B. UN NIVEAU D'ACTIVITÉ PLUS IMPORTANT DEPUIS 2010
1. Une activité accrue en raison de la QPC
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 4 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte à ses droits et libertés. Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 31 octobre 2015 , 435 décisions issues d'une question prioritaire de constitutionnalité ont été rendues , soit cinq fois plus que les décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil sur la même période. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure, et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil rend depuis quatre ans entre 60 et 80 décisions de ce type chaque année. Ce nombre élevé et stabilisé de décisions a pu être rendu dans des conditions satisfaisantes, en moyenne dans un délai de deux mois , dans le respect du délai de trois mois fixé par la loi organique précitée. Ce délai ne peut être tenu que parce qu'un certain nombre de règles sont scrupuleusement respectées : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc. Votre rapporteur précise que, toujours au cours de la période précitée (28 mai 2010 au 31 octobre 2015), sur 2 554 QPC soulevées devant les juridictions, 515 ont été renvoyées au Conseil, soit un peu plus de 20 % . Les 2 039 questions soulevées qui n'ont pas été transmises se répartissaient entre la Cour de Cassation (1 339) et le Conseil d'État (700).
Le Président Jean-Louis Debré, avec lequel votre rapporteur s'est entretenu, a souligné que ce rythme élevé ne devrait pas ralentir dans les années à venir, au regard de ce que les cours constitutionnelles ont connu dans d'autres États. Il faut toutefois noter qu'au 31 octobre dernier, le stock de QPC en cours de traitement par le Conseil n'était plus que de 21.
Il faut préciser que le nombre important de décisions rendues n'a pas entraîné d'insécurité juridique particulière, d'une part parce que le nombre de décisions de non-conformité demeure limité, d'autre part parce que le Conseil a fait application, pour 40 d'entre elles au 31 octobre 2015, de la faculté de moduler dans le temps les effets de sa décision afin de donner au législateur le temps de légiférer de nouveau.
En effet, conformément à l'article 62 de la Constitution, « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »
Le tableau suivant récapitule la proportion par sort des décisions QPC entre le 28 mai 2010 et le 31 octobre 2015 :
Sort des différentes QPC |
Part des QPC concernées |
Décision de conformité à la Constitution |
54,5 % |
Conformité avec réserve |
12 % |
Non-conformité totale |
18,6 % |
Non-conformité partielle |
9,1 % |
Non lieux |
4,5 % |
Autres décisions (rectification) |
1,3 % |
2. Une activité de juge électoral en 2015 principalement liée au contrôle des élections sénatoriales de 2014
S'agissant des élections sénatoriales, le Conseil constitutionnel a examiné 17 protestations formées par des candidats ou électeurs dirigées contre l'élection de sénateurs élus le 28 septembre 2014 dans quinze départements différents (pour mémoire, le Conseil n'avait été saisi que de six protestations lors des élections sénatoriales de septembre 2011).
En application de l'article 38 alinéa 2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel a rejeté quinze des dix-sept protestations, dont trois requêtes qui ont été rejetées sans instruction contradictoire préalable.
Le Conseil a annulé les opérations électorales qui s'étaient déroulées en Polynésie Française et a, pour la première fois, réformé la proclamation du résultat d'une élection, dans le Vaucluse. Par ailleurs, l'une de ces requêtes a été l'occasion d'examiner une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L.O 135 du code électoral.
Sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), le Conseil a rendu 27 décisions sur la situation de candidats aux élections sénatoriales dont le compte de campagne avait été rejeté. Il a prononcé une inéligibilité dans vingt cas. Quatre de ces déclarations d'inéligibilité portaient sur des candidats élus sénateurs qui ont été en conséquence démis d'office de leur mandat. À l'inverse, dans un autre cas, tout en confirmant le rejet du compte de campagne du sénateur élu, le Conseil ne l'a pas déclaré inéligible dès lors que le total des dépenses qu'il avait réglé directement était négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées.
À ce jour, une saisine de la CNCCFP et une protestation restent en cours d'instruction par le Conseil, portant sur des élections sénatoriales partielles qui se sont tenues en 2015, de même qu'une saisine de la CNCCFP concernant un candidat non élu à Wallis-et-Futuna.
Par ailleurs, concernant des élections législatives partielles, le Conseil constitutionnel a rendu quatre décisions de rejet depuis le 1 er janvier 2015, dont deux ont été rendues sans instruction préalable contradictoire.
Trois dossiers restent à ce jour en cours d'instruction par le Conseil. Ils sont relatifs à des saisines de la CNCCFP sur la situation de candidats à une élection législative partielle dans le Doubs le 8 février 2015.
* 4 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »