C. UNE CAPACITÉ D'EXPORTATION RARE
1. La réputation de qualité et d'originalité du cinéma français
Présentés par le CNC dans le cadre de son bilan pour l'année 2015, les résultats des productions françaises à l'export confirment la compétitivité de l'industrie cinématographique nationale et l'attrait indéniable pour les oeuvres françaises.
En 2014, les ventes de programmes audiovisuels à l'étranger ont augmenté de 12,1 % pour atteindre 153,8 millions d'euros , soit le plus haut niveau jamais observé. Avec 45 millions d'euros, l'animation demeure le premier genre à l'export (29,3 % des ventes), malgré une légère diminution du chiffre d'affaires imputable notamment à la réduction du volume de production. Le court métrage, pour sa part, enregistre une diminution de 4,8 % de ces recettes nettes à l'international avec 533 films vendus, contre 583 en 2013. La fiction (+ 49,3 % de ventes) et le documentaire (+ 13,2 %) prennent a contrario leur envol sur le marché de l'exportation et voient leur recettes à l'étranger - respectivement 38,9 et 34,9 millions d'euros - talonner les résultats de l'animation.
L'année 2015 fut, en revanche, en deçà des excellents chiffres affichés en 2014, avec un total de 551 films diffusés sur les écrans étrangers (seize de moins qu'en 2014) réalisant 108,6 millions d'entrées (- 9,6 %). Ce recul ne doit toutefois pas masquer la progression constante de la France à l'export ni l'excellence de la performance. Les résultats de 2015 à l'international se placent en troisième position sur les vingt dernières années. En outre, pour la deuxième année consécutive, les films français réalisent davantage d'entrées à l'étranger que sur le territoire national , grâce notamment au succès de Taken 3 (44 millions d'entrées), du Petit Prince (15,1 millions d'entrées, meilleur résultat de l'animation française à l'étranger depuis vingt ans lui permettant d'afficher un total 21,2 millions d'entrées à l'étranger soit 5,7 fois plus qu'en 2014) et de Le transporteur - Héritage (12,7 millions d'entrées). Dix films français ont réalisé plus d'un million d'entrées hors de nos frontières.
En outre, les entrées des films en langue française ont progressé de 26,7 % pour atteindre 44,1 millions, grâce notamment au succès international de La famille Bélier . Enfin, 2015 a été marquée par nombre de récompenses au bénéfice de films tricolores : Palme d'Or du Festival de Cannes pour Deephan , prix du meilleur court métrage à Toronto pour Maman(s) , prix d'interprétation décerné à Venise à Fabrice Luchini pour son rôle dans L'Hermine .
Entrées des films français à l'étranger
( en millions )
Source : CNC - Bilan 2015
Si l'Europe de l'Ouest représente toujours le premier territoire d'export des productions françaises, porté par les achats de programmes audiovisuels réalisés par l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Royaume-Uni, l'année 2014 a vu la reprise du marché américain, le retour de la croissance des ventes en zone asiatique et une nette progression du marché africain.
Ventes de programmes audiovisuels français par zone géographique
( en millions d'euros )
Source : CNC - Bilan 2015
Selon les informations transmises par Unifrance à votre rapporteur pour avis, l'année 2015 s'est, pour sa part, caractérisée par une réorientation tendancielle du marché vers des pays jadis émergents , même si l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord demeurent des territoires stratégiques. La Chine est ainsi devenue le premier pays d'exportation des films français, tandis que les ventes en Amérique latine ont sensiblement augmenté.
Malgré d'immenses succès populaires et des résultats plus que satisfaisant à l'export, la réputation et l'image du cinéma français à l'étranger demeurent souvent celui d'un art intellectuel et esthétique . Les films, réalisateurs et acteurs de la Nouvelle Vague restent à bien des égards la référence ultime d'un public étranger majoritairement urbain et éduqué. Selon un sondage commandé par UniFrance en 2014, le cinéma français est drôle pour les Russes, intimiste pour les Américains, beau pour les Sud-Coréens, bavard pour les Québécois.
