B. UNE AMÉLIORATION DES COMPTES SOCIAUX PLUS FAIBLE QU'ATTENDUE EN 2017, QUI NE PERMET PAS LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME GÉNÉRAL

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoyait un renforcement du rythme de réduction du déficit du régime général et du FSV à hauteur de 3,6 milliards d'euros par rapport à 2016 , à même d'assurer un retour à l'équilibre du régime général en 2017 (-400 millions d'euros).

L' article 5 du présent projet de loi de financement réévalue les prévisions de solde à la baisse. Le solde du régime général et du FSV ne s'améliorerait plus que de 2,6 milliards d'euros et celui du régime général de 2,5 milliards d'euros, soit une consolidation du même ordre de grandeur que les années précédentes (cf. graphique supra ) et ne permettant pas un retour à l'équilibre du régime général en 2017.

Comparaison des prévisions et de l'exécution 2017
des régimes de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Exécution

2016

2017

Écart 2017 (PLFSS 2018) avec

Prévision LFSS 2017

Prévision PLFSS 2018

Exécution 2016

Prévision

LFSS 2017

Maladie

- 4,8

- 2,6

- 4,1

0,7

- 1,5

AT-MP

0,8

0,7

1,0

0,2

0,3

Famille

- 1,0

0

0,3

1,3

0,3

Vieillesse

0,9

1,6

1,3

0,4

- 0,3

Régime général

- 4,1

- 0,4

- 1,6

2,5

- 1,2

FSV

- 3,6

- 3,8

- 3,6

0

0,2

Total régime général et FSV

- 7,8

- 4,2

- 5,2

2,6

- 1,0

Total ensemble des régimes obligatoires de base et FSV

- 7,0

- 4,1

- 4,9

2,1

- 0,8

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des annexes B à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 et au projet de loi de financement pour 2018)

Cet écart à la trajectoire d'évolution prévue en loi de financement initiale pour 2017 s'explique par un effet de base négatif en exécution 2016, auquel se conjuguent deux mesures proposées par le présent projet de loi de financement :

- d'une part, la suppression de la contribution supplémentaire à la C3S , créée par le précédent Gouvernement (article 4), dont votre rapporteur pour avis se satisfait (cf. infra ) ;

- d'autre part, la non-compensation pour la sécurité sociale des pertes de recettes résultant de la mise en oeuvre en 2017 du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS).

Pour mémoire, l'amélioration des comptes sociaux en 2017 devait découler en partie de recettes non pérennes, pour près de 1,4 milliard d'euros, s'ajoutant à une progression spontanée des recettes résultant d'une conjoncture favorable - la prévision de croissance de la masse salariale associée au projet de loi de financement pour 2017 s'élevait à 2,7 %, contre 2,4 % en 2016.

Parmi ces mesures non pérennes figurent :

- la modification de la période d'imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés , offrant une recette de plus de 160 millions d'euros ;

- le prélèvement des ressources mises en réserve au sein de la section III du FSV , au profit du régime général, de plus de 719 millions d'euros 10 ( * ) ;

- la création d'une contribution supplémentaire à la C3S par la loi de finances rectificative pour 2016 11 ( * ) , de 400 millions d'euros en 2017.

Deux mesures rectificatives sont par ailleurs proposées par le présent projet de loi de financement, qui n'ont d'autre objectif que de minimiser les pertes résultant des mesures précitées pour les régimes de base de la sécurité sociale.

Mesures rectificatives sur 2017 présentées en projet de loi de financement pour 2018

(en milliards d'euros)

Suppression de la contribution sociale supplémentaire de solidarité sur les sociétés (C4S)

- 0,5

Abandon de la compensation à la sécurité sociale des pertes de recettes résultant de la mise en oeuvre en 2017 du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS)

- 0,6

Pertes de recettes pour la branche maladie

- 1,1

Prélèvement sur le Fonds CMU (au profit de la branche maladie)

+ 0,15

Révision de la dotation au FIVA (au profit de la branche ATMP)

+ 0,15

Solde des mesures rectificatives sur 2017

- 0,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe 4 « Recettes, dépenses et solde des régimes par catégorie et par branche » au présent projet de loi de financement

La perte de recettes pour la branche maladie résultant de ces deux mesures est compensée par un prélèvement sur le fonds CMU, excédentaire en 2016 en raison de l'affectation de recette de taxe de solidarité additionnelle (TSA) finalement supérieure aux besoins de financement du fonds pour l'année, proposé à l' article 3 du présent projet de loi de financement .

