EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA LUTTE CONTRE LE CRIME ORGANISÉ, LE TERRORISME ET LEUR FINANCEMENT

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CHAPITRE IV

Dispositions améliorant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
ARTICLE 12
(Art. 421-1-7 du code pénal (nouveau), art. 706-24-1 et 706-25-1
du code de procédure pénale)

Création d'une infraction réprimant le trafic de biens culturels provenant de théâtres d'opérations de groupements terroristes

. Commentaire : le présent article prévoit la création d'une nouvelle infraction réprimant le trafic de biens culturels qui proviennent de théâtres d'opérations de groupements terroristes quand la licéité de l'origine du bien ne peut être justifiée.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE TRAFIC DE BIENS CULTURELS, UNE SOURCE DE REVENUS POUR LES GROUPES TERRORISTES DONT L'AMPLEUR EXACTE EST DIFFICILE À CERNER

À l'échelle mondiale, le trafic de biens culturels arriverait au 3 e ou 4 e rang des commerces illicites dans le monde , après les armes et la drogue 10 ( * ) - même si, comme le souligne l'Observatoire international du trafic illicite de biens culturels, aucun des chiffres circulant à ce sujet n'est officiel 11 ( * ) .

Si les terroristes liés au groupe Daech ont procédé à des opérations massives de destruction du patrimoine culturel des zones sous leur contrôle, ils mettent également à profit le trafic lié à la vente d'antiquités pillées . Comme le souligne le rapport du groupe d'action financière internationale (Gafi) relatif au financement de Daech, « bien qu'il soit quasiment impossible de prouver l'existence d'un lien direct entre Daech et la vente d'un bien culturel donné, Daech se finance grâce aux antiquités de deux façons différentes, à la fois en vendant les biens pillés et en taxant les trafiquants qui procèdent au transport des objets d'art à travers les territoires sous son contrôle » 12 ( * ) .

Les montants en jeu apparaissent importants sans qu'ils ne fassent, pour autant, l'objet d'un chiffrage fiable. L'ordre de grandeur évoqué serait de 10 % du total des revenus du groupe terroriste. Les difficultés d'évaluation de l'ampleur du trafic tiennent à deux facteurs : outre le caractère évidemment illicite des ventes, doit aussi être pris en compte le décalage temporel important qui peut exister entre le vol d'un bien culturel et sa revente sur le marché noir. Les trafiquants peuvent ainsi attendre plusieurs années avant de proposer un bien culturel à la vente, ce délai permettant de fabriquer une nouvelle histoire au bien pillé et de profiter d'un relâchement de la vigilance des pays dans lesquels sont écoulés les biens.

Les données manquent également sur les pays de destination des biens culturels volés. Selon des sources journalistiques 13 ( * ) , en Europe, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France seraient les principaux destinataires de ce trafic.

B. UN ENCADREMENT DE PLUS EN PLUS STRICT DU COMMERCE DE BIENS CULTURELS PROVENANT DE TERRITOIRES SOUS CONTRÔLE TERRORISTE

Le trafic de biens culturels préexiste évidemment aux groupes terroristes qu'il contribue aujourd'hui à financer et de nombreux textes, tant sur les plans international et européen 14 ( * ) que national, interdisent de façon générale les actes de pillage et le trafic d'objets d'art volés. Cependant, comme le souligne le Conseil international des musées (Icom), « les conflits au Moyen-Orient (Égypte, Irak, Syrie, Yémen) et en Afrique (Libye, Mali) ont amplifié le phénomène » et ont déjà conduit à renforcer le droit international et la réglementation européenne, en particulier concernant les biens culturels provenant d'Irak et de Syrie. La France tend elle aussi à développer l'encadrement du commerce d'objets d'art.

1. Deux résolutions de l'ONU appelant les États membres à prendre des mesures pour limiter le trafic de biens culturels en provenance d'Irak et de Syrie

Plusieurs résolutions du conseil de sécurité de l'ONU condamnent le trafic de biens culturels et enjoignent aux États membres de mettre en oeuvre des mesures permettant de le limiter. Doivent en particulier être notées les résolutions relatives à l'Irak 15 ( * ) et, plus récemment, à la Syrie 16 ( * ) , cette dernière invitant les États membres à « prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels iraquiens et syriens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse, qui ont été enlevés illégalement d'Iraq depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, notamment en frappant d'interdiction le commerce transnational de ces objets » 17 ( * ) .

2. Une interdiction très étendue, par la législation européenne, du commerce de biens culturels en provenance d'Irak et de Syrie

Prévaut dans le droit européen 18 ( * ) un principe d'interdiction du commerce de biens culturels en provenance d'Irak ou de Syrie dès lors qu'existent de « bonnes raisons de soupçonner » ou un « doute raisonnable » concernant le fait que ces biens ont pu être sortis des territoires concernés sans le consentement de leur propriétaire légitime . Deux exceptions sont prévues : l'interdiction ne s'applique pas dès lors que les biens ont été exportés avant le début des hostilités (6 août 1990 pour l'Irak, 15 mars 2011 pour la Syrie) ou qu'ils sont restitués à leurs propriétaires légitimes.

Conformément aux traités européens, ces règlements sont d'application directe et ne nécessitent donc pas de transcription en droit interne pour s'appliquer sur le territoire français. Ils ne prévoient cependant pas de sanction en cas de violation de l'interdiction et ne couvrent pas tous les territoires connaissant des opérations terroristes.

3. En France, un appel à vigilance dans le cadre des déclarations de soupçon à Tracfin et plusieurs dispositions protectrices prévues dans le projet de loi « Liberté de la création »

Les marchands de biens dits de grande valeur 19 ( * ) sont entrés dans le dispositif anti blanchiment depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). Leurs obligations à ce titre sont prévues aux articles L. 561-2 à L. 561-36 du code monétaire et financier.

Les marchands de biens précieux doivent ainsi déclarer à la cellule nationale de renseignement financier Tracfin toutes sommes ou opérations « portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme » 20 ( * ) . Ils ne peuvent opposer le secret professionnel à Tracfin.

Déclaration de soupçon et obligation de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

I. Le soupçon

En l'absence de connaissance certaine, le « soupçon » est la conclusion à laquelle parvient un professionnel déclarant après avoir pris en compte tous les critères pertinents . Cette latitude est conforme à l'idée que les décisions qui concernent le caractère suspect ou non suspect des opérations doivent être prises en s'appuyant sur des compétences propres à chaque profession et la connaissance du contexte spécifique de l'opération , en particulier du client.

Cette connaissance s'appuie sur le déploiement d'un dispositif de vigilance prévu aux articles L. 561-5 et L. 561-6 du code monétaire et financier.

II. La mise en place obligatoire d'un dispositif de vigilance

Les professionnels visés à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, dont font partie les marchands de biens précieux, ont l'obligation de mettre en place un dispositif de vigilance adapté leur permettant de connaître leurs clients (occasionnels ou habituels), ainsi que l'origine et la destination des fonds .

Cette obligation de vigilance doit s'exercer tout au long de la chaîne de traitement de l'opération, que le client soit occasionnel ou habituel .

Les données relatives au client et aux opérations effectuées doivent être conservées pendant 5 ans (articles L. 561-12 et L. 561-13 du code monétaire et financier).

Source : d'après la lettre d'information de Tracfin n° 12, octobre 2015.

Par un courrier 21 ( * ) en date du 13 novembre 2015 adressé aux deux syndicats d'antiquaires 22 ( * ) , le ministre des finances et des comptes publics Michel Sapin a adressé un « appel à vigilance » à la profession , jugeant « indispensable d'appeler l'attention de l'ensemble des professionnels du secteur du commerce de biens culturels aux risques de financement du terrorisme, de Daech en particulier ».

Doit aussi être signalée l'introduction à l'Assemblée nationale, au cours des débats en commission des affaires culturelles et sur initiative gouvernementale 23 ( * ) , d'un article 18 B qui modifie le code du patrimoine afin d'introduire quatre mesures destinées à renforcer la législation en matière de circulation illicite des biens culturels : possibilité d'annuler l'entrée dans les collections publiques de biens , acquis de bonne foi, dont il s'avérerait qu'ils ont été à l'origine volés ou exportés illicitement ; possibilité d'accueil en dépôt de biens culturels étrangers menacés en raison d'un conflit armé ou d'une catastrophe naturelle ; interdiction d'importation de biens culturels en l'absence d'un certificat d'origine et interdiction d'importer , d'exporter, de faire transiter et de faire commerce de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU a été prise en ce sens - ce qui, aujourd'hui, couvre les biens issus de Syrie et d'Irak.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article modifie le code pénal pour y insérer un article L. 421-2-7, au sein du titre relatif au terrorisme 24 ( * ) . Cet article prévoit une nouvelle infraction , punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Serait interdit le fait d'importer, d'exporter, de faire transiter, de détenir, de vendre, d'acquérir ou d'échanger un bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique, dès lors que trois conditions cumulatives sont remplies : d'une part, le bien doit avoir été soustrait d'un territoire qui constituait, au moment de la soustraction, un théâtre d'opérations de groupements terroristes ; d'autre part, la personne incriminée doit avoir connaissance de ce fait et, enfin, elle ne doit pas pouvoir justifier la licéité de l'origine de ce bien. Il est à noter que la délimitation géographique retenue, les « théâtres d'opérations de groupements terroristes », est la même que celle du 2° de l'article L. 224-1 du code de sécurité intérieure prévoyant la possibilité d'une interdiction de sortie du territoire.

Le II modifie le code de procédure pénale afin de prévoir des règles procédurales dérogatoires . En effet, les infractions en matière de terrorisme connaissent des règles de procédure dérogatoires au droit commun 25 ( * ) , comme la centralisation du traitement des affaires à Paris 26 ( * ) , le possible prolongement de la garde à vue jusqu'à six jours pour les personnes majeures 27 ( * ) ou encore la prescription par trente ans de l'action publique des crimes (vingt ans pour les délits) 28 ( * ) . En vertu du principe de proportionnalité des délits et des peines, le caractère dérogatoire des règles de procédure doit être adapté à la gravité du délit ou du crime : aussi les articles 706-88 à 706-94 et 706-25-1 du code de procédure pénale ne sont-ils pas applicables aux délits constitués par la provocation à des actes terroristes et l'apologie du terrorisme. Le II du présent article vise à prévoir les mêmes dérogations pour l'infraction nouvellement créée.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. L'AJOUT DU TRANSPORT À LA LISTE DES ACTES SUSCEPTIBLES DE RENTRER DANS LE CHAMP DE L'INFRACTION

En commission des lois, un amendement 29 ( * ) adopté à l'initiative de notre collègue députée Colette Capdevielle (Groupe socialiste, républicain et citoyen), rapporteure du projet de loi, a conduit à ajouter, après le transit, le transport à la liste des actes susceptibles de rentrer dans le champ de l'infraction. L'auteur de l'amendement précise que cette modification suit le modèle de l'article 222-37 du code pénal incriminant le « transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants ».

B. L'ALIGNEMENT DES PEINES SUR LE RÉGIME DE LA DÉGRADATION OU DÉTÉRIORATION DE VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES

Durant les débats en séance publique, deux amendements 30 ( * ) , adoptés à l'initiative de notre collègue député Patrick Hetzel (Les Républicains) et de plusieurs de ses collègues, sur avis favorables de la commission des lois et du Gouvernement, ont conduit à aligner les peines prévues pour la nouvelle infraction sur les peines prévues par l'article 322-3-1 du code pénal au titre de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration de vestiges mobiliers et archéologiques.

Ainsi, les peines passent de cinq à sept ans d'emprisonnement et de 75 000 à 100 000 euros d'amende . Pour la même raison, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur considère que l'infraction dont la création est proposée paraît nécessaire afin de responsabiliser toute la chaîne impliquée dans le trafic de biens culturels , y compris les acheteurs. Les garanties offertes aux marchands et aux collectionneurs de bonne foi sont réelles dans la mesure où il faut que l'acheteur ait connu la provenance du bien et qu'il ne soit pas en mesure de justifier la licéité de son origine.

Cependant, votre rapporteur note que si l'origine géographique du bien, qui forme un élément constitutif de l'infraction, est effectivement définie en référence aux théâtres d'opérations de groupements terroristes, l'infraction créée n'est pas directement relative à des actes terroristes. Son intégration au sein du titre du code pénal relatif au terrorisme ne paraît donc pas pleinement justifiée. En outre, elle entraînerait l'application de règles de procédure qui ne paraissent pas de nature à améliorer le traitement de l'infraction. Ainsi, cette dernière serait du ressort de la cellule anti-terroriste du Parquet parisien, alors même que ce nouveau délit ne présente qu'un lien très ténu avec les autres infractions terroristes.

En vertu du principe de proportionnalité des délits et des peines, une dérogation est d'ailleurs déjà prévue pour exclure cette nouvelle infraction de certaines règles de procédure : plutôt que de multiplier les dérogations, qui ne contribuent pas à la clarté de la loi, votre rapporteur vous propose de créer ce nouvel article au sein du même titre « Des autres atteintes aux biens » que l'infraction de dégradation ou de détérioration de vestiges mobiliers et archéologiques 31 ( * ) , dont la similitude avec la nouvelle infraction est déjà attestée par l'alignement des peines prévues pour celle-ci sur celle-là.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 13
(Art. L. 315-9 [nouveau] et L. 561-12 du code monétaire et financier)

Plafonnement des cartes prépayées et modalités de recueil d'informations relatives à l'utilisation de ces cartes

. Commentaire : le présent article vise à plafonner la capacité d'emport des cartes prépayées et à renforcer leur traçabilité.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN SUPPORT QUI RELÈVE JURIDIQUEMENT DU STATUT DE LA MONNAIE ÉLECTRONIQUE

Les cartes prépayées constituent un support physique permettant de stocker une valeur monétaire sous format électronique. À la différence des cartes bancaires traditionnelles, elles ne sont pas adossées à un compte courant .

Deux grandes catégories de cartes prépayées peuvent être distinguées, en fonction de leurs usages :

- les cartes à réseau fermé , qui regroupent principalement les cartes cadeaux commercialisées dans les grandes enseignes de distribution ;

- les cartes à réseau ouvert , dont les publics cibles sont principalement les exclus du système bancaire traditionnel, les acheteurs sur internet qui veulent limiter le risque de fraude ou protéger leur vie privée ainsi que les parents qui souhaitent fournir de l'argent de poche à leurs enfants.

Juridiquement, les cartes prépayées relèvent du statut de la monnaie électronique , dont l'existence remonte à une directive européenne du 18 septembre 2000 32 ( * ) . Aux termes de l'article L. 315-1 du code monétaire et financier, une valeur monétaire stockée sous forme électronique répond à la définition de la monnaie électronique si elle :

- représente une créance sur l'émetteur ;

- est émise aux fins d'opérations de paiement ;

- est acceptée par une personne autre que l'émetteur.

La monnaie électronique doit ainsi être distinguée des monnaies virtuelles - Bitcoin , Nintendo Points , etc. - qui peuvent remplir des fonctions économiques proches mais ne représentent pas une créance sur l'émetteur et ne sont pas nécessairement émises contre la remise de fonds 33 ( * ) .

D'après les données de la Banque de France 34 ( * ) , le nombre de paiements en monnaie électronique a progressé de 4 % en 2014 mais demeure modeste , avec un total de 55 millions de paiements, qui peut être comparé aux 9,47 milliards de paiements effectués par carte bancaire classique. S'agissant des montants, le doublement observé en 2014 (+ 127 %, soit 240 millions d'euros) masque un niveau moyen par transaction très faible (4,6 euros en moyenne).

Si la diffusion de la monnaie électronique reste limitée, la dynamique observée en 2014 pourrait se poursuivre du fait de la transposition de la deuxième directive « monnaie électronique » 35 ( * ) , intervenue en 2013 36 ( * ) , qui a notamment supprimé le monopole bancaire en matière d'émission et de gestion de la monnaie électronique.

Ainsi, la monnaie électronique peut désormais être émise non seulement par les établissements de crédit traditionnels mais également par les établissements de monnaie électronique . Cette émission est réalisée soit sur un instrument de paiement prépayé (cartes prépayées, porte-monnaie électronique), soit sur un serveur (porte-monnaie virtuel).

B. UN CADRE JURIDIQUE QUI PRÉSERVE SOUS CERTAINES CONDITIONS L'ANONYMAT DES UTILISATEURS, AU RISQUE DE FACILITER LE BLANCHIMENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME

Si les établissements de monnaie électronique bénéficient d'un régime statutaire et prudentiel allégé, ils sont soumis aux dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , en application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier.

Toutefois, conformément à l'article R. 561-16 du code monétaire et financier, qui reprend les conditions fixées à l'article 19 de la directive précitée, les établissements ne sont pas soumis aux obligations de vigilance - qui comprennent notamment l'obligation d'identifier le client - prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6 du même code lorsque deux conditions sont remplies :

- la monnaie électronique a vocation à être utilisée uniquement pour l'acquisition de biens ou de services ;

- la capacité maximale du support est inférieure à 250 euros (s'il ne peut être rechargé) ou le montant total des opérations sur une année civile est limité à 2 500 euros (si le support peut être rechargé).

Une exception est toutefois prévue en cas de demande de remboursement portant sur un montant unitaire ou sur un montant global d'au moins 1 000 euros au cours de la même année civile.

Ainsi, l'anonymat des utilisateurs de cartes prépayées européennes est totalement préservé tant que la limite annuelle de 2 500 euros est respectée (aucune identification n'est alors demandée) et que la carte est créditée anonymement (par exemple, via des coupons achetés en espèces), faisant de ce support une voie privilégiée pour blanchir les capitaux et financer le terrorisme. À titre d'illustration, les cartes prépayées anonymes ont rapidement été utilisées pour transférer des États-Unis vers le Mexique l'argent issu du trafic de stupéfiant, ce qui a conduit dès 2011 à un renforcement du cadre réglementaire américain applicable en la matière 37 ( * ) . Il peut également être souligné que les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 auraient utilisé des cartes prépayées pour régler les chambres d'hôtel 38 ( * ) .

C. DE NOUVELLES INITIATIVES VISANT À RENFORCER L'ENCADREMENT DES CARTES PRÉPAYÉES

Dans ce contexte, plusieurs initiatives ont été prises au niveau européen, à l'initiative de la France, mais aussi au niveau national, pour encadrer plus strictement ce nouveau support de paiement.

Au niveau européen, l'article 12 de la quatrième directive anti-blanchiment 39 ( * ) , adoptée en mai 2015, abaisse les seuils en-deçà desquels l'anonymat est préservé. Désormais, un État membre ne peut autoriser les établissements à déroger aux mesures de vigilance que si les cinq conditions suivantes sont remplies :

- « l'instrument de paiement n'est pas rechargeable, ou est assorti d'une limite maximale mensuelle de 250 euros pour les opérations de paiement utilisable uniquement dans cet État membre » ;

- « le montant maximal stocké sur un support électronique n'excède pas 250 euros » ;

- « l'instrument de paiement est utilisé exclusivement pour l'achat de biens ou de services » ;

- « l'instrument de paiement ne peut être crédité au moyen de monnaie électronique anonyme » ;

- « l'émetteur exerce un contrôle suffisant des transactions ou de la relation d'affaires pour être en mesure de détecter toute transaction inhabituelle ou suspecte ».

La dérogation n'est plus applicable en cas de remboursement en espèces ou de retrait d'espèces pour un montant supérieur à 100 euros, contre 1 000 euros actuellement.

Par ailleurs, dans le cadre de son plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, publié en février 2016, la Commission européenne s'est engagée à présenter pour le deuxième trimestre de l'année 2016 au plus tard de nouvelles propositions de modifications à apporter à la directive anti-blanchiment, qui « pourraient être axées en particulier sur la réduction des dérogations existantes, telles que les seuils en dessous desquels une identification n'est pas requise, notamment pour les cartes utilisées en face à face, et qui nécessitent l'identification des clients et la vérification de leur identité au moment de l'activation en ligne des cartes prépayées » 40 ( * ) .

Au niveau national, le décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 41 ( * ) a abaissé de 3 000 euros à 1 000 euros le plafond de paiement en espèces ou au moyen de monnaie électronique. Le plafond reste toutefois fixé à 15 000 euros « lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal en France et n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle ».

Il peut être noté qu'il s'agit dans une certaine mesure d'une exception française puisqu'il n'existe aucune limitation aux paiements en monnaie électronique dans la plupart des grands pays européens (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni notamment), à l'exception de l'Espagne, où le plafond est fixé à 2 500 euros 42 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. PLAFONNER LA CAPACITÉ D'EMPORT DES CARTES PRÉPAYÉES

Le I du présent article vise à introduire un mécanisme de plafonnement par décret de la valeur monétaire maximale stockée sous une forme électronique et utilisable au moyen d'un support physique.

Concrètement, l'objectif est de plafonner la capacité d'emport des cartes prépayées. En revanche, les porte-monnaie virtuels, dans la mesure où ils ne associés à aucun support physique, ne seraient pas concernés par cette disposition.

B. RENFORCER LA TRAÇABILITÉ DES CARTES PRÉPAYÉES

Le 1 du II propose de modifier l'article L. 561-12 du code monétaire et financier afin de préciser les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle des personnes soumises à des obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de l'article L. 561-2 du code monétaire financier, parmi lesquelles figurent les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit.

Désormais, les établissements seraient tenus de conserver pendant cinq ans non seulement les documents mais également les « informations, quel qu'en soit le support » , relatifs à l'identité de leurs clients et aux opérations réalisées par ces derniers.

Par ailleurs, le 2 du II vise à renforcer la traçabilité des cartes prépayées en introduisant, pour les prestataires de services bancaires et des établissements de monnaie électronique, une obligation de conserver pendant cinq ans les informations et données techniques « relatives à l'activation, au chargement et à l'utilisation de la monnaie électronique au moyen d'un support physique ».

Un arrêté du ministre chargé de l'économie précisera la nature des informations et des données techniques recueillies et conservées. Seraient notamment concernées les informations concernant l'adresse électronique et le numéro de téléphone utilisés pour activer la carte prépayée.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. L'AJOUT DE TROIS NOUVEAUX PLAFONDS

À l'initiative du député Alain Tourret et de plusieurs de ses collègues, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission saisie au fond, un amendement visant à plafonner par décret « le montant maximal de chargement, de remboursement et de retrait » en fonction des « modalités de chargement, de remboursement et de retrait » du support.

Ces plafonds devraient tenir compte des caractéristiques du produit et des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme qu'il présente.

L'auteur de l'amendement a indiqué en séance que « ce plafond pourrait être aligné avec la limite de paiement en liquide prévu par l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui est de 1 000 euros ».

B. DES PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES

Cet amendement a fait l'objet d'un sous-amendement rédactionnel de notre collègue Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission saisie au fond.

Un amendement rédactionnel avait également été adopté au stade de la commission à l'initiative de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN ENCADREMENT BIENVENU

Votre rapporteur soutient l'objectif du présent article, qui vise à encadrer les cartes prépayées .

En effet, les possibilités d'utiliser de manière anonyme ce support en font une voie privilégiée pour blanchir les capitaux et financer le terrorisme. À titre d'illustration, les cartes prépayées anonymes ont été utilisées pour transférer des États-Unis vers le Mexique l'argent issu du trafic de stupéfiant, ce qui a conduit dès 2011 à un renforcement du cadre réglementaire américain applicable en la matière 43 ( * ) . Il peut également être souligné que les auteurs des attentats du 13 novembre 2015 auraient utilisé des cartes prépayées pour régler les chambres d'hôtel 44 ( * ) .

Dans cette perspective, les plafonds introduits à l'Assemblée nationale complètent utilement le dispositif initialement proposé par le Gouvernement.

Toutefois, la rédaction actuelle prévoit un mécanisme de plafonnement par décret du « montant maximal de chargement, de remboursement et de retrait » en fonction des « m odalités de chargement, de remboursement et de retrait » du support, ce qui semble à la fois imprécis et disproportionné compte tenu de l'objectif des auteurs, qui souhaitent encadrer les possibilités d'utiliser de manière anonyme les cartes prépayées.

Aussi, votre rapporteur propose de préciser que le pouvoir réglementaire ne pourra fixer par décret que le montant maximal « de chargement, de remboursement et de retrait en monnaie électronique anonyme et en espèces », afin de répondre aux préoccupations liées à l'anonymat que procurent ces cartes tout en veillant à ne pas pénaliser inutilement les utilisateurs de produits traçables.

B. UNE EFFICACITÉ LIMITÉE

Si les aménagements proposés au présent article constituent indéniablement un progrès, leur efficacité devrait toutefois être limitée .

Tout d'abord, il restera possible pour les utilisateurs d'acquérir une carte prépayée étrangère émise depuis un pays dont la réglementation est moins contraignante . Votre rapporteur a ainsi pu constater que de nombreux sites internet proposent à la vente des cartes prépayées étrangères, qui peuvent être chargées à distance et envoyées sous simple pli postal.

Par ailleurs, les utilisateurs peuvent détenir plusieurs cartes prépayées afin de contourner les différents mécanismes de plafonnement applicables.

Enfin, les acteurs ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour contrôler le respect de la réglementation française .

À titre d'illustration, alors que l'article 54 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a étendu à la monnaie électronique le champ de l'obligation déclarative en cas de transfert d'argent vers un État membre de l'Union européenne, les agents de la douane ne disposent toujours pas des moyens techniques qui pourraient leur permettre de contrôler les montants chargés sur les cartes prépayées 45 ( * ) .

De façon analogue, les établissements chargés de relever l'identité de leur client lorsque la capacité maximale de chargement de la carte prépayée dépasse les seuils fixés à l'article R. 561-16 du code monétaire et financier ne disposent d'aucun accès aux informations relatives aux documents d'identité perdus, volés ou invalidés , afin de limiter le risque de fraude. Votre rapporteur propose toutefois un article additionnel après l'article 15 bis du présent projet de loi afin de remédier à cette difficulté.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14
(Art. L. 561-29-1 [nouveau] et L. 574-1 du code monétaire et financier)

Signalement par Tracfin aux personnes soumises au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de situations générales et individuelles présentant des risques élevés

. Commentaire : le présent article vise à permettre à Tracfin de signaler aux personnes soumises au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme les situations générales et individuelles présentant des risques élevés.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE CELLULE DE RENSEIGNEMENT FINANCIER ESSENTIELLEMENT RÉACTIVE QUI DÉPEND DES DÉCLARATIONS DE SOUPÇON ET DES INFORMATIONS QUI LUI SONT TRANSMISES POUR MENER DES ENQUÊTES

Mise en place en 1990 et initialement rattachée à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), la cellule de renseignement financier (CRF) nationale Tracfin, prévue à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, est devenue en 2006 un service à compétence nationale relevant directement du ministre de l'économie et des finances.

Depuis 2007, Tracfin fait également partie des services spécialisés de renseignement 46 ( * ) formant le premier cercle de la communauté du renseignement.

Aux termes des articles L. 561-23 et R. 561-33 du code monétaire et financier, ce service est principalement chargé de recueillir, traiter et diffuser le renseignement relatif aux faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d'une infraction punie d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou du financement du terrorisme.

À cette fin, Tracfin est destinataire des déclarations de soupçon 47 ( * ) transmises par les professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier.

Les obligations de vigilance

Les obligations de vigilance varient selon la nature et le niveau du risque.

La vigilance normale impose aux professionnels assujettis d'identifier leur client avant l'entrée en relation d'affaires puis d'exercer une vigilance constante et de pratiquer un examen attentif des opérations effectuées « en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur client » 48 ( * ) .

La vigilance allégée permet de procéder uniquement pendant l'établissement de la relation d'affaires à la vérification de l'identité du client et de réduire l'intensité des mesures prévues dans le cadre standard lorsque le risque de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme paraît faible 49 ( * ) .

La vigilance renforcée impose dans certaines situations 50 ( * ) un examen renforcé des opérations qui doit notamment conduire les personnes assujetties à se renseigner auprès de leur client sur l'origine des fonds, l'objet de l'opération ou encore l'identité du bénéficiaire 51 ( * ) .

En application de l'article L. 561-30 du code monétaire et financier, les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales mentionnées à l'article L. 561-36 du même code doivent également transmettre sans délai toute information utile à Tracfin en cas de découverte de faits susceptibles d'être liés au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme.

Les administrations publiques 52 ( * ) et les CRF étrangères 53 ( * ) constituent également des sources d'informations pour Tracfin.

Après une première analyse, les déclarations de soupçon et les informations reçues peuvent déboucher sur une enquête , phase pendant laquelle Tracfin peut notamment utiliser son droit de communication auprès des professions déclarantes 54 ( * ) et des administrations 55 ( * ) , ainsi que son droit d'opposition à la réalisation d'une opération douteuse 56 ( * ) .

En tant que service spécialisé de renseignement, Tracfin peut également mobiliser les techniques de renseignement ouvertes par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Pour enrichir ses enquêtes, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a par ailleurs introduit un régime de transmission systématique d'informations au bénéfice de Tracfin. Prévu à l'article L. 561-15-1 du code monétaire et financier, il oblige certains acteurs à adresser systématiquement à Tracfin les éléments d'information relatifs aux opérations de transmissions de fonds effectuées en espèces ou au moyen de monnaie électronique lorsqu'elles dépassent certains seuils définis par décret. Si ces données ne peuvent, à elles seules, autoriser Tracfin à ouvrir une enquête, elles peuvent être utilisées dans le cadre d'investigations déjà ouvertes.

À la suite de l'enquête, le dossier peut, le cas échéant, être transmis à l'autorité judiciaire ou aux administrations partenaires (administration fiscale, organismes sociaux et services de la communauté du renseignement notamment).

Les principaux chiffres de l'exercice 2014 57 ( * )

En 2014, Tracfin disposait de 104 équivalents temps plein , pour un budget de 9,7 millions d'euros .

Au cours de l'année :

- 38 419 informations ont été reçues, en hausse de 33 % par rapport à 2013 ;

- 9 782 enquêtes ont été réalisées, qui ont débouché sur la transmission de 1 395 notes à l'autorité judiciaire et aux administrations (en hausse de 5 % par rapport à 2013).

En 10 ans, le nombre d'informations reçues a été multiplié par trois , tandis que le nombre de transmissions à l'autorité judiciaire et aux administrations a quadruplé .

B. LES APPELS À VIGILANCE, UNE DÉMARCHE PROACTIVE EFFECTUÉE HORS DE TOUT CADRE JURIDIQUE

Le cadre juridique actuel impose à Tracfin une attitude essentiellement réactive : la cellule dépend des déclarations de soupçon et des informations qui lui sont transmises par ses partenaires pour déclencher des enquêtes.

