II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS : LES RÉSULTATS DÉCEVANTS DU QUINQUENNAT EN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
A. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS FAIT FACE À UN CHOC DÉMOGRAPHIQUE SANS PRÉCÉDENT
1. D'ambitieux objectifs de diplomation qui font consensus
Comme le précise le PAP 2017 : « La France partage avec l'Union européenne l'objectif d'élever le niveau général de connaissances et de compétences des générations montantes et de répondre aux besoins de l'économie et de la société quant à la demande de qualification supérieure mais aussi aux besoins des étudiants en matière d'insertion professionnelle et de mobilité » 52 ( * ) .
En 2005, le législateur avait fixé un objectif de 50 % d'une classe d'âge titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur. Cet objectif n'ayant pas été atteint, il a été de nouveau placé au centre de la loi du 22 juillet 2013. Le comité de la StraNES 53 ( * ) qui a remis son rapport au Président de la République en septembre 2015 préconise de porter cet objectif à 60 % en 2020 (50 % au niveau licence et 25 % au niveau master).
D'ambitieux objectifs de diplomation « Préparer au monde de demain, qui aura de plus en plus recours à des connaissances et compétences importantes, ne peut se faire sans élever le niveau de qualification. L'objectif de formation supérieure, actuellement fondé sur l'indicateur européen de proportion d'une classe d'âge accédant au diplôme , doit donc être décliné par niveau de formation. Si nous voulons rester dans les premiers pays de l'OCDE 54 ( * ) en termes de diplômés du supérieur, nous devons reprendre le mouvement d'élévation du niveau de qualification et fixer des objectifs de diplomation au niveau Licence et Master à la fois ambitieux et réalistes. Le travail mené par le comité StraNES montre que les leviers d'évolution existent. Des outils de suivi de ces évolutions devront être mis en place. L'évolution du marché du travail ces dernières années montre que 52% des jeunes diplômés en emploi en 2010 étaient titulaires d'un diplôme du supérieur. Cette proportion ne cesse d'augmenter, ce qui indique que l'obtention d'un diplôme du supérieur est une nécessité pour accéder à l'emploi pour une partie de plus en plus importante de la population . La tendance est encore plus marquée pour les diplômes les plus élevés : entre 2004 et 2010, les titulaires d'un diplôme de niveau bac+5 ou plus parmi les jeunes débutants sont passés de 12,6 % à 17,6 %. Les projections de France Stratégie portent ce taux à 21,5 % en 2020. La politique de montée en gamme de l'économie, le développement de l'industrie de la transition énergétique et écologique, l'expansion des activités numériques, conduisent à anticiper des besoins peut-être encore supérieurs de diplômés de haut niveau. Ainsi, dans le domaine de l'ingénierie, la CDEFI 55 ( * ) identifie un besoin de formation de 13 000 diplômés supplémentaires par an. L'augmentation du nombre de diplômés au niveau Master devient une priorité afin de pouvoir suivre les besoins de la société. Des objectifs en termes de formation des docteurs et de développement de la formation tout au long de la vie sont aussi nécessaires pour donner un cap à la stratégie nationale de l'enseignement supérieur . C'est donc un travail approfondi des différents leviers de l'innovation économique et sociétale qui nous a conduits à proposer - au-delà du développement de la FTLV 56 ( * ) et des compétences nécessaires à une sécurisation des parcours professionnels - une élévation des cibles d'accès à l'enseignement supérieur : atteindre 60 % d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur, - 50 % au niveau Licence et 25 % au niveau Master ». Source : « Pour une société apprenante », rapport du comité de la StraNES, septembre 2015 |
L'Union européenne s'est fixé un objectif moins ambitieux de 40 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur en 2020, la moyenne observée au sein de l'Union européenne dans son ensemble étant de 38,7 % 57 ( * ) en 2015. La France dépasse déjà largement l'objectif européen : elle était à 45,1 % en 2015.
Votre rapporteur pour avis partage entièrement l'ambition du comité de la StraNES d'élever le niveau de diplomation de la population française.
2. Des effectifs étudiants en hausse forte et continue
Alors que les effectifs de l'enseignement supérieur français étaient de l'ordre de 300 000 étudiants en 1960, la France compte aujourd'hui 2,5 millions d'étudiants 58 ( * ) . Ce chiffre devrait atteindre les 3,3 millions en 2027. La grande majorité d'entre eux est accueillie par les universités.
Répartition des étudiants à la rentrée universitaire 2016-2017
Source : Commission de la culture, de
l'éducation et de la communication du Sénat, d'après le
dossier de presse du MENESR
sur la rentrée étudiante
2016-2017
L'augmentation rapide des effectifs étudiants au cours des dernières années (de l'ordre de 30 000 étudiants supplémentaires chaque année) a vraisemblablement plusieurs causes :
- un effet « mécanique » de la démographie française,
- un effet « incitatif » du discours sur l'élévation du niveau de diplôme,
- un effet « refuge » en période de fort chômage : le diplôme est souvent perçu comme un « rempart contre le chômage » et la poursuite d'études peut être choisie dans l'attente d'hypothétiques « jours meilleurs ». Le risque de chômage est, en effet, en moyenne, inversement corrélé au taux de diplomation, comme le rappelle le graphique ci-après.
* 52 PAP 2017, p. 33.
* 53 Stratégie nationale de l'enseignement supérieur.
* 54 Organisation de coopération et de développement économiques.
* 55 Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs.
* 56 Formation tout au long de la vie.
* 57 Les chiffres cités sont issus de Repères et statistiques 2016, MENESR.
* 58 2 596 800 étudiants attendus à la rentrée 2016, + 1,8 % d'augmentation par rapport à 2015 soit 45 600 étudiants supplémentaires (source : Dossier de presse du MENESR sur la rentrée étudiante 2016-2017).