C. UNE SPÉCIFICITÉ À CONSERVER, UNE ATTRACTIVITÉ À MAINTENIR

1. L'enseignement agricole doit s'adapter à plusieurs réformes d'ampleur

L'année 2019 constitue une année de transition pour l'enseignement agricole, dont les composantes sont directement concernées par une série de réformes majeures :

- celle du baccalauréat général et technologique et des enseignements au lycée ;

- la rénovation de la voie professionnelle ;

- la réforme de l'apprentissage, prévue par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Si les services du ministère affirment avoir été pleinement associés à la conception de ces réformes, menées respectivement par les ministères de l'éducation nationale et du travail, nombre d'interlocuteurs ont déploré une attitude qu'ils qualifient de « suiviste » ou d'« attentiste » devant des réformes vécues comme largement exogènes.

Ces critiques expriment un double enjeu : celui du maintien de la spécificité et de l'attractivité de l'enseignement agricole.

a) La réforme du baccalauréat général et technologique

Dans la voie technologique, la série « sciences et technologies de l'agronomie et du vivant » (STAV), seule proposée dans les établissements d'enseignement agricole, est maintenue.

S'agissant de la voie générale, les établissements de l'enseignement agricole ne préparent aujourd'hui qu'au baccalauréat général de la série scientifique, proposant une spécialité « Écologie, agronomie et territoires » spécifique à l'enseignement agricole.

Dans le cadre de la nouvelle organisation des enseignements, il a été fait le choix de conserver le caractère scientifique du baccalauréat général proposé par les établissements relevant de l'enseignement agricole et de privilégier la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur dans le domaine des sciences du vivant.

En classe de première, trois enseignements de spécialité seront proposés : mathématiques, physique-chimie et biologie-écologie, cette dernière étant spécifique à l'enseignement agricole. Deux de ces trois spécialités seront conservées par les élèves en classe de terminale.

L'attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur la nécessité de donner aux élèves le plus large choix possible de spécialités ; nombre d'interlocuteurs ont exprimé la crainte que l'absence affichée de choix décourage l'orientation vers l'enseignement agricole.

Afin de répondre à ces préoccupations, le ministère a annoncé que des marges de manoeuvre seront dégagées afin que chaque établissement puisse proposer deux doublettes de spécialités aux élèves de terminale.

La doublette réunissant les spécialités biologie-écologie et physique-chimie sera systématiquement offerte dans les établissements. Elle pourra s'accompagner :

- d'une seconde doublette constitué d'une de ces deux spécialités et de la spécialité mathématiques ; ou bien

- de deux enseignements optionnels dont celui des mathématiques complémentaires, « ce triptyque correspondant au schéma pédagogique le plus équilibré pour une poursuite d'études vers l'enseignement supérieur long » 72 ( * ) , notamment vers les classes préparatoires BCPST.

Le ministère souligne que « la possibilité de proposer des enseignements optionnels spécifiques dans les établissements de l'enseignement agricole est maintenue (hippologie équitation, unité facultative engagement citoyen...) ».

Votre rapporteur pour avis estime toutefois qu'il conviendra de faire preuve de vigilance quant à l'attractivité des formations proposées par l'enseignement agricole.

b) La réforme de la voie professionnelle

La réforme de la voie professionnelle entreprise dans l'éducation nationale ne devrait avoir que des conséquences très limitées sur le dispositif de formation dans l'enseignement agricole.

En effet, bon nombre des pistes de travail annoncées par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse - création de classes de seconde professionnelle sectorielles, meilleure articulation de l'enseignement général et de l'enseignement professionnel, différenciation et individualisation des parcours, articulation avec le monde économique et professionnel - s'inspirent plus ou moins directement de ce qui a cours dans l'enseignement agricole.

De même, la réduction annoncée du volume horaire global d'enseignement du baccalauréat professionnel dans l'éducation nationale, aujourd'hui de 31 heures hebdomadaires, devrait le rapprocher de celui mis en oeuvre dans l'enseignement agricole, où il s'élève à 28 heures.

La DGER a toutefois annoncé réfléchir à une « meilleure imbrication entre enseignements généraux et enseignements techniques en baccalauréat professionnel » ainsi qu'à « augmenter plus encore les semaines de formation en milieu professionnel, demande plébiscitée par les jeunes et les entreprises ».

c) La réforme de l'apprentissage

Les composantes de l'enseignement agricole ont formé en 2017-2018 plus de 34 000 apprentis, faisant de l'enseignement agricole un acteur majeur de la formation en alternance.

Les interrogations suscitées par la réforme de l'apprentissage portent principalement sur son financement - celui-ci passant d'un financement à la classe avec une subvention d'équilibre à un financement à l'apprenti, selon un barème défini par l'opérateur de compétences (OPCO) - et sur la concurrence à laquelle les établissements de l'enseignement agricole seront exposés.

