C. L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ : UN OPÉRATEUR SOUS FORTE TENSION

Instituée par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s'est substituée le 1 er mai 2012 à l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) à la suite de la crise du « Médiator ». Sa mission est d'assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et de garantir à tous les patients un accès équitable à l'innovation. Elle dispose pour ce faire d'un pouvoir de police sanitaire et prend chaque année plus de 80 000 décisions.

Depuis 2012, les ressources de l'agence sont principalement constituées d'une subvention de l'État, qui représente à elle seule 40 % du montant total des subventions allouées sur la mission « Santé ». Ses autres ressources sont constituées de produits provenant de l'agence européenne du médicament (EMA), de l'OMS, du Conseil de l'Europe ainsi que de conventions d'études et de recherche. Le mode de financement qui prévalait antérieurement, reposant sur des taxes affectées, a été supprimé afin de renforcer l'indépendance de l'opérateur par rapport à l'industrie pharmaceutique.

Particulièrement exposée compte tenu de l'importance de ses responsabilités, l'ANSM doit aujourd'hui tout à la fois assumer de nouvelles missions, se moderniser et réaliser des efforts de productivité, ce qui en fait un opérateur sous forte tension. L'agence rencontre en effet des difficultés d'organisation et de fonctionnement que plusieurs évaluations récentes ont permis de mettre en évidence.

Tant la Cour des comptes en 2014 3 ( * ) que l'Igas en 2015 4 ( * ) constatent en effet que les missions de l'ANSM n'ont cessé de s'étendre sans que la question de l'adéquation des moyens aux objectifs poursuivis n'ait reçu de réponse. En particulier, malgré l'engagement dont font preuve ses personnels, l'agence n'est pas en mesure de résorber les retards significatifs apparus dans le traitement des signalements et des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM).

A l'échelle européenne, l'ANSM a subi ces dernières années une perte d'influence indéniable, qui se manifeste par le recul sensible du nombre de dossiers considérés comme stratégiques traités par la France au sein des instances européennes.

Il semble par ailleurs que la généralisation des règles déontologiques formalisées à la suite de la crise du « Médiator » ne soit pas tout à fait achevée, faute de temps et d'outils adaptés.

L'agence est enfin appelée à poursuivre la remise à niveau de ses outils de gestion et de ses systèmes d'information afin de sécuriser les procédures et de gagner en productivité.

Auditionnée par votre rapporteure, la direction de l'ANSM partage les principaux constats établis dans le cadre de ces évaluations. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (Cop) signé le 17 juillet dernier pour les années 2015 à 2018 tente d'y répondre en recentrant l'activité de l'opérateur sur la mission de surveillance du marché et la poursuite de la recherche d'une meilleure efficience.

Le Cop érige en effet la surveillance du marché au rang de première priorité, après l'innovation. Afin de renforcer les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), des conventions triennales pour 2016-2018 devraient prochainement être conclues avec l'agence, les ARS et les CHU, fixant les objectifs poursuivis par ces centres et les indicateurs utilisés.

La mise en place d'un échelon régional en « matério-réacto-vigilance » a par ailleurs été expérimentée à partir de 2015 dans deux régions pilotes, une généralisation étant prévue pour la fin 2016.

S'agissant de l'activité européenne, des indicateurs sont mis en place pour renforcer la contribution de l'agence aux travaux de l'Union européenne et accroître l'attractivité de la France en matière d'essais cliniques et de mise à disposition précoce des produits de santé. Seront ainsi suivis le taux de dossiers à enjeux majeurs (notamment les rapports périodiques actualisés de pharmacovigilance) où l'avis de la France aura été partiellement ou totalement suivi et le nombre de procédures centralisées attribuées à la France en tant que rapporteur ou co-rapporteur.

Pour poursuivre la modernisation de ses outils, il est prévu que l'agence s'approprie le système d'information financier unique dit « Sifas » qui sera mis en place pour la future agence nationale de santé publique et qui sera également partagé avec l'Inca.

Synthèse du contrat d'objectifs et de performance
de l'ANSM pour 2015-2018

Il est construit autour de quatre orientations stratégiques, douze objectifs à atteindre à travers 22 actions à mettre en place et 28 indicateurs permettant de les évaluer.

