N° 284
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 janvier 2017 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de programmation relatif à l' égalité réelle outre - mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ,
Par M. Jean-François MAYET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Alain Fouché, Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Mme Gélita Hoarau, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
4000 , 4054 , 4055 , 4064 et T.A. 823 |
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Sénat : |
19 , 279 , 280 , 281 et 283 (2016-2017) |
AVANT-PROPOS
« C'est qu'il y a des mots ombrageux et qui ne supportent pas d'être amoindris par le voisinage d'une quelconque épithète. Le mot « égalité » est de ceux-là. Il n'y a pas d'égalité « adaptée », il n'y a pas d'égalité « globale ». L'égalité est ou n'est pas. Je constate avec regret que, dans votre texte, l'égalité n'est pas. Je ne peux qu'en prendre acte. »
Aimé Césaire
Assemblée nationale, première séance du 25 novembre 1986. Examen du projet de loi de programme relatif au développement des départements d'outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte 1 ( * ) .
Mesdames, Messieurs,
L'exposé général du projet de loi de programme relatif au développement des départements d'outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, déposé au Sénat par le Gouvernement de Jacques Chirac le 16 octobre 1986, est particulièrement éclairant. Reconnaissant que les outre-mer « contribuent à la richesse et au rayonnement de la France dans le monde », le projet de loi entendait mettre en place des « mesures particulièrement vigoureuses et adaptées à leur situation particulière », afin de relancer l'économie et de réduire les inégalités avec la métropole.
Force est de constater que, trente ans plus tard, la situation a peu changé. Dans les outre-mer, les inégalités demeurent, voire se sont renforcées, alors même que les textes programmatiques se sont succédé, empilant les incantations sans leur donner réellement les moyens de se développer comme ils le devraient. Si les outre-mer sont plus développés que les pays qui les entourent, leur situation économique est dégradée au regard de celle de l'Hexagone : le taux de chômage moyen avoisine 30 % de la population dans la plupart des territoires, et peut s'élever à 60 % pour les jeunes, soit le triple des niveaux constatés en France métropolitaine ; le prix des produits de base atteint régulièrement le double, et peut être supérieur de plus de 30 % pour certains produits de première nécessité, malgré la mise en place des observatoires des prix, des marges et des revenus outre-mer.
Loués, salués, visités à l'approche des échéances électorales, les territoires ultramarins semblent rapidement oubliés celles-ci passées, faisant l'objet de simples mesures d'adaptations en fin de textes législatifs, ou de plans d'actions lors de la survenance de crises sociales, comme ce fut le cas lors des mouvements sociaux de grande ampleur aux Antilles, en Guyane et La Réunion en 2009, en 2011 ou en 2015 à Mayotte.
Pourtant, les difficultés dont pâtissent les territoires ultramarins sont connues : exiguïté des territoires, insularité - mis à part le cas de la Guyane - éloignement des marchés d'approvisionnement. Ces handicaps structurels justifient la mise en place d'outils spécifiques, adaptés aux particularités de chaque territoire, mais n'excusent en rien la persistance d'inégalités. À l'inverse, ils imposent que l'État prête une attention particulière à ces territoires et à leurs populations car il est insupportable de laisser certaines parties de la France à l'écart, comme si la persistance d'inégalités y était acceptable. Ce faisant, la France trahit ses principes, dont celui selon lequel « les hommes naissent libres et égaux en droit », comme le proclame l'article 1 er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de même que la devise de notre pays.
C'est dans ce contexte que le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2016, est aujourd'hui soumis à l'examen de votre assemblée.
Ce texte entend instaurer une égalité « réelle » outre-mer, et apparaît comme le prolongement du rapport « Égalité réelle outre-mer » remis par Victorin Lurel au Premier ministre en mars 2016. Ce rapport prolonge lui-même en grande partie les réflexions menées par le conseil représentatif des Français d'outre-mer, à l'initiative de son président Patrick Karam. Son objectif principal est de garantir aux citoyens des outre-mer les mêmes opportunités que celles prévalant en France hexagonale, de mener leur existence selon leurs aspirations et leurs projets de vie, en tenant compte de leurs besoins spécifiques. Si le projet de loi a été renvoyé, au fond, à la commission des lois de votre assemblée, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour rendre sur le projet de loi un avis simple, transversal et centré sur les quatre axes suivants : l'égalité réelle outre-mer et la continuité territoriale ; les transports et la mobilité outre-mer ; la gestion des déchets ; les sanctions contre l'orpaillage illégal et la protection du patrimoine naturel. Dans ce cadre, le présent avis s'attachera en particulier à la question de la transition écologique outre-mer, enjeu d'un véritable développement endogène et régional.
Au cours des dernières années, votre commission a déjà manifesté son vif intérêt pour les problématiques spécifiques auxquelles sont confrontées les outre-mer. Ainsi, nos collègues Jérôme Bignon et Jacques Cornano ont remis, en novembre 2015, un rapport d'information 2 ( * ) consacré aux « outre-mer face au défi climatique », établi conjointement avec la délégation sénatoriale à l'outre-mer et ayant été l'occasion de débats approfondis. Du point de vue de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, les outre-mer constituent effectivement une chance unique pour la France, notamment car ils concentrent des ressources naturelles exceptionnelles, et souvent endémiques. Ainsi, les territoires ultramarins abritent 26 fois plus d'espèces végétales que la métropole, 3,5 fois plus de mollusques, 60 fois plus d'oiseaux endémiques et cent fois plus de poissons d'eau douce. Par ailleurs, 10 % des lagons et récifs coralliens de la planète sont situés dans la France d'outre-mer, qui compte également quatre « points chauds » de biodiversité. Grâce aux outre-mer, la France compte la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde, d'une superficie de plus de 11 millions de kilomètres carrés, encore étendue en 2015 dans le cadre du programme d'extension du plateau continental (Extraplac).
S'il est à craindre que le présent texte ne réponde pas à son objectif initial, notamment s'agissant des sujets intéressant votre commission, il est indispensable de continuer à accompagner les initiatives locales, et à encourager le développement endogène et régional des territoires.
Réunie le mardi 10 janvier 2017, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté le présent rapport pour avis.
* 1 http://archives.assemblee-nationale.fr/8/cri/1986-1987-ordinaire1/085.pdf.
* 2 Rapport d'information n° 131 (2015-2016) de MM. Jérôme BIGNON et Jacques CORNANO, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 3 novembre 2015.