Comme le rappelle l'étude d'impact, Tracfin a toutefois adopté à deux reprises une démarche plus proactive en réalisant des appels à vigilance publics en direction des professionnels assujettis à l'occasion des événements du printemps arabe en 2011 et de la dégradation de la situation en Ukraine en 2014.

L'exemple de l'appel à vigilance effectué à la suite de la dégradation de la situation politique en Ukraine et publié sur le site internet de Tracfin 58 ( * )

« Dans le cadre des événements récents survenus en Ukraine, le ministre de l'économie et des finances a demandé à Tracfin, cellule dédiée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de lancer un appel à vigilance aux professionnels déclarants.

Au regard des récentes évolutions de la situation politique en Ukraine, les professionnels visés à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier sont invités à renforcer, sans délai, l'intensité des mesures de vigilance prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6 à l'égard de toutes les opérations financières susceptibles de se rapporter directement ou indirectement à l'Ukraine, et plus particulièrement, celles impliquant les personnes visées à l'article R. 561-18 du code monétaire et financier.

Une attention particulière devra être portée sur les éléments d'information relatifs à l'origine et à la destination des fonds concernés ainsi qu'à l'objet de l'opération et à l'identité précise des personnes qui en sont les donneurs d'ordre et les bénéficiaires effectifs, y compris dans les cas où ces donneurs d'ordre et bénéficiaires agissent au travers de structures juridiques écrans ou par l'intermédiaire de mandataires ou de personnes interposées.

Les opérations susvisées susceptibles de relever des dispositions de l'article L. 561-15I et II du code monétaire et financier devront, sans délai, faire l'objet d'une déclaration à Tracfin.

Plus particulièrement, les professionnels déclarants sont invités à signaler, dans les plus brefs délais, les opérations mettant en péril le suivi des sommes concernées (envoi des fonds vers l'étranger ou vers des structures opacifiantes, retraits substantiels en espèces, achats de métaux précieux, etc.), afin de mettre Tracfin en mesure d'exercer, le cas échéant, son droit d'opposition en application de l'article L. 561-25 du code précité.

Cet avis public est destiné à assister les professionnels dans leur approche par les risques au regard du contexte politique ukrainien actuel. »

En l'absence de tout cadre légal, ces appels à vigilance ont toutefois visé uniquement des évènements internationaux, et non des personnes physiques ou morales nominativement désignées , la protection de la confidentialité des informations transmises n'étant pas garantie.

Il peut toutefois être noté que l'appel à vigilance effectué à la suite de la dégradation de la situation politique en Ukraine invitait à cibler plus particulièrement les personnes politiquement exposées visées à l'article R. 561-18 du code monétaire et financier.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA MISE EN PLACE D'UN CADRE LÉGAL POUR LES APPELS À VIGILANCE

Les quatre premiers alinéas du I du présent article visent à permettre à Tracfin d'effectuer des appels à vigilance auprès des professionnels assujettis .

À cette fin, Tracfin pourrait désormais désigner, pour une durée maximum de six mois renouvelable :

- les opérations « qui présentent, eu égard à leur nature particulière ou aux zones géographiques déterminées à partir desquelles, à destination desquelles ou en relation avec lesquelles elles sont effectuées, un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » ;

- des personnes qui « présentent un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ».

Les appels à vigilance pourraient donc concerner non seulement des évènements internationaux mais aussi des personnes physiques ou morales .

Comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis, ces dispositions n'ont pas pour objet de créer une nouvelle obligation de vigilance pour les assujettis mais uniquement de permettre à Tracfin d'appeler l'attention des professionnels assujettis sur des risques précisément identifiés.

B. LA PROTECTION DE LA CONFIDENTIALITÉ DES INFORMATIONS TRANSMISES PAR TRACFIN

Le cinquième alinéa du I vise à protéger la confidentialité des informations transmises dans le cadre des appels à vigilance. Il propose d'interdire aux professionnels assujettis, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et au bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit de porter à la connaissance de leurs clients ou à des tiers autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales mentionnées à l'article L. 561-36, les informations transmises par le Tracfin.

Il s'agit en pratique de transposer aux appels à vigilance l'interdiction de divulgation déjà prévue à l'article L. 561-19 du code monétaire et financier pour les déclarations de soupçon et à l'article L. 561-26 pour les informations provenant de l'exercice par Tracfin de son droit de communication auprès des professions déclarantes.

Le dernier alinéa du I propose que les modalités d'application du présent article soient fixées par décret en Conseil d'État .

Enfin, le II vise à sanctionner la méconnaissance de l'interdiction de divulgation introduite au I d'une amende de 22 500 euros , conformément à ce qui déjà prévu à l'article L. 574-1 du code monétaire et financier en cas de violation des obligations de confidentialité applicables aux déclarations de soupçon et aux informations provenant de l'exercice par Tracfin de son droit de communication.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Deux amendements rédactionnels ont été adoptés à l'initiative de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN CADRE JURIDIQUE EFFICACE ET PROTECTEUR

Le dispositif proposé au présent article devrait contribuer à renforcer l'efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

En effet, d'après l'étude d'impact, les premiers signalements publics effectués « avaient conduit les professionnels déclarants à adapter l'intensité des mesures de vigilance à l'égard de toutes les opérations financières susceptibles de se rapporter à ces événements et avaient montré leur efficacité (hausse des déclarations de soupçon en lien avec ces problématiques) ». À titre d'illustration, à la suite de l'appel à vigilance du 28 février 2014 concernant l'Ukraine, le nombre de déclarations de soupçon en lien avec des personnes ukrainiennes avait augmenté de 62 % en mars et avril 2014 59 ( * ) .

Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé par le présent article , qui permettra à Tracfin d'attirer l'attention des professionnels déclarants sur certains risques identifiés, dans un cadre juridique protecteur de la confidentialité des informations transmises.

S'agissant de l'interdiction de divulgation prévue au cinquième alinéa du I, votre rapporteur vous propose seulement, par cohérence, de préciser que le fait, pour les personnes mentionnées au 13° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier 60 ( * ) , de s'efforcer de dissuader leur client de prendre part à une activité illégale ne constitue pas une divulgation .

En effet, cette précision utile figure déjà à l'article L. 561-19 du code monétaire et financier pour l'interdiction de divulgation des déclarations de soupçon et à l'article L. 561-26 du même code pour l'interdiction de divulgation des informations provenant de l'exercice par Tracfin de son droit de communication auprès des professions déclarantes.

B. LA NÉCESSITÉ DE PRÉVENIR LE RISQUE DE FERMETURE DES COMPTES DES PERSONNES SIGNALÉES

Votre rapporteur estime toutefois que le dispositif proposé ne prend pas suffisamment en compte le risque que la désignation, par Tracfin, de personnes qui présentent un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ne conduise à la fermeture de leurs comptes , ce qui pourrait les alerter de l'attention dont ils font l'objet de la part des services de renseignement.

En effet, compte tenu tant du risque de réputation que du risque de mise en jeu de leur responsabilité sur le plan civil ou pénal , les établissements de crédit et de paiement pourraient décider, en cas d'appel à vigilance, de mettre fin à la relation d'affaires avec leur client.

Aussi, votre rapporteur propose d'introduire par amendement un cadre légal permettant à Tracfin, lorsqu'il réalise un appel à vigilance, d'interdire aux établissements de crédit et de paiement de fermer de leur propre initiative les comptes des personnes désignées pendant la durée du signalement, sous peine d'une amende de 22 500 euros.

Lorsque Tracfin fait usage de cette possibilité, l'aménagement proposé prévoit, pour les établissements de crédit et de paiement, un régime d'irresponsabilité tant sur le plan civil que pénal , inspiré du régime prévu en cas d'ouverture de compte sur demande de la Banque de France.

Le bénéfice de ce nouveau régime est toutefois subordonné à la mise en oeuvre de bonne foi, par les banques, de leurs obligations de vigilance et de déclaration.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14 bis (nouveau)
(Art. L. 561-22 du code monétaire et financier)

Extension du régime d'irresponsabilité pénale des établissements de crédit en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France

. Commentaire : le présent article vise à inclure le délit de financement du terrorisme dans le champ du régime d'irresponsabilité pénale dont bénéficient les établissements de crédit en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'EXISTENCE D'UN « DROIT AU COMPTE »

En application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, toute personne domiciliée en France ainsi que toute personne de nationalité française résidant hors de France a droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de son choix, si elle en est dépourvue .

En cas de refus, le demandeur peut saisir la Banque de France , qui désigne un établissement de crédit situé à proximité du lieu de son choix. L'établissement est alors tenu de procéder à l'ouverture du compte sous trois jours ouvrés.

Un dispositif analogue est prévu à l'article L. 52-6 du code électoral pour les mandataires financiers désignés par un candidat dans le cadre d'une campagne électorale , qui ont droit à l'ouverture d'un compte bancaire ou postal unique afin de pouvoir retracer la totalité des opérations financières.

B. EN CONTREPARTIE, UN RÉGIME D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT

Compte tenu de l'existence de ce « droit au compte », les établissements de crédit bénéficient d'un régime d'irresponsabilité pénale, prévu au premier alinéa du V de l'article L. 561-22 du code monétaire et financier.

Sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l'auteur de l'opération, leur responsabilité pénale ne peut être engagée lorsqu'ils ouvrent un compte sur désignation de la Banque de France pour les infractions suivantes 61 ( * ) :

- direction d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants ;

- production ou fabrication de stupéfiants ;

- importation ou exportation de stupéfiants ;

- transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi de stupéfiants ;

- blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants ;

- cession ou offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle ;

- recel ;

- blanchiment.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit en séance à l'initiative de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission saisie au fond, a pour objet d'inclure le délit de financement du terrorisme, défini à l'article 421-2-2 du code pénal 62 ( * ) , dans le champ du régime d'irresponsabilité pénale dont bénéficient les établissements de crédit en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France.

À cet effet, il complète le premier alinéa du V de l'article L. 561-22 du code monétaire et financier par une référence à l'article 421-2-2 du code pénal.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

En complément du régime d'irresponsabilité pénale prévu en cas d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France, le IV de l'article L. 561-22 du code monétaire et financier prévoit un autre régime d'irresponsabilité au bénéfice des établissements de crédit.

Ce deuxième régime est applicable en cas de réalisation d'une opération après envoi d'une déclaration de soupçon ou après exercice par Tracfin de son droit d'opposition , sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l'auteur de l'opération.

Le champ d'application des deux régimes est rigoureusement identique, à l'exception du délit de financement du terrorisme , qui n'est pas inclus dans le périmètre du régime d'irresponsabilité prévu en cas d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France

Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé par le présent article, qui permet d'harmoniser les deux régimes d'irresponsabilité.

S'agissant des délits liés aux stupéfiants, il peut toutefois être noté que, lorsqu'elle est punissable, la tentative de ces délits est également incluse dans le périmètre des deux régimes d'irresponsabilité , par référence à l'article 222-40 du code pénal.

Par cohérence, votre rapporteur vous propose donc d'inclure dans le champ des deux régimes la tentative du délit de financement du terrorisme, prévue au troisième alinéa de l'article 421-5 du code pénal , ainsi que la tentative du délit de blanchiment , prévue à l'article 324-6 du code pénal.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 15
(Art. L. 561-26 du code monétaire et financier)

Extension du droit de communication de Tracfin
aux entités chargées de gérer les systèmes de paiement

. Commentaire : le présent article vise à étendre le droit de communication de Tracfin aux gestionnaires d'un système de cartes de paiement ou de retrait, telles que le Groupement des Cartes Bancaires ou les sociétés Visa et Mastercard .

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DROIT DE COMMUNICATION DE TRACFIN, UN COMPLÉMENT À LA DÉCLARATION DE SOUPÇON

Pour l'exercice de ses missions, le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) dispose d'un droit de communication , prévu par l'article L. 561-26 du code monétaire et financier. Celui-ci a pour but de « reconstituer l'ensemble des transactions faites par une personne physique ou morale liées à une opération ayant fait l'objet » d'une déclaration de soupçon ou d'une information reçue par Tracfin.

Le droit de communication peut s'exercer à l'égard de l'ensemble des personnes assujetties à l'obligation de déclaration de soupçon , visées à l'article L. 561-2 du même code. Plus précisément, celui-ci peut s'exercer sur pièces ou sur place s'agissant des établissements financiers, et sur pièces s'agissant des autres assujettis 63 ( * ) . Il porte sur les pièces conservées par ces assujetties à l'occasion des opérations ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon.

Par ailleurs, l'article 16 de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a étendu le droit de communication de Tracfin à « toute entreprise de transport routier, ferroviaire, maritime ou aérien ou à tout opérateur de voyage ou de séjour » . La cellule anti-blanchiment peut désormais demander à ces personnes « les éléments d'identification de personnes ayant payé ou bénéficié d'une prestation ainsi que les dates, les heures et les lieux de départ et d'arrivée de ces personnes et, s'il y a lieu, les éléments d'information (...) relatifs aux bagages et aux marchandises transportées ».

Depuis l'année dernière, le champ du droit de communication est donc plus large que celui des assujettis à l'obligation de déclaration de soupçon.

B. L'ABSENCE D'ACCÈS AUX RÉSEAUX DES CARTES DE PAIEMENT

Si Tracfin dispose d'un droit de communication à l'égard des établissements financiers, tel n'est pas le cas à l'égard des entités chargées de gérer les systèmes de cartes de paiement ou de retrait , telles que le groupement d'intérêt économique (GIE) « Carte Bancaire » ou les sociétés Visa et Mastercard .

Il s'agit là d'un problème, non pas tant d'accès à l'information , car les données sont de toute façon connues des établissements financiers, que de délai de réponse . En interrogeant directement les tiers de confiance des systèmes de paiement par carte, Tracfin pourrait accéder directement, et donc plus rapidement, aux détails sur les opérations ou tentatives d'opérations suspectes réalisées avec des cartes adossées à des comptes bancaires (dates, heure et lieu d'utilisation, montant des transactions, émetteur et bénéficiaire etc.).

Une telle possibilité permettrait aussi d' accéder directement aux données concernant les cartes prépayées , dont les attentats de l'année 2015 ont montré qu'elles pouvaient être utilisées dans le cadre du financement du terrorisme 64 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à étendre le droit de communication de Tracfin aux « gestionnaires d'un système de cartes de paiement ou de retrait » . Comme c'est le cas pour les professionnels assujettis et les opérateurs de voyages, ceux-ci pourront se voir demander par la cellule anti-blanchiment « toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».

Le présent article vise en outre à remplacer, au sein du même article L. 561-26 du code monétaire et financier, la référence aux « pièces conservées » par les personnes concernées par l'expression « les documents, informations ou données ».

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE MESURE QUI PERMETTRA UNE PLUS GRANDE RÉACTIVITÉ

Votre rapporteur est favorable à la mesure proposée, qui devrait permettre à Tracfin d'agir avec une plus grande réactivité . À côté de la lutte contre le blanchiment, mission traditionnelle de la cellule de renseignement financier, la lutte contre le financement du terrorisme prend une importance croissante ; or celle-ci implique une attention plus grande aux « signaux faibles » , c'est-à-dire aux petits virements, retraits et transferts qui peuvent, croisés avec d'autres indices, signaler une activité en lien avec le terrorisme. À cet égard, le nouveau droit de communication à l'égard des gestionnaires de cartes bancaires et de cartes prépayées apparaît tout à fait pertinent.

