EXAMEN DES ARTICLES
Article 3 (art. L. 160-2, L. 160-17, L. 160-18, L. 162-1-12, L. 262-2, L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2, L. 722-1, L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale, art. L. 111-1 du code de la mutualité, art. L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 832-1 du code de l'éducation, art. L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires) - Suppression du régime de sécurité sociale applicable aux étudiants
Objet : Cet article met fin, à compter du 1 er septembre 2018, à la délégation de gestion pour la couverture des étudiants au titre de l'assurance maladie obligatoire.
I - Le dispositif proposé
Le présent article supprime la délégation de gestion du régime général dont bénéficient, depuis 1948, les mutuelles étudiantes, au bénéfice du maintien du rattachement des étudiants aux organismes de sécurité sociale assurant auparavant la couverture de leurs frais de santé, comme assurés à titre personnel.
Il modifie en ce sens le code de la sécurité sociale ( I ), procède à des coordinations dans divers autres codes ( II à V ) et fixe les modalités d'entrée en vigueur de ces dispositions ( VI ).
• Le I modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale, pour mettre fin au régime spécifique de prise en charge de l'assurance maladie des étudiants et procéder aux coordinations nécessaires.
Le 1° modifie l'article L. 160-2 sur le statut d'ayants droits des enfants mineurs. Il renvoie à un décret la date précise à laquelle prend fin le statut d'ayant droit l'année des 18 ans de l'enfant, tout en maintenant la possibilité de bénéficier d'une prise en charge à titre personnel dès 16 ans.
Le 2° et le 3° modifient par coordination les articles L. 160-17 et 160-18 sur les modes de prise en charge des frais de santé.
Le 4° complète et renumérote l'article L. 262-2 afin de confier aux organismes gestionnaires des régimes obligatoires le soin d'assurer des actions de prévention en santé en direction des jeunes âgés de 16 à 23 ans . Cet article, introduit par la loi « égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017 16 ( * ) , prévoit déjà une « information individualisée » délivrée par les organismes gestionnaires de l'assurance maladie obligatoire en direction des jeunes, à l'âge de 16 ans, à la sortie du statut d'ayant droit et enfin à 23 ans.
Le 5° procède à une coordination.
Le 6° constitue une disposition centrale en abrogeant la section applicable aux étudiants , constituée des articles L. 381-4 à L. 381-8 du code de la sécurité sociale.
Il supprime, de fait, la cotisation forfaitaire annuelle , prévue à l'article L. 381-8, dont sont redevables les étudiants, à l'exception notamment des titulaires d'une bourse de l'enseignement supérieur, des jeunes âgés de moins de 20 ans ou de ceux exerçant une activité professionnelle au-delà d'un certain volume d'heures. Cette cotisation est recouvrée auprès de l'établissement d'enseignement supérieur en même temps que les frais d'inscription. Son montant est de 217 euros pour l'année universitaire 2017-2018 17 ( * ) . Son rendement global s'établit à 205 millions d'euros en 2015 ; il est évalué à près de 190 millions d'euros pour 2017.
Comme le souligne l'étude d'impact, cette mesure conduit à faire entrer les étudiants « dans le droit commun de la PUMA » (protection universelle maladie) : ils « contribueront au financement de la sécurité sociale en fonction de leur situation et de leurs ressources » .
Les 7° à 10° procèdent à des coordinations dans les articles concernant la prise en compte des périodes d'études par les régimes d'assurance vieillesse des indépendants (7°), des professions libérales (8°) et des avocats (10°), ainsi que s'agissant du régime d'assurance obligatoire applicable aux étudiants en médecine (9°).
• Les II à V procèdent à des coordinations dans d'autres codes : le code de la mutualité (suppression de la référence au régime étudiant dans l'objet des mutuelles), le code rural et de la pêche maritime (prise en compte des périodes d'étude par le régime d'assurance vieillesse des non salariés des professions agricoles), le code de l'éducation (conditions de prise en charge des frais de santé des étudiants) et le code des pensions civiles et militaires (prise en compte des périodes d'étude dans le droit à pension).
• Le VI prévoit que les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1 er septembre 2018 .
Ainsi, les jeunes qui débuteront leurs études supérieures à la rentrée 2018 demeureront rattachés aux organismes qui assuraient précédemment leur couverture maladie.
Une année de transition est prévue pour les jeunes en cours d'étude, rattachés à une mutuelle étudiante au 31 août 2018 : le 1° prévoit que ceux-ci continueront de relever de ces organismes pour la prise en charge de leurs frais de santé en cas de maladie ou de maternité au plus tard jusqu'au 31 août 2019. A compter de cette date, ils relèveront du régime général.
Parallèlement, le 2° met fin aux conventions et contrats conclus avec les organismes délégataires au 31 août 2019 « sauf accord des parties pour des dates antérieures » et prévoit à la même date le transfert de plein droit aux organismes d'assurance maladie du régime général des droits et obligations des organismes délégataires.
