III. À PARTIR DE 2017, L'ÉLARGISSEMENT DE L'ASSIETTE AUX ÉNERGIES CARBONÉES LAISSE PENDANTE LA QUESTION DE LA COMPENSATION PAR LA BAISSE D'AUTRES PRÉLÈVEMENTS
A. LA HAUSSE DE LA COMPOSANTE CARBONE : UNE ÉVOLUTION CONFORME À LA TRAJECTOIRE INTRODUITE PAR LE SÉNAT
1. Une stabilisation de la fiscalité sur l'électricité actée en 2017 mais des besoins futurs de financement à couvrir
Compte tenu du poids croissant de la fiscalité sur la facture électrique - qui représente déjà, toutes taxes et contributions comprises 38 ( * ) , plus du tiers de la facture d'un client résidentiel moyen (les coûts d'acheminement comptant pour moins d'un tiers et le restant correspondant aux consommations) -, la poursuite de la trajectoire actuelle de hausse de la CSPE , même plafonnée à 3 euros par MWh et par an, paraît difficilement soutenable à court et moyen terme.
Aussi le Gouvernement a-t-il décidé que « la fiscalité électrique sera stabilisée pour l'avenir » 39 ( * ) , cet engagement étant matérialisé par le maintien, en 2017, du taux de la nouvelle CSPE à son niveau de 2016, soit 22,5 euros par MWh .
Dans le même temps, les charges à financer resteront cependant particulièrement dynamiques . Selon les projections de la CRE 40 ( * ) , leur montant cumulé sur la période 2014-2025 atteindrait près de 100 milliards d'euros (contre environ 30 milliards d'euros entre 2002 et 2013) parmi lesquels le poids du passé resterait prépondérant , 60 % de ce montant étant dû au parc de production d'électricité renouvelable déjà en service fin 2013 41 ( * ) . La CRE précise par ailleurs que « les charges liées à la construction de nouvelles installations résultent en grande partie de la mise en service des parcs éoliens en mer lauréats des deux derniers appels d'offres, qui devraient représenter 10 milliards d'euros de charges cumulées jusqu'en 2025 » tandis que « la construction de nouveaux moyens de production dans les zones non interconnectées (DOM, Corse, etc.) devrait quant à elle conduire à un montant total de charges de 6,8 milliards d'euros ».
Dès lors, la perspective d'un élargissement de l'assiette du financement des charges de service public et du soutien aux énergies renouvelables, envisagée depuis plusieurs années, ne peut désormais plus être repoussée .
2. La hausse de la composante carbone : une affectation au financement de la décarbonation de l'économie légitime sur le principe et une évolution conforme à la trajectoire votée par le Sénat
Pour couvrir « la dynamique des dépenses de service public de l'électricité », le Gouvernement entend « [mobiliser] pour partie le rendement associé la CCE » 42 ( * ) , c'est-à-dire la « contribution climat-énergie », soit la part variable des taxes intérieures de consommation assise sur le contenu en carbone des énergies fossiles, plus souvent qualifiée de « part carbone » ou de « composante carbone ».
Sur le plan des principes, deux thèses s'affrontent sur la légitimité d'un tel élargissement de l'assiette du financement des énergies renouvelables électriques : la première voudrait que chaque énergie finance ses propres énergies renouvelables , comme c'était le cas jusqu'à présent, quand la seconde objecte qu' au regard du taux de pénétration plus important des énergies renouvelables électriques, il est logique que les autres énergies contribuent à les financer .
Or, au-delà même du fait qu'il semble difficile d'augmenter encore la fiscalité sur l'électricité, votre rapporteur pour avis observe que la situation actuelle fait paradoxalement peser l'essentiel du poids du soutien aux énergies renouvelables sur le vecteur énergétique qui est déjà le moins carboné grâce, avant tout, au nucléaire et à l'hydraulique . Dès lors, il lui apparaît légitime que les énergies carbonées contribuent à la décarbonation de l'économie .
En pratique, le présent projet de loi prévoit une augmentation tarifaire générale des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles - taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, l'ancienne taxe intérieure sur les produits pétroliers - la TIPP), TICGN et taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) - sur la base d'une valeur théorique de la tonne de carbone de 30,5 euros en 2017 .
Ce relèvement est par ailleurs conforme à l'objectif introduit, à l'initiative du Sénat 43 ( * ) , dans la loi « Transition énergétique » 44 ( * ) , d' atteindre , pour le calcul des tarifs des taxes intérieures de consommation, une cible de valeur de la tonne carbone à 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030 .
La définition d'une telle trajectoire répond en effet à un double objectif : valoriser le carbone à la hauteur de ses coûts réels pour l'environnement et donner aux acteurs économiques une visibilité suffisante pour guider leurs investissements sur le long terme.
Jusqu'à présent, l'évolution de la CCE n'est fixée par la loi de finances pour 2014 45 ( * ) que jusqu'en 2016 , sur la base de 7 euros la tonne de carbone en 2014, 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016. Pour atteindre 56 euros la tonne en 2020 puis 100 euros en 2030, une progression linéaire des tarifs suppose donc de relever la valeur de la tonne de 8,5 euros par an jusqu'en 2020, ce à quoi le présent texte procède pour 2017, puis de 4,4 euros par an à partir de 2021. Le rendement attendu en 2017 devrait être d'environ 1,9 milliard d'euros .
Il reste qu'en dépit de l'intention exprimée par le Gouvernement de « flécher » une part de ce produit vers le financement de la transition énergétique, aucune précision sur le montant de cette part ni sur ses modalités d'affectation ne figurait dans le texte initial du projet de loi. Adopté contre l'avis du Gouvernement, qui le jugeait prématuré au vu des incertitudes sur le niveau des charges à couvrir et en tous les cas nettement insuffisant dans son montant, un amendement porté notamment par la rapporteure générale de l'Assemblée nationale prévoit désormais d' affecter au CAS « Transition énergétique », à compter de 2017, la totalité de la TICC et une fraction de 1,2 % de la TICPE, soit environ 160 millions d'euros de recettes supplémentaires .
Afin de s'assurer que les énergies carbonées contribueront bien, dès 2017, au financement du CAS à la hauteur des charges prévisionnelles, votre rapporteur pour avis juge par conséquent nécessaire de relever la part des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles affectée au CAS .
Enfin, on signalera que l'Assemblée nationale a adopté un amendement 46 ( * ) complétant la trajectoire figurant dans la loi « Transition énergétique » pour préciser les valeurs de la tonne de carbone visées en 2018 et 2019 sur la base d'une progression linéaire (soit respectivement 39 et 47,5 euros) mais qui n'a cependant aucune incidence budgétaire puisque les tarifs devront être fixés en loi de finances.
* 38 Soit outre la CSPE, les taxes locales - départementale et communale - sur la consommation finale d'électricité, la contribution au tarif d'acheminement (CTA) qui finance le régime de retraite des industries électriques et gazières (IEG) et enfin la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au taux réduit sur la partie abonnement et au taux plein sur les consommations et les autres taxes.
* 39 Exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
* 40 Rapport sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE) : mécanisme, historique et prospective, Commission de régulation de l'énergie, octobre 2014.
* 41 Dont 25 milliards d'euros pour le seul parc photovoltaïque.
* 42 Exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
* 43 Amendements présentés par les groupes UDI-UC et écologiste en première et en nouvelle lecture ayant reçu, sur proposition du rapporteur, un avis favorable de la commission des affaires économiques.
* 44 Art. 1 er , VIII de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 précitée.
* 45 Art. 32 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.
* 46 Art. 11 ter du projet de loi de finances rectificative pour 2015.