B. SOUS-PRÉFECTURES : LA NÉCESSITÉ DE RÉNOVER LES MISSIONS ET D'ADAPTER LES MOYENS
Dans la dernière décennie, les seuls projets de réforme évoqués pour les sous-préfectures ont concerné leurs implantations. Ces projets ont longtemps été reportés et la refonte du réseau en 2016 a finalement été très modeste. Malgré cela, ni la redéfinition des missions du réseau infra-départemental, ni la nécessaire mise à niveau de ses moyens ne sont, semble-t-il, à l'ordre du jour.
1. Une réforme de la carte des sous-préfectures limitée
Pour rappel, une expérimentation de la réforme de la carte des sous-préfectures avait eu lieu en 2013 en Alsace et Moselle, conduisant à la suppression de huit arrondissements et à la fermeture de six sous-préfectures. Cette expérimentation devait préfigurer une réforme générale de la carte des sous-préfectures en 2014, qui a été reportée. En février 2016, le ministre de l'intérieur a demandé à l'ensemble des préfets de lancer des concertations visant à réformer l'échelon infra-départemental de l'État. Il était demandé aux préfets d'adapter le périmètre des arrondissements aux nouveaux schémas de coopération intercommunale, amenés à entrer en vigueur au 1 er janvier 2017. Les préfets devaient également faire des propositions de fusions et jumelages d'arrondissements 28 ( * ) , relançant ainsi l'idée d'une refonte de la carte des sous-préfectures.
Ces consultations ont essentiellement abouti à la mise en cohérence du périmètre des arrondissements avec celui des nouvelles intercommunalités. Les limites de 229 arrondissements sur 335 ont été modifiées dans ce sens. Parallèlement, seuls deux arrondissements ont été fusionnés et six jumelés. Convaincu de l'importance du maintien de la présence de l'État au niveau infra-départemental et du rôle fondamental du sous-préfet, votre rapporteur s'était félicité l'année dernière de cette évolution a minima et dans la concertation de la carte des sous-préfectures.
Lors de son déplacement dans la Marne, votre rapporteur s'est rendu à Sainte-Menehould, dont l'arrondissement a été fusionné avec celui de Châlons-en-Champagne. La suppression de la sous-préfecture s'y est faite dans le consensus. L'arrondissement n'avait pas eu de sous-préfet depuis plus de dix ans, l'intérim étant assuré par le secrétaire général de la préfecture à la satisfaction de la plupart des élus locaux. Ce petit arrondissement étant rural mais non enclavé, les élus ont établi des liens directs avec la préfecture sans difficulté lors de cette période de transition. Reste que les efforts déployés pour dynamiser le territoire risquent d'être réduits à néant par la disparition progressive des services publics. La préfecture a maintenu une antenne à Sainte-Menehould, installée dans les locaux du centre des finances publiques. Y restent affectés les deux agents qui travaillaient à la sous-préfecture.
2. Un réseau aux moyens inégaux, souvent faibles, et manquant de perspectives
Le rapport de notre collègue Hervé Marseille, au nom de la commission des finances, consacré en début d'année 2017 aux sous-préfectures 29 ( * ) a dressé un certain nombre de constats sur la faiblesse des moyens dont disposent les sous-préfectures pour assurer leurs missions.
Le rapport note que ces moyens ne sont pas identifiés, donc quantifiés, dans le cadre des documents budgétaires : ces derniers mêlent en effet les crédits et effectifs des préfectures et des sous-préfectures. Ce qui rend impossible toute analyse du réseau infra-départemental, et toute évaluation de l'impact des réformes qu'il subit...
Le rapport établit le nombre d'emplois supprimés en sous-préfectures à 1 058 entre 2005 et 2015 30 ( * ) , soit 18 % des effectifs et un nombre moyen d'agents par sous-préfecture passé de 24,5 à 20,7 ETPT. La contribution des sous-préfectures aux réductions d'emplois du programme « Administration territoriale » a été proportionnellement plus importante que celle des effectifs préfectoraux. Le nombre de sous-préfectures étant plus de deux fois supérieur à celui des préfectures, ces réductions ont eu d'autant plus d'impact.
Notre collègue Hervé Marseille met également en évidence le chiffre de 378 ETPT dédiés aux relations avec les collectivités territoriales en 2015 : rapportés aux 230 sous-préfectures 31 ( * ) , on comprend qu'1,6 ETPT en moyenne par sous-préfecture est consacré à cette mission. Cela en dit long sur l'importance accordée aujourd'hui aux missions des services infra-départementaux auprès des élus locaux...
Notre collègue a enfin souligné la grande hétérogénéité du réseau des sous-préfectures :
- en termes d'effectifs : 192 sous-préfectures (soit 80 %) comptent 30 ETPT ou moins, 71 (30 %) comptent 10 ETPT ou moins. Les sous-préfectures comptant plus de 30 ETPT représentent 17 % du réseau, mais concentrent 44 % de ses EPTP ;
- en termes de nombre de communes couvertes : une hétérogénéité marquée par un héritage historique, qui rend le réseau des sous-préfectures inadapté au contexte territorial et administratif actuel ;
- en termes de démographie des arrondissements : les discordances entre population de l'arrondissement et les effectifs des sous-préfectures sont fortes.
