche
1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une
hausse de 5,5 % par rapport à l'an dernier.
En CP, la hausse est
de 20 % à 2,3 milliards d'euros. Cependant, cette hausse
est ponctuelle : elle est due aux crédits pour le plan France
Très Haut Débit, et à la forte hausse du coût de la
« compensation carbone » des industries
électro-intensives, qui augmente de 162 %
(+ 172 millions) cette année. Sans ces deux hausses
spécifiques, et hors dépenses de personnel, les crédits de
la mission baissent de 5 %. La mission
« Économie »
subit donc à nouveau un
rabot budgétaire de fond, après une baisse de 17 % des
autorisations d'engagement l'année dernière. Le ministre explique
cette baisse par un désengagement assumé de l'État au
profit des compétences décentralisées des
collectivités, mais nous connaissons les contraintes budgétaires
qui pèsent sur les budgets locaux.
Je souligne que l'examen des crédits de cette mission ne nous est pas rendu facile : les crédits sont saupoudrés sur de nombreuses « mini-actions ». Ils concernent aussi bien les activités de Bpifrance, que le service public de transport de la presse, ou les études réalisées par la direction générale du Trésor. Cela est d'autant plus problématique que la multiplication des outils se poursuit : mission « Économie » , programmes d'investissement d'avenir (PIA), Fonds pour l'innovation et l'industrie... Sur la forme, la transparence et la lisibilité dues au Parlement dans son rôle de contrôle des choix budgétaires pourraient être améliorées. Sur le fond, je laisse les rapporteurs vous présenter leur analyse des crédits en détail. Je cède donc la parole à Serge Babary, chargé des crédits qui concernent le commerce et l'artisanat, puis à Martial Bourquin, chargé du volet « Industrie », et enfin à Anne-Catherine Loisier sur le sujet du numérique et des postes.
M. Serge Babary , rapporteur pour avis sur la mission « Économie » . - Mon propos sera essentiellement centré sur le volet « commerce et artisanat ». Le soutien qui peut être apporté au développement et à l'accompagnement de ces entreprises est protéiforme, et l'on en retrouve par conséquent la trace dans les deux parties du projet de loi de finances : d'une part, dans la mission « Économie » , qui regroupe des crédits à destination du petit commerce et de l'artisanat et que je vais vous présenter dans une première partie. D'autre part, dans la première partie du PLF, où deux mesures importantes, bien que légèrement contradictoires dans leur esprit, concernent au premier chef ces TPE-PME. Je vous les présenterai donc dans une seconde partie.
Premièrement, les crédits de la mission « Économie » . Ceux à destination des commerçants et artisans ne sont malheureusement pas légion et sont complexes à appréhender. Alors qu'il existait jusqu'en 2018, au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulation » doté de 1 milliard d'euros de crédits, une action spécifique au « commerce, artisanat et services », celle-ci a été rassemblée dans l'action n° 23 « Industrie et services » , ce qui complique la lisibilité de cette politique publique.
Il n'y a donc pas de changement majeur entre 2019 et 2020, à une exception près : le Fonds d'intervention pour les services, le commerce et l'artisanat (Fisac), qui est en gestion extinctive depuis 2019, devrait disparaître définitivement à partir de 2020. Alors qu'il intervenait à hauteur de 70 millions d'euros il y a dix ans, il ne bénéficiait plus que de 6 millions d'euros en CP en 2019, et seuls 2,8 millions d'euros sont demandés au titre de 2020, soit une baisse 96 % - et encore, uniquement pour assurer le paiement d'opérations territoriales ayant fait l'objet de décisions d'octroi de subvention au cours des années passées.
Nos territoires vont donc se voir amputés d'un dispositif très utile, qui a fait ses preuves, et qui a longtemps financé jusqu'à mille projets par an de soutien et de revitalisation du commerce et de l'artisanat.
Deux arguments sont avancés par le Gouvernement, qui ne me paraissent pas convaincants : d'une part, il nous rétorque que le soutien est désormais pris en charge par le programme Action coeur de ville, doté de 5 milliards d'euros ; d'autre part, il nous indique que ce sont désormais les régions qui sont à la manoeuvre en matière d'économie.
Les deux arguments sont légitimes, mais butent chacun
sur un obstacle de taille : premièrement, le programme Action coeur
de ville ne concernera que 222 villes, essentiellement des villes moyennes
comme des sous-préfectures, et non pas des bourgs en zone rurale.
Deuxièmement, les régions bénéficient certes de la
compétence économique, mais cela ne doit pas conduire
l'État à abandonner automatiquement, sans concertation, un outil
non seulement qui a fait ses preuves, mais dont le Sénat avait
souhaité en outre faire l'un des éléments de la
reconquête commerciale des centres-villes, dans le cadre du pacte
national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Lors de son
audition, le ministre de l'économie semblait d'ailleurs partager le
même constat, lorsqu'il a dit : « l'acteur principal sur
le territoire doit être la région. Cela ne signifie pas que
l'État ne doit pas garder un rôle important en matière
économique. »
Je vous proposerai donc un amendement afin
d'ouvrir des crédits pour 2020 dotant le Fisac de
30 millions d'euros. Il prélève les sommes
nécessaires à égalité sur les programmes 220
« Statistiques et études
économiques »
et 305
« Stratégie
économique et fiscale »
.
La dotation de l'Association française de normalisation (Afnor), diminue de 1 million d'euros environ, pour s'établir à 6,4 millions d'euros. En réalité, cette baisse correspond à la TVA que l'Afnor reversait sur cette subvention. Ce reversement sera supprimé en 2020, ce qui rend la subvention nette stable entre les deux années.
Enfin, le Gouvernement a décidé de revoir les modalités de son soutien en faveur des métiers d'art et du patrimoine vivant et de l'artisanat. Il est ainsi prévu que l'Institut national des métiers d'art (INMA) reprenne certaines des missions de l'Institut supérieur des métiers (ISM), comme le secrétariat de la Commission nationale du label « Entreprise du patrimoine vivant ». La Direction générale des entreprises (DGE) nous indique viser un autofinancement total de la structure d'ici à 2022. Mais dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ? Ces métiers contribuent pourtant au maintien et au rayonnement d'un savoir-faire rare, à la défense de traditions séculaires ainsi qu'à la promotion de l'excellence française. Je vous proposerai donc d'ouvrir des crédits d'engagement destinés à pérenniser en 2020 l'action de l'INMA en le dotant, comme l'an dernier, de 2,25 millions d'euros.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements qui reviennent sur certaines baisses de crédits, je vous proposerai donc un avis favorable aux crédits de la mission « Économie » .
Je souhaiterais maintenant aborder deux mesures qui sont présentes dans la première partie du PLF, mais qui concernent directement les commerçants et artisans. L'article 15 tire les conséquences de la baisse du plafond de financement des chambres de commerce et d'industrie (CCI) intervenu en loi de finances pour 2019. Pour rappel, la loi prévoyait 100 millions d'euros en 2019 et 100 millions d'euros en 2020. Cette année, le Gouvernement prévoit une trajectoire de baisse de la taxe pour frais de chambre consulaire, qui devrait représenter 400 millions d'euros d'ici à 2023. Certes, il ne s'agit pas à proprement parler d'une nouvelle baisse du plafond de ressources des CCI. Mais cela revient au même : on peut en effet légitimement anticiper que, puisque la ressource fiscale diminuera de 400 millions d'euros en trois ans, le Gouvernement baissera encore davantage les ressources affectées aux CCI.
Je ne suis pas, par principe, hostile à une évolution de l'organisation du réseau, ni bien sûr à une diminution de la taxation. En revanche, il est indispensable de pouvoir s'assurer que la trajectoire de financement des CCI est adaptée aux missions qui leur sont confiées. Le ministre s'est engagé verbalement, et par écrit, dans le contrat de performance signé avec CCI France, à ce qu'une clause de revoyure annuelle permette de faire le point sur la soutenabilité de la trajectoire de financement des CCI et à la corriger si besoin. Pourtant, cette clause ne figure nulle part dans la loi. La Direction générale des entreprises m'a indiqué que son absence était justifiée par le fait de donner de la flexibilité et de la souplesse au gouvernement. C'est étrange : une clause de revoyure invite à faire un point d'étape, elle ne rigidifie en rien l'action du ministre. Je déposerai donc en mon nom, un amendement inscrivant une consultation de CCI France par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet de loi de finances. Ainsi CCI France pourra évaluer l'adéquation du financement proposé avec les missions que le réseau doit réaliser.
Enfin, l'article 47 crée un dispositif
intéressant afin de soutenir la redynamisation artisanale ou commerciale
en zone rurale, demandé par de nombreux élus locaux ainsi que me
l'a confirmé l'Association des maires de France (AMF) : la zone de
revitalisation des commerces en milieu rural.
Les communes et EPCI auront
désormais la possibilité d'exonérer de taxe
foncière et de contribution économique territoriale les commerces
et artisans de moins de 11 salariés lorsqu'ils sont situés
dans des villes de moins de 3 500 habitants et comportant moins
de 10 commerces. Cela va dans le bon sens : il est important de ne
pas attendre qu'il n'y ait plus aucun commerce pour agir. Un amendement du
Gouvernement, adopté à l'Assemblée nationale,
prévoit par ailleurs une compensation par l'État à hauteur
d'un tiers. Certes, les facteurs de dévitalisation des zones rurales
sont nombreux et excèdent la seule fiscalité. Mais il me semble
utile, à l'heure notamment où le Fisac est près de
s'éteindre, d'octroyer aux collectivités cette marge de
manoeuvre.
Tels sont les deux articles de la première partie du PLF que je souhaitais présenter en détail devant vous, tant ils sont liés au développement de nos TPE-PME dans le domaine du commerce et de l'artisanat. Notre commission étant saisie de la deuxième partie, c'est-à-dire des crédits spécifiquement inscrits dans la mission « Économie » , je vous proposerai donc un avis favorable, sous réserve de l'adoption de mes deux amendements relatifs au Fisac et aux métiers d'art.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 38
M. Serge Babary , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.1 vise à abonder les crédits du Fisac afin qu'il atteigne 30 millions d'euros en AE et en CP. Le projet de loi de finances ne prévoit en effet aucune autorisation d'engagement et des crédits de paiement à hauteur de 2,8 millions d'euros, alors qu'il n'y a pas si longtemps encore l'enveloppe du Fisac s'établissait à 70 millions d'euros.
Mme Sophie Primas , présidente . - Le Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros pour le programme « Action coeur de ville » ciblé sur 222 villes. On pourrait faire un effort pour aider les autres villes. Quelques millions ne seront pas de trop ! Je soutiens la position de notre rapporteur.
M. Joël Labbé . - Je suis entièrement d'accord. Le Fisac a fait ses preuves dans les communes rurales.
M. Daniel Laurent . - Nous voterons cet amendement. Je ne comprends pas la position du Gouvernement : d'un côté, il dit vouloir soutenir les bourgs ruraux et annonce la délivrance de nouvelles licences IV, et d'un autre côté, il supprime le Fisac. Où est la cohérence ?