Au Japon, où la France s'affiche comme le deuxième exportateur de films après les États-Unis, les productions populaires ( Intouchables en 2012, Lucy et La Belle et la Bête en 2014) partagent d'excellents résultats avec les films d'auteur, à l'instar de The Artist en 2012 ou, plus récemment Marguerite et Yves Saint-Laurent , tandis que les films d'animation, concurrencés, par la production locale, y essuient régulièrement des échecs. Les comédies fonctionnement merveilleusement en Allemagne et en Russie, alors que l'Espagne fait figure d'eldorado pour les films d'horreur. Les États-Unis, patrie du blockbuster , accueillent 60 à 70 films par an, qui, majoritairement projetés sur un ou deux écrans de New York ou de Los Angeles avant de poursuivre une carrière confidentielle à Seattle, Boston ou Chicago, représentent à peine 2 % du marché américain. La Chine demeure un marché d'avenir : les négociations se poursuivent pour ouvrir aux productions nationales un territoire où seuls huit films français sont autorisés à sortir en salles chaque année.
2. Un investissement payant
Si la qualité et l'originalité des productions françaises constituent le premier moteur de leur succès à l'étranger, le soutien public à l'exportation représente un outil essentiel de marché de la vente d'oeuvres hors des frontières nationales. Il s'articule, sous l'égide du CNC qui y a consacré 11,3 millions d'euros en 2015, autour de cinq axes :
- l'octroi, depuis 1997, de soutiens financiers directs aux exportateurs , pour un total de 3,9 millions d'euros en 2015 comme en 2016. Dans ce cadre, l'aide à la prospection à l'étranger (octroyée film par film et/ou pour l'ensemble de la stratégie d'exportation d'une société), permet de bénéficier des supports (plaquettes, affiches, stands, sites Internet, supports numériques). En 2015, 174 films et 31 sociétés en ont bénéficié. Depuis 2013, cette aide est ouverte aux films de patrimoine soutenus par l'action de numérisation du CNC ainsi qu'aux longs-métrages en langue étrangère. De nouvelles adaptations ont à nouveau été apportées au dispositif en 2015 avec l'éligibilité des frais de mise en ligne et de protection anti-piratage plafonnée à 4 500 euros par société et par an et l'augmentation du plafond de soutien par société à 150 000 euros par an. L'aide à la diffusion des films français à l'étranger permet d'inciter les distributeurs étrangers à améliorer la diffusion des films français, en élargissant les plans de sortie commerciale et/ou en investissant plus massivement dans les campagnes publicitaires accompagnant les sorties. En 2015, 241 films ont été accompagnés dans 48 pays. Existent enfin, des aides au sous-titrage et au doublage pour faciliter la promotion et la vente à l'étranger de films tournés en langue française. En 2015, 84 films en ont bénéficié ;
- l'abondement de la dotation du Fonds d'avances remboursables pour l'acquisition, la prospection et la promotion de films à l'étranger (FARAP) créé en 2013 et géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Il est destiné à soutenir les exportateurs dans l'acquisition des droits internationaux de films et leur promotion à l'étranger . Doté initialement de 8 millions d'euros par le CNC, ce fonds offre à ses bénéficiaires des avances pour une durée comprise entre 12 et 36 mois. En 2014, le CNC a procédé à une nouvelle dotation du FARAP destinée à financer la poursuite de son activité en 2015 et 2016 et à relever à 850 000 euros par entreprise le montant maximal de l'avance. Dix sociétés en ont été bénéficiaires en 2015, pour un montant total de 3 millions d'euros ;
- la subvention versée à l'association UniFrance pour ses activités de promotion du cinéma français à l'étranger, pour un montant de 6,36 millions d'euros sur un budget total de 9,2 millions d'euros ;