Alors même que la dynamique de la masse salariale est revue à la hausse - + 3,3  % en 2017 -, ces mesures rectificatives contribuent à la dégradation du solde des comptes sociaux en 2017 , comme l'illustre le tableau ci-dessous . Néanmoins, il illustre le caractère précaire et biaisé que revêtait la stratégie de consolidation des comptes sociaux proposée initialement pour 2017 .

Écart entre les prévisions actualisées du présent projet de loi et les prévisions initiales de la loi de financement pour 2017 pour l'ensemble des régimes

(en milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

-1,3

0,2

-1,5

AT-MP

0,1

-0,3

0,4

Famille

0,4

0,5

-0,1

Vieillesse

0

-0,3

0,3

Régimes obligatoires

-0,8

0,1

-0,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des annexes B à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 et au projet de loi de financement pour 2018)

De surcroît, l'effort de consolidation se révèle très inégal entre les différentes branches au regard de leur part dans la dépense, alors même que trois branches affichent un solde excédentaire .

La branche famille contribue de façon importante à la réduction du solde du régime général, portant la moitié des économies réalisées alors qu'elle ne représente que 15 % des dépenses. Son solde reviendrait excédentaire en 2017 grâce à la baisse des dépenses de prestations familiales, leur revalorisation de 0,3 % au 1 er avril 2017 étant compensée par la  poursuite du ralentissement de la natalité.

La situation de la branche maladie devient de plus en plus inquiétante, le respect de l'ONDAM, depuis quelques années, peinant à masquer de réelles difficultés à assurer la maîtrise des dépenses de soins de ville. Aussi en 2017 le solde de la branche maladie ne s'améliore-t-il que de 700 millions d'euros par rapport à 2016 , amélioration qualifiée de « largement artificielle » par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale 12 ( * ) : le solde de la branche maladie est en effet minoré de près de 900 millions d'euros par un produit versé à l'assurance maladie dans le cadre de la mise en place du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique, qui a bénéficié d'une dotation initiale de 876 millions d'euros provenant des réserves de la section III du FSV.

Enfin, l'amélioration de la branche vieillesse ne saurait occulter le déficit persistant du FSV , qui se maintiendrait au même niveau qu'en 2016.

De façon plus générale, le rapporteur général de la commission des finances redoutait, lors de l'examen en commission du projet de loi de finances pour 2017, les effets de la redistribution interbranches qui devaient découler des choix de compensation de pertes de recettes pour la sécurité sociale faits en loi de finances pour 2017 13 ( * ) .

Alors qu'il s'agissait principalement de compenser des pertes de recettes portant sur la branche famille , que ce soit pour l'extension des allègements de cotisations entre 1,6 et 3,5 SMIC ou pour l'extinction de la recette temporaire tirée en 2015 et 2016 de la mesure de prélèvement à la source des cotisations des caisses de congés payés, prise pour compenser les précédents allègements de cotisations familiales, les mesures prévues concernaient des compensations d'exonérations de cotisations sociales portant sur toutes les branches de la sécurité sociale . Aussi cette stratégie de compensation a-t-elle donné lieu aux effets anticipés sur les soldes prévisionnels des différentes branches .

Les réaffectations de recettes internes réalisées ont ainsi provoqué un transfert de recettes de 1,4 milliard d'euros de la branche vieillesse à la branche maladie, soit un montant équivalent au double de la consolidation réalisée entre 2016 et 2017 par la branche maladie.

Ainsi, en 2017, la branche maladie et le FSV restent marqués par un très fort déséquilibre, accentué par les réaffectations de recettes réalisées en 2017, non compensé par des réformes structurelles d'envergure.

Au total, le solde des régimes obligatoires de base et du FSV se dégrade de 800 millions d'euros par rapport aux prévisions faites en loi de financement pour 2017, révélant l'échec de la stratégie de pilotage par les recettes du précédent Gouvernement et l'absence de réformes visant à assurer la maîtrise des dépenses, en particulier concernant la branche maladie.


* 10 Il s'agit de la section comptable créée dans le cadre de la réforme des retraites de 2010 et spécifiquement dédiée à la mise en réserve des recettes affectées au financement du maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou d'un enfant handicapés nés entre le 1 er juillet 1951 et le 31 décembre 1955.

* 11 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 12 Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2017.

* 13 Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, Tome II, fascicule 1, volume 1 : les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances).

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