M. Martial Bourquin . - Nous soutenons évidemment ces amendements. Nul ne sait comment se décompose l'enveloppe de 5 milliards pour « Action coeur de ville ». Le Gouvernement vise 222 villes, mais en réalité, il faudrait en aider plus de 700. Les maires attendent un soutien de l'État pour rénover leurs centres-bourgs. La pirouette du Gouvernement ne leur apporte aucune réponse concrète. Les communes qui ne font pas partie des 222 villes doivent attendre que le maire de la ville visée accepte l'extension du périmètre de l'opération de revitalisation de territoire (ORT). Le Fisac était un outil extraordinaire.
Mme Élisabeth Lamure . - Depuis des années, on enterre le Fisac progressivement, jusqu'à sa disparition aujourd'hui. On peut légitimement se demander quelle est la politique publique en matière d'artisanat et de commerce. L'État se désengage complètement et tout reposera sur les collectivités. Les communes pourront exonérer les petits commerces et les artisans, la belle affaire... Le gouvernement se moque du monde ! Les communes vont encore perdre des recettes. C'est minable !
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
M. Serge Babary , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.2 vise à abonder les crédits destinés au soutien et à la promotion des métiers d'art afin qu'ils atteignent 2,25 millions d'euros en AE et en CP, comme l'an passé. Ces crédits financeront essentiellement l'action de l'INMA et de l'ISM. Ces organismes sont en voie de rapprochement, mais ce n'est pas une raison pour supprimer leurs crédits.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Consacrée à l'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, la mission « Économie » portait traditionnellement les crédits dédiés à l'action en faveur des entreprises industrielles. La disparition, l'année dernière, de l'action spécifique à l'industrie n'est pas anecdotique : d'année en année, le budget consacré à la politique industrielle de la France voit son périmètre restreint et ses moyens réduits.
Ce constat frappant se retrouve à l'examen du présent projet de loi de finances : en 2020, celui-ci ne comporte aucune mesure fiscale visant spécifiquement les entreprises industrielles et la plupart des actions de la mission sont affaiblies. Des lignes budgétaires sont à nouveau supprimées, comme celle dédiée au financement des garanties bancaires - pourtant essentielles - accordées par Bpifrance aux PME et TPE. Une nouvelle fois, l'industrie est la grande absente de la politique économique et fiscale.
Un tel budget d'austérité ne peut que surprendre, au vu des défis considérables qui attendent l'industrie française dès l'année 2020. Les tensions commerciales, le développement de la route de la soie par la Chine, la politique de « l'Amérique d'abord » du président Trump ainsi que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne font peser de fortes incertitudes sur les chaînes d'approvisionnement et sur les performances à l'exportation. Le poids considérable de la fiscalité, en particulier des impôts de production, continue à détériorer la compétitivité de nos produits.
Surtout, l'impérieuse nécessité de la transition environnementale place l'industrie française à la croisée des chemins. Celle-ci représente un quart de la consommation d'énergie en France, un tiers de la consommation d'électricité. À elle seule, l'industrie manufacturière émet près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne.
Les objectifs ambitieux de neutralité carbone en 2050, inscrits dans la récente loi Énergie et climat, et les fortes contraintes visant les produits plastiques ou les véhicules à motorisation thermique exigent une transformation profonde de l'appareil productif. Ces choix stratégiques induisent des coûts considérables qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Mal maîtrisée et non accompagnée, la transition énergétique et écologique pourrait aboutir à une désindustrialisation accélérée, destructrice de richesse et de savoir-faire, et source de détresse sociale pour les territoires. Paradoxalement, alors que la part de l'industrie a reculé en France, et que les émissions ont baissé de 20 %, dans le même temps, les importations ont fait augmenter de 11 % l'empreinte carbone globale de notre pays !
Malgré ces immenses défis, les moyens des politiques publiques s'atrophient, bien que le gouvernement promette la revalorisation de l'industrie avec un nouveau Pacte productif. Il y a les déclarations, et il y a les actes. J'ai identifié quatre priorités qui devraient être mieux prises en compte par le gouvernement dans ses arbitrages budgétaires.
Tout d'abord, le besoin de stabilité normative. Les dispositifs budgétaires et fiscaux au succès avéré doivent être inscrits dans la durée pour refléter le temps long de la décision des entreprises. C'est le cas du suramortissement pour l'investissement des PME dans l'Industrie du Futur, que j'avais proposé et que le Sénat a voté l'an passé. Il faut aussi à tout prix sanctuariser le budget de la « compensation carbone », qui sauvegarde la compétitivité des industries électro-intensives impactées par la hausse du prix du CO 2 .
Les interdictions de production doivent être décidées avec une visibilité suffisante afin de ne pas mettre en danger des filières entières, comme les 13 500 emplois de la filière diesel ou les producteurs de plastique à usage unique. Le Sénat s'est mobilisé sur la question des plastiques, en proposant dans de repousser d'un an l'interdiction prévue dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim). Dans la continuité de ces travaux, je vous soumets un amendement demandant au gouvernement de rendre un rapport qui analyse les aides mobilisables par l'État pour soutenir la reconversion des producteurs de plastique. La filière va profondément évoluer, les plastiques à usage unique seront interdits. Certaines entreprises risquent de disparaître si on ne les aide pas. Je connais le cas d'une entreprise où un millier d'emplois sont menacés à court terme, si on ne propose pas une reconversion, par exemple à base de chimie verte.
Le besoin d'innovation, ensuite. Certes, ce sujet est mineur dans la mission que nous examinons. Mais la politique du gouvernement à ce sujet semble insuffisante. Les PIA, qui portent une grande partie des crédits d'aide à l'innovation, sont encore trop élitistes : ils soutiennent l'innovation de rupture, les démonstrateurs pilotés par les grandes entreprises, mais s'occupent trop peu de l'industrialisation concrète des avancées technologiques. L'expérimentation, c'est bien, mais il faut aussi développer la diffusion concrète des technologies.
Le transfert de l'innovation aux PME et TPE incombe aux centres techniques industriels (CTI). L'année dernière, j'avais défendu deux amendements visant à maintenir leurs dotations budgétaires ainsi que leurs taxes affectées, écrêtées d'année en année... Je suis heureux que le Gouvernement ait fait volte-face et se soit rangé aux arguments du Sénat ; mais il ne prévoit de déplafonner que cinq des onze CTI ! Ils jouent pourtant un rôle essentiel en matière de transferts de technologie. Manquent par exemple à l'appel le CTI de la filière cuir, de la plasturgie ou encore de la filière bois. Je souhaite que le Gouvernement s'engage en séance publique à déplafonner dès cette année l'ensemble des taxes affectées aux CTI, pour que ceux-ci reçoivent tous les montants déboursés par les industriels. D'autant que leur dotation budgétaire baisse cette année encore de 10 %, comme l'année dernière...
Un besoin de financement, évidemment. Je me félicite de la montée en puissance cette année du suramortissement pour l'investissement des PME dans la robotique et la numérisation, dispositif adopté à l'initiative du Sénat. Il semble faire ses preuves, même si son utilisation est encore limitée. Il contribue à réduire le coût pour les petites entreprises qui doivent moderniser leur outil industriel. Je rappelle que l'âge moyen de notre appareil industriel est de 19 ans, soit le double de l'Allemagne...
La fiscalité de production pèse toujours lourdement sur la compétitivité de nos entreprises industrielles et leur capacité d'investissement. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement repousse ses travaux sur les impôts de production, en particulier la contribution sociale de la solidarité des sociétés (C3S). Une réforme est désormais annoncée pour 2020. J'y insiste, cette réforme ne devra pas grever le budget des collectivités territoriales, déjà touchées par la suppression de la taxe d'habitation. Les recettes affectées en échange devront être dynamiques.
Si les plus grandes entreprises peuvent aujourd'hui se
financer sans difficulté, les PME et TPE, surtout celles des secteurs
les plus exposés à la concurrence internationale, sont encore
dédaignées par le système bancaire. Le Gouvernement, lui,
pense que tout est réglé. Ce projet de loi de finances, comme le
précédent, entend éteindre complètement les
dotations budgétaires de Bpifrance destinées aux activités
de garantie bancaire.
Je rappelle que 90 % des 60 000 entreprises
accompagnées chaque année sont des TPE. Les
10 000 euros réintroduits par l'Assemblée nationale
sont bien loin du compte... Je vous soumets donc un amendement visant à
abonder de 20 millions d'euros les activités de garantie de
Bpifrance, qui joue un rôle essentiel. Sans la caution de Bpifrance, les
banques ne prêtent pas, notamment aux plus petits !
Il y a, enfin, un besoin d'accompagnement.
D'une part, la présence de l'État dans les
territoires se réduit de plus en plus. Les directions régionales
des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de
l'emploi (Direccte) ont perdu les trois quarts de leurs effectifs en deux ans.
Le programme « Territoires d'Industrie », qui souhaite
mieux associer l'échelon local, court le risque de rester une coquille
vide, en l'absence de budget dédié et flexible. Il ne faut pas
que le Gouvernement se cache derrière la décentralisation de
certaines compétences aux régions pour se retirer
complètement de la politique industrielle.
Les
Länder
allemands, eux, ont une fiscalité et des moyens ! Si, demain, on
transfère des compétences sans moyens, il n'y aura plus de
politique industrielle.
D'autre part, les chefs d'entreprises sur le terrain regrettent que de nombreuses aides et incitations, y compris les suramortissements, ne soient pas pleinement mises à profit, faute de sensibilisation des patrons, faute de compétences en interne ou faute de dialogue avec l'administration. L'accompagnement est réellement le point faible. Or, pour dépasser le « mur d'investissement » lié à la transition environnementale de l'industrie, les pouvoirs publics doivent apporter une capacité de conseil aux acteurs économiques. Je vous soumets un amendement visant à instaurer un crédit d'impôt pour le verdissement de l'industrie, selon un principe incitatif qui se rapproche de celui des suramortissements. Pourront faire l'objet d'un crédit d'impôt les coûts liés aux études et audits visant à rendre l'outil industriel plus vert, par exemple pour l'écoconception des produits, l'intégration de matière recyclée ou l'efficacité énergétique des sites. Seuls des opérateurs agréés pourront réaliser ces études, pour en garantir la qualité : je pense, par exemple, aux chambres de commerce et d'industrie ou à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), déjà mobilisée sur ce sujet. Ma proposition est le pendant des efforts que demande le Gouvernement à l'industrie, en particulier dans le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
Mes chers collègues, il me semble que l'industrie mérite, pour l'année 2020, un budget beaucoup plus ambitieux, à la hauteur des efforts qu'elle consent pour devenir plus verte et plus compétitive.
À cet égard, la question de l'hydrogène est posée avec force. Rappelez-vous que le plan Hulot prévoyait de consacrer 300 millions d'euros par an à l'hydrogène. Ce montant est descendu à 100 millions d'euros par an. C'est une faute ! En Allemagne, en Corée du Sud, au Japon, les montants se chiffrent en milliards d'euros. Nous voyons encore petit sur cette question, alors que le futur de notre industrie passera en grande partie par l'hydrogène.
Sous réserve de l'adoption des amendements que je vous proposerai, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » et de ses articles rattachés.
M. Daniel Gremillet . - Je suis surpris que le rapporteur pour avis nous propose d'émettre un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission, même sous réserve de l'adoption des amendements, compte tenu du faible soutien apporté à la politique industrielle dans notre pays. L'absence de développement industriel nous conduira à importer davantage, et donc à nous éloigner de l'atteinte de nos objectifs en matière de neutralité carbone.