Concernant la répartition catégorielle des emplois en sous-préfectures, la part prépondérante de la catégorie C doit être notée : elle représente actuellement plus de 65 % des emplois 32 ( * ) . Même si le PPNG vise à faire évoluer cette répartition, un tel poids continuera de manière certaine à peser sur le niveau moyen de qualification du personnel de sous-préfectures.
Les moyens des sous-préfectures sont donc difficilement quantifiables, hétérogènes, faibles du point de vue de la qualification des emplois, souvent très réduits en effectifs... Le rôle essentiel des sous-préfectures en matière de proximité et de conseil auprès des collectivités locales est pourtant régulièrement rappelé et mis en avant par le Gouvernement. Mais, parallèlement, les réformes s'enchaînent, réduisant les effectifs de l'administration territoriale et omettant de définir une approche concrète du rôle et des missions des sous-préfectures. Quelle méthode pourrait d'ailleurs s'appliquer à un réseau aussi hétérogène, comportant de nombreuses entités aux effectifs très faibles ?
Il est indispensable d'adapter les effectifs des sous-préfectures à la taille des territoires et à leurs besoins en matière de développement local, et de redéfinir de manière claire et cohérente leurs missions. On peut sinon craindre pour le maintien à long terme du réseau-infra départemental, au gré des réductions d'effectifs et des interrogations sur son rôle. Avec pour conséquence un sentiment accru d'abandon pour les usagers et les élus locaux, demandeurs de services de proximité de l'État...
Votre rapporteur rappelle que le maintien des services publics dans les territoires, par le biais des maisons de service au public et des maisons de l'État, ne peut remplacer le réseau des sous-préfectures. Si les maisons de l'État peuvent permettre l'optimisation des moyens des sous-préfectures, leur développement ne doit pas faire perdre de vue le rôle à la fois symbolique et moteur du sous-préfet et de son administration.
Peu de progrès dans la gestion du corps préfectoral La gestion du corps des préfets, particulièrement sur le nombre trop élevé de préfets « hors cadre », et leurs activités parfois minces voire inexistantes, fait l'objet de critiques récurrentes. Le lien très distendu de certains préfets avec le territoire était aussi régulièrement souligné. En réponse à ces critiques, le statut des préfets avait été modifié et la position « hors cadre » supprimée 33 ( * ) . Deux ans après cette réforme, force est de constater que l'appréciation alors faite par votre rapporteur sur cette réforme s'est avérée juste : il s'agissait bien d'une évolution en trompe-l'oeil. Tout d'abord, le nombre de préfets n'occupant pas de poste territorial représente toujours la moitié du nombre total de préfets (127 sur 253). Mais surtout, la catégorie des conseillers du Gouvernement, créée pour remplacer celles des préfets « hors-cadre », assure clairement la continuité. La mise en place de conditions de nomination en conseil des ministres et de durée limitée à deux ans (mais renouvelable) de la position n'a pas vraiment fait évoluer les choses. Ainsi, sur les 19 conseillers du Gouvernement nommés en 2015, 12, soit près des deux tiers, ont été reconduits après deux ans. Et certains de ces conseillers du Gouvernement continuent d'être affectés à des fonctions en rapport lointain ou indéterminé avec l'administration territoriale. Citons par exemple le cas de chargés de mission, sans précision sur la mission exercée, auprès du Défenseur des droits, ou de divers services du ministère de l'intérieur. Par ailleurs, la fin d'un quinquennat et le début d'un autre ont été marqués par les habituelles nominations de proches des plus hautes personnalités de l'État. Ont ainsi été nommés préfets chargés d'une mission de service public relevant du Gouvernement : - le dernier chef de cabinet de l'ancien Président de la République, proche de longue date de ce dernier. Si la nature de son activité au sein de l'administration n'est pas connue, elle ne peut qu'être importante ; - une ancienne conseillère spéciale de M. Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre. Elle a été nommée préfète déléguée à l'égalité des chances auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; - un ancien conseiller technique outre-mer des Premiers ministres (MM. Manuel Valls et Bernard Cazeneuve), nommé délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans ; - le conseiller intérieur et sécurité de l'actuel Président de la République ; - le directeur adjoint de cabinet de l'actuel ministre de l'intérieur. |
* 28 Une fusion d'arrondissements consiste à confier à une sous-préfecture la gestion de deux arrondissements. Un jumelage consiste à confier à un préfet la responsabilité de deux arrondissements voisins, qui conservent chacun leur sous-préfecture.
* 29 « Sous-préfectures : l'État à proximité », rapport d'information n° 420 (2016-2017) de M. Hervé Marseille, fait au nom de la commission des finances, adopté le 15 février 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r16-420/r16-420.html
* 30 D'après les estimations de différentes inspections et les chiffres mentionnés dans les rapports de la Cour des comptes.
* 31 Pour la métropole.
* 32 Pour l'ensemble du personnel de l'administration territoriale au niveau départemental, ce pourcentage était de 52,9 % en 2015.
* 33 Décret n° 2015-1535 du 15 mai 2015 modifiant le décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets.