B. UNE AUGMENTATION MODÉRÉE DES EFFECTIFS EN 2018

1. Une hausse nette de 459 emplois

Le ministère de l'Intérieur avait bénéficié d'une hausse très importante de ses personnels en 2016 du fait des décisions prises par le Gouvernement pour adapter l'outil de sécurité intérieur aux événements intervenus en 2015 et 2016, au premier rang desquels les attentats terroristes et les évolutions migratoires.

Cette hausse avait d'abord bénéficié à la police nationale, dont les effectifs avaient été renforcés par le plan de lutte anti-terrorisme (1 156 effectifs supplémentaires sur 2015-2017), par le plan de lutte contre l'immigration clandestine (530 effectifs supplémentaires en 2016) et par le pacte de sécurité (2 731 effectifs supplémentaires en 2016-2017).

Parallèlement, la gendarmerie nationale avait bénéficié d'un apport de 1 763 personnels dans le cadre du pacte de sécurité, 370 dans le cadre du plan de lutte contre l'immigration clandestine et le solde dans le plan de lutte anti-terroriste, soit un total de 2 317 créations nettes de postes.

Cet effort s'est poursuivi en 2017 pour la gendarmerie nationale, mais dans une moindre mesure. Ainsi, le plafond d'emplois du programme 152 a été relevé de 402 ETPT pour atteindre 100 192 ETPT en 2017, soit une création nette de 255 ETP (+200 ETP d'engagement présidentiel et 55 ETP du plan anti-terroriste).

Le président de la République a décidé la création de 10 000 emplois sur la période 2018-2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure . Dans ce cadre, la gendarmerie nationale bénéficie sur cette période d'un quantum de 2 500 emplois, dont 500 au titre de 2018 .

Si vos rapporteurs se félicitent de la création de 10 000 postes sur la durée du quinquennat, ils s'interrogent néanmoins sur le fait que seuls 25% des nouveaux postes sont prévus pour la gendarmerie . Les effectifs de la gendarmerie nationale se montent en effet à 40% de l'effectif total des forces de sécurité intérieure et la croissance démographique en zones rurales et périurbaines est actuellement plus forte en France que la croissance urbaine.

Pour 2018, les créations d'emplois à périmètre constant (schéma d'emplois 2018) s'établissent ainsi à +459 ETP, en raison des évolutions suivantes :


• +500 ETP dans le cadre du plan présidentiel ;


• -33 ETP au titre des suppressions d'emplois sur le périmètre de l'administration centrale pour contribuer à l'effort global de rationalisation des effectifs ;


• -8 ETP au bénéfice du programme 307 « Administration territoriale » au titre du renfort des effectifs en charge de l'asile sur les guichets « éloignement » des préfectures.

1. Une sous-exécution moins importante du plafond d'emplois

Le tableau ci-après présente par corps et par catégorie, les effectifs (en ETPT) prévus et réalisés du programme 152 depuis 2014 :

2014

2015

2016

2017

2018

Officiers

Plafond d'emplois

6912

6896

6910

6725

6389

Réalisation

6404

6384

6364

6322

6257

Sous-officiers

Plafond d'emplois

74203

73975

76226

76573

77661

Réalisation

72693

73133

73711

75490

76476

Volontaires

Plafond d'emplois

12459

12390

12259

12419

11941

Réalisation

12663

12450

12010

12593

12234

Civils

Plafond d'emplois

3593

3954

4395

4475

4821

Réalisation

3435

3521

3951

4259*

4262

Total

Plafond d'emplois

97167

97215

99790

100192

100812

Source : ministère de l'intérieur

On observe qu'en 2013, outre les créations de postes et les transferts budgétaires, le plafond d'emplois a été augmenté de 1 045 ETPT. Il s'agissait en réalité d'une mesure technique correspondant à la réintégration sous plafond d'emplois de gendarmes mis à la disposition de divers organismes (Banque de France, EDF, etc.). Ces prestations donnent lieu à un remboursement. Ces militaires ne participent pas à la performance du programme.

Par ailleurs, s'il est normal qu'il existe un écart entre le plafond d'emploi d'un programme et les emplois effectifs (une certaine souplesse est en effet nécessaire pour tenir compte des décalages dans l'année de la réalisation des recrutements ou encore des dates réelles de départ à la retraite des agents, qui ne sont pas parfaitement prévisibles), en revanche le programme gendarmerie se caractérisait depuis plusieurs années par une sous-exécution particulièrement importante du plafond d'emploi, relevée par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire 2014 : « il convient d'observer une tendance de plus en plus prononcée à la sous-exécution du plafond d'emplois de la mission [sécurités] : l'écart entre prévision et exécution est ainsi passé de -549 à -2 935 ETPT en trois ans. Le phénomène de sous-exécution traditionnellement observé sur le programme 152, (...) atteint cette année un pic (-1 972 ETPT) ».

Cette sous-exécution était due à un écart persistant entre la masse salariale prévue et le plafond d'emplois et avait tendance à fausser la discussion des crédits de personnel du programme.