On se moque des territoires. Aujourd'hui, les régions n'ont pas la capacité d'accompagner le développement économique. Faute de dynamique financière, le soutien qu'elles peuvent apporter à l'économie n'équivaut pas à ce qui était fait, par le passé, par les départements et les anciennes régions.
On est en train de piéger complètement le développement économique. Nous avons vraiment besoin de l'industrie. D'ailleurs, le développement industriel est une condition du plein emploi ! Je suis vraiment choqué par la stratégie de notre pays en matière d'industrie.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous sommes à des années-lumière de ce qu'il serait nécessaire de faire pour enrayer le déclin industriel majeur de notre pays, qui est plus fort qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La France est l'un des pays qui a accepté la plus grande désindustrialisation.
On peut nous opposer le coût du travail. Celui-ci n'est pas déterminant pour bien des secteurs, même s'il est vrai qu'il peut jouer dans l'industrie. Rien de sérieux n'est fait. C'est dramatique. Comment alerter les pouvoirs publics ? Derrière les mots, les actes ne suivent pas.
Certes, les collectivités allemandes disposent de moyens plus importants, mais elles ne sont pas autonomes. Hier, dans son propos, le Président de la République a cherché à nous faire croire que le système allemand, où le Parlement décide des dotations aux collectivités locales, était le bon. Ce faisant, il a oublié de rappeler que l'Allemagne est un État fédéral...
Il y a aujourd'hui dans les banques des marges de manoeuvre que l'État se refuse à mobiliser. En réalité, 60 % du produit du livret A est gardé par les banques. Ces dernières ont enregistré 700 millions d'euros de bénéfices cette année par le simple jeu des taux bancaires. Elles disent qu'elles aident les PME. C'est du pipeau !
Je suggère que l'on demande à l'État de ponctionner ce surplus de bénéfices non fondés des banques, soit pour le verser à Bpifrance, soit pour abonder un fonds de dotation pour l'accompagnement vert ou pour l'hydrogène. Je considère que cet argent n'est pas nécessaire au bon fonctionnement bancaire et qu'il s'agit d'un privilège indu dans le contexte actuel. Personne n'est capable de contrôler si les banques aident effectivement les PME !
M. Michel Raison . - Je ne suis pas favorable à l'amendement concernant le crédit d'impôt vert. Le verdissement devrait être de la prose que l'on fait sans le savoir. Au reste, on en fait depuis des années. Une telle usine à gaz bénéficiera aux cabinets d'étude les plus astucieux et aux entreprises pourvues de cadres administratifs performants. Cela aura forcément des effets pervers. Il vaut mieux simplifier les choses.
Rechercher des progrès permanents dans la préservation de l'environnement fait partie intégrante du quotidien des entreprises. Elles le font depuis des décennies !
Mme Élisabeth Lamure . - Il est extrêmement important de conserver le suramortissement, ainsi que le déplafonnement des taxes affectées aux CTI : c'est de l'argent que les entreprises utilisent pour la formation, dont on a bien besoin.
Plutôt qu'un rapport au Gouvernement, il aurait fallu une étude d'impact sur la filière plasturgique. Le mal est fait ! Des milliers d'emplois risquent de disparaître. Il est malheureusement déjà trop tard pour que nous puissions agir.
Je veux réagir à ce qu'a dit Marie-Noëlle Lienemann sur les banques : aujourd'hui, celles-ci financent très peu les entreprises industrielles. Je me demande si nous ne devrions pas approfondir ce sujet. C'est un vrai problème.
Mme Valérie Létard . - Le rapport de Martial Bourquin confirme ce que nous disons de manière régulière dans cette commission.
Il conforte aussi le travail que le Sénat a réalisé récemment sur la filière sidérurgique : les constats, les propositions, les inquiétudes sont les mêmes.
Nous avons le sentiment qu'il n'y a plus de vision
industrielle stratégique globale. C'est comme s'il n'y avait plus de
pilote dans l'avion.
On nous répète que l'industrie est une
priorité nationale, mais comment cela se traduit-il
concrètement ?
On peut aligner tous les dispositifs du monde. Sans transversalité, sans un ministère fort ayant des relations directes avec le Premier ministre et capable d'intervenir auprès des différents ministères, les industriels resteront en situation de fragilité. Les décisions doivent être globalisées et procéder d'une vision claire, pérenne, pluriannuelle.
Que défendons-nous au niveau européen, alors que
nombre des difficultés que nous rencontrons aujourd'hui émanent
de décisions européennes ? Quelle est l'ambition du
Président de la République et du Gouvernement sur ces
sujets ? Comment cette ambition s'incarne-t-elle ?
Qui est le
miroir de France Industrie au Gouvernement ? Qui globalise les contrats de
filières et les ambitions des industriels ? Difficile à
dire ! Mme Agnès Pannier-Runacher et M. Bruno Le Maire
s'occupent des sujets d'urgence, mais ce sont plus des pompiers que des
stratèges.
Il faut une autre ambition que celle de courir derrière les catastrophes. Il faut, au contraire, anticiper pour l'avenir et y mettre les moyens au plan national, parce que, sans stratégie nationale, il n'y a pas non plus de politique industrielle régionale.
M. Alain Chatillon . - Fin 2017 et début 2018, j'ai rédigé, avec Martial Bourquin, deux rapports sur la réindustrialisation de notre pays. Quasiment aucune des propositions de ces rapports n'a été reprise. J'en suis extrêmement déçu.
Je suis très inquiet s'agissant du Pacte productif. Les impôts de production coûtent environ 80 milliards d'euros à notre pays, quand il ne coûte que 30 milliards d'euros à l'Allemagne, où la production est supérieure d'un tiers. Je crains que l'on ne s'oriente vers une fiscalité qui frappe les collectivités. Je pense, notamment, à la contribution qui a remplacé l'ancienne taxe professionnelle, dont l'État pourrait essayer de récupérer une fraction.
