III. DES COMPTES SOCIAUX À L'ÉQUILIBRE EN 2016 ?
A. UNE PRÉVISION DE SOLDE POSITIF DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LEUR ENSEMBLE
En 2016, le Gouvernement prévoit un retour à l'équilibre des comptes des administrations de sécurité sociale (+ 1,3 milliard d'euros) . Cette évolution serait permise, principalement, par le fait que ces dernières porteraient la part la plus importante de l'effort consenti en dépenses au cours de l'exercice à venir - devant réaliser 7,4 milliards d'euros d'économies sur un total de 16 milliards d'euros .
Tout d'abord, 3,4 milliards d'euros d'économies seraient réalisées dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) . À cette fin, le taux de croissance de ce dernier serait ramené à 1,75 % en 2016, après 2 % en 2015.
Alors que l'évolution tendancielle de ces dépenses est estimée à + 3,6 % en 2016, l'atteinte de l'ONDAM implique la réalisation de 3,4 milliards d'euros d'économies . Si ce montant paraît ambitieux, il comprend des mesures qui ne constituent pas, à proprement parler, des économies . En effet, la baisse des dépenses de l'ONDAM intègrerait, à hauteur de 270 millions d'euros, les effets d'une baisse du taux des cotisations d'assurance maladie des personnels de santé exerçant en ville, de 9,81 %, dont 9,7 % à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), à 6,5 % ; il en résulterait une réduction simultanée des recettes de la CNAMTS et des dépenses de l'ONDAM. Aussi, cette mesure mise à part, les économies à réaliser en 2016 s'élèveraient à 3,1 milliards d'euros , soit un montant inférieur à celui prévu en 2014 pour 2015 (3,2 milliards d'euros). Les économies devant porter sur les dépenses relevant du champ de l'ONDAM sont détaillées infra .
Le 20 octobre dernier 10 ( * ) , devant l'Assemblée nationale, le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, a précisé les économies venant s'ajouter à celles réalisées dans le champ de l'ONDAM. Ainsi, parmi les 4 milliards d'euros d'économies « restants » figureraient, tout d'abord, 1 milliard d'euros de moindres dépenses provenant de mesures d'ores et déjà décidées et, en particulier, de la montée en charge de la réforme de la politique familiale , qui intègre la modulation des allocations familiales votée à l'automne dernier, et de la réforme des retraites de janvier 2014, comprenant la modification du régime du cumul emploi-retraite et le décalage de la date de revalorisation des pensions du 1 er avril au 1 er octobre.
Les autres mesures, portant sur 3 milliards d'euros d'économies, ont été détaillées par le ministre : « 500 millions sur les dépenses de gestion des organismes de protection sociale, 500 millions au titre de la réforme des modalités de revalorisation des pensions, déjà évoquée, 300 millions liés aux mesures de lutte contre la fraude et au ralentissement des dépenses d'action sanitaire et sociale des organismes, 1 milliard d'économies attendues à la suite de la négociation entre les partenaires sociaux au titre de la réforme des retraites complémentaires. À cet égard, et sous réserve des conclusions à venir, les grandes lignes de l'accord qui s'est esquissé en fin de semaine dernière devraient conduire à un résultat très proche de notre prévision. S'y ajoutent enfin 800 millions de nouvelles économies dans le champ de l'assurance chômage. C'est ce qui reste à confirmer en fonction de l'évolution de la négociation » 11 ( * ) .
Concernant l'assurance chômage, l'Unédic a estimé son déficit à 3,6 milliards d'euros en 2016 , contre 4,4 milliards d'euros en 2015. Cette prévision a été réalisée à réglementation constante - en dépit du fait que la convention d'assurance chômage du 14 mai 2014 arrive à échéance le 30 juin 2016 -, en écartant les possibles impacts financiers de la décision du Conseil d'État du 5 octobre 2015 relative à cette dernière convention 12 ( * ) , et compte tenu de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Ce recul du déficit de l'assurance chômage résulterait du ralentissement des dépenses d'allocations (+ 0,4 % en 2016, contre + 1,6 % en 2015), dans un contexte de baisse du chômage, et de rebond des recettes (+ 2 %) , en raison de l'accélération de la masse salariale.
Le dynamisme de la masse salariale bénéficierait également à l'ensemble des organismes de sécurité sociale , l'essentiel de leurs ressources étant assis sur cette dernière. Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015 prévoit notamment une progression de 3 % des cotisations effectives perçues par les régimes de base (contre 1,2 % en 2015) et de 1,2 % de la contribution sociale généralisée (CGS), après 0,8 % - ce qui permettrait un accroissement des recettes de ces régimes de 2 %, après + 1,0 % en 2015 .
Cependant, alors que le Gouvernement table sur une progression de la masse salariale totale de 2,8 % en 2016, il convient de relever que, dans son avis du 5 septembre dernier, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que « la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales » - dans un contexte où le chômage reste élevé et l'inflation faible.
Quand bien même la prévision d'évolution de masse salariale se réaliserait, les recettes sociales ne progresseraient que de 1,8 % en 2016 , du fait de la mise en oeuvre du Pacte de responsabilité, qui comprend un nouvel allègement de cotisations sociales, d'un montant de 3,1 milliards d'euros, et de la C3S, pour 1 milliard d'euros. Néanmoins, ces allègements seraient compensés aux administrations de sécurité sociale par la réduction du périmètre de leurs dépenses , les allocations de logement familiales étant transférées à l'État, pour un montant de 4,7 milliards d'euros.
Au total, le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) prises dans leur ensemble redeviendrait positif en 2016, revenant à 0,1 % du PIB (1,3 milliard d'euros), contre - 0,3 % du PIB en 2015 (- 6,2 milliards d'euros), expliquant le recul de la part de la dette sociale dans la richesse nationale (cf. infra ). Cette situation résulterait essentiellement de ce que les ressources de la CADES seraient significativement supérieures à ses dépenses , même si l'ensemble des sous-catégories des administrations de sécurité sociale verraient leur déficit reculer, et notamment les organismes relevant du champ des lois de financement de la sécurité sociale.
* 10 Compte rendu intégral de la première séance de l'Assemblée nationale du mardi 20 octobre 2015.
* 11 Ibid.
* 12 Dans sa décision du 5 octobre 2015, le Conseil d'État a partiellement annulé l'arrêté du 25 juin 2014 rendant obligatoire la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, jugeant illégal le dispositif de « différé d'indemnisation ». Toutefois, pour garantir la continuité du système de l'assurance chômage, la haute juridiction a reporté les effets de cette annulation au 1 er mars 2016, sauf en ce qui concerne la récupération des prestations versées à tort et des obligations déclaratives des assurés.