La mesure proposée n'entraîne pas pour autant l'assujettissement de ces entités à l'obligation de déclaration de soupçon de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier. Les éléments transmis à votre rapporteur permettent de justifier cet alignement sur le régime applicable aux opérateurs de voyage : « à l'occasion de l'élaboration de ces projets de textes, l'étude d'impact réalisée par Tracfin a démontré que ces entités (gestionnaires d'un système de cartes de paiement ou de retrait/transporteurs et opérateurs de voyages) n'étaient pas en capacité de détecter des opérations destinées à blanchir des capitaux ou à financer du terrorisme . En effet, les gestionnaires de cartes n'ont accès qu'à des données techniques et des flux financiers, sans connaissance des données relatives aux clients qui réalisent les opérations et aux finalités de celles-ci. Quant aux opérateurs de voyages, la finalité réelle des prestations achetées par des clients en très grande majorité occasionnels leur est, par définition, inconnue. C'est pourquoi l'assujettissement n'est pas apparu et n'apparaît pas pertinent à ce stade ».

Cette nouvelle mesure n'entraînerait que peu de conséquences pour les acteurs concernés, dans la mesure où ils sont d'ores et déjà tenus de communiquer les informations visées à l'autorité judiciaire.

B. LA QUESTION OUVERTE DE LA LISTE DES ASSUJETTIS

Au-delà de la question du droit de communication, la question de la liste des personnes assujetties à l'obligation de déclaration de soupçon reste ouverte .

L'article 33 du présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à étendre la liste des personnes assujetties visées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, ce qui pourrait intervenir à l'occasion de la transposition prochaine de la quatrième directive dite anti-blanchiment 65 ( * ) . Toutefois, le Gouvernement demeure à ce stade peu précis sur ses intentions à cet égard, alors même que certains problèmes se posent avec acuité .

Afin d'interpeller le Gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures, votre rapporteur vous propose un amendement tendant à conférer le statut de prestataire de services de paiement 66 ( * ) (PSP) aux plateformes d'échange de monnaies virtuelles de type bitcoin , ce qui a notamment pour conséquence de les assujettir à l'obligation de déclaration de soupçon à Tracfin.

En effet, comme l'ont montré nos collègues Philippe Marini et François Marc dans un rapport de juillet 2013 67 ( * ) , les monnaies de type bitcoin peuvent être facilement utilisées à des fins de blanchiment , ce qui a été confirmé à votre rapporteur par Tracfin et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Nos collègues Philippe Marini et François Marc appelaient ainsi à clarifier le statut des monnaies virtuelles, notamment sur le plan fiscal 68 ( * ) , ainsi que les obligations applicables aux plateformes d'échange et de stockage, notamment en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Dans une position du 29 janvier 2014 69 ( * ) , l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a considéré que « dans le cadre d'une activité d'achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l'activité d'intermédiation consistant à recevoir des fonds de l'acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement ». Par conséquent, les plateformes sont tenues de solliciter un agrément auprès de l'ACPR, ce que certaines ont d'ores et déjà commencé à faire. Ce statut leur impose notamment de mettre en place un dispositif de contrôle interne et des mesures de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , adaptés à l'activité exercée et aux risques encourus.

Toutefois, cette règle relève d'une position de l'ACPR et n'est pas inscrite dans la loi : c'est le sens de l'amendement que vous propose votre rapporteur.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 15 bis (nouveau)
(Art. L. 561-27 du code monétaire et financier)

Extension de l'accès des agents habilités de Tracfin
au fichier des antécédents judiciaires

. Commentaire : le présent article prévoit d'étendre l'accès des agents habilités de Tracfin au fichier des antécédents judiciaires.

I. LE DROIT EXISTANT

Fichier commun à la police et la gendarmerie mis en place en 2012 70 ( * ) , le traitement d'antécédents judiciaires (Taj) résulte de la mutualisation du système de traitement des infractions constatées (Stic) de la police nationale et du système judiciaire de documentation et d'exploitation (Judex) de la gendarmerie nationale, auxquels il s'est définitivement substitué au 31 décembre 2013.

Régi par les articles 230-6 à 230-11 du code de procédure pénale, le Taj rassemble les données recueillies dans le cadre des procédures établies par les services de la police et les unités de la gendarmerie nationales, ou par certains agents des douanes habilités à exercer des missions de police judiciaire 71 ( * ) .

Aux termes de l'article R. 40-25, les données recueillies ne peuvent concerner que :

- « les personnes à l'encontre desquelles sont réunis, lors de l'enquête préliminaire, de l'enquête de flagrance ou sur commission rogatoire, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission d'un crime, d'un délit ou d'une contravention de cinquième classe » ;

- « les victimes de ces infractions » ;

- « les personnes faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort, de blessures graves ou d'une disparition ».

Pour les personnes physiques mises en cause, les données suivantes peuvent être recueillies : identité, surnom, date et lieu de naissance, situation familiale, filiation, nationalité, adresses, profession, état de la personne, signalement et photographies 72 ( * ) .

D'après la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), 9,5 millions de personnes sont présentes dans le fichier TAJ en qualité de « mises en cause ».

A. UN ACCÈS DIRECT LIMITÉ

En tant que service spécialisé de renseignement, la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) 73 ( * ) bénéficie d'un accès direct au Taj dans deux hypothèses .

Premièrement, certains agents de Tracfin individuellement désignés et spécialement habilités bénéficient d'un accès direct au Taj dans le cadre des enquêtes administratives préalables au recrutement 74 ( * ) .

Deuxièmement, l'article 20 de la loi relative au renseignement 75 ( * ) prévoit que les agents individuellement désignés et habilités des services spécialisés de renseignement bénéficient d'un accès direct au Taj, à l'exclusion des données relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes, dans la stricte limite de leurs attributions et pour les seuls besoins liés à la protection des intérêts suivants :

- l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ;

- la prévention du terrorisme ;

- la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de certains groupes dissous et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

S'agissant de Tracfin, l'article 1 er du décret n° 2015-1807 du 28 décembre 2015 76 ( * ) précise que l'accès direct n'est possible que pour les seuls besoins liés à la protection de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et de la défense nationale, ainsi que pour la prévention du terrorisme.

B. EN COMPLÉMENT, UN ACCÈS INDIRECT

En application de l'article L. 230-10 du code de procédure pénale, les personnels spécialement habilités des services de police et de gendarmerie désignés à cet effet, ainsi que les personnels spécialement habilités de l'État investis par la loi d'attributions de police judiciaire, notamment les agents des douanes, peuvent accéder au Taj.

Aussi, Tracfin bénéficie d'un accès indirect au fichier Taj via les officiers de liaison de la police et de la gendarmerie à sa disposition ainsi que par l'intermédiaire de l'office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) , en charge du volet répressif de la lutte contre le blanchiment au sein de la direction centrale de la police judiciaire (OCRGDF).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit à l'Assemblée nationale en commission à l'initiative de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure, a pour objet d'ouvrir à Tracfin un accès direct au Taj pour l'exercice de l'ensemble de ses missions .

À cet effet, il propose de compléter l'article L. 561-27 du code monétaire et financier en précisant que Tracfin « dispose également d'un accès direct aux traitements de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours et à l'exclusion de celles relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes ».

Un amendement du Gouvernement visant à supprimer cet article a été rejeté par l'Assemblée nationale en séance publique . Selon le Gouvernement, il serait plus opportun d'attendre la transposition en droit français de la quatrième directive européenne contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour modifier les règles d'accès au Taj.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur soutient pleinement l'objectif du présent article .

En effet, la séparation entre la prévention du terrorisme, mission pour laquelle un accès direct au Taj est prévu, et le blanchiment des capitaux, mission pour laquelle seul un accès indirect au Taj est possible, semble pour le moins artificielle . Il est en pratique très difficile pour Tracfin de savoir ex ante si une information ou une déclaration de soupçon qui lui est transmise relève uniquement de la prévention du terrorisme, et non du blanchiment de capitaux. Dans un contexte de forte croissance des informations reçues et des enquêtes réalisées 77 ( * ) , la nécessité de faire appel à un tiers pour accéder au fichier peut alors inutilement faire perdre un temps précieux aux enquêteurs.

Toutefois, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pourrait être améliorée. En effet, l'aménagement proposé ne précise pas que cet accès direct au fichier Taj n'est ouvert à Tracfin que dans la stricte limite de ses attributions, comme cela est prévu à l'article L. 234-4 du code de la sécurité intérieure. Par cohérence, votre rapporteur vous propose un amendement permettant d'harmoniser les deux rédactions.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 15 bis
(Art. L. 561-5 du code monétaire et financier)

Accès indirect des établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique aux numéros des documents d'identité perdus,
volés ou invalidés

. Commentaire : le présent article vise à permettre aux établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique d'accéder aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés afin de vérifier les éléments d'identification fournis par leur client.

I. LE DROIT EXISTANT

En application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, les établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Si les obligations de vigilance varient selon la nature et le niveau du risque, la vigilance normale impose aux assujettis d'identifier leur client avant d'entrer en relation d'affaires avec lui ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Afin de vérifier les éléments d'identification fournis par leur client, le I du présent article introduit la possibilité, pour les établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique, d'accéder, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés .

Le II précise que le I n'est applicable qu'à compter du 30 novembre 2016 , afin de laisser un délai suffisant pour mettre en place les modalités techniques d'accès à ces données.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique chargés de relever l'identité de leur client ne disposent d'aucun accès aux informations relatives aux documents d'identité perdus, volés ou invalidés, afin de limiter le risque de fraude .

Cette situation est d'autant plus regrettable que les données en la matière sont partagées au niveau international , via la base de données ASF-SLTD 78 ( * ) gérée par Interpol.

Il peut également être noté que la situation de ces établissements contraste avec celle d'autres acteurs privés tels que les organismes d'assurance, qui sont par exemple destinataires des informations relatives aux véhicules volés enregistrées dans le fichier des objets et des véhicules signalés (FOVeS) 79 ( * ) .

L'aménagement proposé au présent article tient compte du caractère personnel des données recensées dans ce fichier, en limitant ce droit d'accès aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés.

Comme pour le fichier national des chèques irréguliers (FNCI), l'accès pourrait prendre la forme d'une simple information sous forme de couleur (vert : aucune information dans le fichier ; rouge : le numéro correspond à un document perdu, volé ou invalidé).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 16
(Art. 415-1 [nouveau] du code des douanes)

Extension en matière douanière du mécanisme de renversement
de la preuve de l'origine illicite des fonds

. Commentaire : le présent article vise à instaurer une présomption d'origine illicite des fonds en matière de délit douanier de blanchiment, lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération ne paraissent obéir à aucun autre motif que la dissimulation de l'origine des fonds.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DÉLIT DOUANIER DE BLANCHIMENT

L'article 415 du code des douanes constitue la base juridique du délit douanier de blanchiment , délit douanier de deuxième classe 80 ( * ) . Cet article dispose que « seront punis d'un emprisonnement de deux à dix ans, de la confiscation des sommes en infraction ou d'une somme en tenant lieu lorsque la saisie n'a pas pu être prononcée, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction et d'une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou indirectement, d'un délit prévu au présent code ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ».

Le délit douanier de blanchiment suppose donc un lien avec un délit douanier ou une infraction à la législation sur les stupéfiants, ainsi que la connaissance de l'origine illicite des fonds par la personne qui effectue l'opération financière. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ne peuvent pas faire usage de cette disposition.

Le délit douanier de blanchiment complète, mais se distingue, du délit de blanchiment de droit commun , prévu par l'article 324-1 du code pénal : « le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ». Le délit de blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

B. UNE MISE EN oeUVRE COMPLIQUÉE PAR LA DIFFICULTÉ D'APPORTER LA PREUVE DE L'ORIGINE ILLICITE DES FONDS

D'après les informations transmises à votre rapporteur, le nombre de dossiers de blanchiment douaniers notifiés par la DGDDI est en augmentation notable , avec 69 dossiers notifiés en 2015 contre 18 dossiers en 2014. Le montant des sommes en infraction augmente corrélativement.

Évolution des dossiers de blanchiment douanier

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre de blanchiments douaniers notifiés

ND

11

19

23

18

69

Montant des sommes en infraction

3,3 M€

686 000 €

14 M€

3,1 M€

5,9 M€

12 M€

Source : direction générale des douanes et droits indirects

Bien que l'on puisse se féliciter de cette augmentation, ces chiffres demeurent extrêmement faibles. De fait, le recours à l'article 415 du code des douanes est compliqué par la difficulté, pour les agents de la DGDDI, de prouver l'origine illicite des fonds transférés, même dans les cas où les conditions de leur transfert ne laissent guère de doute sur la volonté d'en dissimuler l'origine. On peut par exemple penser à des sommes dissimulées dans les roues ou sous les sièges du véhicule, avec un conditionnement typique du trafic de stupéfiants, et non déclarées à l'occasion du passage de la frontière 81 ( * ) . Pourraient s'y ajouter l'incapacité de présenter un quelconque justificatif de l'origine ou de la destination des fonds, des antécédents douaniers ou judiciaires, la présence de plusieurs téléphones mobiles etc.

Le même problème se posait pour l'application de l'article 324-1 du code pénal relatif au délit de blanchiment de droit commun . Afin de faciliter sa mise en oeuvre, l'article 8 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a introduit une présomption d'origine illicite des fonds dans certaines circonstances . Le nouvel article 324-1-1 du code pénal dispose ainsi que « pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ».

Cette présomption d'origine illicite des fonds correspond à un renversement de la charge de la preuve, toutefois limité aux seuls cas où les conditions de l'opération révèlent l'intention de dissimuler l'origine illicite ou le bénéficiaire effectif des fonds. D'après les informations transmises à votre rapporteur, ce dispositif a d'ores et déjà fait la preuve de son utilité : « l'article 324-1-1 du code pénal est plus fréquemment visé par les parquets et (...) des décisions ont déjà été rendues dans plusieurs juridictions du territoire national sur cette nouvelle base légale ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à renverser la charge de la preuve en matière de délit douanier de blanchiment , afin de faciliter le recours à cette qualification par les services de la douane, sur le modèle de l'article 324-1-1 du code pénal introduit en 2013 en matière de délit pénal de blanchiment.

Il créé un nouvel article 415-1 du code des douanes , qui dispose que « pour l'application de l'article 415, les fonds sont présumés être le produit direct ou indirect d'un délit prévu au présent code ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération d'exportation, d'importation, de transfert ou de compensation ne paraissent obéir à d'autre motif que de dissimuler que les fonds ont une telle origine ».

Comme pour le délit pénal de blanchiment, c'est bien le critère de l'intentionnalité de la dissimulation de l'origine illicite des fonds qui permet de renverser la charge de la preuve.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article devrait permettre de retenir plus facilement l'infraction douanière de blanchiment, que ce soit en phase administrative, par les agents de la DGDDI, ou en phase judiciaire, par le service national de douane judiciaire (SNDJ) et les agents de la police judiciaire 82 ( * ) .

Cet assouplissement de la charge de la preuve constitue une mesure bienvenue dans le cadre de la lutte contre le blanchiment , et donc plus généralement de la lutte contre le financement du crime organisé et du terrorisme, et de la lutte contre les délites douaniers et le trafic de stupéfiants. Il est par ailleurs cohérent avec l'assouplissement de la charge de la preuve en matière de blanchiment de droit commun, prévu par la loi du 6 décembre 2013 précitée.

Ce renversement sous conditions de la charge de la preuve constitue, comme son équivalent pour le délit pénal de blanchiment, une dérogation au principe constitutionnel de la présomption d'innocence . Le Conseil constitutionnel a toutefois admis que de telles présomptions de culpabilité puissent être établies à titre exceptionnel, « dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable , qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité 83 ( * ) ». Dans son avis du 28 janvier 2016 sur le présent projet de loi, le Conseil d'État estime que ces conditions sont remplies 84 ( * ) . D'ailleurs, la question de la conformité à la Constitution de l'article 324-1-1 du code pénal, introduit en 2013, n'avait pas été jugée sérieuse par la Cour de cassation, et n'avait donc pas été transmise au Conseil constitutionnel 85 ( * ) .

Toutefois, par rapport au renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment de droit commun, le dispositif proposé pour le blanchiment douanier semble en retrait, pour trois raisons.

Premièrement, la volonté de dissimuler le « bénéficiaire effectif » des fonds ne fait pas partie des critères pouvant entraîner le renversement de la charge de la preuve . En effet, alors que l'article 324-1-1 du code pénal évoque une opération ne pouvant avoir « d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus », l'article 415-1 proposé par le présent article se limite à évoquer la dissimulation de l'origine des fonds. Cette restriction s'explique par les différences entre le délit pénal de blanchiment et le délit douanier de blanchiment , le second ne s'appréciant pas au regard de l'usage, de la destination ou du destinataire des fonds illicites, mais seulement de leur provenance (cf. supra ).

Deuxièmement, la qualification de blanchiment douanier suppose toujours la connaissance de l'origine illicite des fonds par la personne qui effectue l'opération . Aux termes de l'article 415 du code des douanes, le délit de blanchiment suppose en effet qu'il s'agisse de fonds que ces personnes « savaient provenir, directement ou indirectement » d'un délit douanier ou en matière de stupéfiants. Le dispositif proposé pourrait ici présenter une vulnérabilité, par exemple dans le cas d'une dissimulation évidente des fonds (non déclarés, cachés dans le véhicule etc.) mais où la personne chargée de leur transport déclarerait ignorer de bonne foi qu'ils proviennent d'un délit douanier. Toutefois, comme l'indique la DGDDI, la connaissance de l'origine illicite des fonds est établie, conformément à la jurisprudence, « par la réunion d'un faisceau d'indices matériels et de présomptions tirées des circonstances entourant l'opération financière ». Dès lors, il semble assez peu probable que, dans les cas les plus caractérisés, la connaissance de l'origine illicite des fonds puisse être écartée.

Troisièmement, la qualification de blanchiment douanier suppose toujours un lien avec un délit prévu par le code des douanes ou une infraction à la législation sur les stupéfiants, puisque l'article 415 n'est pas modifié (cf. supra ). Le dispositif proposé comporte donc un « angle mort » , celui de la réalisation d'une opération ne pouvant avoir d'autre but que de dissimuler l'origine des fonds, mais où ces fonds seraient le produit d'une infraction de droit commun et non d'un délit douanier. On peut par exemple penser à des sommes en liquide issues d'un braquage, ou encore d'un enlèvement.

L'étude d'impact, qui fait allusion à cette hypothèse, juge que celle-ci est « assez théorique ». Votre rapporteur estime au contraire qu'il s'agit d'une hypothèse crédible, et vous propose donc un amendement tendant à étendre le délit douanier de blanchiment aux manoeuvres de dissimulation en lien avec tout crime ou tout délit , et non plus seulement avec les délits douaniers et les infractions en matière de stupéfiants.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16 bis (nouveau)
(Art. 63 ter, 65 A bis, 67 quinquies A, 67 quinquies B [nouveau],
101 et 322 bis du code des douanes)

Harmonisation des dispositions relatives
aux prélèvements d'échantillons par les agents des douanes

Commentaire : le présent article vise à instituer une disposition de portée générale et transversale permettant aux agents de la douane de prélever des échantillons dans le cadre de leurs missions, en remplacement des dispositions spécifiques actuelles.

I. LE DROIT EXISTANT

Les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ont la possibilité de procéder à des prélèvements d'échantillons dans le cadre de certaines de leurs missions , à l'occasion d'un contrôle. Il s'agit notamment de déterminer si les marchandises en question sont prohibées ou soumises à des réglementations particulières en application du code des douanes : stupéfiants, médicaments, déchets, biens à double usage civil et militaire etc. Il peut également s'agir de déterminer la fiscalité applicable à la marchandise, qui dépend de sa nature. Les échantillons sont confiés pour analyse et expertise à des services spécialisés, à l'instar du service commun des laboratoires (SCL) 86 ( * ) .

Aujourd'hui, les différentes dispositions du code des douanes qui régissent les prélèvements d'échantillons sont éparses et non harmonisées , ce qui peut être source d'incertitude juridique et compliquer le travail des agents de la DGDDI. Cette situation résulte d'une sédimentation des différents dispositifs avec le temps.

Surtout, le droit existant ne permet pas de couvrir l'ensemble des situations de contrôle , puisque la possibilité de prélever des échantillons n'est explicitement prévue que par deux articles du code des douanes :

- l'article 63 ter , qui vise les contrôles réalisés dans les locaux et lieux à usage professionnel ;

- l'article 65 A bis , qui vise le contrôle des marchandises dans le cadre des opérations de dédouanement , ainsi que les marchandises pour lesquelles un avantage alloué par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA) est sollicité.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement.

Il vise à instituer une disposition de portée générale et transversale permettant aux agents de la douane de prélever des échantillons, dans le cadre de l'ensemble de leurs missions .

À cette fin, les dispositions spécifiques actuellement en vigueur seraient supprimées, et remplacées par un nouvel article 67 quinquies B, dans une nouvelle Section 11, intitulée « prélèvement d'échantillons », au sein du chapitre IV du titre II du code des douanes.

Cette disposition générale est ainsi rédigée : « en cas de vérification des marchandises prévue par la réglementation douanière européenne ou dans le cadre de l'application des dispositions du présent code, les agents des douanes peuvent procéder ou faire procéder à des prélèvements d'échantillons, aux fins d'analyse ou d'expertise, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».

Par coordination, l'article 67 quinquies A sur le recours par la DGDDI à des experts extérieurs seraient également modifié, et l'article 101 sur les conditions de vérification des marchandises, devenu inutile, serait supprimé.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article devrait permettre de sécuriser et simplifier le prélèvement d'échantillons par les agents de la DGDDI , ce qui sera utile dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et plus généralement contre l'ensemble des délits douaniers (trafics d'armes, de stupéfiants, de marchandises dangereuses, de tabacs et d'alcools etc.).

Le dispositif proposé représente une mesure de simplification, non seulement pour la DGDDI mais également pour la personne contrôlée, et le tiers chargé d'effectuer les analyses et expertises des échantillons. Le décret en Conseil d'État prévu par le présent article poursuivra cette logique d'harmonisation, et viendra en remplacement des diverses dispositions réglementaires existantes.

Stricto sensu , le dispositif proposé correspond à un élargissement des compétences de la DGDDI en matière de prélèvements d'échantillons.

En effet, les prélèvements d'échantillons sont nécessaires dans des situations qui ne sont pas expressément prévues par le droit en vigueur : lorsqu'ils sont le cas échéant effectués, ils présentent d'importantes fragilités au stade contentieux. C'est notamment le cas pour les contrôles de la circulation , distincts des contrôles au moment du passage de la frontière : ceux-ci constituent aujourd'hui une part importante de l'activité de la DGDDI, et peuvent faire apparaître des infractions. C'est également le cas pour les contrôles effectués sur les sommes d'argent liquide transférées à l'étranger 87 ( * ) : d'après la DGDDI, « ces enquêtes nécessitent la réalisation d'un échantillonnage par le service des douanes afin de vérifier notamment si les sommes ont des traces de produits stupéfiants ou des traces papillaires permettant d'identifier les personnes impliquées dans la fraude ».

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

ARTICLE 16 ter (nouveau)
(Art. 67 G [nouveau] du code des douanes)

Création d'un dispositif général d'enquête anonyme sur Internet
pour les agents des douanes

. Commentaire : le présent article vise à instituer un dispositif général d'enquête sur Internet, sous pseudonyme, pour les agents des douanes.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CELLULE « CYBERDOUANE »

Depuis 2009, il existe au sein de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) un service spécialisé dans la lutte contre la cyberdélinquance, la cellule « Cyberdouane » , placé au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Ce service a pour fonction de recueillir et d'exploiter tous les renseignements utiles dans la lutte contre les fraudes douanières sur Internet en matière de trafics de marchandises prohibées, réglementées ou fortement taxées. Il s'agit principalement des produits stupéfiants, tabacs et alcools, armes à double usage civil et militaire, espèces protégées etc. Ces marchandises sont parfois proposées en grandes quantités sur des sites spécialisés 88 ( * ) .

Comme l'avait noté votre rapporteur, dans un rapport d'information fait en 2013 avec Philippe Dallier 89 ( * ) , Cyberdouane mène une véritable « action sur l'offre », en amont des procédures judiciaires : « la mission de veille consiste essentiellement à identifier les personnes physiques ou morales qui se cachent derrière un site de vente en ligne, une adresse électronique ou un pseudonyme sur un site de petites annonces, un forum, un blog ou un réseau social. (...) La veille menée par Cyberdouane peut déboucher sur une enquête menée par le service national des douanes judiciaire (SNDJ), qui peut être saisi par le procureur de la République à la suite d'une constatation douanière. (...) L'enquête judiciaire peut ainsi être diligentée même si aucune marchandise n'a été saisie sur le territoire national ». Comme l'avaient relevé votre rapporteur et Philippe Dallier, sur les 277 dossiers pris en charge par Cyberdouane en septembre 2013, près de 40 % (soit 106 dossiers) concernaient la contrefaçon, et près de 30 % (soit 81 dossiers) les médicaments et substances illicites.

D'autres administrations ont mis en place des cellules de veille et d'enquête sur Internet, selon un dispositif similaire , même si la DGDDI est à cet égard l'une des administrations les plus avancées en matière de cyberdélinquance 90 ( * ) .

B. LES POSSIBILITÉS D'ANONYMAT EXISTANTES

1. Les possibilités ouvertes par le code des douanes

L'action de Cyberdouane requiert naturellement que les agents puissent agir sous une identité d'emprunt. Cette possibilité est d'ores et déjà prévue par le code des douanes.

Le II de l'article 67 bis du code des douanes, relatif à la procédure d'infiltration , prévoit notamment que « l'agent des douanes est (...) autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt ». L'infiltration consiste, pour un agent des douanes spécialement habilité, agissant sous la responsabilité d'un agent de catégorie A, avec l'autorisation du procureur de la République, à « surveiller des personnes suspectées de commettre un délit douanier en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou intéressés à la fraude ».

La procédure d'infiltration porte sur un champ assez large de délits douaniers, toutefois limitativement énumérés , qui correspond aux délits en matière de stupéfiants, de tabacs, d'alcools, de contrefaçons et de blanchiment. L'article 10 du présent projet de loi prévoit d'autoriser la procédure d'infiltration en matière de trafic d'armes .

De manière plus spécifique, l'article 67 bis -1 du code des douanes relatif à la procédure des « coups d'achat » permet également l'utilisation d'un pseudonyme sur Internet. Introduite par la loi du 14 mars 2011 91 ( * ) , cette procédure permet aux agents des douanes habilités, avec l'autorisation du procureur de la République, de procéder à l'achat de marchandises illicites sur Internet afin de constater l'infraction et d'en identifier les auteurs et complices et les personnes intéressées. L'article 67 bis -1 prévoit que les agents des douanes peuvent « faire usage d'une identité d'emprunt en vue de l'acquisition des produits » et, à cette fin, « a) participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques ; b) être en contact sous ce pseudonyme avec des personnes susceptibles d'être les auteurs de l'infraction ; c) extraire, acquérir sous ce pseudonyme ou conserver des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de l'infraction ainsi que sur les comptes bancaires utilisés ».

À ce jour, les « coups d'achats » peuvent être autorisés seulement en matière de trafic de stupéfiants, de tabac et de contrefaçons . L'article 10 du présent projet de loi prévoit d'autoriser les « coups d'achat » en matière de trafic d'armes . Par ailleurs, dans un rapport d'information précité fait avec Philippe Dallier 92 ( * ) , votre rapporteur avait proposé d'élargir le dispositif des coups d'achats aux marchandises qui, sans être illicites, donneraient lieu à des transactions échappant à l'impôt : il s'agissait par-là de lutter contre la fraude fiscale sur Internet, qui prend aujourd'hui une ampleur préoccupante et peut avoir un lien avec le crime organisé.

2. Les possibilités ouvertes par le code de procédure pénale

Par ailleurs, l'article 706-87-1 du code de procédure pénale 93 ( * ) prévoit un dispositif général d'enquête anonyme sur Internet , mais qui n'est pas applicable aux agents de la douane administrative.

Celui-ci permet aux officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire, s'ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l'intérieur et spécialement habilités à cette fin , de procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites, dans des conditions fixées par décret ».

Il est précisé qu' « à peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions ».

Ce dispositif est seulement applicable dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 706-72 , 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale , lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, et d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Ces trois articles visent les actes de délinquance et de criminalité en bande organisée .

C. L'ABSENCE D'UN DISPOSITIF GÉNÉRAL DE « CYBERPATROUILLE »

Les dispositifs applicables aux agents des douanes, c'est-à-dire la procédure d'infiltration et la procédure des « coups d'achat », sont des outils au champ certes large mais néanmoins limitatif. Il n'existe pas, en revanche, de dispositif de portée générale permettant aux agents des douanes, sous pseudonyme, de rechercher et de constater des infractions douanières sur Internet.

Afin de garantir la sécurité juridique des « cyberpatrouilles » dans l'ensemble de leurs aspects , un tel dispositif apparaît pourtant nécessaire. D'après les informations transmises à votre rapporteur, ce dispositif général pourrait notamment permettre de sécuriser les situations suivantes, qui ne sont pas expressément visées par les articles 67 bis et 67 bis -1 du code des douanes :

- effectuer des investigations générales en ligne afin de détecter et de recueillir des indices de fraudes douanières ;

- participer sous pseudonyme à des discussions de portée générale dans des cercles restreints tels que des forums de discussion, sites sécurisés, places de marché à accès contrôlé etc. ;

- s'inscrire sur ces sites et forums à accès restreint , le cas échéant en payant le droit d'entrée qui est parfois demandé, avec un moyen de paiement non traçable.

L'intérêt de la « cyberpatrouille » est donc de se situer en amont des procédures existantes que sont l'infiltration et des coups d'achats.

En l'état actuel du droit, ces investigations générales sont menées par les agents des douanes dans un cadre juridiquement flou : d'après les éléments transmis à votre rapporteur, cette incertitude juridique a conduit la DGDDI à renoncer à un grand nombre d'opérations .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable de la commission des lois mais avec un avis de sagesse du Gouvernement.

Il vise à instituer un dispositif général d'enquête sur Internet, sous pseudonyme, pour les agents des douanes . À cette fin, un article 67 G serait créé au sein du chapitre VI du titre II du code des douanes, et ainsi rédigé :

« Dans le cadre des contrôles et enquêtes prévus au présent code , les officiers ou agents des douanes peuvent, pour rechercher et constater les infractions prévues au présent code, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions ;

« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites, dans des conditions fixées par décret ;

« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur accueille favorablement le dispositif proposé, qui devrait permettre aux agents de la DGDDI d'effectuer l'ensemble de leurs enquêtes sur Internet dans un cadre anonyme et juridiquement sécurisé . Ce dispositif est complémentaire des procédures existantes .