S'il ne méconnaît pas l'important travail d'adaptation que les établissements de l'enseignement agricole devront effectuer, votre rapporteur pour avis est résolument optimiste quant à leur place dans le nouveau système. L'enseignement agricole possède en effet de nombreux atouts : des formations de qualité, un savoir-faire reconnu, des relations étroites avec le tissu économique et une faculté à répondre aux besoins des territoires et des entreprises.

De plus, les conseils régionaux, qui conserveront une compétence en matière d'investissements, pourront également abonder le financement forfaitaire versé par l'OPCO dans un souci d'aménagement du territoire ou d'aide à des publics particuliers.

Votre rapporteur pour avis note avec satisfaction qu'un travail d'accompagnement des équipes pédagogiques de l'enseignement public est engagé par la DGER dans le cadre d'un plan triennal, afin de préparer au mieux les établissements à la nouvelle donne créée par la loi du 5 septembre 2018.

2. Une complémentarité avec l'éducation nationale à renforcer

S'il est attaché à la spécificité de l'enseignement agricole, votre rapporteur pour avis est favorable au renforcement des mutualisations avec l'éducation nationale , et cela en vue d'améliorer l'efficience et la qualité du service rendu .

En raison de leur dispersion sur le territoire, les établissements de l'enseignement agricole ont tout à gagner à s'appuyer sur le maillage plus resserré de l'éducation nationale .

Malgré les protestations rituelles d'entente, les exemples de coopérations à l'échelon local entre les deux réseaux relèvent jusqu'à présent davantage d'initiatives individuelles que d'une volonté politique affirmée . En particulier, les relations demeurent tendues et difficiles dans les régions qui connaissent une baisse de leur démographie et où tend à naître une forme de concurrence de l'offre de formation.

Votre rapporteur pour avis ne peut dès lors que saluer la conclusion par les deux ministres concernés , le 27 février 2018, d'une convention identifiant les domaines dans lesquels l'éducation nationale et l'enseignement agricole vont collaborer plus étroitement . La convention cite ainsi :

- l'orientation et l'affectation des élèves ;

- l'élaboration des référentiels de formation ;

- la conduite des politiques éducatives, en particulier l'accueil des élèves handicapés et la lutte contre le décrochage ;

- l'éducation artistique et culturelle ;

- la cohérence de l'offre de formation et la mobilisation de la ressource humaine (remplacement, formation continue, solutions de mobilité) ;

- les partenariats en matière statistique et de systèmes d'information.

La convention institue un comité de suivi ; réuni tous les ans, il a pour mission d'effectuer le bilan des collaborations de l'année scolaire et de fixer le programme de travail pour l'année scolaire suivante. Pour l'année scolaire 2018-2019, un premier programme de travail a été élaboré et validé le 6 juillet 2018 . Sont notamment mis en avant l'orientation, afin de garantir à tous les jeunes une meilleure connaissance de l'offre de formation de l'enseignement agricole et d'y faciliter l'affectation des élèves , ainsi que la convergence des systèmes d'information. Le ministère fait état d'un travail « prioritaire à mener sur l'identifiant national élève (INE), ce numéro étant indispensable pour générer un LSU (livret scolaire unique) ».

La convention est déclinée dans chaque région, en prenant parfois appui sur des conventions préexistantes. Par exemple, dans la région Grand Est, une convention avait été conclue en 2017 entre la région académique et la DRAAF. Elle prévoit des actions de formation continue communes, notamment dans le cadre de la mise en place de l'environnement numérique de travail (ENT) Grand Est et du déploiement du lycée dit « 4.0 ».

Ce partenariat renforcé s'inscrit dans une démarche positive : promouvoir l'enseignement agricole dans le cadre de l'orientation des élèves est un enjeu existentiel pour ce dernier ; comme le rappelait M. Philippe Poussin, président du CNEAP, « 100 % des jeunes de l'enseignement agricole proviennent de l'éducation nationale » 73 ( * ) .

La pérennité de l'enseignement agricole est en effet un enjeu majeur dans la mesure où celui-ci, à la fois voie d'excellence et de promotion sociale, permet de répondre à certains des grands défis auxquels est confronté notre pays : la transition agro-écologique, l'aménagement équilibré du territoire, la capacité à faire réussir tous les élèves, la montée en gamme de la formation professionnelle et son adéquation aux besoins des entreprises.

Votre rapporteur pour avis se réjouit donc du lancement annoncé en 2019 d'une campagne d'information visant à faire connaître l'enseignement agricole et les métiers auxquels il prépare.

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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

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Sous réserve de l'adoption de son amendement, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2019.


* 72 Réponse de la DGER au questionnaire de votre rapporteur pour avis.

* 73 Audition du 19 octobre 2018.

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