Vos rapporteurs se félicitent donc que la situation se soit sensiblement améliorée en 2017, puisque l'écart passerait d'un pic de 3 705 en 2016 à un chiffre plus raisonnable de 1 528. L'écart pour 2018 est évalué à 1 583, ce qui reste raisonnable mais ne doit pas marquer un début de retour en arrière .

2. Une poursuite des transformations d'emplois au profit de la fonction de soutien

Le processus de recentrage des militaires de la gendarmerie sur leur coeur de métier se traduit par la constitution progressive d'une nouvelle structuration de la fonction de soutien.

La cible prévue à l'horizon 2019 était d'environ 5 000 militaires des corps de soutien pour assurer le soutien opérationnel et de 5 000 agents civils pour assurer le soutien non-opérationnel .

Toutefois, au cours de l'année 2015, l'évolution de l'organisation territoriale de la gendarmerie a nécessité d'adapter la cible des transformations de postes, sans remettre en cause le volume de postes transformés à périmètre constant. À l'horizon 2019, environ 4 900 militaires des corps de soutien assureront le soutien opérationnel et 4 750 agents civils le soutien non-opérationnel en gendarmerie, pour le seul périmètre du programme 152 (au 31 août 2017, la gendarmerie nationale compte 4 279 postes d'agents civils). Environ 3 340 postes initialement tenus par des officiers ou sous-officiers de gendarmerie auront été transformés au profit de militaires des corps de soutien (sous-officiers du corps de soutien technique et administratif - CSTAGN, et officiers du corps technique et administratif - OCTA) ou de personnels civils.

Entre 2007 et 2017, la gendarmerie nationale a ainsi transformé 2 560 postes d'officiers et de sous-officiers en postes de militaires des corps de soutien et en postes d'agents civils.

La lettre-plafond 2018-2022 prévoit 1 500 nouvelles transformations de postes sur la durée du quinquennat selon un cadencement de 300 postes par an. Une mission de l'IGA devrait prochainement être mandatée pour documenter les périmètres où de nouveaux postes pourront être ouverts à des agents civils et des militaires du corps de soutien.

À cet égard, vos rapporteurs soulignent l'intérêt qu'il peut y avoir à recourir davantage à des officiers et sous-officiers des corps techniques plutôt qu'à des civils, comme la gestion de la crise de l'ouragan Irma l'a montré en septembre 2017 .

3. Des mesures catégorielles ciblées

En 2018, une enveloppe de 61,68 M€ (hors contribution employeur au compte d'affectation spéciale pensions) est prévue pour financer, comme chaque année, diverses mesures catégorielles statutaires et indemnitaires suivantes, parmi lesquelles on peut relever les suivantes :

- une revalorisation de la prime d'officier de police judiciaire pour les personnels dûment habilités, et qui vise à reconnaître l'engagement et les compétences de ces personnels. Vos rapporteurs soulignent l'utilité de cette mesure dans un contexte où les missions de police judiciaire sont tendanciellement de moins en moins attractives en raison notamment de la grande complexité procédurale et administrative associée à leur accomplissement . À cet égard, il faut se féliciter des réflexions en cours pour simplifier les procédures judiciaires, et de l' annonce d'une réforme dans ce domaine en 2018 faite par le Premier ministre à l'été 2017 ;

- le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour les sous-officiers de gendarmerie et les officiers subalternes vise, à l'instar de l'ensemble de la fonction publique d'État, à revaloriser les grilles indiciaires des sous-officiers de gendarmerie et des officiers subalternes. En 2018, les sous-officiers bénéficieront ainsi d'une revalorisation de leurs grilles et les officiers subalternes verront le deuxième volet du transfert primes/points mis en oeuvre. En outre, est également mis en place un PPCR pour les officiers supérieurs et officiers généraux. La première phase de transfert primes/points de 2017 et 2018 sera suivie d'une revalorisation des grilles indiciaires des chefs d'escadron et des commandants en 2019 et en 2022, année qui verra également la création d'un 5 ème échelon pour ces deux derniers grades.

Autres mesures catégorielles en 2018

- la revalorisation de l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP), à l`instar de la police nationale et selon le même cadencement, à raison de 0,5 point par an entre 2017 et 2020 ;

- le repositionnement de l'encadrement supérieur de la gendarmerie nationale, qui a pour but de conserver un équilibre au sein du ministère de l'intérieur. Il comprend :

-la création d'un 5 ème échelon au grade de lieutenant-colonel ;

-l'augmentation du contingent du 1 er échelon exceptionnel du grade de lieutenant-colonel ;

-l'assouplissement des blocages à l'avancement concernant les officiers (assouplissement du dispositif dit des « hors créneaux ») ;

-l'instauration de l'échelon spécial B bis pour les colonels ;

-le ré-échelonnement des effectifs au sein des grades de lieutenant-colonel, colonel et général ;