Depuis six ans, je me bats aux côtés de l'association 60 000 Rebonds. Chaque année, 60 000 à 70 000 entreprises déposent le bilan. Or, dans 20 % des cas, les responsables ont engagé leur résidence principale. C'est une exception en Europe ! Cette situation est intolérable. Mes chers collègues, je sollicite votre soutien pour trouver, sur ce point, une solution qui nous permette d'accompagner les entreprises de manière cohérente et de manifester un minimum de reconnaissance à l'égard de ceux qui prennent les risques.
M.
Franck Montaugé
. -Je regrette que ce budget n'apporte
pas de correctif à des politiques qui privilégient les
métropoles et leur
hinterland
, à savoir les territoires
directement périphériques. Je pense au programme
« Territoires d'industrie », dont je déplore qu'il
ait ciblé des entreprises en fonction de leur localisation
géographique plutôt que des filières.
Ce programme est
aussi une opération de communication : quand on s'y penche de plus
près, on ne trouve pas forcément de moyens
supplémentaires...
Pour ma part, j'estime que les conseils régionaux jouent leur rôle en matière économique. Quoi qu'il en soit, la région Occitanie répond aux attentes en matière d'accompagnement des entreprises en développement - c'est du moins ce que disent les chefs d'entreprise.
La question de la fiscalité est importante. Il faudra que l'on étudie l'option consistant à déterritorialiser la fiscalité économique, en raisonnant sur des échelles territoriales de grand bassin de vie. Certains territoires ruraux sont concernés.
Enfin, je ne trouve dans ce budget nulle trace d'un accompagnement concret de nos entreprises dans les domaines du numérique et de la robotisation, dont on sait que l'impact sur la compétitivité est fort. C'est un manque important.
Mme Marie-Christine Chauvin . - Je veux insister sur la grande inquiétude de la filière de la plasturgie, dont les acteurs se sentent agressés. La pollution des océans n'est pas de leur fait : elle tient au comportement de citoyens. Toutes les entreprises de la plasturgie cherchent à rendre leurs composants mieux recyclables. Ils réalisent un énorme travail en ce sens, mais il faut leur laisser du temps.
Comment peut-on en convaincre le Gouvernement ? On a vraiment l'impression de prêcher dans le désert. C'est un grand risque pour nos entreprises et pour leurs emplois. Il est lamentable que le Gouvernement ne puisse pas entendre raison sur ce point.
Mme Sophie Primas , présidente . - C'est un sujet très important : quand nous n'aurons plus d'entreprises françaises pour chercher et trouver des solutions, nous serons à la main d'entreprises étrangères, qui ne sont pas assujetties aux mêmes normes environnementales.
M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Aux termes de notre règlement, si nous souhaitons que nos amendements soient examinés, nous devons voter les crédits. Le vote des amendements changera évidemment complètement les choses !
L'accès au crédit est fondamental. Des centaines de PME et de TPE ne parviennent pas à y accéder. En effet, l'industrie et le commerce font partie des secteurs à risques définis par les banques. Il faut que Bpifrance cautionne à 60 %. L'amendement de l'Assemblée nationale est ridicule : si l'on veut garder une industrie, il faudra que Bpifrance ait une dotation beaucoup plus large ! C'est une bêtise que de chercher à économiser sur de tels sujets.
Je veux répondre à Michel Raison. Avec le crédit d'impôt pour le verdissement, les PME auront les moyens de financer un audit de leur outil de production. Celui-ci doit être effectué par un organisme agréé, capable d'émettre un avis solide, pour que les entreprises ne soient pas incitées à réaliser des investissements qui ne sont pas nécessaires et qui seront rapidement obsolètes.
Au-delà de la filière de la plasturgie, l'emploi dans le secteur du diesel se retrouve dans une situation terrible. Il faut faire attention aux choix technologiques : après le tout-diesel, ne versons pas dans le tout-électrique. Il convient de laisser les choix technologiques ouverts. Nos entreprises doivent consentir des efforts sur les moteurs thermiques pour améliorer leur consommation de CO 2 . Enfin, l'hydrogène est certainement la solution du futur.
Le risque des impôts de production est redoutable. L'État appelle les collectivités à faire des efforts. Nous ne cessons d'en faire ! Les collectivités sont les seules à avoir diminué leur dette. Nous ne pouvons pas accepter une baisse des dotations, parce que ce serait nous mettre à genoux.
M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.3 a pour objet de restaurer la dotation budgétaire de l'activité de garantie de Bpifrance, à hauteur de 20 millions d'euros. Depuis deux ans, le Gouvernement entend supprimer cette dotation qui permet aux TPE de bénéficier de près de 8,7 milliards de prêts bancaires garantis. Il faut aller plus loin que l'amendement cosmétique de l'Assemblée nationale, qui a abondé cette ligne budgétaire de 10 000 euros seulement... Il en va de l'accès au crédit de près de 60 800 entreprises.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.4 vise à demander que le Gouvernement remette une étude, dans un délai de quatre mois suivant la promulgation du PLF, sur les dispositifs fiscaux et budgétaires déjà mobilisés et pouvant être mis en place pour faciliter la transformation de la filière de plasturgie.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.5 tend à créer un crédit d'impôt pour le verdissement des PME industrielles. Ce dispositif couvrira 40 % des dépenses engagées pour des prestations de conseil ou d'ingénierie, dans la même logique qu'un suramortissement. Il réduira le montant de l'impôt et sera plafonné pour éviter les effets d'aubaine. Les prestataires devront être des organismes agréés. Nos PME et nos ETI en ont besoin !
