B. L'INCONNUE BUDGÉTAIRE : UN RECOURS PLAFONNÉ OU ENCORE EN CROISSANCE ?
1. L'exercice 2016 : un succès non escompté
a) Un montant budgété pour un taux de recours à 50 %
Le taux de recours de la prime d'activité et le montant à budgéter ont fait l'objet de nombreux débats lors de la discussion de la loi relative au dialogue social et à l'emploi. La prime est la première prestation pour laquelle le taux de recours anticipé lors de sa création était inférieur à 100 % . On ne saurait, au vu des taux de recours très faibles affichés par le RSA-activité (35 %) et surtout compte tenu du contexte budgétaire tendu, critiquer cette démarche, qui tend à rapprocher la dépense publique votée de la dépense publique réelle.
Pour autant, le taux de recours retenu de 50 % , au vu des facilités d'accès à la prime auxquelles le Gouvernement s'engageait, paraissait dangereusement sous-évalué, comme votre rapporteur le faisait remarquer dès le premier examen du texte par le Sénat 18 ( * ) . Ce taux de recours correspondait à environ 2 millions de foyers et a donné lieu, en loi de finances initiale pour 2016, au vote de crédits de paiement d'un montant de 4,364 milliards d'euros , soit quasiment deux fois plus que les crédits de paiement ouverts en 2015 pour le RSA-activité.
Le taux de recours en nombre de foyers est à distinguer du taux de recours en masse financière. En effet, la prime d'activité n'étant pas distribuée de façon homogène, le Gouvernement a décrit dans ses prévisions que les 50 % de foyers éligibles à la prestation qui en seraient bénéficiaires concentreraient environ 66 % des montants versés . Ce qui revient à considérer qu'un taux de recours de 100 % de la prime d'activité correspondrait à un montant budgété de 6,612 milliards d'euros.
b) Une montée en charge plus importante que prévu en cours d'année
D'après la réponse de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, on note qu'entre janvier et août 2016, 3,7 millions de foyers ont bénéficié de la prime d'activité au moins pendant un mois de la période considérée. En juin 2016, le « stock » de bénéficiaires, après décompte des entrées et des sorties du dispositif, s'établissait à 2,4 millions de personnes . De même, les dépenses observées de janvier à août 2016 s'élèvent à 2,9 milliards d'euros 19 ( * ) , soit 66 % des dépenses initialement prévues pour l'exercice .
Si l'on se fie aux prévisions contenues dans l'étude d'impact du projet de loi relatif au dialogue social, qui chiffrait à 5,6 millions d'actifs les éligibles à la prime d'activité, on s'aperçoit que le taux de recours en juin 2016 avoisine les 43 % , donc se rapproche de la cible de 50 % normalement fixée pour l'exercice entier.
Les bénéficiaires de la prime d'activité sont pour 40 % d'entre eux d'anciens bénéficiaires du RSA-activité, pour lesquels le transfert s'est fait automatiquement. 60 % des bénéficiaires de la prime d'activité sont donc de nouveaux allocataires , ce qui s'explique soit par l'élargissement de la cible, soit par la meilleure attractivité de la prime. Ces nouveaux allocataires sont plus difficilement détectables que les anciens.
c) La rallonge demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016
Déposé le 18 novembre 2016, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 prévoit une ouverture nette de crédits pour le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » qui finance la prime d'activité pour un montant de 369 256 989 euros .
On peut donc prévoir un montant de crédits exécutés pour l'exercice 2016 relatifs à la prime d'activité d'environ 4,734 milliards d'euros .
2. Le projet de loi de finances pour 2017
Le projet de loi de finances pour 2017 intègre une modification substantielle des hypothèses de recours et donc des crédits consacrés à la prime d'activité. Les crédits de la prime d'activité s'élèvent pour l'exercice 2017 à 4,969 milliards d'euros , soit une hausse de 5 % par rapport au niveau exécuté pour 2016.
Votre rapporteur prend donc acte de cette élévation, consécutive au succès non anticipé de la prestation.
Il exprimera néanmoins une inquiétude. L'hypothèse de recours pour l'exercice 2017 n'est plus de 50 %, mais s'élève à 90 % 20 ( * ) . Or, si l'on retient que la masse financière totale supposée par un recours à 100 % de la prime d'activité se chiffre à 6,612 milliards d'euros, et qu'on fait l'hypothèse que ceux qui recourent à la prestation sont ceux qui peuvent prétendre à ses montants les plus élevés, le chiffre de 4,969 milliards d'euros paraît sous-évalué (d'environ un milliard d'euros) pour un recours estimé à 90 % .
Par ailleurs, ce nouveau taux de recours dans le projet de loi de finances pour 2017 peut paraître excessivement ambitieux dans la mesure où la plupart des personnes auditionnées par votre rapporteur envisageaient un plafonnement du recours aux environs de 60 à 70 % 21 ( * ) .
Il est néanmoins important de signaler que, même pour des élévations du recours de 10 à 15 points « seulement », le chiffre avancé au cours de ces auditions pour la rallonge de crédits correspondante était de l'ordre d'un milliard d'euros.
Or, le Gouvernement, tenu par la maîtrise du budget, n'a pas entendu élever les crédits consacrés à la prime d'activité d'un pareil montant pour 2017.
Il est assurément trop tôt pour juger de la pertinence des prévisions gouvernementales sur le recours et les crédits alloués à la prestation. L'exercice 2017 apportera certainement les éléments susceptibles de confirmer les doutes de votre rapporteur.
* 18 Compte-rendu de la commission des affaires sociales, 10 juin 2015.
* 19 D'après la direction générale du Trésor.
* 20 Selon l'indicateur 1.2.1 du programme 304 au projet de loi de finances pour 2017.
* 21 L'OFCE anticipe un recours pour 2017 de l'ordre de 80 à 90 %.