B. MENER UNE POLITIQUE AMBITIEUSE EN MATIÈRE D'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES
Votre rapporteur pour avis remarque que l'ensemble des mesures du projet de loi vont dans le sens d'une accélération des déploiements , objectif auquel il souscrit naturellement.
Certaines lacunes importantes demeurent toutefois , concernant le contrôle des obligations de déploiements des opérateurs ou encore l'évaluation de la qualité de la couverture mobile proposée à nos concitoyens. Sur ce point, les échanges de votre rapporteur pour avis avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) confirment que l'Autorité prépare l'inscription des engagements des opérateurs dans les autorisations d'attribution de fréquences actuelles permettant la mise en oeuvre de l'accord mobile de 2018 . En prévision de l'arrivée à échéance prochaine de certaines autorisations des bandes 900, 1 800 et 2 100 MHz, l'ARCEP devrait bientôt lancer la procédure d'attribution des futures autorisations d'utilisation de fréquences, dont l'attribution se ferait d'ici la fin de l'année 2018.
De même, l'objectif de mutualisation des réseaux est absent du texte , alors même qu'il constitue « le meilleur modèle pour le marché français et l'équipement du territoire », comme l'a rappelé l'ARCEP dans son avis du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat 29 ( * ) .
Ces sujets étaient d'ailleurs traités dans la proposition de loi déposée par votre rapporteur pour avis et adoptée par le Sénat le 6 mars 2018, sur le rapport de notre collègue Marta de Cidrac 30 ( * ) , de même que dans les différents rapports d'information faits par le Président Hervé Maurey et votre rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 31 ( * ) .
Dans ce contexte, le travail de votre rapporteur pour avis sur ce texte a été guidé par deux objectifs principaux :
- améliorer la couverture mobile proposée aux citoyens sur l'ensemble du territoire ;
- accélérer le déploiement des réseaux de communications électroniques fixe à très haut débit en fibre optique .
Votre rapporteur pour avis a souhaité proposer des évolutions de nature à garantir l'effectivité et l'intelligibilité des dispositions du volet numérique du projet de loi « ELAN » et à le rendre plus ambitieux en matière de déploiement des réseaux de communication électronique fixe et mobile, s'agissant d'un enjeu essentiel de cohésion territoriale et sociale.
1. Accélérer la couverture numérique du territoire et le déploiement des réseaux à très haut débit
À l'article 63, votre commission pour avis a adopté l'amendement COM-94 visant à adapter le régime des servitudes afin d'accélérer les déploiements . Cet amendement a un triple objet : il s'agit, en premier lieu, d'améliorer la rédaction du second alinéa de cet article, qui permet la création de servitudes de façades indépendamment des servitudes préexistantes ; en second lieu, de réduire le délai laissé au propriétaire pour présenter ses observations en cas de projet de servitude sur sa propriété (le délai d'un mois paraît suffisant pour se prononcer et permettra d'éviter une certaine inertie constatée sur le terrain) ; enfin, d'étendre les servitudes d'élagage au stade du déploiement des réseaux, pour remédier à une difficulté d'interprétation du texte actuel de l'article L. 51 du code des postes et des communications électroniques, ainsi qu'aux propriétés riveraines des terrains sur lesquels sont implantées les installations nécessaires aux réseaux de communications électroniques ouverts au public.
À l'article 63 quater , votre commission pour avis a adopté l'amendement COM-96 précisant que les associations syndicales désignent un opérateur dans les douze mois après avoir reçu le « fibrage » de l'immeuble plutôt que simplement « statuer » sur une telle demande. Une majorité qualifiée pourra néanmoins s'opposer à ce choix .
Dans le droit fil de cet objectif d'accélération, votre commission pour avis a également proposé d'insérer des articles additionnels pour :
- étendre à l'atterrage des canalisations de communications électroniques une disposition introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte 32 ( * ) au profit de l'atterrage des canalisations souterraines réalisées dans le cadre de projets d'énergie marine renouvelable ou d'interconnexion afin d'accélérer la couverture numérique des territoires ; les ouvrages visés sont toujours souterrains, ce qui est indispensable au regard de l'enjeu de préservation paysagère de notre littoral ( amendement COM-92 rect.) ;
- faciliter la couverture numérique des zones reculées en introduisant une dérogation sectorielle au principe de construction en continuité d'urbanisme dans les zones de montagne visant les constructions et installations relatives aux communications électroniques ( amendement COM-100 ) ;
- prévoir la mise à disposition des opérateurs, par l'État, d'une base d'adresses nationale sur le fondement de celle construite par La Poste et l'Institut géographique national, au 31 décembre 2018. Votre rapporteur pour avis rappelle que la France perd chaque année plus de 0,5 point de PIB, soit 10 milliards d'euros, du fait d'un mauvais référencement des adresses ( amendement COM-104) ;
- prévoir la possibilité d'utiliser les infrastructures d'accueil du réseau « basse tension » du gestionnaire de la distribution d'électricité ENDEIS pour le déploiement des lignes de communications en fibre optique. Votre rapporteur pour avis souhaite que l'arrêté technique interministériel de 2001 fixant les conditions de sécurité pour l'utilisation de ce réseau soit modifié ( amendement COM-105) ;
2. Mieux maîtriser et accompagner l'aménagement numérique du territoire au service des citoyens
Votre commission pour avis a proposé une modification de l'article 62 ter pour avancer la date à laquelle le Gouvernement doit effectuer un bilan de la dérogation au droit de retrait des décisions d'urbanisme. L'amendement COM-93 vise à anticiper son éventuelle prorogation ou sa pérennisation.
