II. LA FILIÈRE PÊCHE CONFRONTÉE À DES ENJEUX MULTIPLES.

A. UN ENJEU STRATÉGIQUE : GARANTIR UNE PÊCHE DURABLE ET RESPONSABLE.

1. La préservation de la ressource halieutique au coeur de la politique commune de la pêche.

La troisième réforme de la PCP (après celles de 1992 et de 2002) menée en 2013 a renforcé les exigences environnementales pesant sur la pêche, dans le but d'en assurer la durabilité à long terme.

La réforme conserve les instruments qui avaient été mis en place par l'Union européenne pour lutter contre la surpêche , en particulier la limitation de la taille de la flotte : toute construction neuve doit être compensée par le retrait d'une capacité équivalente voire supérieure estimée en unités de jauge.

Mais la réforme renforce aussi les exigences sur le secteur de la pêche : ainsi, elle vise aussi à déterminer les TAC des stocks halieutiques en visant à atteindre le RMD de chacun d'entre eux au plus tard en 2020 et si possible en 2015. Le RMD se définit comme la plus grande quantité de biomasse que l'on peut extraire en moyenne et à long terme d'un stock halieutique sans affecter le processus de reproduction. Cette approche est très exigeante, même si l'amélioration de la situation de certains stocks permet d'envisager de desserrer la contrainte pesant sur leur exploitation : ainsi dans sa communication de juin 2016 sur les possibilités de pêche pour 2017, la Commission européenne constate que « dans toutes les régions pour lesquelles des TAC ont été définis, le taux de pêche excédant le RMD a considérablement diminué ».

Cette tendance permet d'envisager une certaine stabilité des quotas attribués à la France en 2017 , voire une hausse pour les stocks dont la situation s'améliore. Il subsiste toutefois des stocks qui devraient faire l'objet de baisses drastiques de TAC : la sole en mer d'Irlande et en Manche-est, le cabillaud , ou encore le bar dans la Manche ou dans le Golfe de Gascogne, pour lequel des mesures d'urgence risquent fort de s'imposer. Pour le bar, une attention particulière devrait être portée à la pêche récréative, qui pourrait représenter plus de la moitié des prises.

Enfin, l'état des stocks halieutiques est préoccupant en Méditerranée , pouvant entraîner la mise sous quotas de l'espadon .

La réforme de la PCP a également consisté à instaurer une nouvelle obligation de débarquement de l'ensemble des prises , y compris les prises accessoires, pour lutter contre les rejets et encourager une meilleure sélectivité des techniques de pêche professionnelle. Cette obligation entre progressivement en vigueur : elle concerne les espèces pélagiques (harengs, maquereaux ...) depuis le 1 er janvier 2015 et doit progressivement s'étendre. Les sanctions ne s'appliqueront qu'à partir de 2017.

La réforme de la PCP a également mis en place un nouvel instrument financier de soutien à la politique des pêches et de l'aquaculture qui doit faire l'objet d'une déclinaison nationale à travers un programme opérationnel : le FEAMP .

Enfin, en marge de la réforme de la PCP, après l'accord politique de juin 2016 entre Commission européenne, Conseil et Parlement européen, l'Union européenne devrait parvenir à imposer une règlementation plus stricte en matière de pêche en eaux profondes , en interdisant la pêche au chalut à plus de 800 mètres de profondeur.

Le renforcement continu des exigences en matière de pêche oblige les professionnels à s'adapter en permanence : installer des caméras pour surveiller les opérations de capture, remplir des déclarations de capture, adapter la taille des engins, modifier les zones ou périodes de pêche.

2. Répondre à l'impératif économique de compétitivité de la filière.

Plusieurs constats conduisent les professionnels à s'inquiéter du positionnement de la pêche française face à l'enjeu de compétitivité de la filière . Une étude de FranceAgrimer publiée en juin 2016 8 ( * ) constate que la grande distribution en France se tourne de plus en plus vers des sources européennes d'approvisionnement plus aptes que les pêcheurs français à répondre à ses besoins. Cette même étude constate que la part des produits transformés dans les importations françaises s'accroît au détriment de celle des produits bruts, pénalisant l'activité française de première transformation.

L'étude conclut que la filière pêche française dans son ensemble est clairement moins compétitive que la moyenne des autres filières en Europe, et en particulier par rapport aux deux autres principaux pays européens importants : Espagne et Royaume-Uni.

La France dispose certes d'atouts : diversité des espèces pêchées, capacité d'adaptation des entreprises de première transformation, bonne image des produits français. Mais elle est pénalisée par des coûts de production globalement plus élevés et une chaîne logistique peu performante.

Constatant qu'une stratégie de compétitivité-prix est difficilement envisageable, l'étude de FranceAgrimer préconise donc d'améliorer la compétitivité hors-prix de la filière , notamment à travers la modernisation des navires pour améliorer leur consommation énergétique, le développement d'une information à l'avance sur les débarquements attendus et l'amélioration des flux logistiques.

C'est donc l'ensemble de la filière : pêcheurs, mareyeurs, jusqu'aux distributeurs, qui doivent relever le défi de la compétitivité.


* 8 Étude de compétitivité comparée de la filière pêche française et de ses principaux concurrents européens, FranceAgrimer, juin 2016.

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