AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le débat public sur la lutte contre les addictions et leur impact sur la société française a été dominé en 2016 par l'aboutissement du projet le plus emblématique du Gouvernement dans ce domaine : l'ouverture, à titre expérimental 1 ( * ) , de deux salles de consommation à moindre risque (SCMR) à Paris et à Strasbourg, à destination des consommateurs d'opiacés. Cette initiative ne devrait toutefois toucher que quelques centaines de personnes très fragilisées sur le plan sanitaire et marginalisées socialement par leur addiction. Dans le même temps notre société subit , au quotidien, les conséquences des conduites addictives de millions de nos concitoyens , qu'il s'agisse de la consommation de produits psychotropes ou d'addictions comportementales.

Dès lors, il convient de ne pas négliger la politique globale menée, sous l'égide de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), pour réduire les conséquences en matière d'ordre public, de cohésion sociale ou de santé publique de toutes les formes d'addictions. La France se distingue en ayant retenu une approche intégrée , qui s'appuie sur trois piliers d'égale importance : l'application de la loi , c'est-à-dire la pénalisation de l'usage et de la vente des drogues illicites, la prévention et la réduction des risques et des dommages.

L'année 2017 s'annonce, pour la Mildeca, comme une année de transition, avec le départ programmé de sa présidente 2 ( * ) et l'achèvement du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives, publié en septembre 2013 pour la période 2013-2017. Dans ce contexte, la diminution de sa dotation budgétaire se poursuit (- 5,6 % entre 2016 et 2017), sans que sa ressource complémentaire, un fonds de concours - par nature aléatoire - alimenté par la vente des biens saisis et confisqués dans le cadre d'affaires de trafic de stupéfiants, ne puisse la compenser.

Pourtant, malgré une volonté affichée d'accentuer la mobilisation des acteurs concernés par la lutte contre les addictions et de rénover le pilotage de cette politique, les résultats de l'action de la Mildeca sont contrastés et votre rapporteur pour avis n'en soutient pas toutes les orientations. De plus, les choix budgétaires faits par le Gouvernement depuis 2012 viennent fragiliser l'action publique contre la toxicomanie.

Ainsi, force est de constater que les moyens consentis à la Mildeca pour mettre en oeuvre le plan gouvernemental et ses deux déclinaisons, les plans d'actions 2013-2015 et 2016-2017, ne permettent pas d'être fidèle à l'ambition qui a présidé à leur élaboration. Sans nier la qualité du travail réalisé au quotidien par l'équipe de la Mildeca, son action s'apparente, dans ces circonstances, à du saupoudrage d'une ressource financière limitée sur un nombre trop important de projets.

Votre rapporteur pour avis renouvelle par ailleurs son opposition aux SCMR , en raison aussi bien du message d'une légalisation de facto de l'usage de stupéfiants qui est ainsi envoyé à nos jeunes que de leur impact mal évalué en matière de santé et d'ordre publics. Si quelques aménagements positifs ont été apportés au projet initial, en particulier leur localisation sur des emprises hospitalières, il est désormais essentiel qu'une évaluation scientifique de leurs conséquences sur leurs usagers, sur les quartiers dans lesquelles elles sont implantées et sur les comportements de consommation des toxicomanes soit réalisée avant tout débat sur leur généralisation.

Enfin, 2016 aura représenté une occasion manquée de débattre de la réponse pénale à l'usage simple de stupéfiants et des remèdes à apporter à son inefficacité . La peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende 3 ( * ) actuellement en vigueur, très lourde, n'est dans les faits jamais appliquée, en particulier pour les premières consommations, et a perdu son caractère dissuasif . La contraventionnalisation du premier usage , adoptée par le Sénat à deux reprises 4 ( * ) à l'initiative de votre rapporteur pour avis, permettrait de remédier à ces insuffisances en garantissant un traitement rapide de l'infraction et en soulignant les conséquences pécuniaires de celle-ci. Le rapport d'un groupe de travail piloté par la Mildeca, qui n'a jamais été rendu public mais dont la presse s'est faite l'écho, partage ce constat. Le Gouvernement a préféré l'ignorer : c'est donc à son successeur, quel qu'il soit, qu'il appartiendra de traiter ce dossier.


* 1 En application de l'article 43 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 2 Admise à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d'âge, à compter du 1 er mars 2017 par un arrêté du 27 septembre 2016 (NOR : AFSJ1627369A).

* 3 Depuis la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses, codifiée à l'article L. 3421-1 du code de la santé publique.

* 4 D'abord le 7 décembre 2011 avec l'adoption de la proposition de loi n° 19 (2011-2012) visant à punir d'une peine d'amende tout premier usage illicite constaté de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants, puis en octobre 2015, dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la santé.

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