Orientation stratégique n° 1 : garantir un haut niveau de sécurité sanitaire des produits de santé tout au long de leur cycle de vie

- Renforcer les organisations et développer les méthodes appropriées pour assurer l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation des produits de santé en vie réelle ;

- Développer une stratégie de sécurité sanitaire qui prenne en compte notamment les actions et les positions des autres Etats membres et le dialogue avec les partenaires institutionnels ;

- Développer la capacité de prévention des risques et menaces, la réactivité face aux urgences et l'efficience dans la gestion des crises.

Orientation stratégique n° 2 : favoriser un accès rapide, encadré et large à l'ensemble des produits de santé

- Accélérer l'accès précoce aux produits de santé innovants ;

- Renforcer l'efficience des processus d'évaluation des produits de santé innovants ;

- Assurer l'évaluation des produits de santé dans les délais impartis.

Orientation stratégique n° 3 : consolider les liens de l'ANSM avec les parties prenantes et améliorer leurs implications

- Renforcer la transparence et la traçabilité des procédures décisionnelles ;

- Assurer l'implication adéquate des parties prenantes aux travaux de l'agence et leur information.

Orientation stratégique n° 4 : renforcer l'efficience de l'ANSM et poursuivre sa modernisation

- Assurer la mise en oeuvre d'un système d'information conforme aux besoins prioritaires de l'ANSM ;

- Renforcer l'expertise interne en assurant la montée en compétences des personnels ;

- Achever la réorganisation de l'agence et rendre son organisation pérenne ;

- Améliorer en continu la maîtrise des risques encourus par l'ANSM.

Un comité de suivi est chargé de réaliser une évaluation annuelle de la mise en oeuvre du Cop. Un bilan final sera effectué en 2018.

Pour 2016, la subvention allouée à l'ANSM est fixée à 116,7 millions d'euros, ce qui représente une baisse de plus de 9 % par rapport à 2013 et de 2,3 % par rapport à 2015.

Le dernier budget de l'Afssaps prévoyait un plafond d'emplois de 978 ETP pour l'exercice 2011, porté à 1 003 ETP en 2012 dans le cadre du plan de renforcement ayant accompagné la création de l'ANSM. Le plafond d'emplois a ensuite été maintenu à 1 003 ETP en 2013 et 2014, puis réduit de 20 ETP pour être ramené à 983 en 2015. Pour 2016, la baisse atteindrait 13 ETP, les 6 postes hors plafond étant maintenus.

Figure n° 8 : Evolution des emplois de l'ANSM depuis 2010 (en ETP)

Afsspas

ANSM

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sous plafond

991

978

1003

1003

1003

983

970

Hors plafond

14,5

16

16

6

6

6

6

Total

1005,5

994

1019

1009

1009

989

976

Variation

+ 25

- 10

0

- 20

- 13

Source : ANSM

La baisse importante de la subvention de l'État s'est conjuguée avec l'extinction des ressources propres de l'agence fin 2014, entraînant une diminution des recettes globales de l'agence. Pour ne pas mettre en danger son équilibre financier, l'agence a réalisé des efforts d'économies et effectué des prélèvements sur son fonds de roulement.

Le niveau du fonds de roulement devrait être ramené de 45 millions d'euros en 2012 à 17 millions l'année prochaine. Fin 2015, son niveau est estimé à 25 millions d'euros, ce qui correspond à 2,5 mois d'activité. Le contrat d'objectifs et de performance 2015-2018 fixe le niveau plancher à 2 mois en 2016 et 1,8 mois en 2018.

Figure n° 9 : Evolution du niveau du fonds de roulement de l'ANSM depuis 2011

(en millions d'euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Niveau

28,55

44,62

42,6

32,31

27,1

17,1

Source : ANSM

Compte tenu des défis considérables auxquels est confrontée l'ANSM, il convient de veiller à ce que l'évolution de ses moyens tienne compte de sa capacité d'adaptation. C'est pourquoi, votre rapporteure estime que les moyens de l'agence doivent pouvoir être stabilisés à compter de 2017.


* 3 Cour des comptes, sixième chambre, observations définitives sur la mise en place de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), novembre 2014.

* 4 Inspection générale des affaires sociales, Audit d'organisation de l'ANSM, février 2015.

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