- l'avancement semi-automatique au grade d'adjudant à 25 ans de service vise à une meilleure reconnaissance de l'engagement quotidien des gendarmes adjoints de police judiciaire (APJ) servant majoritairement en unités opérationnelles sur tout le spectre des missions de sécurité publique. 2018 verra la mise en oeuvre de la deuxième annuité de la mesure ;

- l'augmentation de la prime allocation des missions judiciaires de la gendarmerie (AMJG) pour les personnels affectés en unités territoriales vise à valoriser l'engagement des unités primo-intervenantes. La deuxième et dernière annuité sera mise en oeuvre en janvier 2018 ;

- l'élargissement de l'attribution de la prime de haute technicité (PHT) vise à fidéliser les compétences rares (criminalistique, cybercriminalité, explosifs, etc.) dans les corps de sous-officiers. Cette mesure est cadencée de 2017 à 2019 ;

- la revalorisation de l'indemnité spécifique spéciale (ISS) pour les gendarmes adjoints volontaires, actuellement rémunérés en deçà du SMIC, vise à reconnaître leur engagement dans les missions opérationnelles quotidiennes aux côtés des militaires de carrière. Elle est mise en oeuvre en trois étapes (janvier 2017, janvier 2018 et janvier 2019) ;

- l'attribution de l'indemnité de fonction et de responsabilités (IFR) aux adjoints des unités opérationnelles vise à étendre le périmètre déjà en place de l'IFR à ces militaires contribuant directement à la performance de la gendarmerie par leur niveau de responsabilité et leur engagement personnel élevés ;

- les mesures catégorielles pour les personnels civils du programme visent à les faire bénéficier des mêmes mesures que leurs homologues des autres programmes du ministère de l'intérieur. Elles se déclinent ainsi :

- le PPCR ;

- la réforme statutaire des ouvriers d'État ;

- le surcoût des ratios pro-pro de la filière administrative et technique ;

- le décroisement CAIOM/GRAF et les créations d'emplois fonctionnels et postes HEA ;

- la réforme de la filière technique.

L'ensemble de ces mesures catégorielles, à l'exclusion de la transposition du PPCR pour les officiers supérieurs et généraux à l'instar de l'ensemble de la fonction publique ainsi que des mesures pour les personnels civils, est inscrit dans le protocole du 11 avril 2016 pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale..

4. Une hausse modérée des crédits de titre II aux causes multiples mais une part de dépenses de personnels qui reste très élevée
a) Une progression contenue du titre II...

Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales représentent comme en 2017 presque 85% des crédits du programme. Ils se montent en 2018 à 7 306 millions d'euros (AE=CP), soit une hausse de 35 millions d'euros environ par rapport à 2017 (+0,49%), très modérée par rapport à la hausse de 4,2% intervenue en 2017 en raison des recrutements plus importants. Hors CAS pensions, les crédits passent de 3 941 à 3 970 millions d'euros, soit une hausse contenue de 29 millions d'euros (+0,72%).

Comme il a été indiqué ci-dessus, le PLF 2018 prévoit une enveloppe de 61,7 millions d'euros au titre des mesures catégorielles statutaires ou indemnitaires au profit des personnels.

La modération de la hausse des crédits de titre II dans le PLF 2018 est liée à une diminution du surcoût lié au schéma d'emploi de l'année précédente par rapport au PLF 2017. Il s'élève en effet à environ 17 millions d'euros contre près de 59 millions d'euros l'année précédente.

En outre, on observe un solde négatif très élevé du glissement vieillesse-technicité (GVT), à hauteur de -35,6 millions d'euros (alors que ce solde dépassait les +50,5 millions d'euros en 2016 et n'était que faiblement négatif en 2016). En effet, le GVT positif est estimé à 1,2% de la masse salariale hors pensions en 2018, tandis que le GVT négatif (ou effet de noria), qui résulte principalement du remplacement des départs définitifs par des primo-recrutements, est estimé à -84,19 M€ en 2018, soit -2,1% de la masse salariale hors CAS pension.

En outre, en 2018, la progression salariale sera freinée par l'absence de revalorisation du point d'indice de la fonction publique , alors que cette revalorisation avait conduit à une augmentation de la dépense de près de 29 millions d'euros en 2017.

b) ...mais un ratio dépenses de personnels/dépenses hors titre II figé à un niveau élevé

Malgré cette modération globale de l'augmentation des crédits de titre II en 2018, vos rapporteurs soulignent qu'alors que la ratio dépenses de personnel/dépenses totales du programme avait légèrement diminué en 2015 et 2016, à la suite de diverses mesures d'investissement associées au plan de lutte anti-terroriste, au pacte de sécurité et au plan de lutte contre l'immigration clandestine, le début de la nouvelle législature ne voit pas une poursuite de cet effort, de sorte que le ratio semble se figer au-dessus de 84%, alors qu'il était sensiblement plus bas (moins de 80%) il y a une dizaine d'années . Or, cette montée de la part du titre II signifie en partie que les gendarmes sont moins bien équipés et que les nouveaux recrutements ne sont pas accompagnés par les achats de matériels et d'équipements nécessaires pour préserver les capacités d'intervention de la gendarmerie nationale.

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