Les actes visés au 1° à 4° du présent article sont les mêmes que ceux visés à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale précité : le dispositif de « cyberpatrouille » douanière permet donc d'accomplir les mêmes actes que le dispositif de « cyberpatrouille » de la police judiciaire.

En revanche, le champ d'application du dispositif proposé est plus large , puisque sont ici visées toutes les infractions prévues au code des douanes, et non une liste limitative d'infractions comme c'est le cas pour la « cyberpatrouille » du code de procédure pénale. Par ailleurs, les garanties procédurales prévues par les dispositifs existants n'apparaissent pas dans la rédaction du présent article , ce qui explique l'avis de sagesse émis par le Gouvernement lors des débats à l'Assemblée nationale.

Dès lors, votre rapporteur, qui approuve pleinement ce dispositif dans son principe, vous propose un amendement tendant à encadrer et à sécuriser celui-ci, en lui apportant les garanties procédurales habituelles , qui existent pour l'infiltration, les coups d'achats et l'enquête anonyme de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

Il est ainsi proposé de :

- limiter le champ d'application de cette procédure aux seuls délits douaniers , et plus précisément les délits douaniers de première classe (trafic d'armes, de stupéfiants, de tabacs, d'alcools, de contrefaçons etc.), les délits douaniers de seconde classe (le blanchiment douanier), et les délits liés à la réglementation des relations financières avec l'étranger ;

- mentionner non seulement la recherche des auteurs de ces délits, mais aussi des complices et des personnes intéressées à la fraude ;

- prévoir une habilitation obligatoire des agents par le ministre chargé des douanes ;

- prévoir une information obligatoire du procureur de la République, qui peut s'opposer à cette procédure . Il s'agit là d'un régime plus « léger » que l'autorisation expresse du procureur de la République, applicable aux infiltrations et aux coups d'achats, lesquels concernent des stades plus avancés de la procédure judiciaire. L'information avec possibilité d'opposition est le régime applicable à la surveillance des personnes, prévue au I de l'article 67 bis du code des douanes.

Par cohérence, votre rapporteur vous propose en outre de déplacer cet article - qui deviendrait un article 67 bis -A - dans une section spécifique du code des douanes, la Section 7 du Chapitre IV du Titre II, renommée « Procédures spéciales d'enquête douanière » . Celle-ci comprend déjà la procédure d'infiltration, celle des coups d'achat et celle de la géolocalisation des véhicules.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16 quater (nouveau)
(Art. L. 152-1 du code monétaire et financier)

Renforcement de l'obligation de déclaration
des sommes transférées à l'étranger ou depuis l'étranger

. Commentaire : le présent article vise à instituer une obligation de déclaration de la provenance des sommes transférées en liquide à l'étranger ou depuis l'étranger, dès lors qu'elles dépassent un certain seuil fixé par décret.

I. LE DROIT EXISTANT

Afin notamment de lutter contre le blanchiment, le transfert de sommes d'argent liquide à l'étranger ou depuis l'étranger est soumis à une obligation de déclaration auprès de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), à laquelle il est souvent fait référence sous la simple expression d'« obligation déclarative ».

L'obligation déclarative est prévue par les articles 464 et 465 du code des douanes, qui renvoient au code monétaire et financier. Aux termes de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, les personnes physiques qui transfèrent vers ou depuis un État membre de l'Union européenne des sommes, titres ou valeurs , sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, d'un établissement de monnaie électronique, d'un établissement de paiement ou d'un organisme tel que le Trésor public, la Banque de France, La Poste et la Caisse des dépôts et consignations, doivent en faire la déclaration auprès de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), dès lors que le montant du transfert excède 10 000 euros .

L'article 54 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a étendu l'obligation de déclaration à l'or, aux jetons de casino et aux cartes prépayées .

Au niveau européen, l'obligation déclarative est prévue par le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté. L'article 2 vise les espèces mais aussi les chèques et autres instruments négociables au porteur. L'article 3 fixe le seuil de 10 000 euros. Ce règlement est exclusivement applicable aux transferts depuis ou vers les pays extérieurs à l'Union européenne.

L'article R. 152-6 du code monétaire et financier précise la liste des informations devant être déclarées . Celles-ci portent sur l'identité du déclarant, et le cas échéant du propriétaire et du destinataire des sommes, titres ou valeurs, ainsi que sur leur montant, leur provenance, leur itinéraire et leur moyen de transport. La déclaration s'effectue « par écrit par les personnes physiques, pour leur compte ou pour celui d'autrui, auprès de l'administration des douanes, au plus tard au moment de l'entrée ou de la sortie de l'Union européenne ou du transfert vers un État membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel État. Lorsque les déclarations sont faites préalablement à l'entrée ou la sortie (...), elles peuvent être adressées par voie postale ou par voie électronique au service des douanes » .

Concrètement, l'obligation déclarative consiste en un formulaire administratif très simple à remplir en ligne sur l'application « DALIA 94 ( * ) » ou lors du passage physique de la douane. D'après les informations transmises à votre rapporteur, près de deux milliards d'euros sont ainsi déclarés chaque année. En 2015, 27 173 déclarations ont été souscrites, dont seulement 2 503 pour des transferts intra-européens .

À ce jour, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de joindre un justificatif de la provenance ou de la destination des fonds transférés.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, sous-amendé par un amendement de précision de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure au nom de la commission des lois. Il a été adopté avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement.

Cet amendement vise, d'une part, à modifier l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, afin de préciser que « l'obligation de déclaration n'est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes ». Cette rédaction est directement issue de l'article 3 du règlement (CE) n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 précité.

Il vise, d'autre part, à prévoir une obligation de fournir des justificatifs sur la provenance des sommes transférées dès lors que leur montant dépasse un certain seuil . L'article L. 152-1 précité serait ainsi complété par les dispositions suivantes : « sont également considérées comme non effectuées les déclarations portant sur des sommes supérieures à un montant fixé par décret et qui ne sont pas accompagnées des documents dont la production permet de justifier leur provenance. Un décret fixe la liste des documents admis pour justifier de la provenance des fonds ainsi transférés ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur estime que le présent article constitue une mesure bienvenue dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et plus généralement le crime organisé. De fait, le seul respect formel de l'obligation déclarative ne constitue pas une garantie de l'origine licite des sommes transférées : il importe donc de permettre aux agents de la DGDDI d'effectuer, lorsque cela apparaît nécessaire, les contrôles pertinents.

Comme l'a observé notre collègue député Yann Galut en séance publique, « la facilité avec laquelle une valise de billets, par exemple d'un montant de 150 000 euros, peut franchir la frontière est déconcertante : dans les faits, la déclaration s'accompagne d'une absence quasi-systématique de contrôle ». En comparaison, les établissements financiers sont soumis à des obligations de vigilance bien plus fortes : « chaque établissement demande, au moyen de formulaires internes variables, la fourniture de documents permettant de renseigner la provenance des fonds. Il est paradoxal qu'un virement franco-français de 50 000 euros soit davantage contrôlé qu'une mallette contenant 200 000 euros de billets et transitant d'un pays à l'autre ».

À cet égard, le premier volet du présent article, qui prévoit que les déclarations incorrectes ou incomplètes sont présumées non-effectuées, constitue une précision de bon sens. Cette mesure, déjà prévue pour les transferts vers ou depuis des pays tiers à l'Union européenne, serait donc également prévue en droit interne.

Le second volet du présent article, qui prévoit l'obligation de fournir des justificatifs de la provenance des sommes, constitue également une mesure bienvenue. Toutefois, votre rapporteur souligne qu' il s'agit d'une obligation relativement lourde imposée aux personnes concernées, compte tenu de la nature des justificatifs à fournir, et a fortiori si la liste en est fixée par décret . L'exposé sommaire de l'article évoque des bordereaux de retraits, des actes notariés, des conventions sous seing privé, des actes de vente, des déclarations sur l'honneur, etc. L'exposé sommaire précise aussi que « le décret devra préciser si les justificatifs sont exigés uniquement au moment de la déclaration, ou bien s'ils doivent pouvoir être présentés lors des contrôles ».

Cependant, votre rapporteur estime qu'il est matériellement impossible d'exiger systématiquement un justificatif au moment de la déclaration . Dans le cas d'une déclaration lors d'un passage physique de la frontière, cela obligerait la personne concernée à transporter avec elle des documents qui, dans certains cas, peuvent faire des centaines de pages. Dans le cas d'une déclaration souscrite préalablement en ligne, l'application « DALIA » ne permet pas l'envoi de justificatifs en pièce jointe. Enfin, il apparaît difficile d'apporter les justificatifs dans le cas d'un transfert par fret postal ou par fret express - votre rapporteur avait montré, dans un rapport d'information fait en 2013 avec Philippe Dallier 95 ( * ) , combien les contrôles étaient superficiels.

Dès lors, afin de garantir le caractère proportionné de la présente mesure et de la rendre matériellement applicable, votre rapporteur vous propose trois amendements tendant à :

1° remplacer l'obligation de joindre les documents à la déclaration par une obligation de tenir ceux-ci à la disposition de la DGDDI , afin qu'ils puissent être vérifiés à l'occasion d'un contrôle, décidé après réception de la déclaration ;

2° fixer dans la loi, et non par décret, le seuil à partir duquel les justificatifs doivent être fournis . Un seuil relativement élevé doit permettre de ne pas alourdir excessivement les formalités pour les transferts les moins importants. Votre rapporteur vous propose de fixer un seuil de 50 000 euros , ce qui devrait limiter le nombre de déclarations concernées. En effet, d'après les informations transmises à votre rapporteur, sur les 2 503 déclarations intra-UE effectuées en 2015, seules 870 déclarations étaient supérieures à 50 000 euros, et 583 déclarations étaient supérieures à 100 000 euros. Le seuil proposé est cohérent avec la proposition de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis, qui évoquait « par exemple 50 000 euros ou 100 000 euros ». On observera enfin que le seuil de déclenchement de l'obligation déclarative, soit 10 000 euros, est lui aussi fixé par la loi et non par décret ;

3° préciser que les documents doivent permettre de renseigner sur la « provenance immédiate » des fonds , et non pas sur leur seule « provenance ». Par exemple, un bordereau de retrait à un distributeur automatique de billets pourrait être exigé au titre de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, mais pas un justificatif permettant de savoir pourquoi l'argent était sur le compte bancaire. De même, s'agissant du transport d'une carte prépayée, un justificatif de « chargement » de la carte pourrait être demandé, sans pour autant que le porteur doive justifier de la provenance des fonds avant que ceux-ci ne soient chargés sur la carte. Le renforcement de l'obligation déclarative n'a pas vocation à permettre à la DGDDI de disposer de toutes les informations nécessaires à une enquête, mais à lui permettre de d'identifier l'intermédiaire auquel adresser le cas échéant une demande d'informations supplémentaire (établissement bancaire etc.).

Le présent article appelle enfin deux remarques finales. D'une part, le dispositif proposé n'est, par définition, d'aucune utilité dans le cas où l'obligation déclarative ne serait pas exécutée . On peut raisonnablement supposer que c'est le cas de la plupart des transferts de fonds dont l'origine est illicite. D'autre part, les seuils demeurent aisément contournables , qu'il s'agisse du seuil de 10 000 euros ou du seuil proposé par le présent article. Il suffit en effet d'effectuer les transferts en plusieurs fois, ce qui pourrait devenir intéressant pour des opérations supérieures à 50 000 euros.

Le renforcement de l'obligation déclarative est donc susceptible de conduire à un effet de « report » : des opérations aujourd'hui illicites mais formellement déclarées pourraient désormais être réalisées sans déclaration. Ce phénomène, inhérent à tout renforcement d'une règle, ne fait que souligner la nécessité, pour la DGDDI, de mener des contrôles avec davantage de fréquence et d'efficacité .

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16 quinquies (nouveau)
(Art. L. 152-4 du code monétaire et financier)

Relèvement du montant maximum de l'amende pour défaut de déclaration
des sommes transférées à l'étranger ou depuis l'étranger

. Commentaire : le présent article vise à relever à 50 %, contre 25 % aujourd'hui, le montant maximum de l'amende pour défaut de déclaration des sommes supérieures à 10 000 euros transférées à ou depuis l'étranger.

I. LE DROIT EXISTANT

Afin notamment de lutter contre le blanchiment, le transfert de sommes d'argent liquide à l'étranger ou depuis l'étranger est soumis à une obligation de déclaration auprès de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Cette « obligation déclarative », prévue par l'article 464 du code des douanes et l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, est présentée dans le commentaire de l'article 16 quater du présent projet de loi (cf. supra ).

Aux termes de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, le manquement à l'obligation déclarative (MOD) est puni d'une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction 96 ( * ) .

Par ailleurs, en cas de constatation par les agents d'un défaut de déclaration, la totalité de la somme est consignée pendant une durée de six mois, renouvelable dans la limite de douze mois. Cette somme est saisie et sa confiscation peut être prononcée par la juridiction compétente si, pendant la durée de la consignation, il est établi que l'auteur de l'infraction est par ailleurs impliqué dans d'autres infractions réprimées par le code des douanes (trafic d'armes, de tabacs, d'alcools etc.).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement.

Il vise à porter à 50 % le montant maximum de l'amende en cas de manquement à l'obligation de déclaration prévue par l'article L. 152-1 du code monétaire et financier et par le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005.

Les services de la DGDDI demeurent toutefois libres de fixer une sanction inférieure à ce montant, pour tenir compte des circonstances.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur estime que le présent article constitue une mesure bienvenue dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et plus généralement le crime organisé . Il complète utilement l'extension du champ d'application de l'obligation déclarative adoptée en 2013, ou encore l'abaissement de 3 000 euros à 1 000 euros du seuil des paiements en liquide.

Comme l'a observé notre collègue député Yann Galut, le taux actuel de 25 % « n'est suffisant ni pour sanctionner les manquements constatés, ni pour dissuader de les commettre. La restitution des trois quarts de la somme à l'infracteur revient souvent, en définitive, à blanchir les trois quarts de la somme ».

De fait, l'amende administrative pour défaut de déclaration peut être comprise, du point de vue du bénéficiaire de la somme d'argent, comme un arbitrage financier . Or, s'il peut être avantageux de payer 25 % de la somme concernée pour en conserver 75 %, cet arbitrage devient beaucoup moins favorable avec une sanction égale à la moitié de la somme en jeu.

Une telle mesure gagnerait bien sûr à être complétée par un renforcement notable des contrôles effectifs sur le transfert de sommes d'argent liquide - mais aussi des cartes prépayées et d'autres supports pouvant servir au blanchiment ou au financement du terrorisme.

Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

...............................................

CHAPITRE II

Habilitation à légiférer par ordonnances
ARTICLE 33

Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances

. Commentaire : le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance diverses mesures relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, à transposer diverses directives et à tirer les conséquences de décisions du Conseil Constitutionnel ainsi que de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le I du présent article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi afin :

- de transposer la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ;

- d'adopter toute mesure de coordination et d'adaptation rendue nécessaire ainsi que, le cas échéant, des dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition ;

- de mettre la loi en conformité avec le règlement (UE) 2015/847 du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fond et adopter toute mesure de coordination et d'adaptation nécessaire.