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Le volet « numérique et postes » de la mission « Économie » comporte peu de changements par rapport à l'année dernière.
La compensation versée par l'État à La Poste pour sa mission de transport de presse continue à diminuer, conformément au contrat d'entreprise passé entre les deux entités. Je renouvelle, comme chaque année, mon interrogation sur le rattachement de ce poste à la mission « Économie » .
Le budget global traduit également la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et la scission des activités de l'Agence du numérique. Seule la mission French Tech reste à Bercy. Elle bénéficie d'un budget en forte hausse, de plus 2,9 millions d'euros, pour un total de 6,68 millions d'euros. L'initiative France Num, lancée en 2018 et visant à favoriser la transformation numérique des TPE et PME, ce qui est un enjeu majeur, fait également l'objet d'une ligne budgétaire, relativement modeste, de 700 000 euros, notamment pour financer sa plateforme en ligne. L'Agence nationale des fréquences (ANFR) connaît également une légère hausse de son budget pour financer ses dépenses courantes.
Concernant le Fonds d'accompagnement de la réception télévisuelle (FARTV), mis en place en 2017, qui vise les zones où des difficultés chroniques de réception se manifestent - elles sont nombreuses - et où aucune modification du réseau TNT n'est envisagée, ce dispositif devrait être ouvert à de nouvelles communes de l'Hérault cette année. Il est malheureusement peu utilisé : seulement 1 % des foyers éligibles formule une demande d'aide et seules 544 aides ont été accordées, ce qui démontre une méconnaissance de la part du grand public. Je vous invite donc à communiquer sur ce fonds, qui permet une amélioration de la réception télévisuelle.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) bénéficie, pour sa part, de quelques emplois supplémentaires pour assurer sa nouvelle mission de régulation de la distribution de la presse : le nombre d'ETP passe de 171 à 176.
Je souhaite m'arrêter sur le financement du plan France Très haut débit. Pour mémoire, ce plan finance les projets de réseaux numériques à très haut débit dits « d'initiative publique ». Ces projets sont portés par les collectivités territoriales dans ce que la régulation appelle les « zones moins denses » - globalement, les zones rurales -, où il n'est pas rentable d'investir pour les opérateurs privés. Le budget arrêté par les gouvernements successifs est de 3,3 milliards d'euros versés par l'État pour atteindre l'objectif de 100 % de locaux couverts en très haut débit - 30 mégabits par seconde - d'ici à 2022, principalement en recourant à la fibre optique jusqu'à l'abonné.
La tâche est lourde. En 2018, la France était le dernier pays de l'Union européenne en termes de couverture en très haut débit, notre pays ayant fait le choix de la fibre. Aujourd'hui, la dynamique s'inverse doucement, mais sûrement : 58 % des locaux sont couverts, et 42 % le sont en fibre optique. On observe une accélération sans précédent du rythme des déploiements en fibre optique, qui devrait dépasser les 4 millions de prises cette année, contre moins de 3 millions il y a deux ans. Il faut saluer le travail réalisé par nos entreprises en ce sens.
Mais le plus dur reste à faire : si les grandes villes sont couvertes en fibre optique à 85 %, les villes moyennes le sont à 53 % et les zones rurales, à seulement 15 %. Or celles-ci sont évidemment les plus difficiles à couvrir, en raison de la dispersion de l'habitat.
Étonnamment, le Gouvernement avait décidé de fermer le « guichet » de subventionnement à la fin de l'année 2017, estimant que les financements déjà engagés suffiraient à remplir l'objectif de 100 % de très haut débit en 2022, laissant 27 départements, qui n'ont pas choisi de passer par un appel à manifestation d'engagements locaux (« AMEL »), dans l'incapacité de financer leur projet de réseau d'initiative publique (RIP). Le Gouvernement a annoncé, à la fin du mois d'octobre 2019, une réouverture du guichet. Concrètement, il recycle 140 millions d'euros économisés sur les dossiers déjà engagés, pour lesquels les appels d'offres sont moins-disants, du fait de conditions de marchés plus favorables, et compte sur d'autres opérations de recyclage à venir dans les prochaines années pour atteindre la « généralisation » de la fibre optique d'ici à 2025. Reconnaissons que le procédé est relativement aléatoire.
Or, selon l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, le besoin total de financement pour les collectivités prêtes à se lancer dès 2020 s'élève à 462 millions d'euros. La Bretagne, à elle seule, aurait besoin de plus de 200 millions d'euros. Autrement dit, on peut craindre que le guichet ne soit fermé dès le lendemain de sa réouverture ! Face aux multiples dossiers en attentes, comment le Gouvernement priorisera-t-il ces projets ? Quelle collectivité méritera de passer devant l'autre et selon quels critères ?
Dans ce contexte, il paraît nécessaire d'abonder les crédits alloués au plan France Très haut débit de 322 millions d'euros d'autorisations d'engagement - l'année dernière, notre collègue Patrick Chaize avait présenté un amendement tendant à un abondement de 200 millions d'euros, qui avait été adopté par notre Assemblée. Tel est le sens de l'amendement que je vous soumets. Il s'agit d'équiper les 27 départements et toutes les zones rurales en attente, mais aussi de booster notre économie. En effet, nous savons que, derrière ces déploiements, il y a des armoires, des connectiques, des câbles fabriqués pour l'essentiel en France, par des entreprises locales.
J'ajoute que, face aux allers-retours sur ce guichet France Très haut débit, on peut s'interroger sur la stratégie du Gouvernement en matière de déploiement, notamment au regard des réseaux d'initiative publique, quand on considère, en parallèle, le dispositif des appels à manifestation d'engagements locaux, qui reposent sur une forme de partenariat public-privé. Demain, les réseaux d'initiative publique, qui appartiendront aux collectivités et pour lesquels elles auront des recettes, cohabiteront avec d'autres réseaux, fondés sur ces partenariats public-privé. Cela pose un certain nombre de questions à moyen et long termes qui ne sont absolument pas abordées à ce stade.