Il prévoit également la possibilité d'une indemnisation, après une procédure contradictoire et selon des conditions fixées par décret, du préjudice éventuellement subi par les mutuelles étudiantes si celui-ci présente un « caractère anormal et spécial » . D'après les indications transmises par la direction de la sécurité sociale, cela fera l'objet d'un examen au cas par cas, en cohérence avec les principes posés par la jurisprudence administrative. Aucune évaluation n'a été faite à ce jour.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Outre des modifications rédactionnelles ou de coordination, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements afin de compléter ou de préciser le dispositif du projet de loi :
- deux amendements du rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, relayant des initiatives portées par des députés de différents groupes, visant à associer les représentants des étudiants à la gouvernance du régime général de sécurité sociale et à la conduite des actions de prévention :
• d'une part, afin d'adjoindre un représentant des associations d'étudiants au conseil de la caisse nationale d'assurance maladie, avec voix délibérative ; cela se fera à nombre de membres constant, en remplacement d'une personnalité qualifiée jusqu'alors désignée par l'Etat ;
• d'autre part, pour « associer plus directement les jeunes à la politique de prévention qui les concerne » , à la fois au plan national pour l'élaboration d'un programme annuel de prévention et au plan local, dans le cadre des actions financées par la contribution de vie étudiante instituée par l'article 4 du projet de loi, pour la programmation ou l'organisation des actions de prévention dédiées ; pourront également être associées à ces actions les mutuelles et associations d'éducation à la santé ;
- un amendement adopté en commission, à l'initiative de Philippe Berta et de députés du Mouvement démocrate, pour préciser que les organismes gestionnaires des régimes obligatoires conduisent des actions de prévention et « de pédagogie » en direction des jeunes ;
- un amendement de Marie-George Buffet et de plusieurs députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, visant à élargir l'information délivrée aux jeunes sur leurs droits en matière de couverture « obligatoire et complémentaire » du risque maladie ;
- un amendement du Gouvernement, reprenant des initiatives de députés de différents groupes déclarées irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, visant à maintenir jusqu'à l'âge de 25 ans , au lieu de 23 ans, les actions de prévention conduites en direction des jeunes par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires ;
- un amendement de Christine Cloarec, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales, prévoyant un rapport au Parlement , au 1 er septembre 2021, de bilan du nouveau dispositif, avec notamment une évaluation de la qualité de l'accueil et du service.
III - La position de la commission
Dans le droit fil des propositions qu'elle a formulées il y a cinq ans dans les travaux rappelés dans l'exposé général, la commission partage les orientations de cet article : la suppression du régime de sécurité sociale étudiant constitue une mesure de simplification bienvenue , en raison de la complexité inhérente au mode de gestion actuel.
Elle a toutefois souhaité adapter le texte tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale sur deux points :
- d'une part, pour porter à deux le nombre de représentants des étudiants au sein du conseil de la Cnam , afin de garantir un pluralisme dans la représentation des associations représentatives, compte tenu de leur diversité (amendement COM-54) ;
- d'autre part, pour préciser les modalités de coordination et de pilotage des actions de prévention en santé en direction du public étudiant (amendement COM-55).
La commission a enfin adopté un amendement rédactionnel (COM-57) et un amendement de coordination (COM-56) pour tenir compte de la modification, par l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, des conditions d'affiliation des internes en médecine, supprimant d'ores et déjà la mention de leur affiliation possible au régime de sécurité sociale étudiante.
Votre commission propose à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 3 bis - Rapport au Parlement sur l'accès aux soins des étudiants
Objet : Cet article, inséré en première lecture par l'Assemblée nationale, prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'accès aux soins des étudiants et leur couverture santé complémentaire.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Cet article, issu d'un amendement présenté par Marie-George Buffet et plusieurs députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, a été inséré dans le projet de loi lors de son examen par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, avec un avis favorable du rapporteur.
Il demande la remise au Parlement, dans les six mois à compter de la promulgation du présent texte, d'un rapport du Gouvernement sur l'accès aux soins des étudiants, portant notamment « sur la couverture santé complémentaire des étudiants et les moyens à mettre en oeuvre pour l'améliorer » .
II - La position de la commission
Votre commission n'est pas favorable, de manière générale, aux dispositions prévoyant des rapports au demeurant rarement produits.
Certes, la question de l'accès aux soins des étudiants est un réel sujet de préoccupation. Pour autant, de nombreuses données existent déjà, notamment à travers l'enquête santé conduite par l'Observatoire de la vie étudiante 18 ( * ) ou celles réalisées par les mutuelles étudiantes.
Un rapport supplémentaire ne paraît pas de nature à améliorer concrètement l'accès aux soins des étudiants, d'autant que le fait de disposer ou non d'une couverture complémentaire, ciblé explicitement par l'article, n'est pas le seul motif de ce renoncement. Par ailleurs, les réflexions engagées par le ministère en charge de la santé sur ces thématiques (en particulier sur le tiers payant ou le reste à charge zéro) ne sont pas restreintes au seul public étudiant et les modalités facilitant l'accès à une complémentaire santé intéressent l'ensemble des publics fragiles.
Votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article (COM-58) . Elle propose donc à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de supprimer cet article.
* 16 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté - article 62.
* 17 Arrêté du 27 juillet 2017.
* 18 La santé des étudiants - Enquête nationale conditions de vie des étudiants 2016, Observatoire national de la vie étudiante, septembre 2017.