B. FAIRE FACE À PLUSIEURS DÉFIS À COURT TERME : RENOUVELER LA FLOTTE ET GÉRER LE BREXIT.
1. Le renouvellement de la flotte : profiter de la conjoncture favorable.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, votre rapporteur avait insisté sur l'exigence de renouvellement de la flotte pour redonner des perspectives à la pêche maritime française .
Mais ces investissements sont coûteux et doivent faire l'objet d'un accompagnement approprié . L'assouplissement du statut de la société de pêche artisanale par la loi sur l'économie bleue vise à permettre à des investisseurs d'apporter des capitaux tout en permettant au patron-pêcheur de rester majoritaire dans son entreprise.
On peut toutefois s'inquiéter du désintérêt des investisseurs français dans la pêche . A l'exception de la Scapêche (propriété du groupe Intermarché) et de la Sapmer (spécialisée dans le thon tropical), les grands armements d senneurs océaniques ou de chalutiers congélateurs sont détenus par des sociétés étrangères : le groupe Parveliet & Van der Pla, à capitaux néerlandais, détient ainsi les armements Euronor et la Compagnie des pêches de Saint-Malo et a racheté en juillet 2016 la compagnie française du thon océanique ; un autre investisseur néerlandais, Cornelius Vrolijk, détient l'armement France pélagique ; enfin le groupe italien Bolton alimentari détient les navires thoniers de Saupiquet.
En outre, de nombreuses acquisitions de navires de pêche artisanale par des armements étrangers, principalement espagnols, ont eu lieu ces dernières années sur la façade atlantique.
Le coût d'un navire neuf reste élevé : plus de 8 millions d'euros pour le navire expérimental lancé en 2015 dans le cadre du projet Arpège ; presque 2 millions d'euros pour le chalutier polyvalent de 16,5 mètres « le Breizh » livré à Lorient en septembre dernier par le chantier naval Socarenam.
Les chiffres de délivrance des permis de mise en exploitation pour 2015 et 2016 attestent d'une reprise, qui doit cependant s'inscrire dans la durée pour avoir un véritable effet de modernisation sur la pêche professionnelle française.
2. Le Brexit : un danger pour la pêche française.
La PCP repose sur la mise en commun des zones économiques exclusives (ZEE) des pays européens et sur la gestion commune de la ressource halieutique. La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne signifierait la fin de la participation des britanniques à la PCP, fragilisant la pêche française, très dépendante des captures réalisées dans les eaux britanniques.
a) Le risque de remise en cause de l'accès des pêcheurs français aux eaux britanniques.
En 2015, les captures françaises réalisées dans la ZEE britannique s'élevaient à 100 000 tonnes pour une valeur de 177 millions d'euros , soit 22 % de la production nationale en volume et 16 % en valeur.
Les pêcheurs français des Hauts-de-France, de Normandie et de Bretagne réalisent environ un tiers de leur production dans les eaux britanniques .
Par ailleurs, l'activité de transformation du poisson est également dépendant des prises effectuées dans ces eaux : 44 % des prises débarquées dans le port de Boulogne-sur-Mer ont été effectuées dans les eaux britanniques, faisant vivre l'activité de transformation du port.
Outre l'accès à la ZEE, le Brexit pose le problème de l'accès aux eaux territoriales : les navires français disposent de nombreux droits d'accès à des eaux comprises entre 6 et 12 miles des côtes britanniques, qui sont des eaux littorales très poissonneuses. Or, la réciproque n'est pas vraie.
La remise en cause de l'accès aux eaux britanniques est donc lourde de menaces pour la pêche française, en particulier celle du Nord de la France. Même si le droit de la mer oblige à reconnaître des droits historiques et ne permet vraisemblablement pas une fermeture totale de la ZEE britannique aux navires de pêche français, des restrictions fortes pourraient pénaliser tout aussi fortement nos professionnels.
b) Le risque de remise en cause des quotas de pêche français.
Depuis l'origine, la PCP est fondée sur le principe de stabilité relative , qui implique que les TAC décidés à l'échelle de l'Union européenne sont ensuite répartis en quotas entre Etats membres selon une clef de répartition stable dans le temps, reflétant les équilibres historiques.
Or, ces clefs de répartition ne sont pas forcément favorables au Royaume-Uni pour les espèces pourtant pêchées dans ses eaux : ainsi sur le lieu noir en mer du Nord, le quota attribué à la France est de 24 % et celui réservé aux britanniques n'est que de 8 %.
Plus largement, le Royaume-Uni pourrait demander à sortir du système de répartition des quotas au sein de l'Union européenne et rentrer dans des accords bilatéraux avec l'Union européenne, pour définir des quotas plus favorables, au détriment de l'ensemble de l'Union européenne.
Par ricochet, la réduction des TAC à l'échelon européen qui serait le résultat de négociations à l'avantage de la Grande-Bretagne pourrait conduire les autres Etats membres à demander la remise en cause du principe de stabilité relative , au détriment de la France, qui dispose de quotas historiques plutôt élevés.
c) La nécessité d'un accord équilibré avec les britanniques.
Votre rapporteur constate que si les britanniques peuvent pénaliser la pêche française par une restriction forte de l'accès à leur ZEE et une renégociation dure des quotas de pêche avec l'Union européenne, la pêche britannique peut aussi être pénalisée par le Brexit.
D'abord, la pêche britannique a besoin du marché européen et en particulier du marché français : les exportations de produits aquatiques de la France vers le Royaume-Uni ne représentent que 117 millions d'euros (huiles de poisson, thon, saumon) tandis que les exportations du Royaume-Uni vers la France représentent 507 millions d'euros (saumon, coquille Saint-Jacques, langoustines, cabillaud), soit 28 % du total des exportations britanniques de produits aquatiques vers l'Union européenne.
Ensuite, si la sortie de l'Union européenne redonne au Royaume-Uni la liberté de négocier ses quotas de pêche avec ses voisins, le Royaume-Uni ne pourra pas en revanche bénéficier des facilités offertes aux pêcheurs européens dans le cadre des accords de pêche avec les pays tiers : il devra donc négocier directement avec l'Islande ou encore la Norvège, sans avoir accès à la « monnaie d'échange communautaire » que constituent les quotas de pêche et les eaux de l'Union européenne.
Il est trop tôt à ce stade pour évaluer avec précision les conséquences du Brexit sur la pêche. Votre rapporteur souligne toutefois qu'il s'agit d'un enjeu important qui ne devra pas être oublié ou négligé dans la négociation du Brexit avec les britanniques. En tout état de cause, le libre accès au marché du poisson britannique ne saurait être accepté si les droits de pêcheurs européens et en particulier des pêcheurs français étaient remis en question par le Royaume-Uni.