Afin d'assurer une plus grande transparence de ces processus, il conviendrait de discuter, au sein du comité de concertation France Très haut débit, qui réunit toutes les parties prenantes - État, opérateurs et collectivités -, de la fiabilité de la gestion à long terme et de ces opérations de recyclage sur lesquelles le Gouvernement appuie ses budgets, ainsi que sur le fonctionnement à moyen et à long termes de ces réseaux.
Il est également essentiel d'anticiper la décroissance prévisible des besoins en main-d'oeuvre. Quand le pic d'activité de 2020 sera passé, quelles seront les perspectives pour les entreprises et leurs salariés qualifiés ? La signature du contrat stratégique de la filière des « infrastructures numériques » paraît, de ce point de vue, essentielle. Elle devrait aboutir prochainement.
J'en viens à l'objectif du « bon haut
débit » - 8 mégabits - pour tous
fixé par le Président de la République en 2017 pour
l'année prochaine.
Le guichet « cohésion
numérique », qui permet d'aider les particuliers à
recourir à des solutions hertziennes comme la 4G fixe, la boucle locale
radio ou le satellite, fait l'objet d'une mise en oeuvre difficile : les
premières aides ne seront décaissées que d'ici à la
fin de l'année, soit près de deux ans après l'annonce du
guichet. Au reste, aucun suivi statistique n'est effectué à ce
jour : l'objectif est donc, à ce stade, largement
théorique.
Je souhaite terminer par quelques remarques sur la couverture mobile. Le « New Deal mobile », signé en 2018 entre l'État et les opérateurs, a renouvelé le traitement des zones blanches, en donnant davantage de poids aux collectivités pour décider du lieu d'installation des nouveaux sites en 4G dans les zones les moins bien couvertes. C'est ce que l'on appelle le dispositif de « couverture ciblée », piloté à l'échelle départementale, souvent entre les services du département et ceux de l'État. À ce jour, 1 172 sites ont déjà été sélectionnés par arrêté, mais seulement six sont en service. Cependant, les opérateurs se disent confiants quant au respect des échéances obligatoires. L'Arcep devra être vigilante sur ce point. Sur le terrain, une trentaine de sites rencontreraient des difficultés, notamment pour trouver du foncier exploitable. C'est une problématique dont le Gouvernement devrait se saisir.
Les élus doivent être informés de ce dispositif sur le territoire : les équipes-projets sur le terrain, qui réunissent les services de l'État et les représentants des collectivités, doivent davantage communiquer sur leur action. Je vous invite à solliciter auprès d'elles des informations.
Enfin, à l'heure où l'investissement dans les infrastructures est une priorité, une réflexion devrait être menée, peut-être dans la perspective du budget 2021, sur la fiscalité spécifique applicable aux opérateurs de communications électroniques - imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) mobiles et fixes, TOCE...-, qui représente près de 1,2 milliard d'euros chaque année. Cette fiscalité handicape d'autant le déploiement rapide des installations, notamment dans la perspective de la 5G. Elle a un effet « boule de neige » pour les opérateurs.
Mes chers collègues, je vous propose d'émettre un avis favorable sur ces crédits, sous réserve de l'adoption de mon amendement.
Mme Viviane Artigalas . - Je veux revenir sur le financement des RIP. N'oublions pas que ceux-ci ont initialement été pensés pour les zones rurales, particulièrement pour « fibrer » les zones d'activité économique dans ces dernières.
Les collectivités ont consenti des efforts. Les départements ont souvent été à la manoeuvre, ainsi que les régions. Les collectivités locales, particulièrement les communes et les intercommunalités, ont également été sollicitées pour abonder les RIP. Bien évidemment, les financements de l'État étaient attendus pour boucler ces plans de financement. Quand l'État a fermé les robinets, les collectivités ont été mises en difficulté.
Je me réjouis de la réouverture du guichet, mais il est vrai que les financements ne suffisent absolument pas. Nous avons interrogé le ministre sur la pérennité de ces financements sur les années suivantes. Il ne nous a pas répondu, disant simplement qu'il trouverait les financements. On peut en douter. Je suis inquiète, car les entreprises qui subsistent encore en milieu rural n'auront peut-être bientôt plus qu'une solution : partir, au risque de pénaliser une nouvelle fois nos territoires ruraux. Nous devons donc être très vigilants sur ce sujet.
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - L'amendement AFFECO.6 vise à abonder le plan France Très haut débit à la hauteur des dossiers prêts à ce jour dans les collectivités.
Je rappelle que 27 départements sont concernés par ces demandes de financement des RIP. Les besoins pour 2020 sont estimés à 462 millions d'euros. Il s'agit donc d'inscrire en autorisations d'engagement les 322 millions d'euros qui manquent pour accompagner ces territoires.
Notre collègue a insisté sur l'urgence de la situation. Aujourd'hui, des situations discriminantes sont créées sur un certain nombre de territoires. Dès lors qu'il n'y a pas de très haut débit, les entreprises et les acteurs économiques ne sont pas en capacité de travailler dans de bonnes conditions.
Il convient d'envoyer un signal au Gouvernement sur ce sujet. En effet, on ne peut accepter que le déploiement RIP soit aujourd'hui suspendu à des pseudo-opérations de recyclage ou à des gains que l'on pourrait faire sur des marchés moins-disants.
L'amendement AFFECO.6 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », ainsi qu'à l'adoption des articles rattachés, sous réserve de l'adoption de ses amendements.