Il habilite également le Gouvernement à :

- définir les modalités d'assujettissement aux diverses mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de professions et catégories autres que les entités visées à l'article 2 de la directive précitée ;

- modifier les règles relatives d'une part à l'organisation et au fonctionnement de la commission nationale des sanctions , prévue à l'article L. 561-38 du code monétaire et financier , en vue notamment de renforcer les garanties offertes aux personnes mises en cause et d'adapter la procédure applicable devant cette commission et, d'autre part, celles relatives au dispositif national de gel des avoirs figurant aux chapitres I er et II du titre VI du livre V et au chapitre IV du titre Ier du livre VII du même code ;

- garantir la confidentialité des informations reçues et détenues par Tracfin, ainsi qu'élargir ses possibilités de recevoir et communiquer des informations ;

- apporter les corrections formelles et adaptations nécessaires à la simplification, la cohérence, et l'intelligibilité du titre VI du livre V du code monétaire et financier.

Dans son II, le présent article entend habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance aux fins de :

- transposer la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires ;

- transposer la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale ;

- modifier les dispositions en matière de saisies et confiscations afin de :

a) transposer la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne ;

b) modifier le code de procédure pénale afin de simplifier et de renforcer l'efficacité des dispositions en matière de saisies, mises sous scellés et confiscations, d'étendre les missions et les prérogatives de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, de transférer à cette agence les fonds conservés par les greffes des juridictions correspondant aux sommes saisies lors de procédures pénales et pour lesquelles l'identification de leur statut, saisi ou confisqué, n'a pas été établie ;

c) tirer les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel n° 2014-375 QPC du 21 mars 2014 ; n° 2015-494 QPC du 16 octobre 2015 ; n° 2015-499 QPC du 2 novembre 2015 et n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015 et de la décision n° 21010/10 de la Cour européenne des Droits de l'Homme du 18 septembre 2014 ;

- compléter la transposition de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 ;

- modifier le code de procédure pénale et le code des douanes pour rendre obligatoire pour les magistrats, les services d'enquête et les agents spécialement habilités par le code des douanes le recours, dans le cadre de leurs enquêtes, à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires et adapter les textes relatifs aux scellés et au déchiffrement des données afin de tenir compte des fonctionnalités de la plateforme et d'alléger la charge des services de la justice.

Le présent commentaire ne porte que sur les dispositions du I du présent article, qui concernent la commission des finances.

Il faut par ailleurs observer que, s'agissant du II, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative de notre collègue Colette Capdevielle, visant à supprimer la plupart des habilitations sollicitées par le Gouvernement au motif que « certaines des habilitations demandées par le Gouvernement font l'objet d'amendements afin que les dispositions pour lesquelles une ordonnance était prévue figurent en tant que telles dans le projet de loi. D'autres de ces habilitations visent des décisions juridictionnelles qui ne nécessitent que des ajustements ponctuels, qui pourront parfaitement être présentés au Parlement par voie d'amendement au cours de la procédure législative. »

I. LE DROIT EXISTANT ET LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA TRANSPOSITION DU PAQUET ANTI-BLANCHIMENT

1. Présentation du paquet anti-blanchiment

La directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme 97 ( * ) vise à renforcer les moyens mis en place, au niveau européen, pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Elle constitue la 4 e directive anti-blanchiment, le processus législatif en la matière ayant été initié par la directive n° 91/308/CEE du 10 juin 1991 sur la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, laquelle faisait suite aux recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), organisme intergouvernemental en charge de l'examen et de l'élaboration de mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux.

La 3 e directive qu'elle abroge avait été transposée en droit français par l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009.

La directive est fondée sur une nouvelle approche par le risque du blanchiment et du financement du terrorisme.

En outre, le champ d'application de la directive est étendu aux prestataires de services de jeux d'argent et de hasard. Des exemptions ne peuvent être autorisées qu'après une analyse de risque ayant conclu à un risque faible . S'agissant de ce secteur, des mesures de vigilance sont dorénavant obligatoires pour chaque transaction d'un montant supérieur ou égal à 2 000 euros en cas de risque plus élevé.

Elle prévoit également un abaissement du seuil de 15 000 à 10 000 euros à partir duquel les paiements en espèce sont soumis à l'obligation de vigilance pour les personnes négociant les biens.

La notion de personnes politiquement exposées (PPE) est élargie. Correspondant initialement à toute personne exerçant ou ayant exercé des fonctions publiques importantes à l'étranger ainsi qu'aux cadres dirigeants des organisations internationales, elle inclue désormais les personnes qui exercent ou ont exercé des fonctions publiques importantes sur le territoire national (les « PPE domestiques ou nationales »).

S'agissant des cellules de renseignements financiers ( CRF) , la directive prévoit qu'elles doivent être fonctionnellement indépendantes et autonomes dans leur fonction de recueil et d'analyse des informations. En outre, des dispositions favorisent le renforcement de l'échange d'informations entre cellules de renseignements financiers. Désormais, seul un échange qui porterait atteinte aux droits fondamentaux du système juridique national serait susceptible de justifier un refus, par l'État, de transmettre une information.

Par ailleurs, il est désormais prévu que la Commission puisse identifier des pays tiers à haut risque pour lesquels la vigilance des professionnels assujettis devra être renforcée .

Enfin, la directive harmonise les sanctions susceptibles d'être prononcées en cas de violation sérieuse, répétitive ou systématique, par les organismes assujettis de leurs obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, de déclaration de soupçon, de conservation des données et de contrôle interne.

De plus, la sanction pécuniaire des dirigeants des organismes financiers est désormais susceptible d'être étendue aux personnes responsables du manquement à la réglementation, notamment le responsable du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ( LCB - FT) ou de la conformité.

S'agissant des bénéficiaires effectifs , les informations seront conservées par les États membres dans un registre centralisé et mises à la disposition sans restriction des autorités compétentes et des CRF.

Quant à l'accès à l'information , il est désormais susceptible d'être accordé à tout assujetti, dans le cadre de son devoir de vigilance, ainsi qu'à toute personne ou organisation en mesure de démontrer un intérêt légitime.

Enfin, le texte européen prévoit un dispositif plus contraignant quant à l' utilisation de la monnaie électronique, envisagé comme éventuel vecteur de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. Si la directive maintient la possibilité, pour un État membre, d'autoriser les entités assujetties à ne pas appliquer certaines mesures de vigilance à l'égard de la clientèle pour la monnaie électronique, les conditions à remplir sont définies plus strictement. À titre d'illustration, le montant maximal stocké sur le support pour pouvoir bénéficier de l'exemption est fixé à 250 euros, alors que la précédente directive limitait le total des opérations sur une année civile à 2 500 euros 98 ( * ) .

Cette 4 e directive est par ailleurs complétée par le règlement (UE) n° 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2016 , relatif à l'information accompagnant les transferts de fonds 99 ( * ) , et abrogeant le règlement (CE) n° 1781/2006 paru le 5 juin 2015. Il constitue, avec la 4 e directive, le « paquet anti-blanchiment ».

Applicable à partir du 26 juin 2017, le règlement a pour objet de renforcer les obligations de recueil d'informations et de vérification d'identité auxquelles sont soumis les établissements financiers . L'obligation pour le prestataire de service de paiement de recueillir des informations sur le donneur d'ordre a été étendue au bénéficiaire. Par ailleurs, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire a pour obligation de mettre en place les procédures nécessaires afin d'examiner, lors d'un transfert de fonds si des informations sont manquantes et, le cas échéant, de déterminer s'il y a lieu d'effectuer, de rejeter ou de suspendre le transfert de fond dont les informations sont incomplètes.

2. L'habilitation demandée

Alors que la directive doit être transposée avant le 26 juin 2017, le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de cette 4 e directive anti-blanchiment.

De même, le Gouvernement sollicite d'être autorisé à prendre des « dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition de la directive, en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme », ainsi qu'à mettre la loi en conformité avec le règlement (UE) 2015/847 précité .

B. LA DÉFINITION DES MODALITÉS D'ASSUJETTISSEMENT DE PERSONNES ET ACTIVITÉS AUTRES QUE CELLES PRÉVUES À L'ARTICLE 2 DE LA DIRECTIVE

Le présent article vise par ailleurs à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de définir les modalités d'assujettissement aux mesures de prévention de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de contrôle et de sanction de certaines professions et catégories d'entreprises autres que les entités visées à l'article 2 de la directive précitée , figurant à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier (établissements de paiement, établissements de monnaie électronique, entreprises d'assurances, mutuelles, Banque de France, changeurs manuels, opérateurs de jeux ou de paris, experts comptables, avocats, notaires, huissiers de justice, agents sportifs, etc.).

Le Gouvernement entend ainsi être autorisé à mettre en place un dispositif de contrôle, en matière de blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme, qui s'étendrait au-delà du texte européen. Alors que le Gouvernement demeure imprécis sur ses intentions , votre rapporteur a proposé un amendement à l'article 15 du présent projet de loi tendant à inscrire dans la loi le statut de prestataire de services de paiement (PSP) des plateformes d'échange de monnaies virtuelles de type bitcoin , qui peuvent aisément être utilisées à des fins de blanchiment et de financement du terrorisme. Ce statut aurait pour conséquence de les assujettir aux obligations de vigilance.

C. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES À L'ORGANISATION ET AU FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION NATIONALE DES SANCTIONS

La commission nationale des sanctions , instituée auprès du ministre chargé de l'Économie, a pour mission de sanctionner les manquements aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme incombant aux professionnels non financiers constatés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les intermédiaires immobiliers et les sociétés de domiciliation, par le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire au ministère de l'intérieur pour les casinos, et par l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour les jeux en ligne.

Actuellement, le fonctionnement et l'organisation de la commission nationale des sanctions sont régis par les articles L. 561-37 et suivants, ainsi que les articles R. 561-43 et suivants du code monétaire et financier.

Le Gouvernement entend être habilité à modifier les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de la commission aux fins de « renforcer les garanties offertes aux personnes mises en cause et d'adapter la procédure applicable à cette commission . »

Il a indiqué vouloir offrir la possibilité, pour la commission, de demander la transmission d'information aux personnes mises en cause. Par ailleurs, il envisage de permettre à la personne mise en cause de pouvoir être représentée à l'audience.

D. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES AU DISPOSITIF NATIONAL DE GEL DES AVOIRS

Le dispositif national actuel, issu notamment des articles L. 562-1 et suivants du code monétaire et financier , prévoit qu'il est possible, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de l'intérieur, de geler les avoirs d'une personne qui commet ou tente de commettre des actes de terrorisme, y participe ou les facilite, ainsi que de ceux qui les financent.

Cependant, alors que les instruments financiers et ressources économiques susceptibles de faire l'objet d'une mesure de gel sont définis à l'article L. 562-4 comme « les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers », aux termes des articles L. 562-1 et L. 562-2, seuls les avoirs « détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 » , correspondant aux personnes assujetties au respect de la législation anti-blanchiment et de lutte contre le financement du terrorisme, peuvent être gelés .

Dès lors, comme le rappelle l'étude d'impact, « seuls les avoirs détenus en compte peuvent être gelés », excluant de fait les avoirs immobiliers .

Aussi, le 5° du présent article vise à permettre au Gouvernement de modifier les règles relatives au dispositif national de gel des avoirs tel que figurant dans le code monétaire et financier. Il concerne tant les mesures de gel des avoirs prises à titre national que celles prises en application d'une décision de l'Union européenne ou d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies . Il a pour objet d'étendre :

- le champ des avoirs susceptibles d'être gelés ;

- la définition des personnes assujetties au respect de mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds ;

- le champ des échanges d'informations nécessaires à la préparation et à la mise en oeuvre de mesures de gel.

Enfin, il autoriserait le Gouvernement à préciser les modalités de déblocage des avoirs gelés.

Le dispositif proposé vise ainsi à permettre que la mesure de gel puisse être utilisée pour l'ensemble des avoirs, y compris les avoirs immobiliers . Il entend de même permettre le gel des avoirs « non seulement détenus mais aussi contrôlés, directement ou indirectement, par une personne visée par la mesure de gel ». Ces modifications s'inscrivent dans une volonté de se conformer aux recommandations des Nations Unies en la matière.

Il est de même précisé dans l'étude d'impact que « le Gouvernement envisage d'élargir le champ de l'article L. 562-8 qui ne permet dans sa rédaction actuelle la levée du secret bancaire que dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre d'une mesure de gel » .

Enfin, il est indiqué dans l'étude précitée que les articles L. 562-1 et suivants du code monétaire et financier « ne mentionnent pas la possibilité offerte au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur de débloquer, en vertu de l'article R. 562-1, une partie des sommes gelées destinée à couvrir, dans la limite des disponibilités, pour une personne physique, des frais courants du foyer familial ou, pour une personne morale, des frais lui permettant de poursuivre une activité compatible avec les exigences de l'ordre public. » Or l'article L. 562-1 dispose que peuvent être gelés « tout ou partie » des fonds. Le Gouvernement entend donc modifier cet article, dans un souci d'intelligibilité de la loi.

E. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES AUX INFORMATIONS DE TRACFIN

Le 6° de l'article 33-I vise à garantir la confidentialité des informations reçues et détenues par Tracfin. Par ailleurs, il vise à élargir les possibilités, pour ce service, de recevoir et communiquer des informations.

Ces mesures viendraient s'ajouter aux dispositions prévues à l'article 15 bis du présent projet de loi, qui vise à créer un nouvel accès direct au traitement d'antécédents judiciaires (Taj) pour Tracfin.

F. LA CLARIFICATION DES DISPOSITIONS DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D'ARGENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME ET LEUR APPLICATION OUTRE-MER

Le 7° de l'article 33-1 a pour objet d'autoriser le Gouvernement à modifier formellement certaines dispositions du code monétaire et financier apparaissant nécessaires à la simplification, la cohérence et l'intelligibilité du titre VI du livre V de ce dernier en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Les 8°, 9° et 10° du I de l'article 33 visent à permettre d'étendre aux territoires d'Outre-mer certaines des dispositions pour lesquelles le Gouvernement sollicite d'être autorisé à légiférer par ordonnance.

Le 8° a pour objet de permettre d'opérer les adaptations nécessaires liées aux nouvelles dispositions issues de l'adoption des alinéas précédents dans l'ensemble des territoires ultra-marins, quel que soit leur degré d'autonomie.

S'agissant du 9°, les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que celles relatives au gel des avoirs ne s'appliquent pas pour l'instant aux îles de Wallis et Futuna. Le Gouvernement entend par cet article étendre à ces territoires ultramarins le dispositif législatif prévu en ce domaine.

Le 10° vise à permettre l'application aux territoires ultramarins ne faisant pas partie de l'Union européenne, correspondant à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre, du règlement UE n° 2015/847 du 20 mai 2015 relatif aux informations accompagnant les transferts de fonds. En effet, alors que sur le territoire métropolitain, le règlement, d'effet direct, ne nécessite que peu de modifications du droit national, il implique à l'inverse afin d'être appliqué sur ces territoires la modification de différentes dispositions du code monétaire et financier.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LA RÉDUCTION DU CHAMP DE L'HABILITATION

S'agissant de la directive anti-blanchiment et à l'initiative de notre collègue députée Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, d'adopter des « dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition de la directive ».