À l' article 63 bis , votre commission pour avis propose une nouvelle rédaction pour assurer la proportionnalité de l'atteinte au droit de propriété dans l'accès des opérateurs de communications électroniques aux parties communes des immeubles, en précisant que cet accès est donné pour les besoins exclusifs de l'installation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ( amendement COM-95 ).
S'agissant des opérateurs , votre rapporteur a proposé deux amendements visant à les inciter à tenir leurs engagements de déploiements en termes de complétude et de temporalité . L'amendement COM-97 vise ainsi à durcir les sanctions auxquelles ils s'exposent en cas de non-respect de leurs obligations de déploiement et l'amendement COM-98 a pour objet de permettre à l'ARCEP de sanctionner les opérateurs au regard de leurs manquements aux obligations de déploiement et de complétude locales.
Une nouvelle rédaction a par ailleurs été proposée pour l' article 64 bis , afin de permettre de « dé-codifier » la dérogation introduite par l'Assemblée nationale relative aux marchés de conception-réalisation pour l'établissement d'infrastructures et de réseaux de communications électroniques en application de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Il s'agissait également de supprimer l'alinéa 4 portant sur le logement social, qui apparaît en contradiction avec l'alinéa 1 de l'article 20 du projet de loi, supprimant le dispositif expérimental de libre recours aux marchés publics de conception-réalisation pour les entités du secteur du logement social, prévu dans l'ordonnance du 23 juillet 2015 précitée ( amendement COM-99 ).
Dans la même logique de maîtrise et d'accompagnement de l'aménagement numérique des territoires et en lien avec l'objet du projet de loi visant à s'adapter aux évolutions sociétales, votre commission pour avis a également proposé d'insérer des articles additionnels pour :
- créer une fiche d'information sur l'accès aux réseaux fixes et mobiles en cas d'achat ou de location de tout ou partie d'un immeuble ; l'accès à ce type d'information apparaît aujourd'hui essentiel et devrait être ouvert sans qu'une démarche spécifique doive être accomplie ; l'amendement COM-101 modifie ainsi le code de la construction et de l'habitation pour prévoir la remise de cette fiche ;
- créer une contribution de solidarité numérique qui devrait alimenter le Fonds d'aménagement numérique institué en 2009 mais qui n'est jamais monté en charge alors même qu'il pourrait constituer un puissant levier d'investissement pour accélérer les déploiements ( amendement COM-102 ) ;
- imposer aux opérateurs de réseaux de fournir aux opérateurs de services un accès à une offre de fibre active, dans des conditions économiques et techniques transparentes, raisonnables et non discriminatoires. L'amendement COM-103 a pour objet de permettre à des opérateurs alternatifs de renforcer leur position de marché et donc de favoriser la concurrence au bénéfice du consommateur. Dans son analyse des marchés fixes, adoptée et publiée en décembre 2017, l'ARCEP a imposé à Orange de fournir une offre d'accès à ses fibres optiques passives « dans des conditions techniques et tarifaires à même de permettre une dynamique plus forte du marché de gros activé pour les entreprises avec au moins trois opérateurs d'infrastructure nationaux » 33 ( * ) . Cette offre permet d'ores et déjà à des opérateurs autres qu'Orange d'utiliser le réseau fibre d'Orange pour lancer leurs propres offres activées, favorisant ainsi une dynamique concurrentielle sur ces offres activées. Néanmoins, votre rapporteur pour avis souhaite renforcer la dynamique concurrentielle sur le marché des services de communications électroniques et a dès lors proposé la mise à disposition par les opérateurs de réseaux d'offres activées dans le cadre de conditions économiques et techniques transparentes, raisonnables et non-discriminatoires.
Votre commission pour avis rappelle l'importance de ces déploiements de réseaux de communications électroniques à très haute capacité aussi bien comme facteur de cohésion territoriale et sociale que comme nécessité économique pour permettre à toute entreprise et tout individu de s'insérer dans l'environnement économique et d'en tirer le meilleur parti.
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Sous réserve de l'adoption de ses amendements, notre commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis.
* 29 Avis n° 2017-1293 de l'ARCEP en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires.
* 30 Voir le rapport n° 322 (2017-2018) précité.
* 31 V oir les rapports d'information n° 193 (2015-2016) et n° 712 (2016-2017) précités.
* 32 Loi n° 2015-999 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
* 33 Décision n° 2017-1347 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 14 décembre 2017 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d'accès local en position déterminée, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.