UniFrance, un rouage essentiel 1. L'organisation de festivals et de marchés autour du film français UniFrance organise chaque année une dizaine de manifestations sur des territoires-cibles en matière d'exportation (Brésil, Chine, Inde, États-Unis, Russie). En 2015, les « Rendez-vous with French cinema » de New-York ont célébré leur 20ème anniversaire, le programme « Young French Cinema » destiné à faire connaître les jeunes réalisateurs a été lancé et le festival du cinéma français du Japon a été pour la première fois précédée d'un marché organisé à Séoul. L'association organise également des festivals en ligne, à l'image de « MyFrenchFilmFestival », dont la sixième édition s'est déroulée en 2016. Des internautes originaires de plus de 200 pays ont pu visionner des oeuvres méconnues à l'étranger sous-titrées en dix langues. Les partenariats noués avec 37 plateformes (22 en 2015) ont permis une fréquentation record de 6,5 millions de visionnages. UniFrance a par ailleurs créé, en 1999, les « Rendez-vous européens du cinéma à Paris » devenu l'un des trois marchés les plus importants pour les vendeurs français avec Cannes et Berlin. L'édition 2016 a accueilli 39 sociétés d'exportation françaises et 465 distributeurs venus de 42 pays ont assisté aux projections de 86 films. 2. Une communication renforcée sur les films français L'association participe aux grands marchés du film (Berlin, Cannes, Toronto, Santa-Monica, etc.) où elle met à disposition des exportateurs français une infrastructure (stand, projections, etc.). Elle a également conçu des outils de communication sur les films français à destination des professionnels et du public étranger, notamment une application gratuite sur Smartphones. 3. La connaissance des marchés étrangers UniFrance assure une veille économique du secteur et un suivi régulier des résultats des films français à l'étranger en salles et à la télévision pour les principaux territoires. Ses connaissances et données statistiques sont mises à la disposition des adhérents. Par ailleurs, elle initie et participe à de nombreuses études sur les cinémas français et européen. 4. Une collaboration étroite avec le CNC en matière de gestion des aides à la promotion et la distribution des films français à l'étranger . Source : UniFrance |
- le soutien accordé à l'association Europa Cinémas en faveur de la programmation de films européens en salles (251 540 euros en 2015) ;
- enfin, le soutien à la numérisation des salles du réseau culturel français à l'étranger . En mai 2014, le CNC a signé une convention cadre avec les ministères des affaires étrangères et de la culture, l'Institut français et UniFrance, par laquelle il apporte son soutien à la numérisation de 17 salles, à hauteur de 100 000 euros par salle au maximum. Les établissements bénéficiaires s'engagent en contrepartie à mettre en oeuvre une stratégie de programmation assurant la promotion du cinéma français et européen . Les travaux ont été intégralement achevés en 2015.
À la suite de la publication successive des rapports de René Bonnell 3 ( * ) et de la Cour des comptes 4 ( * ) , et dans le cadre des Assises pour la diversité du cinéma, le CNC a mené une réflexion sur l'évolution des aides publiques à l'exportation des films français .
En 2015, le chantier export a été identifié comme une priorité de l'opérateur. Une mission d'aide à la décision a été confiée à René Bonnell, afin d'élaborer une stratégie plus efficace de promotion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises à l'étranger . La préfiguration d'un fonds de soutien automatique à la promotion du cinéma français à l'international et d'une aide renforcée et simplifiée à la promotion des oeuvres audiovisuelles à l'étranger sera finalisée en 2016.
En conséquence des ambitions affichées par l'opérateur, le document stratégique de performance du CNC présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 vise un résultat de 560 à 570 films français montrés en salle à l'étranger en 2017 puis de 570 à 590 films en 2018. Ces perspectives ambitieuses pourront être atteintes grâce à une aide supplémentaire de 9 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances pour 2017 correspondant à la mise en place d'un soutien automatique à l'exportation des films, dont les modalités seront définies par le conseil d'administration du CNC à la fin de l'année 2016, et du renforcement des soutiens à la promotion des oeuvres.
* 3 Rapport sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique - Décembre 2013.
* 4 Rapport sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle - Avril 2014.