En effet, comme l'indique l'objet de l'amendement, « la notion de `dispositions plus strictes' étant particulièrement floue et pouvant recouvrir plusieurs modifications (accroissement des peines encourues, création de peines complémentaires, renforcement des dispositifs de contrôle, institution de nouvelles infractions, voire restriction des conditions de la surveillance des autorités), il semble délicat pour le Parlement d'accorder au Gouvernement une habilitation aussi large. »

B. DES PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES

Divers amendements rédactionnels ont été adoptés par l'Assemblée nationale, avec notamment la création d'un 8 bis au sein du I du présent article, relatif à l'application de certaines dispositions à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LES HABILITATIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME

1. Renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : une absolue nécessité

Le droit national est déjà majoritairement conforme aux dispositions de la 4 e directive, ainsi qu'aux recommandations du Gafi, la France ayant souvent adopté des dispositions plus contraignantes que celles exigées par le dispositif européen.

Il en est ainsi notamment en matière d'analyse des risques et d'autonomie et d'indépendance des cellules nationales de renseignement financier, dont fait partie la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin). En matière de sanctions, le droit français s'avère de même d'ores et déjà plus contraignant que l'harmonisation exigée par la Commission européenne.

Cependant, la transposition du paquet anti-blanchiment exige des modifications supplémentaires du droit national , dans un objectif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Ainsi, pour les obligations de vigilance renforcée sur les personnes particulièrement exposées, le droit national devra être modifié du fait de la nouvelle définition de ces dernières, incluant désormais les personnes résidant sur le territoire national.

Il conviendra de même de mettre en place un registre centralisé des bénéficiaires effectifs des personnes morales et des trusts. Son ouverture à un public large nécessite lui aussi une modification du droit national.

2. Une habilitation à légiférer par voie d'ordonnance large et peu renseignée

Votre rapporteur admet que l'adoption du paquet de lutte contre le blanchiment puisse justifier une habilitation à légiférer par ordonnance, à la condition que les mesures essentielles figurent bien dans le présent projet de loi et que seules les mesures les plus techniques soient prises par cette voie.

Il souhaite que les dispositions prises par habilitation prennent en compte les récentes orientations formulées par la Commission européenne dans son plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme 100 ( * ) .

Cependant, l'habilitation sollicitée prévoyait , au-delà de la stricte transposition de la directive, que le Gouvernement soit autorisé à adopter, le cas échéant, des « dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition de la directive, en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme . »

Cet alinéa, dont la rédaction apparaissait particulièrement vague , était susceptible de permettre au Gouvernement de procéder à des modifications substantielles du droit national sans véritable délibération.

Or une autorisation à légiférer par voie d'ordonnance ne saurait constituer un blanc-seing accordé au Gouvernement.

Dès lors, votre rapporteur vous propose de confirmer la position adoptée par l'Assemblée nationale consistant à supprimer la mention « des dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition de la directive », de manière à exclure une modification substantielle du droit national sans véritable discussion parlementaire.

Il regrette néanmoins que, même pour les dispositions ayant pour strict objet de transposer la directive, la nature des dispositions qui seraient prises soit très peu renseignée.

3. Les autres dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment

Concernant le souhait du Gouvernement d'être habilité à modifier le champ des personnes assujetties, il convient de préciser que le législateur national est d'ores et déjà allé au-delà du texte européen , notamment en considérant comme entités assujetties les personnes se livrant au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art (10° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier).

Il s'agit par ailleurs de l'un des objets de la directive, cette dernière, fixant en son article 4 précisément pour objectif aux États membres d'étendre la liste des personnes assujetties « aux professions ou catégories d'entreprises [...] qui exercent des activités particulièrement susceptibles d'être utilisées à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. » Au surplus, cette 4 e directive anti-blanchiment est d'harmonisation minimale.

Votre rapporteur souscrit donc à un élargissement de la liste des personnes assujetties tout en regrettant que les réflexions n'aient pas suffisamment abouti pour que le périmètre de cet élargissement soit défini dans le présent projet de loi.

S'agissant de la volonté du Gouvernement de permettre à la commission nationale des sanctions de demander la transmission d'information aux personnes mises en cause , alors que l'article R. 612-21 du code précité autorise l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à déterminer des dossiers types de demande comprenant notamment la liste, le format et les modalités de transmission des informations qui lui sont nécessaires à l'exercice de ses fonctions, aucune compétence en ce sens n'est à l'heure actuelle accordée à la commission nationale des sanctions pour l'exercice de ses missions. Pourtant, si le champ de contrôle de la commission des sanctions n'est pas le même que celui de l'Autorité de contrôle prudentiel, il semble justifié d'accorder cette même compétence aux deux entités.

Quant au fait de permettre à la personne mise en cause devant la commission de pouvoir être représentée à l'audience, l'article R. 561-48 du code précité prévoit que « la personne entendue - par la commission nationale des sanctions - peut se faire assister par son conseil » , sans l'autoriser à être représentée.

Ces modifications, dans l'intérêt d'une action à la fois efficace et conforme au respect du principe du contradictoire de la commission nationale des sanctions, semblent effectivement pertinentes, même si ces dispositions auraient également pu être prise dans le présent projet de loi et non sous forme d'habilitation.

B. LES DÉLAIS D'HABILITATION

Concernant les délais d'habilitation sollicités, votre rapporteur n'entend formuler aucune observation.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.


* 10 Rapport de Jean-Luc Martinez au Président de la République sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé, novembre 2015, p. 36.

* 11 Observatoire international du trafic illicite de biens culturels, « Contrer le trafic illicite des biens culturels : un défi pour la protection du patrimoine mondial », décembre 2015, p. vii.

* 12 Rapport du Groupe d'information financière (Gafi), «Financing of the terrorist organisation islamic state in Irak and the Levant (Isil), février 2015, p. 17 : « Although it might be impossible to show a direct link between the ISIL and the sale of a specific artefact, ISILmakes money in two ways from antiquities, both through selling looted artefacts and taxing traffickers moving items through ISIL-held territory ».

* 13 http://info.arte.tv/fr/du-moyen-orient-leurope-un-vaste-trafic-doeuvres-dart , article du 11 mars 2015.

* 14 Présentation des principaux dispositifs existants dans l'étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l'Union européenne, réalisée pour la Commission européenne par le Centre d'étude sur la coopération juridique internationale, octobre 2011, pp. 29-57.

* 15 Résolution 1483 (2003) adoptée par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies à sa 4761 e séance, le 22 mai 2003.

* 16 Résolution 2199 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies à sa 7379 e séance, le 12 février 2015.

* 17 Paragraphe 17 de la résolution 2199 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies à sa 7379 e séance, le 12 février 2015.

* 18 Règlement CE n° 1210-2003 pour l'Irak et règlement UE n° 36-2012 pour la Syrie.

* 19 « Personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art » selon l'article L. 561-2 du code monétaire et financier.

* 20 Article L. 561-15 du code monétaire et financier.

* 21 Rendu public sur le site commun aux ministères des finances et de l'économie, à l'adresse : http://www.economie.gouv.fr/lutte-contre-financement-terrorisme-bilan-des-mesures.

* 22 Syndicat national des Antiquaires et syndicat national du commerce de l'Antiquité, de l'Occasion et des Galeries d'art.

* 23 Amendement n° AC347 du Gouvernement.

* 24 Titre II du livre IV de la partie législative du code pénal.

* 25 Prévues aux titres XV « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme » et XXV « De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées » du livre IV du code de procédure pénale.

* 26 Article 706-17 du code de procédure pénale.

* 27 Article 706-88-1 du code de procédure pénale.

* 28 Article 706-25-1 du code de procédure pénale.

* 29 Amendement n° CL241 de Colette Capdevielle.

* 30 Amendement n° 205 et 91 de Patrick Hetzel et plusieurs de ses collègues.

* 31 Prévue à l'article 322-3-1 du code pénal.

* 32 Directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.

* 33 Groupe de travail « Monnaies virtuelles » piloté par Tracfin, Rapport relatif à l'encadrement des monnaies virtuelles, juin 2014, p. 3.

* 34 Banque de France, « Cartographie des moyens de paiement scripturaux : Bilan de la collecte 2015 (données 2014) », 2015, p. 6 et s.

* 35 Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.

* 36 Loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 37 Carl P. Mullan, The Digital Currency Challenge : Shaping Online Payment Systems through US Financial Regulations, New York: Palgrave Macmillan, 2014, p. 63 et s.

* 38 Commission européenne, Communication au Parlement européen et au Conseil relative à un plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, février 2016, p. 6.

* 39 Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

* 40 Commission européenne, Communication au Parlement européen et au Conseil relative à un plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, février 2016, p. 7.

* 41 Article 1 er du décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances.

* 42 Cf. Association française des établissements de paiement et de monnaie électronique (Afepame), Position concernant le décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances, 24 juillet 2015, p. 2.

* 43 Carl P. Mullan, The Digital Currency Challenge : Shaping Online Payment Systems through US Financial Regulations, New York: Palgrave Macmillan, 2014, p. 63 et s.

* 44 Commission européenne, Communication au Parlement européen et au Conseil relative à un plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, février 2016, p. 6.

* 45 Réponses au questionnaire de votre rapporteur.

* 46 Décret n° 2014-474 du 12 mai 2014 pris pour l'application de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et portant désignation des services spécialisés de renseignement, codifié à l'article D1122-8-1 du code de la défense.

* 47 Article L. 561-15 du code monétaire et financier.

* 48 Articles L. 561-5 et L. 561-6 du code monétaire et financier.

* 49 II de l'article L. 561-5 du code monétaire et financier.

* 50 Article L. 561-10 du code monétaire et financier.

* 51 Article L. 561-10-2 du code monétaire et financier.

* 52 Article L. 561-27 du code monétaire et financier.

* 53 Article L. 561-31 du code monétaire et financier.

* 54 Article L. 561-26 du code monétaire et financier.

* 55 Article L. 561-27 du code monétaire et financier.

* 56 Ouverte en 2013, cette possibilité a été utilisée à huit reprises en 2014.

* 57 Tracfin, Rapport annuel d'activité 2014.

* 58 http://www.economie.gouv.fr/files/appel_vigilance_ukraine.pdf

* 59 Réponses de Tracfin au questionnaire adressé par votre rapporteur.

* 60 Sont visés au 13° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier : les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires.

* 61 Sont visés les articles 222-34 à 222-41,321-1,321-2,321-3,324-1 et 324-2 du code pénal, ainsi que l'article 415 du code des douanes.

* 62 Aux termes de l'article 421-2-2 du code pénal, « constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte ».

* 63 Le II de l'article L. 561-26 du code monétaire et financier précise que, lorsque le droit de communication est exercé à l'égard d'un avocat, la demande doit être adressée au bâtonnier ou, le cas échéant, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de l'ordre auprès duquel ou il est inscrit.

* 64 Voir à cet égard le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi.

* 65 Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

* 66 Le statut de prestataire de services de paiement est défini à l'article L. 314-1 du code monétaire et financier. Il comprend les établissements de crédit (les établissements financiers traditionnels), les établissements de monnaie électronique, et les établissements de paiement.

* 67 Rapport d'information n° 767 (2013-2014) fait par Philippe Marini et François Marc au nom de la commission des finances, « La régulation à l'épreuve de l'innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies virtuelles », 23 juillet 2014.

* 68 Voir à ce sujet l'instruction fiscale du 11 juillet 2014.

* 69 ACPR, position 2014-P-01, 29 janvier 2014.

* 70 Décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 relatif au traitement d'antécédents judiciaires.

* 71 Article R. 40-24 du code de procédure pénale.

* 72 Article R. 40-26 du code de procédure pénale.

* 73 Voir le commentaire de l'article 14 du présent projet de loi pour une présentation détaillée du statut et des missions de Tracfin.

* 74 Article L. 234-2 du code monétaire et financier.

* 75 Article 20 de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, codifié à l'article L. 234-4 du code de la sécurité intérieure.

* 76 Codifié à l'article R. 234-3 du code de procédure pénale.

* 77 En 10 ans, le nombre d'informations reçues par Tracfin a été multiplié par trois, tandis que le nombre de transmissions à l'autorité judiciaire et aux administrations a quadruplé.

* 78 Automatic search facility - stolen and lost travel documents.

* 79 Article 4 de l'arrêté du 17 mars 2014 portant autorisation à titre expérimental d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Fichier des objets et des véhicules signalés » (FOVeS).

* 80 Seul le délit douanier de blanchiment est un délit de deuxième classe. Les délits de première classe, moins graves, sont définis par l'article 414 du code des douanes et correspondent au délit de contrebande, et notamment le trafic d'armes, de tabacs ou d'alcools, de marchandises dangereuses etc. Ils sont passibles de trois ans d'emprisonnement, d'une peine de confiscation et d'une amende égale à deux fois la valeur de l'objet de la fraude. Les délits douaniers de première et deuxième classe relèvent du tribunal correctionnel.

* 81 Sur le manquement à l'obligation déclarative, voir le commentaire de l'article 16 quinquies du présent projet de loi.

* 82 D'après l'article 323 du code des douanes, « les infractions aux lois et règlements douaniers peuvent être constatées par un agent des douanes ou de toute autre administration ».

* 83 Conseil constitutionnel, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, considérant n° 17, sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

* 84 Conseil d'État, avis n° 391004 sur un projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, séance du 28 janvier 2016.

* 85 Chambre criminelle de la Cour de cassation, arrêt QPC du 9 décembre 2015, n° 15-90.019.

* 86 Ce service à compétence nationale (SCN) créé en 2007 est rattaché au ministère de l'économie et des finances et réalise des analyses et expertises à la demande de la DGDDI et de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Onze laboratoires sont répartis sur le territoire.

* 87 Dans le cadre d'un manquement à l'obligation déclarative (MOD) : voir à ce sujet les articles 16 quater et 16 quinquies nouveaux du présent projet de loi.

* 88 Par exemple, il existait jusqu'en septembre 2013, date de sa fermeture par le Gouvernement américains, un marché virtuel ( The Silk Road ) où les vendeurs commercialisaient ouvertement - et anonymement - des produits stupéfiants comme la cocaïne, le LSD, les amphétamines etc. Les achats étaient réglés en bitcoins , une monnaie virtuelle et décentralisée qui peut être convertie en devises ayant cours légal. Le site a généré entre janvier 2011 et septembre 2013 un chiffre d'affaires de 1,2 milliard de dollars, dont 80 millions de dollars de commissions.

* 89 Rapport n° 93 (2013-2014) fait par Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier au nom de la commission des finances, « Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée » , 23 octobre 2013.

* 90 Voir à cet égard le rapport n° 93 (2013-2014) du 23 octobre 2013 précité.

* 91 Article 108 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite loi LOPPSI).

* 92 Rapport n° 93 (2013-2014) du 23 octobre 2013 précité.

* 93 Créé par l'article 19 de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

* 94 Déclaration en ligne d'argent liquide.

* 95 Rapport n° 93 (2013-2014) fait par Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier au nom de la commission des finances, « Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée », 23 octobre 2013.

* 96 Il est précisé que cette amende, lorsqu'elle est appliquée, est exclusive de la majoration de 40 % prévue par l'article 1758 du code général des impôts, qui correspond au droit commun du défaut de déclaration des revenus.

* 97 Directive 2015/849/UE du Parlement et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

* 98 Voir le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi pour une présentation détaillée des conditions à remplir pour bénéficier de l'exemption.

* 99 Règlement (UE) n° 2015/847 du Parlement européen et du Conseil, relatif à l'information accompagnant les transferts de fonds.

* 100 Commission européenne, Plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme COM (2016) 50 final, 2 février 2016.

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